Débat du 26 décembre 2010 : « Philosophie et Poésie » débat animé par Christiane.

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Posted on 22nd décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

En ruminant le thème « Philosophie et poésie » bien après son heure, animé par Christiane – à la fois attentive, modeste – elle intervient moins que nous, les autres animateurs – et pertinente, où il était beaucoup question de la différence entre philosophie et poésie, j’ai trouvé la métaphore suivante, empruntée en l’élargissant un peu, à Hölderlin : La poésie va vers la source du fleuve de la Vie, de l’Histoire, de l’aventure humaine, là où les formes symboliques et avant tout le langage naissent – Soulages le pratique en matière de peinture, je ne connais pas assez l’univers de la musique – tandis que la philosophie se porte plutôt vers son embouchure, vers la totalisation (ouverte et finalisée) de ce Fleuve.

Hölderlin a fortement inspiré le dernier Heidegger : « L’origine est devant nous », d’où son intérêt « philosophique » pour la poésie. Hölderlin nous a en effet averti qu’un fleuve ne coule pas seulement vers sa source mais aussi vers la mer.

Heidegger : « Poésie et philosophie sont comme deux sommets qui se touchent presque ».

Dommage que ceux qui considéraient poésie et philosophie comme contradictoires, voire incompatibles, n’ont osé intervenir, s’opposer à la majorité de ceux qui s’exprimaient ce dimanche là, que peu de temps avant la fin.

La conception plutôt scientifique se défend, elle ne lâche d’ailleurs plus les philosophes depuis la fameuse « révolution socratique » (300 ans avant J.C.), véritable coupure épistémologique qui nous aurait fait passer du mythos au Logos, d’une poésophie à une logosophie.

La confrontation, un peu tronquée faute de combattants, a simplement continué le lendemain de Noël 2010 aux Phares…

Gunter

Débat du 2 janvier 2011 : « Le village global est-il supportable ? » animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 22nd décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

L’année 2011 venait à peine de naître, au Café des Phares il était dix heures trente du 2 Janvier, en Nouvelle Zélande on roupillait déjà dans la nuit du lendemain ; c’est dire combien est vaste notre planète. Alors, la taxer de petit trou, minuscule patelin ou bled insignifiant (des lieux, certes isolés et pauvres en ressources mais charmants et pleins de vie), a semé le doute dans le crâne des participants au débat du dimanche qui, ayant fini par se demander « Le ‘village global’ est-il supportable ? », amena l’animateur, Daniel Ramirez, a accueillir la suggestion, afin que l’on y vît plus clair.

En effet, le village en question ne se trouvant pas au Club Méditerrané, nous avons vite compris qu’il s’agissait d’un autre, composé de plus de 400 régions différentes du globe mais, si en raison de cela on le considérait insupportable, il valait mieux faire les niais parce que le hameau riquiqui qui avait été pris pour unité de mesure se limite au mieux à trois ou quatre maisons. L’autre, l’« insupportable », ne tient pas compte des distances, moteur du dialogue et des nouveaux paradigmes où se trouvent la différence ainsi que l’originalité, afin de témoigner plutôt d’une singulière efficacité concrète, amorce de l’étonnante fécondité de la pensée. Il ne s’apparente donc pas à un simple village, n’en déplaise à McLuhan, celui du Medium et du Message ; c’est une immense Babylone, une mégapole à l’échelle de la Terre, polyglotte, cupide, émaillée de zones d’atterrissage, traversée par des autoroutes ou voies ferrées, et où, insaisissable, l’argent défile à la vitesse du son sur les écrans des Traders, pour aller se diluer dans des éthérés paradis, aussi fiscaux soient-ils. 

En somme, la question portait par conséquent sur un monde d’Hommes, une totalité que l’Histoire a dessinée à partir de la « koinè » grecque, qui a suivi la « route de la soie », « les mers jamais auparavant naviguées », « l’âge des lumières » et « la révolution industrielle », jusqu’au chaos de la fin du siècle passé et la ruine définitive de certains Etats ! Peut-on qualifier de « village », fut-il « global » de surcroît, un univers dont l’intelligence intrinsèque nous chasse ? Si l’on considère en outre la diversité culturelle, qui inclut les courants religieux et philosophiques, d’un « village » d’environ six milliards d’individus parmi lesquels des centaines de milliers sont des migrants affamés… (migrants vers où ?, est-on, dans de telles circonstances, en droit de savoir), d’autres étant des touristes qui se déplacent de pays opulent en riche nation, toujours dans ce même « Village Global » qui par définition n’a pas d’Ailleurs, on se demande où est la Ville, le Chef Lieu, avec ses édifices administratifs, ses monuments aux morts, ses cinémas, ses bordels ?

