Le 13 février 2011 au café des Phares, « Une idée peut-elle guérir ? », animé par Gérard Tissier.

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Posted on 13th février 2011 by Cremilde in Comptes-Rendus

Par curiosité, au cours de mon trajet dans le métro lorsque je me dirigeais le 13 Février vers la Bastille, j’ai entamé la lecture de « Plato Not Prosac » (Platon oui, Prosac non), l’oeuvre d’un fameux philosophe canadien, Lou Marinoff, qui se disant technicien des pratiques philosophiques dans le domaine de l’éthique, enseigne cette spécialité au City College de New York et explicite dans son ouvrage le « point de vue intérieur » de sa profession c’est-à-dire, la pratique de la « thérapie de l’esprit », une sorte de « philosophie-pop » qui se frotte à la psychologie et à la psychiatrie cliniques, proposant aux patients de réelles alternatives philosophiques, d’autant plus abusives que cette discipline ne s’occupe pas du bien être mental ou physique des gens et que la superbe effervescence socratique se révéla plutôt comme une entrave à la bonne santé publique. Il promet une sagesse éternelle à ceux qui opteraient pour la solution à travers Platon de leurs problèmes de tous les jours, là où Augustin conseille « crede ut intelligas », (crois si tu veux comprendre), et ils s’enferment finalement dans leurs idées fixes ou se trouvent collés à des Troubles Obsessionnels Compulsifs, pour finir en définitive à l’asile des aliénés.

Hélas, c’est comme si je m’étais trouvé au Café des Phares avant l’heure. En effet, à la manière de quelqu’un posté au chevet d’un moribond, l’animateur Gérard Tissier a choisi pour sujet de notre débat la doloriste question thérapeutique : « Une idée peut-elle guérir ? », d’où la compassion pour les idées au bec de perroquet qui effleura les esprits dans un premier temps, et par la suite l’éventualité d’une attitude thérapeutique que la philo accréditerait, enfin, une initiative psy indigne de gens qui exercent des responsabilités au sein de nos propres pratiques philosophiques.

Mais, on n’en a pas fait une maladie ; on a avalé l’hostie, bien qu’il nous restait à déterminer si l’on entendait l’idée en question comme une infection ou plutôt comme une panacée ; si on y allait à doses homéopathiques ou façon remède de cheval. Il y avait de quoi tourner en rond dans ce manège, ce que l’on a fait allègrement, passant de l’intérêt de laboratoires en Suisse à l’idée de pêché, d’antidote, virus, placebo, poudre de perlimpinpin, science fiction ou pourcentage de guérison assurée, ce qui a paru flatter l’ego de l’animateur qui s’exclama, avec autosatisfaction, « vous voyez que c’est beau comme sujet », ajoutant plus tard que « le projet d’existence n’a pas pour but le bonheur mais celui de guérir de quelque chose ».

Or, malgré le sophistique appel au « Normal et le Pathologique » de Georges Canguilhelm dont la doctrine porte sur le vivant, tout le monde sait qu’il n’y a « rien de plus dangereux qu’une idée, quand on n’en a qu’une » (et de toute évidence tel était le cas). Toutefois, alors que la force des idées est de s’appuyer les unes sur les autres, nous nous sommes appesantis sur une seule comme suffisante et dès lors, plus besoin pour les parisiens d’aller à Lourdes en quête d’une quelconque guérison. Même en phase avancée de la maladie, cent minutes devant un petit noir, ses petites gouttes et sa carte Vitale dans la poche, l’affaire est dans le sac, ne nous restant qu’à savoir s’il y a une idée efficace contre la bêtise. Certainement, puisque pour les grecs « eidos » équivaut à « voir » ce que l’on a quelque part, ce qui parfois met du temps à germer, empêchant le développement harmonieux du bouillon de culture dans des conditions adéquates ; même les longs discours n’y peuvent rien comme curatif, car ils semblent fixer une réalité qui périrait d’exister à moins d’être continuellement pansée, et dans ces cas on a toujours l’impression que les aiguilles de l’horloge traînent, tandis que les idées se meurent sans espoir de guérison ou perspective d’extraversion en faveur du malaise immanent qui sans cesse nous assaille.

Moralité, il vaut mieux prévenir que guérir, car les idées peuvent être trop farfelues dès qu’elles ne trouvent pas une raison de s’épanouir ou s’obstinent allègrement à « jouer au docteur ».

