C’est avec un très grand plaisir que nous avons accueilli, pour la troisième fois, Emmanuel Mousset, l’animateur de cafés philo (aussi dans une prison) dans l’Aisne et qui vient régulièrement nous rendre visite aux Phares accompagné de sa classe de philo ou de ses étudiants de l’université du temps libre de Laon. Il a récemment animé une « boulangerie philo » (dans une petite ville de son département) où les clients se sont laissés entraîner dans un échange de réflexions tout sauf prévu…Son projet : animer dans un hall de gare, propice selon E. Mousset, aux embarquements de toutes sortes, y compris symboliques, métaphysiques, conceptuels. Ceux qui en veulent savoir davantage, E. Mousset a un blog : il suffit de taper « prof story » sur google, par exemple.
Après les annonces habituelles des événements philosophiques à venir, les participants ont proposés les sujets suivants :
- L’introuvable relation : détention, formation, emploi.
- Pourquoi cherchons-nous des recettes pour notre vie ?
- Pourquoi l’homme moderne veut-il effacer l’inconscient ?
- Un horizon de vérité est-il nécessaire ?
- Comment peut-on définir les idées reçues ?
- L’éthique a-t-telle remplacé le politique ?
- Un point, c’est tout.
- Qu’est-ce que l’expérience ?
- En quoi la poésie peut-elle changer notre regard sur le monde ?
- « Le dialogue est le contraire de la philosophie » (BHL) – est-ce vrai ?
- L’homme peut-il se contenter de peu ?
- L’incommensurable.
- Qu’est-ce que l’embarras ?
- Est-il dangereux d’oublier l’histoire ?
Notre animateur du jour avoue son embarras : « Tous les sujets mériteraient d’être traités, je choisis le plus difficile, celui à propos duquel j’ai le moins à dire ; ainsi je devrai compter sur vous, je ne serai largement qu’un facilitateur de paroles ».
Il choisit donc le sujet proposé par Nadia, la « mère du sujet » : « Un point c’est tout. »
Nadia, sollicitée par Emmanuel, en dit un peu plus : »Mon sujet recouvre en fait deux thématiques, à savoir celle de l’autorité, ou plutôt de l’autoritarisme : « C’est moi qui décide et on n’en parle plus. » L’autre thématique, incluse dans l’intitulé du sujet, a un rapport avec la totalité : « Le tout (n’) est (qu’) un point » (au sens de détail).
Nadia nous donne également l’étymologie : le point vient du latin « pungere » (piquer, faire souffrir, tourmenter) ayant la même racine indoeuropéenne, signifiant « frapper », que le latin « pugnus » (poing).
L’écoute (« lacanienne ») « Le poing, c’est tout » – tout est question de rapport de force – a été proposée, ainsi que « Le point sait tout », suivie d’un développement astucieux sur le point symbolisant l’intersection, le croisement, le carrefour – des trajets de vie, par exemple…
Les différentes locutions et expressions comme « mettre les points sur les i », « faire le point », « mettre au point », « point de droit » et « point de fait », « points de suspension », etc., ont été examinés, les échanges étaient tellement riches et variés qu’il serait fastidieux et ennuyeux de les rapporter tous…Il y avait beaucoup de demandes de parole – ce qui est toujours bon signe : la parole n’est pas monopolisée par quelques-uns – et un animateur qui savait se limiter à reformuler et à proposer une nouvelle piste lorsque l’échange menaçait de tourner en rond.
Certains, me semble-t-il, étaient décontenancés par la profusion des idées et la créativité spontanée que l’animateur se gardait bien d’enfermer dans une méthode a priori, dans une technique « moule à gaufres » (l’expression suggestive est d’Olivier Abel, élève et commentateur de Paul Ricœur). Le pointillisme (Seurat et Signac en peinture), pour être « compris » exige une certaine distance, celle qui permet de repérer les formes sous-jacentes à une nuée de points disséminés dans un désordre apparent ; n’est-ce pas l’une des définitions de la philosophie possible : Prendre de la hauteur sans perdre pied ?
Je retiens de l’échange pointu (sous apparence pointilliste) du dimanche dernier quelques questions :
- Est-ce le point (au sens de détail) ou le tout qui compte ? Autrement dit : Dieu (ou le diable) gît-il dans le détail ou dans le tout (la totalité) ? Deux réponses données en histoire de la philosophie : « Le vrai est le tout » (Hegel) et « Le tout est le non-vrai » (Adorno).
- Pour passer à l’acte, n’est-il pas nécessaire, à un moment donné, de se « jeter à l’eau », d’arrêter dialogues (avec autrui ou avec soi-même) et réflexions ; le Concept n’est-il pas toujours en retard sur la Vie, ou exprimé avec K. Marx : « La conscience, n’est-elle pas forcément en retard sur la conscience ? »
- N’y a-t-il pas aussi un point d’arrêt nécessaire dans la régression de la recherche des causes (pas de « regressio ad infinitum » !), d’où le fameux « il faut s’arrêter » (« ananké stenai » en grec, si je me souviens bien) d’Aristote.