Pourtant, il y avait parmi nous des participants prêts à dire que l’on pouvait, dans ce coquet « Village Global », type Phalanstère, améliorer l’ordinaire « en mettant nos intérêts en commun », mais je n’y crois pas. Même dans un « Village Restreint », perdu dans les sentiers du « Village Global », ça ne marche pas… On a tout essayé, les idées les plus généreuses comme les plus saugrenues. Le fait est que l’inégalité des revenus et des naissances, l’avidité, la jalousie, les mesquineries et autres étroitesses d’esprit liées à notre égoïsme ou à notre perfidie, scellent nos destins de la même manière que le tic-tac des comptes à rebours celés dans les entrailles des armes nucléaires de je ne sais plus quel Village Global. 

Je perdais le nord ; à quoi nous sert une masse grise si le « cœur » n’y est pas ?

« Ne pense plus à ça », me disait mon père lorsque je lui parlais de conneries de ce genre. « Village Global ou pas, le monde dépendra de tes rêves. Va te coucher ! »

Il n’avait pas tord. Une fois que l’on a bien dormi sur nos deux oreilles on est soulagé de toutes ces sornettes et on se rend compte que le monde n’est pas un lieu, un village, mais le temps d’une vie.

Carlos Gravito

Débat du 19 décembre 2010: « Dieu est-il soluble dans l’Univers ? » animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 13th décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Ayant, à l’approche des événements les plus emblématiques de l’année, noyé dans l’alcool mes inquiétudes métaphysiques, bravant l’inclémence du ciel, je me suis rendu le 19 Décembre au Café des Phares où, sous la houlette de Daniel Ramirez, l’on se demandait : « Dieu est-il soluble dans l’univers ? », comme si l’univers était de l’eau bénite ou un solvant capable de se charger d’autres substances plus subtiles, en l’occurrence Dieu.

Ceux qui ont fait de la chimie connaissent la procédure, c’est-à-dire, qu’une fois la tâche achevée, les solvants sont incinérés ou recyclés, à moins de s’évaporer tout simplement restituant les matières inaltérées, le retour du divin dans notre cas. Or, si l’on est dans la négation d’un Créateur, il est absurde de vouloir juger de ses qualités par celle des créatures et, dans cet ordre d’idées, parler de « concept » à son propos revient à la formulation d’un discours qui se charge d’un sens où quelque chose est révélé, certes, mais c’est le vide.

L’agnostique étant le plus fervent des croyants, comme si l’on avait pété le joint de culasse de l’entendement, à force de « Constantes de Planck », de « Quanta » ou de « Relativité Générale » due à Einstein,  nous avançâmes de tautologies en lapalissades, d’apories en contradictions, suivant un raisonnement indéterminé fait de la simple répétition des mêmes propositions jusqu’au néant, de mode à aliéner tout jugement, attitude présomptueuse de celui qui croit pouvoir décrypter le discours cosmique, un langage distinct du nôtre, ou la grammaire de l’Auteur qui se garde bien de se saborder dans son œuvre : « aion », l’acte pur de l’être, l’éternité ou le temps substance, la durée sans détermination chronologique, dont un dérivé est « aidios », l’éternel, la force vitale sans restriction, selon Benveniste.

 Ainsi, qu’il s’agisse d’« Elohim », « Dieu » ou « Allah », les trois religions monothéistes dites du Livre donnèrent lieu à des obédiences diverses dans un système immanent de croyances, accordant un nom à cet innomé qui, bénéficiant de tous les attributs magnifiants : puissance, omniscience, éternité, bonté, désigne l’Etre transcendant créateur « ex nihilo » de l’univers et de l’existence des Hommes, la Théologie (qui se distingue de la Philosophie par la singularité de sa gymnastique dialectique) interprétant de manière rationnelle leurs rapports à la Foi, à la Révélation et aux Dogmes élaborés par les Eglises en rapport avec l’Ecriture, la Tradition, la Grâce, l’Eschatologie et la Raison, sans la prétention de décrire la structure physique de l’univers ou de s’y insérer, sauf à appeler au respect de la Création.

