Débat du 22 Mai 2011: « Qu’est-ce que la sagesse? », animé par le philosophe Edgar Morin.

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Posted on 23rd mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Je traçais ma route, sachant que, comme dit le poète Antonio Machado, « Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant », et assez déconcerté donc à l’idée d’aller me confronter carrément à « La Voie », dernier ouvrage d’Edgar Morin, au cours du débat qui, animé par l’inébranlable observateur de l’ordonnancement de la cité, allait avoir lieu le 22 Mai au Café des Phares. Finalement, c’est un panaché des sujets proposés par le public qui, réduit à « Qu’est-ce que la sagesse ? », a servi de base à la conférence-débat.

Il s’avéra vite, aux yeux du sociologue-philosophe, que le prétexte intellectuel pour la démarche en cacherait deux formes : une faite de renoncement, l’autre d’épicurisme, les exemples avancés étant, pour la première, le cas du baron d’Empain, riche homme d’affaires enlevé en 1978, mais qui, une fois relâché, quitta la France pour, en jeans et sac à dos, aller vivre six mois aux USA, l’autre, celui de Jean-Paul Kauffmann, pris comme otage au Liban en 1985, et devenu visiteur des prisons dès que libéré. On en est venus ensuite à « l’imagerie cérébrale d’Antonio Damasio », qui fait admettre la complexité du pôle rationnel (« Homo sapiens ») en conjugaison avec le pôle démentiel (« Homo demens »), c’est-à-dire, « le savant fou » sujet au délire, à la colère, aux crimes, aux massacres. Entre les deux émotions, on a visité « l’amour extralucide et l’extra aveugle », pour retourner à la case départ où s’installe le doute de pâtir ou de jouir de la proie que l’on a en soi. La Sagesse résultant d’un jeu permanent entre raison et passion, et « la vie bonne » incluant la compréhension d’autrui, nous serions logiquement invités à devenir tolérants, aussi bien dans le travail qu’en famille. Pourtant, à la question, « y a-t-il autant de sagesses que de gens ? », Edgar Morin a répondu que le « connais-toi, toi-même » n’est pas aisé, comme l’enseigne Montaigne, car nous sommes des êtres multiples qui, tel Dr. Jekill et Mr. Hyde, passent facilement d’une personnalité à une autre, en raison d’une compartimentation dans laquelle chacun perd de vue l’ensemble, d’où la véritable indifférence à autrui et au déficit de sens. En somme, on a autant de connaissance que d’aveuglement. D’un côté il y a les experts, exposés aux problèmes d’un monde cloisonné, de l’autre une sorte de raison politique qui, si les Hommes la possédaient, ferait d’eux des sages appelant à des catégories de pensée riches de pluralités tels qu’affects, complétude, simplicité, émerveillement, esthétique, ou poésie de la vie. Qu’est-ce que la raison critique, alors, se demandait le maître, rapportant qu’à ce titre Montaigne s’étend sur le cannibalisme lorsqu’il parle du colonialisme, et Montesquieux, dans les « Lettres Persannes » sur le sujet du relativisme culturel. Aujourd’hui, par contre, poursuivit Morin, la dégénérescence de la  raison, réduite à un rationalisme de salon et autres incohérences fondées sur des bases floues, termine en pathologie étouffante de l’économie et en robotisation afin d’asservissement, voire d’extermination, si l’on se souvient des suicides à Télécom ou les industries culturelles conduisant à la vie mutilée dénoncées par Adorno et Horkheimer. Conclusion, la raison n’est pas simple ; tout se complique vite de façon grotesque, à moins d’une autocritique de la complexité et de la globalité qui passerait immanquablement par l’autodérision. Il faut rire de soi. On doit être capable de se moquer de soi-même et d’autrui, car nous subissons la dictature du chronomètre sur la durée intérieur et psychologique, le temps compté dont parle Bergson, et les cadences infernales ridiculisées par Charlot dans les « Temps Modernes ».

