Le tâcheron et le saltimbanque

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Posted on 29th juillet 2010 by Gunter in Textes

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J’ai été déconnecté pendant une semaine, d’où mon silence obstiné…

C’est une très, très bonne idée de relire mon article « Le politique aux Phares » ; déjà à l’époque j’avais demandé à mes critiques de me signaler les passages injurieux, agressifs, etc. Aucune réponse.

Cette fois-ci, car les mêmes critiques reprennent, je propose une invitation à prendre un pot ensemble (nous pouvons être plusieurs) à tous ceux qui dénicheront ces passages….

En fait, il ne s’agissait pas du tout de cela mais d’autre chose : j’ai appris à l’époque – je n’avais participé à la création du site – que les animateurs ne devaient pas se critiquer entre eux.

Pour quelle raison ? Sont-ils d’une autre essence que les participants, quel serait l’inconvénient si la critique n’est pas personnelle mais porte sur des idées, des propos émis (y compris par l’animateur) ?

C’est une des raisons pour lesquelles nous avons crée un autre site (philo-paris.com). Les animateurs n’y occupent pas une place à part.

Nous nous critiquons entre nous (nous sommes quatre pour le moment à nous occuper du site), je ne suis pas toujours d’accord avec Carlos et je ne le suis pas non plus avec quelques formules excessives de Crémilde mises sur les deux sites ; mais qui peut être sûr de toujours passer sans difficultés du reflexe à la réflexion ?

Une autre raison de créer un deuxième site était de permettre à Carlos à continuer à écrire ses comptes-rendus, mais comme il retourne souvent dans son pays, ils ne sont pas systématiques. Nous accueillons toutes les bonnes volontés.

Une troisième raison : il n’y a aucun tri préalable, aucune censure autre que la loi française (pas d’apologie du racisme, du crime, pas de diffamation, etc.). Comment faire autrement ? Qui serait juge (neutre, objectif, savant), par exemple, de la pertinence philosophique d’une contribution ? Sommes-nous à l’école ou à l’Université ? Il ne faut pas confondre l’histoire de la philosophie, qui s’enseigne et qui est une expertise, et la philosophie vivante, en acte qui ne s’enseigne pas.

Une dernière raison : nous n’avons pas de ligne éditoriale ou rédactionnelle, c’est très informel, nous ne nous prenons pas tant au sérieux…

Autrement dit, les échanges sur notre site correspondent, à peu près, au « plan d’immanence » (G. Deleuze) ou exprimé par métaphore : nous sommes entrés dans une époque où ce n’est plus le verbe qui doit se faire chair (la vérité descend d’en haut, d’une autorité quelconque, qui peut-être un animateur, un webmaster, un modérateur du site, etc.) mais la chair doit se faire verbe, la vérité doit venir d’en bas (de toutes les contributions).

Il n’y aura que la lucidité, l’intelligence, l’honnêteté, la perspicacité, l’intuition éthique des internautes qui pourront faire le tri. C’est un pari : l’excessif, le vide, le tordu, le non-fondé, le non-pertinent, la décharge pulsionnelle, la crispation narcissique, la manip perverse, etc. s’élimineront d’eux-mêmes, sombreront grâce aux qualités nécessairement supposées des Internautes. Après tout, ce n’est que l’application des Lumières à Internet : chacun doit trier par lui-même – dans le cadre, bien sûr, de la loi française.

