Débat du 15 Mai 2011: « Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? », animé par Gérard Tissier.?

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Posted on 16th mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

« Peut-on vraiment être qualifié de bêcheuse ou de frimeur lorsque, en robe longue de soie et dentelles ou habillé d’un smoking et nœud papillon, l’on monte le tapis rouge qui recouvre les marches d’accès à la grande salle de projection, à Cannes ? », telle était la question qui me trottinait dans la tête en observant, le 11 Mai, les simagrées de l’inauguration du 64ème festival de cinéma. Quatre jours plus tard, le 15, c’est la piteuse aventure arrivé à DSK qui a chiffonné ma contenance ; patron du FMI, il a été arrêté pour agression sexuelle sur une soubrette chargée du ménage à son Hôtel de New York. Bigre ! On a beau être baraqué, on devient vite bien peu de chose.

Arrivé enfin au Café des Phares, je constate que l’animateur, Gérard Tissier, n’avait trouvé rien d’autre de plus bandant que : « Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? », pour que l’on s’y frotte, la justification donnée étant la nuance entre « être au pouvoir et avoir le pouvoir », un premier exemple se portant sur le « pouvoir fragile d’Astérix qui ne tenait pas sur son bouclier ». Pouf ! Quoiqu’il en fut, une question primordiale s’imposait :  De quel pouvoir parlait-on ?  Du pouvoir étatique ou de celui de distribuer des micros ? De toute évidence, d’après la voie prise, il s’agissait du pouvoir d’Etat mais, franchement, supposer sa faiblesse intrinsèque ou immanente, est-ce une question que l’on pose à des individus conscients et instruits de leurs devoirs civiques ? Désolé, mais, à part cette improvisation, a-t-on un jour considéré comme une faiblesse la prise ou l’exercice du pouvoir par un Etat ? Si l’on visait quelque chose de philosophique, on chevauchait sur l’insuffisance des concepts et de fausses prémisses, la notion d’Etat (status) signifiant par elle-même la position debout, ou une stabilité certaine, ce qui fait qu’il n’y a pas d’Etat si une distinction ne s’établit entre ceux qui ordonnent et ceux qui obtempèrent, c’est-à-dire, dès qu’un Homme ou un collectif d’Hommes se trouvent en situation d’imposer leur volonté à un autre groupe plus étendu, dans un espace donné, le sol constituant la base sur laquelle le phénomène s’opère, et l’Etat se résumant à la rencontre en somme d’un territoire, d’un peuple et d’une langue. Il n’est jamais donné, mais plutôt forgé, par la persuasion ou la contrainte, d’où résulte que le problème soulevé ne se pose pas ; il y est question de puissance publique caractérisée par la force et point par la veulerie et cela prend le sens politique « d’appareil » lorsque l’on y ajoute le déterminatif « res » (publica), la contre-partie d’un tel Etat-pouvoir étant l’Etat-société (l’ensemble des nationaux) sur lequel il s’exerce, ce qui rend les deux indissociables ; ils s’incarnent, comme il a été relevé. Dès lors, tous les citoyens éclairés sont censés savoir que, postulant à une tâche soumise au scrutin universel et menant à la conduite des affaires, ils doivent être désignés par une centaine d’autres élus, selon un rituel strict, car c’est forte du résultat des urnes que la souveraineté nationale appartient au peuple. C’est cela que, dans le sujet, l’on nome « faible » ? Rien ne le laisse supposer.

Ainsi donc, résultant d’une somme de volontés qui accordent un mandat à ses représentants, la démocratie pratique la dépersonnalisation, c’est-à-dire, tout bien pesé, la souveraineté revient à la nation, tandis que la monocratie (monarchie, dictature ou tyrannie) use de la personnalisation du pouvoir en un seul Homme.

Alors ? Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? Bien que cela puisse paraître inconcevable,  sachez que « le mandat du représentant du peuple est rempli selon l’appréciation de son titulaire, et de ses abstentions il ne résultera aucun risque de déchéance ; celui-ci n’est pas lié juridiquement par ses engagements pris au cours de la campagne électorale, et n’a pas à tenir compte d’injonctions reçues ultérieurement, dès qu’il n’est tenu à aucune des activités découlant de la fonction dont il est investi, ou à faire objet d’une révocation, soit par l’électeur soit par l’Assemblée, ni de déchéance judiciaire anticipée ». Cool, le gars, candidat à la pratique de l’omnipotence ; pourquoi avoir les chocottes ? De quoi avoir peur si, traversée par la transcendance du Droit Constitutionnel, la contrainte coercitive est un dogme de l’Etat dont les organes se nomment « Pouvoirs » et n’ont en face que l’obéissance civile ? Au moyen d’injonctions, prohibitions ou sanctions, les commis de la Nation sont les seuls à décider des besoins à satisfaire, des moyens à employer et comment y parvenir ; le contraire serait la disparition du Pouvoir. Eeeuh !!!

- Je suis chef de service et on me traite de couille molle ; c’est grave, docteur ?

- Non, non. Faites des pompes ou des abdos et si, en dépit de votre pouvoir, on vous reproche toujours une certaine faiblesse, essayez les suppos… à base d’huile de foie de morue.

 

Carlos Gravito