Il faut, souligne enfin le maître. Il faut, donc, échapper à la pression du cercle infernal si l’on en a la possibilité. Il faut que l’on réforme notre système d’éducation, antinomique de la connaissance. Il faut que l’on change la formation des formateurs car, pour enseigner, il faut aussi de l’Eros. Une fois débarrassés des idéologies, nous avons fini par vouloir tout résoudre avec le marché, ce qui nous conduit aujourd’hui à d’effroyables cataclysmes et fanatismes conjugués contre l’humanité, tels le capitalisme financier ou la spéculation, et il serait sage de les éviter. Comment ? Il faut plus de sagesse, de rationalité, mais aussi de confiance, détermination et pensée, car, si l’on est incapable de réflexion on tombe dans l’erreur. Il faut que se fasse jour un effort de la raison, capable d’imaginer que si l’imprévu peut arriver, il arrivera. Alors qu’un autre monde est possible, il faut de la volonté et de l’espérance aux vieilles générations, désabusées ou dans le désarroi, autrement on court à la catastrophe, selon toute probabilité, bien que l’improbable puisse prodigieusement se révéler aussi, comme fut le cas de la petite bourgade d’Athènes qui, avec son petit allié de Sparte a résisté à l’empire Perse, pour donner naissance à la démocratie et à la philosophie.

Il faut sans cesse recommencer. La maladie de la raison est la raison close, et aujourd’hui, il nous faut donc partir en quête de la Renaissance, nous remettant à la Philosophie dont la vertu est l’interrogation. Rien n’est acquis, et tout ce qui ne se régénère pas, dégénère.  Il faut tout reprendre, tout renouveler, trouver La Voie.

-Dites, mon brave, demandait un automobiliste égaré à un paysan du coin, où va cette voie-là ?

- Elle continue tout droit puis, après le grand tournant, je ne sais plus.

- Et celle-là, à gauche de nous ?

- Ah, celle-là, elle mène au cimetière et ensuite Dieu sait où…

- Et l’autre, là, devant nous ?

- Oh, elle va vers la montagne, mais après je ne saurais pas vous dire.

- Vous savez quoi ? – crie le touriste exaspéré. – Vous êtes un con, Monsieur !!!

L’autre :

- Je suis peut-être un con, mais je ne suis pas perdu !

Carlos Gravito

Débat du 15 Mai 2011: « Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? », animé par Gérard Tissier.?

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Posted on 16th mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

« Peut-on vraiment être qualifié de bêcheuse ou de frimeur lorsque, en robe longue de soie et dentelles ou habillé d’un smoking et nœud papillon, l’on monte le tapis rouge qui recouvre les marches d’accès à la grande salle de projection, à Cannes ? », telle était la question qui me trottinait dans la tête en observant, le 11 Mai, les simagrées de l’inauguration du 64ème festival de cinéma. Quatre jours plus tard, le 15, c’est la piteuse aventure arrivé à DSK qui a chiffonné ma contenance ; patron du FMI, il a été arrêté pour agression sexuelle sur une soubrette chargée du ménage à son Hôtel de New York. Bigre ! On a beau être baraqué, on devient vite bien peu de chose.

