Lettre au père Noël – Marc Goldstein – 23/12/07

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Posted on 25th février 2010 by Pascal in Textes

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Cher père Noël,

Je t’écris du café des Phares. On a parlé de toi, entre autres. C’était ennuyeux à mourir.

Alors voilà, je me suis demandé : c’est quoi Noël, pour toi, Marc ? Et me revoilà à 6 ans. J’ai 6 ans. J’ai 6 ans ici et maintenant, aux Phares. Autour de moi, des vieux parlent de Noël. Ils disent que c’est fait pour les enfants. Je ne comprends pas tout ce qu’ils racontent, mais ça a l’air triste quand ils en parlent. Même de toi, père Noël, ils ont parlé. Ils disent que t’existes pas. Qu’en savent-ils ? Je les comprends pas, les vieux.

Ah oui, mon cadeau ! je t’écris pour ça. Je voudrais un cadeau fait de rayons de lune, un cadeau qui brille la nuit, mais doucement, que ça fasse pas mal aux yeux. C’est tout. J’ai pas d’autres idées. Ah, si ! J’ai un autre cadeau pour quand je serai grand, celui-là. Je peux commander à l’avance, dis, père Noël, s’il te plaît ? Je voudrais commander un truc pour quand je serai vieux moi aussi.

Voilà, ce serait un endroit où on pourrait prendre un café et discuter en même temps. Un endroit où les gens ne se connaîtraient pas, mais où ils seraient contents de se retrouver pour partager et parler. Mais pas pour parler dans le vent, non. Pour parler de philosophie. Mieux, pour philosopher. Pour parler de leur vécu, du sens de leur vie, de la façon dont ils la mènent, et pourquoi c’est si difficile. Bref, pour communiquer vraiment.

Ça ressemblerait un peu à ici, mais avec des vrais mots, des mots qui font mal, des mots qui engagent, des mots qui feraient vibrer. Je ne sais pas si je suis clair, père Noël. Tu vas me dire : « Mais Marc, cet endroit, c’est celui où tu te trouves, c’est le café-philo des Phares. » Alors père Noël, pourquoi ai-je le sentiment que les mots gâchent tout, qu’ils sont plus forts que les idées, qu’ils ne viennent pas de ceux qui les disent, qu’ils trahissent ou dépossèdent les personnes qui les prononcent ?

Tu ne me répondras pas. Tu t’en fiches de ça, toi. Tu distribues bêtement tes cadeaux, en sachant qu’il n’y en aura pas pour tout le monde. Père Noël, aimes-tu la philosophie, toi ? Moi, je l’aime, et c’est pour ça que je la recherche, et c’est pour ça que je suis triste quand je ne la trouve pas.

Marc Goldstein