Débat du 1er Mai 2011: « Doit-on avoir peur de la science? », animé par Jean-Marc Levy-Leblond.

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Posted on 2nd mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

C’était le premier Mai, le mois mythique de tous les enchantements et une certaine allégresse gagnait aussi les rues de Paris envahies de surcroît par des manifestants à la boutonnière ornée de brins de muguet, comme souvenir de la grève des travailleurs de Chicago qui avaient imposé en 1886 au patronat américain la journée de huit heures, et iraient sans doute réchauffer le cœur de quelqu’un dont le regard devint celui de l’autre. A l’heure où le ciel comptait un nouveau saint, le Pape qui avait exhorté ses fidèles à ne pas « avoir peur », au Café des Phares le physicien et philosophe, Jean-Marc Lévy-Leblond, qui maniait les éprouvettes dans la conduite du débat, a choisi justement pour sujet du jour, « Doit-on avoir peur de la science ? ».

Brrrrrrrr ! Non ; du calme. Prenons donc l’ampoule à décanter et voyons : « Devoir », implique une obligation morale à respecter en raison des convenances. La « Peur », suppose l’imminence d’un danger et il est bien connu que, dès que celui-ci se précise, la trouille tend à disparaître. La « Science » ( ‘Scientia’, dérivé de ‘scire’, qui a pour but le savoir en soi, et point ses applications pratiques), s’oppose donc à l’ignorance comme seul péril. Conclusion logique, mutatis mutandis, notre sujet pouvait très bien  se traduire, en cas de panique, par «  Faut-il convoiter le charlatanisme ? »

Pourtant, on en n’était pas là. Alors, quelques participants ayant « fait la distinction entre science et technologie » ou manifesté leur « confiance dans les apports de celle-ci en même temps que leur défiance vis-à-vis de son utilisation », et compté sur « l’engagement responsable des scientifiques », l’orateur est parti dans un long mais non moins intéressant soliloque sur « le savoir et le besoin manifesté par chacun de convaincre les autres, depuis les grecs à aujourd’hui, si l’on excepte les romains qui ne s’intéressaient qu’aux arts et au droit, provoquant ainsi un hiatus dans ce domaine qui dura jusqu’au XVIIème siècle où la technique des artisans a permis enfin un développement galopant des sciences, allant de la machine à vapeur à l’électricité, la radio, la télé, etc. ».

Ayant son auditoire en main, le conférencier poursuivit alors évoquant le retour de manivelle du « savoir scientifique, au cours de la guerre mondiale, avec la découverte des propriétés de l’atome ainsi que la possibilité d’en fabriquer une bombe, ce qui fut fait dans l’espace de trois ans, et essayé avec le succès que l’on sait », puisque l’on peut le constater à l’occasion faisant un détour par Hiroshima, une caricature de notre humanisation.

A la question subsidiaire « la science est-ce un apport ou un danger ? », il a été répondu « qu’il ne faut pas décevoir la curiosité d’un enfant de quatre ans », que « l’ignorance est la peur de l’inconnu », que « les objets techniques étant super performants, tout dépend plus du marché que des besoins sociaux », et patati et patata ! Qui, enfin, a la pétoche de quoi ?

Si l’on y réfléchit bien, c’est quand même bizarre de lier le savoir à la peur, ce qui ne se trouve pas très éloigné de l’Interdit de Connaître. Celui de la légende de l’« Arbre de la Science du Bien et du Mal », au moins, procède d’une explication naïve ou poétique de nos malheurs ; il y avait dans ce « Jardin de Délices » une succulente pomme, une avenante femme, et une facétieuse couleuvre pour faire diversion. Là, même pas les lignes de la main que la première bohémienne aurait mutées en science infuse. Où voulait-on en venir avec un tel pétard mouillé ? Au déni ? à la Science Fiction ? Exacte ? Pure ? Appliquée ? Expérimentale ? Occulte ? Ou tout prosaïquement  au grand Frisson tétanisant ?

La totalité de ce qui est directement connaissable, comme les faits scientifiques par exemple, est « finie » et on pourrait de concert atteindre le vrai, si seulement la réalité ne lui emboîtait le pas. L’« infini », lui, surgit dès que nous pensons, car cela nous permet de chercher un sens à ce que l’on ne comprend pas, en science seule l’hypothèse étant belle, puisque le rêve consent  à y intégrer chaque chose.

Πάτα ρεί, (Héraclite), Panta rhei, « Tout coule », tout passe, et pour ça le fleuve contourne les divers obstacles qui s’opposent à lui. Mais, en aucun cas, il ne retournera vers sa source.

Carlos Gravito