Carlos Gravito

7 Comments
  1. Nadia salah says:

    L’Etre des idées ou les idées de l’Etre.
    Qu’est-ce qu’une idée ? Vaste question qui , à mon sens , ne peut et ne pourra jamais avoir de réponse satisfaisante non pas en tant que résultat d’une pensée réflexive ou en tant que cheminement intellectuel mais quant à son essence même.Pour dire les choses simplement :
    qu’est-ce qu’une « idée » intrinsèquement?
    Je ne suis pas sûre de tout avoir saisi de la pensée de Merleau Ponty mais je suis au moins d’accord avec ce qu’il énonce en ce qui concerne la  » phénoménologie de la perception » et peut être, aussi, dans une certaine mesure avec Paul Ricoeur.
    Il me semble que le royaume des idées est celui de la pensée, d’une pensée vivante qui se nourrit de l’être. Elle nous saisit , nous tétanise à certains moments sans crier gare. Elle nous échappe, nous fuit à d’autres moments , souvent lorque l’on cherche à s’en saisir. C’est un jeu de » cache -cache » ou de  » tu ne m’attraperas pas » ou encore  » débrouille- toi , je suis là. Tant pis pour toi. » C’est souvent une leçon de vie. Elle est le fruit de l’expérience mais aussi de l’expérimentation.
    Notre niveau de conscience a probablement avoir à faire avec l’apparition de certaines idées.
    Il n’est pas seulement question de Savoir mais de Connaissance.
    Raison, intuition, éthique (intentionnalité) et sensibilité ont probablement maille à partir. Il y a pourtant des ponts.
    On peut perdre la raison, ne plus avoir les idées claires, devenir insensible mais cesse-t-on pour autant d’avoir des idées?. Et dans ce cas, de quelles zones d’ombre émergent elles, de quelles idées s’agit il ?
    Oui, je crois que certaines idées peuvent apporter de la joie, mettre du baume à l’âme et nous rendre plus créatifs. Quant à nous guérir, je crois que c’est de l’ordre de la transcendance.
    Notre finitude, la fragilité de notre condition humaine sont une entrave à quelque chose de cet ordre là. On peut panser ses blessures qui à la longue sont moins béantes mais la cicatrice est toujours là. Elle finit par se confondre avec le tout bien qu’ il en reste toujours des traces. La joie est là quant on peut se retourner et regarder sans souffrir. Les idées de « joie » accompagnent la résurrection. C’est en quelque sorte la manifestation du corps de l’Etre des idées ou des idées de l’Etre.
    Amitiés à tous et en particulier à Roschan qui a proposé ce sujet si intéressant.

    13th février 2011 at 16 h 40 min

  2. Elke Mallem says:

    Pour moi, l’idée, c’est quelque chose « d’avant » la pensée. On reçoit une idée comme un baiser léger, elle nous effleure d’abord comme un voile à peine perceptible qu’on cherchera à « attraper ». Elle se vit dans une étrangeté aux contours indéfinissable, à provenance incertain. Vient-elle de dedans, vient-elle du dehors ? Probablement une de ces naissances qui dépendent d’une rencontre… Et c’est un vrai travail de la transformer en pensée, en quelque chose de concret qui tienne la route, sur quoi appuyer l’action. Quelque chose de l’ordre de l’intuition? Nous l’avions évoqué, il me semble. La pensée comporte plusieurs étages, se construit dans la condensation de la matière évanescente. Les idées qui guérissent, ce sont des phénomènes comme les sauts quantiques. Elles peuvent parfois générer un choc, ou alors juste susciter un étonnement. Une réalité invisible avant semble vouloir s’imposer. Cette réalité nouvelle aurait tendance à contredire ce qu’on pensait « vrai » avant. Mais ce qui semblait « vrai » avait commencé à peser, à enfermer. La vérité d’avant empêchait le processus de croissance, rendait « malade » puisque la maladie est toujours « être empêché ». Et l’idée émergeante ouvre une brèche, une opportunité de progresser, de croître. Cela va dans le sens du « guérir » de Canguilhem en tant que processus de ré-invention. Ce ne serait pas l’idée en elle-même qui apporte la guérison, mais le travail de penser un nouveau cadre de référence qu’elle imposerait ?

    13th février 2011 at 8 h 31 min

  3. Gorhan Gunter says:

    Je dois avouer que les deux commentaires, celui de Nadia et celui de Elke, me laissent sans voix, sans clavier : je ne vois pas quoi ajouter ! Je les reçois à la fois comme poétiques, existentiels et « philosophiques » – mot que je mets entre guillemets car il ne dit rien de plus, pour moi, que faire des liens de façon inédite, originale. La « philosophie », dans ce sens-là, réactive la double étymologie de la « religion », à la fois religare (relier) et relegere (relire, réinterpréter -de façon inédite – la réalité).
    Je peux peut-être ajouter ceci : l’idée, au sens platonicien, correspond plutôt à l’idéal. Que ce soit l’ »idée » du Bien, du Beau, du Vrai ou du Juste, voire celle du cheval, il s’agit en réalité d’idéaux ; par exemple l’ »idée » du cheval est en réalité l’idéal du cheval parfait.
    Avoir une (ou plusieurs) idée-idéal, à savoir « ce qui nous tire vers le haut », comme le dit Goethe dans son Faust I, avant de nous guérir, nous évite surtout de tomber malade au sens de Elke : elle-il nous évite de nous empêcher/entraver nous-mêmes, ce qui est le vrai sens de la « libération » : libérer en nous nos forces créatrices et non pas : devenir indépendants, c’est-à-dire des individus/atomes/électrons « libres ». Les deux commentaires en sont – à savoir d’une telle libération – une belle démonstration.
    Merci !

