café-philosophique

Le terme de vacance est intéressant sur le plan sémantique puisqu’il désigne à la fois l’évasion touristique tant attendue par les travailleurs malades du métro, boulot, dodo et l’état de vacuité intérieure que prône la sagesse orientale. La question est de savoir en quoi nos vacances à l’occidentale ont quelque rapport avec la vacance de l’attitude « zen » des orientaux… Dans l’idéal, nos vacances « laïques » devraient être l’occasion d’une délivrance du conditionnement socio-économique et d’un désencombrement mental permettant d’évacuer le stress accumulé…  Il se trouve que la pratique du zen est censée permettre à notre esprit d’être en vacances. L’idée de la vacance dans le zen recouvre à la fois l’idée du vide et l’idée de la disponibilité. La « zen attitude » serait une aptitude particulière à faire le vide dans son esprit pour s’imprégner de la conscience universelle. Le but de la pratique méditative zen est d’évacuer de notre conscience toutes les pensées individuelles encombrantes afin de faire place à la pensée cosmique. L’éveil ou satori en japonais correspond à une prise de conscience fulgurante de notre véritable identité universelle habituellement voilée par toutes les créations mentales illusoires de note ego. Pour utiliser une métaphore biologique, l’éveil procuré par le zen ressemble à la fécondation de notre enfant intérieur par l’intervention de l’énergie cosmique. En termes taoïstes, on pourrait dire que la réalisation de soi passe par un effacement en l’individu du principe masculin Yang au profit du principe féminin Yin afin de pouvoir recevoir la force régénératrice du Tao… Bien entendu, le zen peut aussi être vécu de manière moins ambitieuse comme une simple forme d’hygiène mentale efficace pour résoudre les soucis quotidiens liés au stress. Sur ce plan, la pratique zen ressemble beaucoup à la philosophie d’Epicure, l’idéal asiatique du détachement et du lâcher – prise étant proche de l’idéal grec du carpe diem et du hic et nunc. Être dans la « zen attitude », c’est apprendre à relativiser l’importance des évènements extérieurs pour être capable de se concentrer sur l’instant présent afin d’en jouir pleinement. Être zen, c’est être apte à entrer en coprésence avec notre vécu au lieu d’être dans le décalage perpétuel auquel nous pousse la société de consommation. On retrouve d’ailleurs cette idée de coprésence exprimée différemment chez des philosophes occidentaux. Ainsi, l’intuition bergsonienne exprime un peu la même idée dans la mesure où elle se définit comme une relation sympathique unissant intimement un sujet à son objet. D’ailleurs, tout comme Lao Tseu qui déclarait que celui qui sait se tait, Bergson voyait dans le langage un obstacle à la fusion directe avec le réel. Or, une telle connaissance plus intime de la réalité est indéniablement une source de joie et de sérénité… (Vacances et « zen attitude », Dr JL Berlet, 26 août 2018)