La méthode au café philo ! Qu’est-ce qui vaut mieux ? Une méthode fixée d’avance ou celle de Wittgenstein qui compare une question philosophique à la découverte d’une ville dont on ne possède pas le plan : on commence par errer et peu à peu des lignes de force se détachent, une structure émerge qu’il s’agit alors d’approfondir et de vérifier. La méthode en philosophie et en général, est un objet de prédilection de la philosophie. Tout le monde connaît le discours sur la méthode de Descartes ; nous trouvons en face, si on peut dire, Gadamer (père de l’herméneutique) qui  a écrit « Vérité et (en réalité :ou) méthode, Feyerabend (très important philosophe des sciences, « Contre la méthode »), Barthes : « La stérilité menace tout travail qui ne cesse de proclamer sa volonté de méthode » et on pourrait continuer encore longtemps. L’essentiel est ailleurs : il y a deux façons légitimes de philosopher, l’une plutôt « scientifique » et l’autre plutôt « poétique ». Mais tout le monde veut avoir le beau rôle : les philosophes-« poètes » (la philosophie est avant tout une fête et une aventure) traitent les philosophes-« scientifiques » (rigoureux, précis, méthodiques, etc., la philosophie est avant tout un travail) ) de tâcherons et de laborieux et à l’inverse ces derniers traitent les philosophes plutôt d’artistes (la vérité n’est pas l’exactitude, elle est à faire, pas de méthode, même les associations sont bienvenues, ce qui est cherché ce sont des fulgurances plutôt que la construction collective, patiente, etc.) de saltimbanques, de fantaisistes, chaotiques, etc.

Les diagnostics plutôt pessimistes concernant « la philosophie dans la cité » (que j’ai pu lire sur les deux sites) ne sont guère justifiés. Des échanges philosophiques se développent partout (y compris dans les cafés en France et à l’étranger, mais aussi dans un grand nombre d’autres lieux), la réflexion théorique progresse : Un colloque dans le Sud-ouest sur les nouvelles pratiques philosophiques vient de se terminer, thème qui sera repris en novembre prochain lors des 11èmes rencontres à l’UNESCO.

Pour terminer, j’aurais, personnellement, depuis longtemps abandonné l’activité d’animateur d’échanges philo, s’il ne s’agissait que d’échanger des idées. Pour qu’un tel échange soit intéressant(pour moi !) il faut que je puisse écouter non pas les idées isolées du reste, à savoir des émotions, désirs, angoisses, gènes, expériences, « postures existentielles » singulières de chacun, bref, que je puisse entrer en contact avec tout un monde tout un univers ; les pensées coupées de leur sol existentiel me font en effet l’effet d’êtres faméliques, fantomatiques, blafardes, exsangues…

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  1. Gunter Gorhan says:

    Voici le texte que je voulais aussi mettre sur l’autre site – qui semble être en panne :

    Le tâcheron et le saltimbanque (suite après la fin)
    Comme mon texte est devenu incompréhensible sur ce site, ceux et celles qui désirent le lire en entier, il y a un autre (ne faut-il pas toujours un autre/Autre pour se comprendre soi-même ?) : philo-paris.com
    Ce matin, je tombe sur ce passage d’un livre extraordinaire dont je ne peux pas ne pas faire profiter tous les philo-philosophes (plus précisément, érophilosophes, cf. le Banquet de Platon), c’est-à-dire amoureux de la philosophie que nous sommes – malgré les heurts parfois rudes-dures entre nous :
    « Pour rendre significative une idée, une idée qui se trouve d’ores et déjà dotée d’un sens, une idée dont l’essence est de manifester, d’ouvrir, de libérer du sens, c’est-à-dire de faire ressortir ce sens à même les choses que l’esprit se résout à prendre en vue, il faut encore que cette idée nous touche, nous concerne essentiellement, intéresse notre vie même. Mais comment ? Ne concernera notre vie même que l’idée qui fera l’objet d’une expérimentation intime [souligné, G.G.] au cours de laquelle elle parviendra à affecter notre « appétit de vivre », notre « volonté d’exister » – l’idéalité du sens se transmuant alors, dans le creuset de cette œuvre au noir, en la substance de notre chair.
    « Un mot, une idée, considérés comme événement de mon histoire, n’ont un sens pour moi que si je reprends [souligné, G.G.] ce sens de l’intérieur » affirme Merleau-Ponty… » in Paul Audi « Créer » (Introduction à l’esth/éthique), poche Verdier, 2010, p. 471 et s.
    J’aurais aimé trouver moi-même ces mots pour exprimer la façon dont je désire (à distinguer, bien sûr, de la réalité, hélas) instituer le cadre philo-psychologique des méditations/recueillements philosophiques partagés que j’aime animer…

    29th juillet 2010 at 7 h 23 min

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