    13th février 2011 at 11 h 39 min

  4. Carlos says:

    Essence de toute opération intellectuelle, PENSER, c’est réfléchir ; et, si l’objet de la réflexion est intérieur, on a une IDEE. Que faire des mauvaises idées, les idées à double tranchant ou tout ce que l’on appelle le cafard ? Boire pour oublier ? Se foutre en l’air ? Personnellement, je dors ; je rêve et ça va mieux après.

    13th février 2011 at 12 h 20 min

  5. Gorhan Gunter says:

    A mon avis, on pense lorsqu’on essaie de trouver une solution à un problème, que ce problème soit intérieur ou extérieur ; on réfléchit, en revanche, lorsque, en adoptant une position « meta » (d’où la meta-physique), on pense sur/a propos d’une pensée – à quoi sert-elle, quel est son Sens, dans quel sens oriente-elle ma vie ?
    Une idée, un idéal peuvent-ils rendre malades, très bonne question.
    Le cafard est-il une maladie ? C’est loin d’être sûr. Tout dépend de ce que l’on en fait. Je crois savoir que de très grands artistes (Baudelaire sur le spleen, Goya pendant sa « période noire », parmi beaucoup d’autres) ont fait, à partir du plomb du cafard, de l’or poétique.
    Aristote, relayé par nombreux d’autres pensait même que la mélancolie, nom savant du cafard, était l’attribut de tout créateur. Condition peut-être nécessaire, mais certainement pas suffisante ! Ne serait-ce pas, par hasard, un peu le cas de notre ami Carlos ?
    Y a-t-il des idéaux pathogènes ? Autre très bonne question. Certainement, et c’est une raison importante de venir régulièrement les mettre à l’épreuve dans les différents lieux de « la philosophie dans la cité »…

    13th février 2011 at 13 h 09 min

  6. Nadia salah says:

    L’homme aujourd’hui n’a qu’une idée : se changer les idées (S.S.S or fun)
    Comme en écho aux propos ci dessus, je repense aux propos d’Einstein que je partage et que j’aime à méditer dans » comment je vois le monde » :
    « Trois idéaux ont éclairé ma route et m’ont souvent redonné le courage d’affronter la vie avec optimisme: la bonté, la beauté et la vérité.  »
    « Si l’idée n’est pas a priori absurde, elle est sans espoir « .
    « Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle.
    Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don »
    Et pour finir, celle à laquelle j’adhère confusément : « La distinction entre le passé, le présent et le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle.  »
    Quelques idées sur lesquelles nous pourrons peut être réfléchir dimanche prochain
    Amitiés nadia

    13th février 2011 at 0 h 34 min

  7. ROCA Gilles says:

    Une’ idée peut’- elle guérir ? Gérard Tissier,
    *
    « mourir pour des’ idées, d’Accord, mais de mort Lente … »,
    Georges Brassens’, guérir pour une’ idée, Le corps-esprit, nous hante’,
    et nous conditionne … La condition souffrante’,
    en’ Acte de Langage … Parole’ Agissante,
    pour soigner, pour panser, notre … Pensée Vivante,
    notre … panse … notre … Pensée, Là, ruminante’,
    une’ idée qui invente’,
    une’ idée résistante,
    battante …
    combattante,
    suscitante …
    mutante’,
    idée re-suscitante’,
    et guérissante …
    re-naissante’,
    une’ idée transcendante’,
    une’ idée signifiante’,
    et du sens’, qui nous hante’,

    existence’- signification,
    et … et …sens’- direction

    Au diapason,
    de L’horizon,

    une’ idée, une … foi, qui sauve … qui guérit,
    contagieuse’, Ah … La foi !, pour Le corps, et L’esprit,

    À, d’Abord, Aguerrir’,
    et, en-suite’, en-fin, À …guérir,

    de notre … condition, de notre’ évolution,
    idée – émulation, propre … révolution,
    Jean Cardonnel, J C : idée d’ insurrection,
    Vers La résurrection …
    *
    féeminine … philo … Sophie,
    d’une’ Autre … femme … « L’utopie,

    non L’irréalisable … L’irréalisé »,
    Théodore Monod, une’ idée pour guérir, pour se réaliser,

    La philosophie, d’…âme !,
    du philosophe … ce …dit « médecin de L’âme », Gilles Roca,

    *
    Cas-fée-Philo des nés-nus-Phares, ce 13’- 2 – 2011’, en ces-jours de Pluviôse’,
    et de nos’ idées phares, … et de ton’ idée … ose !, G R

    13th février 2011 at 11 h 13 min

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