Arrivé enfin au Café des Phares, je constate que l’animateur, Gérard Tissier, n’avait trouvé rien d’autre de plus bandant que : « Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? », pour que l’on s’y frotte, la justification donnée étant la nuance entre « être au pouvoir et avoir le pouvoir », un premier exemple se portant sur le « pouvoir fragile d’Astérix qui ne tenait pas sur son bouclier ». Pouf ! Quoiqu’il en fut, une question primordiale s’imposait :  De quel pouvoir parlait-on ?  Du pouvoir étatique ou de celui de distribuer des micros ? De toute évidence, d’après la voie prise, il s’agissait du pouvoir d’Etat mais, franchement, supposer sa faiblesse intrinsèque ou immanente, est-ce une question que l’on pose à des individus conscients et instruits de leurs devoirs civiques ? Désolé, mais, à part cette improvisation, a-t-on un jour considéré comme une faiblesse la prise ou l’exercice du pouvoir par un Etat ? Si l’on visait quelque chose de philosophique, on chevauchait sur l’insuffisance des concepts et de fausses prémisses, la notion d’Etat (status) signifiant par elle-même la position debout, ou une stabilité certaine, ce qui fait qu’il n’y a pas d’Etat si une distinction ne s’établit entre ceux qui ordonnent et ceux qui obtempèrent, c’est-à-dire, dès qu’un Homme ou un collectif d’Hommes se trouvent en situation d’imposer leur volonté à un autre groupe plus étendu, dans un espace donné, le sol constituant la base sur laquelle le phénomène s’opère, et l’Etat se résumant à la rencontre en somme d’un territoire, d’un peuple et d’une langue. Il n’est jamais donné, mais plutôt forgé, par la persuasion ou la contrainte, d’où résulte que le problème soulevé ne se pose pas ; il y est question de puissance publique caractérisée par la force et point par la veulerie et cela prend le sens politique « d’appareil » lorsque l’on y ajoute le déterminatif « res » (publica), la contre-partie d’un tel Etat-pouvoir étant l’Etat-société (l’ensemble des nationaux) sur lequel il s’exerce, ce qui rend les deux indissociables ; ils s’incarnent, comme il a été relevé. Dès lors, tous les citoyens éclairés sont censés savoir que, postulant à une tâche soumise au scrutin universel et menant à la conduite des affaires, ils doivent être désignés par une centaine d’autres élus, selon un rituel strict, car c’est forte du résultat des urnes que la souveraineté nationale appartient au peuple. C’est cela que, dans le sujet, l’on nome « faible » ? Rien ne le laisse supposer.

Ainsi donc, résultant d’une somme de volontés qui accordent un mandat à ses représentants, la démocratie pratique la dépersonnalisation, c’est-à-dire, tout bien pesé, la souveraineté revient à la nation, tandis que la monocratie (monarchie, dictature ou tyrannie) use de la personnalisation du pouvoir en un seul Homme.

Alors ? Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? Bien que cela puisse paraître inconcevable,  sachez que « le mandat du représentant du peuple est rempli selon l’appréciation de son titulaire, et de ses abstentions il ne résultera aucun risque de déchéance ; celui-ci n’est pas lié juridiquement par ses engagements pris au cours de la campagne électorale, et n’a pas à tenir compte d’injonctions reçues ultérieurement, dès qu’il n’est tenu à aucune des activités découlant de la fonction dont il est investi, ou à faire objet d’une révocation, soit par l’électeur soit par l’Assemblée, ni de déchéance judiciaire anticipée ». Cool, le gars, candidat à la pratique de l’omnipotence ; pourquoi avoir les chocottes ? De quoi avoir peur si, traversée par la transcendance du Droit Constitutionnel, la contrainte coercitive est un dogme de l’Etat dont les organes se nomment « Pouvoirs » et n’ont en face que l’obéissance civile ? Au moyen d’injonctions, prohibitions ou sanctions, les commis de la Nation sont les seuls à décider des besoins à satisfaire, des moyens à employer et comment y parvenir ; le contraire serait la disparition du Pouvoir. Eeeuh !!!

- Je suis chef de service et on me traite de couille molle ; c’est grave, docteur ?

- Non, non. Faites des pompes ou des abdos et si, en dépit de votre pouvoir, on vous reproche toujours une certaine faiblesse, essayez les suppos… à base d’huile de foie de morue.

 

Carlos Gravito

Débat du 8 Mai 2011: « L’espoir est-il désespérant ? », animé par Sylvie Petin.

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Posted on 9th mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Au cours de la première semaine de Mai, le commando d’élite d’un pays démocratique avait, sous cape mais sur le sol d’un autre pays démocratique, assassiné un homme découragé qui se complaisait à feuilleter ses albums souvenirs du vif espoir de ravager la planète, le Président du premier affirmant ensuite d’une voix sûre et fière : « justice a été faite, et nous avons jeté le corps à la mer, tellement il était défiguré, respectant ainsi la coutume musulmane ». Fastoche ! L’événement, controversé, a été assez commenté dans les médias ainsi que dans d’autres espaces publics et, le dimanche suivant, le 8 du mois, c’est « L’espoir est-il désespérant ? » le sujet que l’animatrice, Sylvie Petin, a mis en discussion au Café des Phares.