En ce qui me concerne, je me suis dit que si Dieu était dissous dans l’univers, il n’y avait plus personne là haut et, m’accrochant à quelque chose prélevé dans le « Livre de l’Intranquillité » de Bernardo Soares (Fernando Pessoa) : « Il y en a qui trahissent leurs rêves, d’autres n’ont pas de rêves et les trahissent tout autant », certain que sans rêver un monde meilleur on ne peut pas révéler celui-ci, fini le débat, je me suis accoudé au bar décidé à me charger de la prochaine tournée, fut-elle un déluge, lorsque, verre à la main, un retardataire retenu par l’abondante neige, s’adressa à un autre consommateur déjà assez imbibé, lui lançant :

- Dis, donc ! Qu’est-ce qu’ils racontaient ? Dieu s’est-il dissous dans l’univers ?

- Penses-tu ! Il l’a ingurgité cul sec !

Carlos Gravito

Débat du 12 décembre 2010 : « Pourquoi fait-on des enfants ? » animé par Gérard TISSIER.

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Posted on 8th décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Grand était mon étonnement dimanche dernier aux Phares (« Pour/quoi fait-on des enfants ? ») lorsque j’y ai entendu affirmer haut et fort : « Ici, je ne veux pas de témoignage de vécus !».

A ce sujet, je voudrais citer deux textes, le premier étant la critique d’un livre qui vient de sortir, « La traversée des catastrophes » (Philosophie pour le meilleur et pour le pire) de Pierre Zaoui. : « Une nouvelle génération de philosophes se lève, qui ne recule devant rien. Les femmes et les hommes qui lui donnent souffle partagent la même conviction : la pensée ne vaut pas une heure de peine quand elle néglige l’expérience vivante des hommes. Toute l’expérience, pour le meilleur et pour le pire – le miel et la boue, la joie comme les larmes, les lendemains qui chantent mais aussi les petits matins glauques. […]  Telle est la vieille leçon du « Parmenide » de Platon, qui exhortait le philosophe à unir théorie et pratique, spéculation et éthique, afin de bâtir une métaphysique  « du poil, de la boue et de la crasse ». (Pierre Birnbaum in « Le Monde des livres »  daté du 29 oct. dernier).

Il faudrait, peut-être, corriger ce diagnostic d’une nouvelle génération de philosophes, en remarquant que depuis toujours la philosophie s’est méfiée comme de la peste de l’abstraction et qu’elle vise depuis toujours à réunir la Vie et le Concept en mettant tantôt l’accent davantage sur l’un et tantôt sur l’autre.

La philosophie, pour Hegel, par exemple, vise l’universel concret, autrement dit, à éviter deux écueils, celui d’une pensée enfoncée – et donc aveugle – dans la pratique, d’une part, et d’une autre se perdant dans le ciel des Idées exsangues, d’autre part. N’est-ce pas une fausse ou plutôt trop simpliste interprétation de Platon et du platonisme qui oppose traditionnellement un Aristote réaliste à un Platon idéaliste (cf. le fameux tableau dont j’ai oublié l’auteur et qui montre Aristote pointant vers le sol et Platon montrant le ciel) ? Et en paraphrasant Kant on peut ajouter qu’un concept sans expérience serait vide et une expérience sans concept aveugle.

Le deuxième texte traite de la philosophie de Pierre Hadot :

« Et c’est ce qui permet de faire le départ entre une philosophie sans réel enjeu existentiel, car elle n’ambitionne que de créer des concepts, et une philosophie s’efforçant à l’autonomie, au sens où elle se veut expérience totale, de vie et de pensée. C’est ainsi que l’on peut comprendre ce phénomène remarquable bien souligné par Pierre Hadot, consistant dans la résurgence périodique […] d’une compréhension de la philosophie comme discipline vécue, impliquant une démarche de transformation intérieure totale du sujet philosophant. Et ce sont Montaigne, Descartes, Pascal, Kant, Goethe, Schopenhauer, Nietzsche, Thoreau, Wittgenstein, Merleau-Ponty entre autres, qui constituent autant de phares de la modernité » (in « Pierre Hadot, l’enseignement des antiques, l’enseignement des modernes «  sous la direction d’Arnold I. Davidson et Frédéric Worms, Editions Rue d’Ulm, 2010, p. 44).

Je soutiens que toute véritable philosophie ne peut se soustraire à la tâche d’articuler le Concept avec la Vie, selon des proportions et lignes de force, certes, à chaque fois différentes.

Comme le recours à l’expérience, particulièrement important à mon avis pour le sujet du jour (« Pour/quoi fait-on des enfants ?) avait été étouffé dans l’œuf, les échanges portaient surtout sur des considérations abstraites, sociologiques, économiques, historiques et ethnologiques…

Gunter Gorhan