- Finalement, le point ou plus largement la ponctuation ne sont-ils pas nécessaires pour rythmer (« grammatiser » en langage derridien) le flux ininterrompu de la Vie ?
Merci, en tout cas à Emmanuel Mousset, pour son animation bienveillante, intelligente et laissant la première place aux participants « philosophants ».
Gunter Gorhan
Alain ex marin says:
Monsieur MOUSSET m’est apparu comme un animateur plaisant, avec une capacité d’écoute qui est fort agréable, dommage que le débat ai mis un peu trop de temps à s’installer.
Lorsque je pose mon stylo sur la feuille, pendant une fraction de seconde un point apparait, il est le prémice de mon texte, il est TOUT.
voila, un point c’est tout.
30th avril 2010 at 16 h 14 min
Gorhan Gunter says:
A la fin du texte, il faut bien sûr corriger l’interrogation inspirée par K. Marx : »La conscience, n’est-elle pas forcément en retard sur l’existence (au lieu de « conscience » !) ? »
30th avril 2010 at 7 h 12 min
Grün, says:
Bonjour,
Vous dites que l’animation était bienveillante, plaisante, mais que le débat a pris du temps a s’installer. Je ne pense pas ça. Il ne suffit pas de donner la parole aux autres. Ca c’est ce qui font tous les animateur. Le problème est que ce monsieur n’a rien apporté, et c’est pour ça que le débat n’a pas seulement pris du temps à s’installer, comme dit Alain ex marin, mais il est retombé aussitôt dans quelque chose d’assez ennuyeux.
30th avril 2010 at 17 h 24 min
ROCA says:
Un point c’est tout . / Nadia / Emmanuel de L’Aisne, google : prof story,
Un point c’est tout …
ce que L’on’ A … À dire, de tout .
Un point fermé, point » g « , un point ouvert, point G … un point sait tout …
ce qu’il découvre … ce qu’il ouvre’, un point Virgule, ce n’est pas tout ;
un point, est-ce tout, point d’interrogation ?,
point de questionnement, un point d’étonnement,
point d’émerveillement, point de rayonnement,
Le point d’exclamation !,
point de ponctuation, point de respiration, un point de réflexion,
Le point, pure fiction, Le point de suspension …
Le point de suspicion, Le point, commencement, de tout, point d’ouverture,
Le point final, La fin de tout, point pour conclure, point de rupture, de fermeture,
point Limite … Le point d’Arrêt, point barre !, barré … et, mise’ Au point :
je ne mange point de ce point-Là, Là ! Voilà Le point !,
centre du cercle …
des points du cercle …
de pensée, de réflexion, faire Le point, comme’…un
point » on « , » nous « , commun …
point sélectif, de sélection, impératif, Affirmation, point exclusif, point d’exclusion,
point conclusif, de conclusion,
point d’exaspération, point de domination, point de détail, ou, perfection, ou, d’Abomination,
Langue de Vipère’ Au point … sur La gueule … non point, Le point d’intersection,
Le point d’interception … Le point, une’ unité,
Le tout, totalité, Le point d’Autorité, Le point de gravité,
point d’Abstraction, point d’Attraction … et, mettre Les points sur Les » i « ,
et, deux points :
je n’Ai pas fini,
Le point, espace de … tous Les possibles … du possible, point de presse … pression,
poésie, position,
point de philosophie, point de L’Érosophie, Point’- À – Pitre … non point,
point du tout, pas’ Au point …
point d’orgue … point zéro, mais je ne suis qu’un point,
point optique … de Vue, point de fuite … Vision, point d’illusion,
de décision, point d’érosion, point d’éclosion, point d’explosion …
big’- bang’, big’- crunch’, de ça À ça, c’est comme ça … un point c’est tout …
un point, c’est tout !
La fin, en soi, La fin, c’est moi … mon point de croix … Auquel je crois …
point, c’est ma croix … point qui grandit, qui croît …
qui me ponctue, point qui me tue … point qui me fait du bien,
ma mise’ Au point, qui Vient …
points de Passion, stations, point de Passage’, Action !
Moteur, silence’, on tourne’, Action !,
trois petits points … et puis s’en Vient … et puis s’en Va,
et tout Va bien se passer … Va !, Ça Va,
j’Ai fait Le point .
Point . Gilles Roca,
Cas-fée-Philo des Phares, 25′. 4′. 2010′, ces-jours de Floréal,
un point phare, point indice’, point focal, G R
30th avril 2010 at 8 h 02 min
Georges says:
bonjour, l’article de monsieur Gorhan étant en autre, consacré aux qualités d’animateur de monsieur Mousset, je me suis cru autorisé à donner mon avis sur la teneur de l’article qui en rend compte mais apparament, cela n’a pas l’air de convenir car mon avis a été « modéré ». Alors je me modère.
