Ayant, à l’approche des événements les plus emblématiques de l’année, noyé dans l’alcool mes inquiétudes métaphysiques, bravant l’inclémence du ciel, je me suis rendu le 19 Décembre au Café des Phares où, sous la houlette de Daniel Ramirez, l’on se demandait : « Dieu est-il soluble dans l’univers ? », comme si l’univers était de l’eau bénite ou un solvant capable de se charger d’autres substances plus subtiles, en l’occurrence Dieu.
Ceux qui ont fait de la chimie connaissent la procédure, c’est-à-dire, qu’une fois la tâche achevée, les solvants sont incinérés ou recyclés, à moins de s’évaporer tout simplement restituant les matières inaltérées, le retour du divin dans notre cas. Or, si l’on est dans la négation d’un Créateur, il est absurde de vouloir juger de ses qualités par celle des créatures et, dans cet ordre d’idées, parler de « concept » à son propos revient à la formulation d’un discours qui se charge d’un sens où quelque chose est révélé, certes, mais c’est le vide.
L’agnostique étant le plus fervent des croyants, comme si l’on avait pété le joint de culasse de l’entendement, à force de « Constantes de Planck », de « Quanta » ou de « Relativité Générale » due à Einstein, nous avançâmes de tautologies en lapalissades, d’apories en contradictions, suivant un raisonnement indéterminé fait de la simple répétition des mêmes propositions jusqu’au néant, de mode à aliéner tout jugement, attitude présomptueuse de celui qui croit pouvoir décrypter le discours cosmique, un langage distinct du nôtre, ou la grammaire de l’Auteur qui se garde bien de se saborder dans son œuvre : « aion », l’acte pur de l’être, l’éternité ou le temps substance, la durée sans détermination chronologique, dont un dérivé est « aidios », l’éternel, la force vitale sans restriction, selon Benveniste.
Ainsi, qu’il s’agisse d’« Elohim », « Dieu » ou « Allah », les trois religions monothéistes dites du Livre donnèrent lieu à des obédiences diverses dans un système immanent de croyances, accordant un nom à cet innomé qui, bénéficiant de tous les attributs magnifiants : puissance, omniscience, éternité, bonté, désigne l’Etre transcendant créateur « ex nihilo » de l’univers et de l’existence des Hommes, la Théologie (qui se distingue de la Philosophie par la singularité de sa gymnastique dialectique) interprétant de manière rationnelle leurs rapports à la Foi, à la Révélation et aux Dogmes élaborés par les Eglises en rapport avec l’Ecriture, la Tradition, la Grâce, l’Eschatologie et la Raison, sans la prétention de décrire la structure physique de l’univers ou de s’y insérer, sauf à appeler au respect de la Création.
En ce qui me concerne, je me suis dit que si Dieu était dissous dans l’univers, il n’y avait plus personne là haut et, m’accrochant à quelque chose prélevé dans le « Livre de l’Intranquillité » de Bernardo Soares (Fernando Pessoa) : « Il y en a qui trahissent leurs rêves, d’autres n’ont pas de rêves et les trahissent tout autant », certain que sans rêver un monde meilleur on ne peut pas révéler celui-ci, fini le débat, je me suis accoudé au bar décidé à me charger de la prochaine tournée, fut-elle un déluge, lorsque, verre à la main, un retardataire retenu par l’abondante neige, s’adressa à un autre consommateur déjà assez imbibé, lui lançant :
- Dis, donc ! Qu’est-ce qu’ils racontaient ? Dieu s’est-il dissous dans l’univers ?
- Penses-tu ! Il l’a ingurgité cul sec !
Carlos Gravito