La machine à citations et noms de philosophes du passé qui devaient nous sortir de l’antinomie s’est mise immédiatement à mouliner, hélas, l’espoir est chose de l’avenir, aussi nécessaire que le présent, et on s’attend d’ordinaire à ce qu’il soit généreux et point retors. A la rigueur, on pourrait libeller la question employant comme adjectif qualificatif « affligeant » ou « décourageant », tout simplement, signifiant par là une maigre conviction au sujet d’un sentiment peu rassurant, mais en aucun cas la désespérance, une paradoxale absurdité dont la contradiction réside dans le type de raisonnement sur lequel nous avons été aiguillés, d’autres situations d’ineptie possible étant par exemple : « L’amitié est-elle inamicale ? », « La moule démoulée ? » ou « La démocratie terrorisante ? », si l’on voulait s’exprimer sur l’incantation USA. Le travail de la philosophie est de chercher le sens des choses et non d’inverser leur image, nom d’une pipe.

Nous avons donc assisté à la mise en scène d’une compétition entre les amis de la sagesse, les uns côté espoir, les autres désespoir, alors que, toujours, « à quelque chose malheur est bon », parce que dans tout événement pénible se trouvent en général certains trucs dont on a la possibilité de se servir, le mal étant nécessaire pour obtenir le bien, d’où l’insuffisance du concept ; soit l’espoir agit sur le réel, soit il rejette l’idée d’un être optimiste. Guillaume d’Orange « n’avait pas besoin d’espérer pour entreprendre » et, finalement, il me semble que l’espoir n’y peut rien, en somme, du fait que le ciel parfois se lasse de rendre les Hommes heureux et, à leur bien, mêle certaines disgrâces, ne serait-ce que le mauvais temps ou quelques atomes qui leur pètent à la gueule ; c’est l’effet de « la carte forcée » du Grand Prestidigitateur, à laquelle il ne nous est pas donné de nous dérober, tandis que l’envie ou le désir agissent, certainement, car ils ont un pouvoir de résolution immédiate que l’espérance ne possède pas.

C’est ainsi que les Hérauts de l’espoir s’époumonèrent faisant question d’atteindre quelque bien en toute confiance, et peine perdue pour les Cassandres du désespoir, déterminées, elles, par le désenchantement, tandis que l’âne caresse toujours l’espoir de devenir cheval, et il a tout le temps de sa vie pour en rêver, comme les larves patientent aussi dans leur condition pour devenir papillons ensuite, et la flèche se précipite vers l’avant, anxieuse d’atteindre la cible. Quoique cet enchantement du monde soit hélas marqué par la pensée magique en tant qu’exploitation du réel, il ne faut désespérer de rien, puisqu’il nous restera toujours un sentiment de confiance dans l’avenir, tant que l’étoffe de ce qui est sera recomposé par des poètes comme La Fontaine, pour ne parler que de lui :

« Perrette, sur sa tête ayant un pot de lait, …comptait déjà dans sa pensée tout l’argent avec lequel elle achèterait cents œufs ce qui lui permettrait d’élever des poulets…, etc., etc.. Mais, ‘qui ne fait châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin, tous, autant les sages que les fous, chacun songe en veillant’… (Puis), quelque accident fait que je reste en moi-même. Je suis Gros-Jean comme devant. »

Enfin. Rappelons que la philosophie est une affaire de raison et pas un jeu de cache-cache. Né de la peur, l’espoir est une trousse de secours dont l’utilisation dépend des circonstances. Pour ce qui est des cœurs purs, le bonheur, lui, est là, cartes sur table.

Carlos Gravito

Débat du 1er Mai 2011: « Doit-on avoir peur de la science? », animé par Jean-Marc Levy-Leblond.