Et je confirme, mon avis sur la question: cela fait trois fois que ce monsieur joue le rôle d’animateur invité et par rapport aux autres invités, je ne vois absolument pas ce qui le justifie.Que monsieur Gorhan dise en gros que donner le micro suffit à faire une excellente animation est son affaire. Moi je ne le pense pas.surtout au vu des autres animations ( dont la sienne )
Comme on nous invite à « commenter », je le dis. J’espère que j’ai le droit, mais apparemment c’est pas sûr .
30th avril 2010 at 6 h 52 min
Emmanuel Mousset says:
Je reviens comme promis sur le café philo des Phares de dimanche 25 avril. Parmi une bonne dizaine de sujets, je suis allé à la difficulté en choisissant « Un point c’est tout ». Car il faut en parler pendant deux heures, sans préparation ! Pas évident … Je vous livre ce que j’ai pu en retenir :
Un point c’est tout termine un débat, stoppe une pensée, interrompt une situation, impose, ordonne. La formule est impérative, autoritaire, peut-être même fascisante ! Le point en question est final, brutal. Au nom de quoi nous prive-t-il de la suite, quelle qu’elle soit ? Un point c’est tout n’est jamais souriant, son ton est toujours cassant, désagréable. Notre liberté se sent bafouée. Ce point est en réalité un poing qui nous frappe.
Mais n’a-t-il pas, après tout, sa légitimité ? Quand un débat s’éternise, quand la pensée se perd dans des méandres, quand une situation tourne à la confusion, un point c’est tout met un terme au désordre et rassure son monde. Il est un acte de courage, une ferme décision qui rétablit un peu de cohérence. Il n’est autoritaire que face à l’anarchie, parce qu’il y a anarchie. Dans la normalité ou l’harmonie, un point c’est tout ne se justifie pas.
N’est-il pas aussi l’affirmation de la morale ? Ne pas mentir, ne pas tuer, ne pas voler, respecter autrui, secourir le faible, ça ne s’explique pas, ça peut même être critiqués, rejetés. Un point c’est tout instaure le bon sens moral. Sa certitude est quasi kantienne, son assurance écarte toute forme oiseuse et dangereuse de contestation. Quand l’enfant questionne stupidement le parent, quand l’élève remet en cause les propos de l’enseignant, un point c’est tout remet les choses en place et les idées à l’endroit. Sans son intervention, le mal finirait par l’emporter sur le bien.
Un point c’est tout peut être interprété mathématiquement. Le point est une figure centrale de la géométrie euclidienne. Mais ce point est-il vraiment le tout ? Non, il en est la plus infinitésimale composante. Un point, loin d’être tout, est plutôt rien puisqu’il n’a pas de surface. C’est la plus abstraite des catégories. Le point est insaisissable mais en même temps fondamental puisque fondateur de toutes les autres figures de la géométrie.
En astrophysique, en revanche, un point c’est vraiment tout, puisque l’univers est conçu comme un concentré ponctuel d’énergie et de matière d’où a surgi la totalité, le monde. Mais ce point ne conclut rien : au contraire, il est une origine. Tout devient possible à partir de lui. Le point est alors le germe, la graine qui engendrent tout.
En matière d’art, le point de vue, le point de fuite, la perspective permettent d’organiser le tout, de faire apparaître un monde. Chez Nietzsche, tout est question de point de vue, de regard posé sur la vie. On retrouve ici le point comme départ et ordonnancement de la totalité. Archimède, de son côté, cherchait un point fixe, un point d’appui à partir duquel il pourrait faire basculer le monde.
Dans le langage et sa ponctuation, le point est le seul signe qui soit indispensable si l’on veut que l’écriture ait un sens. On ne peut pas se passer de ponctuer, sinon la phrase n’existe pas, se transforme et se déforme en logorrhée. Le paradoxe, c’est que le point termine autant qu’il commence. Il achève un avant et annonce un après. Tous les points ne sont pas finaux (sans jeu de mots !). La philosophie, quant à elle, privilégie le point d’interrogation, qui lance la réflexion, et les points de suspension, qui laissent à chacun le soin de compléter et de méditer. Elle se méfie néanmoins des points d’exclamation, trop vifs, trop déclamatoires, qui ne prennent pas assez le temps de penser.
En langage jeune inspiré de l’informatique, il y a l’actuel et insupportable point barre, qui non seulement nous impose un point mais le redouble par une barre ! Mais ne faut-il pas y voir l’impatience de la jeunesse, qui ne veut pas trop se casser la tête (se prendre la tête, dit-elle) et qui a peut-être raison ? Le point barre est une façon de tourner la page, de passer à autre chose.
N’est-ce pas, au bout du compte, le réel qui s’impose à nous dans le un point c’est tout ? C’est comme ça et pas autrement, dirait-on également. La nécessité est rappelée, aucune contingence n’est concevable. Un point c’est tout est le socle du monde et de l’existence. On ne peut certes pas le généraliser, tout le monde, n’importe quand, n’est pas autorisé à le prononcer mais son énonciation est à certains moments inévitable. Un point c’est tout.
30th avril 2010 at 8 h 51 min