« C’est bon pour le moral » est le sujet choisi et animé par Gunter. Mon appétence n’allait pas forcément vers ce sujet. Mon penchant m’aurait plus poussé à vouloir explorer le sujet : « pourquoi les femmes sont belles ? » Mais je me plie à la règle et la réponse est peut être dans les échanges de ce dimanche.
Celle qui l’a proposé explique son choix en lien avec un autre suggéré, celui qui proposait de se poser la question : le superflu, est-il nécessaire ? Assez rapidement s’est introduite une motivation latente ; chercher objectivement ce qui est bon pour le moral pour ne plus avoir à se tracasser avec sa subjectivité. Et deux mouvements s’affrontent : les il faut et les flous…
Si j’ai finalement décidé de me prendre du temps pour donner un peu d’épaisseur, c’est-à-dire un peu de permanence à ce dimanche par l’écriture de ce compte-rendu, c’est parce que je voudrais m’attarder aux mouvements induits par la distribution de la parole.
La circularité entre le groupe et l’animateur n’est pas un secret pour personne. Selon la qualité de l’animateur (qualité bien entendu dans le sens de « façon d’être » et non dans le sens d’un jugement de valeur !), le problème est traité d’une manière ou d’une autre. L’émergence de la parole a besoin de facilitateur. Une pensée enfermée dans une tête d’homme est une pensée perdue pour l’humanité. La parole est sensée refléter une pensée. Mais bien souvent elle n’est qu’une ébauche de « quelque chose » qui cherche à s’exprimer. La parole est médiatrice du travail de l’homme à se mettre en rapport avec le Monde, et tout particulièrement avec le Monde des Hommes. Pensée, penser, panser….
Ce qui me reste de ce dimanche, c’est le soin que Gunter a mis à protéger la parole de chacun dans le débat. Il a redéfini l’objet du débat philosophique par la citation de je ne sais plus qui : « Je philosophe pour sauver ma peau et mon âme ».
La pensée de l’autre peut heurter mon activité de penser puisqu’elle ne s’intègre pas dans « mon système » de pensée. Cela me « bouleverse ». Un jeune homme le dit en fin de séance : « Cela me bouleverse d’entendre que tu parles d’une loi propre, puisque pour moi, j’aime obéir, c’est bon pour mon moral…. » Il parle du plaisir de la consigne.
Bien souvent, la réaction au bouleversement, c’est d’interdire la parole qui fait cet effet. Ainsi, la parole d’un participant qui évoque le problème de la pédophilie et, dans l’opposition apparemment difficile à concilier entre le moral et la morale provoque un discours dur : « Arrête de tout ramener à la pédophilie ».
Interdire un discours, c’est interdire de penser. Il y a des discours difficiles à entendre. La pédophilie heurte notre sens de l’esthétique, mais nous savons que cela existe. Se rappeler la morale morbide du pédophile n’est pas bon pour le moral de certains participants au café philosophique, mais il est bon pour le moral de savoir qu’il y a un lieu ou la règle de vie pendant deux heures est de se donner le devoir de tout entendre et d’avoir le droit de tout dire. Gunter a beaucoup pris la parole pour rappeler ce cadre, et je pense que, personnellement, il a bien fait.
J’ai vu dans ce débat s’affronter deux façons d’avoir le moral : d’un côté la recherche d’un certain confort dans la négation momentanée des vicissitudes de la vie (dans le sens « boire un petit coup c’est agréable… ») ou alors l’attitude, la posture du vivant à ne jamais se contenter avec le « définitif », à explorer ce qui pourrait advenir en cherchant à dépasser les limites personnelles ou imposées dans un processus de croissance qu’on appelle vivre. On a là, si j’ai bien suivi la proposition de Gunter, l’éternel dialogue féminin/masculin : se battre pour une noble cause, profiter de la pure joie d’exister. L’un n’empêche, heureusement, pas l’autre ! La meilleure façon de vivre, c’est de savoir intégrer les deux ! Il me semble…
Parfois, on a l’impression que ces échanges nous apportent tant de richesses, qu’on a envie qu’elles perdurent et qu’elles laissent des traces plus durables.
Qu’en est-il de ce dimanche ?
Elke Mallem
14 juillet 2010