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Posted on 2nd mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

C’était le premier Mai, le mois mythique de tous les enchantements et une certaine allégresse gagnait aussi les rues de Paris envahies de surcroît par des manifestants à la boutonnière ornée de brins de muguet, comme souvenir de la grève des travailleurs de Chicago qui avaient imposé en 1886 au patronat américain la journée de huit heures, et iraient sans doute réchauffer le cœur de quelqu’un dont le regard devint celui de l’autre. A l’heure où le ciel comptait un nouveau saint, le Pape qui avait exhorté ses fidèles à ne pas « avoir peur », au Café des Phares le physicien et philosophe, Jean-Marc Lévy-Leblond, qui maniait les éprouvettes dans la conduite du débat, a choisi justement pour sujet du jour, « Doit-on avoir peur de la science ? ».

Brrrrrrrr ! Non ; du calme. Prenons donc l’ampoule à décanter et voyons : « Devoir », implique une obligation morale à respecter en raison des convenances. La « Peur », suppose l’imminence d’un danger et il est bien connu que, dès que celui-ci se précise, la trouille tend à disparaître. La « Science » ( ‘Scientia’, dérivé de ‘scire’, qui a pour but le savoir en soi, et point ses applications pratiques), s’oppose donc à l’ignorance comme seul péril. Conclusion logique, mutatis mutandis, notre sujet pouvait très bien  se traduire, en cas de panique, par «  Faut-il convoiter le charlatanisme ? »

Pourtant, on en n’était pas là. Alors, quelques participants ayant « fait la distinction entre science et technologie » ou manifesté leur « confiance dans les apports de celle-ci en même temps que leur défiance vis-à-vis de son utilisation », et compté sur « l’engagement responsable des scientifiques », l’orateur est parti dans un long mais non moins intéressant soliloque sur « le savoir et le besoin manifesté par chacun de convaincre les autres, depuis les grecs à aujourd’hui, si l’on excepte les romains qui ne s’intéressaient qu’aux arts et au droit, provoquant ainsi un hiatus dans ce domaine qui dura jusqu’au XVIIème siècle où la technique des artisans a permis enfin un développement galopant des sciences, allant de la machine à vapeur à l’électricité, la radio, la télé, etc. ».

Ayant son auditoire en main, le conférencier poursuivit alors évoquant le retour de manivelle du « savoir scientifique, au cours de la guerre mondiale, avec la découverte des propriétés de l’atome ainsi que la possibilité d’en fabriquer une bombe, ce qui fut fait dans l’espace de trois ans, et essayé avec le succès que l’on sait », puisque l’on peut le constater à l’occasion faisant un détour par Hiroshima, une caricature de notre humanisation.

A la question subsidiaire « la science est-ce un apport ou un danger ? », il a été répondu « qu’il ne faut pas décevoir la curiosité d’un enfant de quatre ans », que « l’ignorance est la peur de l’inconnu », que « les objets techniques étant super performants, tout dépend plus du marché que des besoins sociaux », et patati et patata ! Qui, enfin, a la pétoche de quoi ?

Si l’on y réfléchit bien, c’est quand même bizarre de lier le savoir à la peur, ce qui ne se trouve pas très éloigné de l’Interdit de Connaître. Celui de la légende de l’« Arbre de la Science du Bien et du Mal », au moins, procède d’une explication naïve ou poétique de nos malheurs ; il y avait dans ce « Jardin de Délices » une succulente pomme, une avenante femme, et une facétieuse couleuvre pour faire diversion. Là, même pas les lignes de la main que la première bohémienne aurait mutées en science infuse. Où voulait-on en venir avec un tel pétard mouillé ? Au déni ? à la Science Fiction ? Exacte ? Pure ? Appliquée ? Expérimentale ? Occulte ? Ou tout prosaïquement  au grand Frisson tétanisant ?

La totalité de ce qui est directement connaissable, comme les faits scientifiques par exemple, est « finie » et on pourrait de concert atteindre le vrai, si seulement la réalité ne lui emboîtait le pas. L’« infini », lui, surgit dès que nous pensons, car cela nous permet de chercher un sens à ce que l’on ne comprend pas, en science seule l’hypothèse étant belle, puisque le rêve consent  à y intégrer chaque chose.

Πάτα ρεί, (Héraclite), Panta rhei, « Tout coule », tout passe, et pour ça le fleuve contourne les divers obstacles qui s’opposent à lui. Mais, en aucun cas, il ne retournera vers sa source.

Carlos Gravito