Débat du 24 octobre 2010 : « Que doit-on faire de nos peurs ? », animé par Yves Cusset.

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Posted on 19th octobre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

La France est soucieuse. Entre manifs, blocages, pénuries, réquisitions, interpellations, violences et chaos financier, il y a beaucoup de grain à moudre, raison pour laquelle, sans doute, le 24 Octobre, le philosophe et homme de théâtre, Yves Cusset, a choisi pour thème du débat au Café des Phares, le sujet « Que doit-on faire de nos peurs ? »

L’auteur de la question, ayant visiblement bien réfléchi a sa proposition, commença donc par définir chaque mot :

Que : pronom interrogatif appelant à la justification d’un casse-tête.

Doit : verbe transitif renvoyant à une obligation morale ou aux convenances.

On : pronom indéfini de troisième personne qui fait la fonction du dindon de la farce. Il a le même rôle du « il », dans « faut-il », sans vouloir retourner la selle des Amazones du Droit.

Faire : verbe transitif qui a le sens d’entreprendre.

Peur : nom féminin désignant la prise de conscience d’un danger.

Le papier était mâché, il ne restait plus qu’à faire la boulette.

Il a été noté qu’il s’agissait « d’une réflexion philosophique et pas psychologique comme la peur des araignées, etc. », mais certains « y voyant un moyen de survie », d’autres  « un manque d’information », « voulaient aller même au-delà des craintes et des angoisses »,  pour ne pas « rester au niveau des émotions primaires », comme « la burqa ou l’action gouvernementale qu’il faudrait plutôt dénoncer, la peur collective n’existant pas »,  et d’autres encore « qu’il y va de nos peurs comme de nos désirs ; certains sont médiocres, d’autres nous construisent en vue d’une meilleure qualité humaine », l’animateur concluant « qu’il faut torpiller la peur pour ne pas rester dans la torpeur ». Il nous l’a fait à l’estomac, et pour cause…

Au bout du compte, assis devant nos tasses de café comme si l’on était dans une partie de chasse au lion ou en haut d’un pont pour un saut à l’élastique, on a passé une heure et quelque à nous demander ce qu’il fallait faire de nos frayeurs. C’est donc plus long à dire qu’à opérer, ou alors le cas serait tellement désespérant qu’il n’y avait rien de fonctionnel à entreprendre à part jacasser. Or, « si on peut le dire, on peut le faire », assurait Napoléon et, ne cherchant pas à verbaliser ses frissons d’angoisse, le pétochard voyage plutôt du côté du signal d’alarme au lieu de se pendre, comme conseillait Zola. En effet, dès que l’on a les chocottes on pète certainement de trouille, mais il faut savoir que dans une telle circonstance on a les miches à zéro et il est inutile de serrer les fesses ; on finira par faire dans son froc. Que foutre, alors ? Se défiler ou faire dans son falzar ? Réponse : il faut se réconcilier avec son ventre ; les tripes coincent au niveau de l’intestin grêle et il est urgent de « faire ». Faire, c’est réaliser quelque chose hors de soi, que ce soit un caca, une pendule, des confitures, du macramé ou un poème, et point des Lois grossières ou des obscures Destinations, des véritables galères qui grossissent nos peurs.

De grâce donc, surtout ne vous cabrez pas. Sachez que tous les Hommes ont peur ; tous ! Celui qui n’a pas peur n’est pas normal ; ça n’a rien à voir avec le courage. Avoir peur, ça concerne l’imagination. La frousse ne nous entrave pas les pieds, elle nous donne même des ailes aux talons lorsque nous nous trouvons devant une effroyable colonne de CRS, et je dois dire que ma plus grande crainte est celle d’un jour prendre les choses au sérieux ; là, par exemple, je balise et je m’emballe, me pressant d’en rire, quitte à emmerder tout le monde pour ne pas être obligé de pleurer.

Carlos Gravito