Le jour, 15 /1/012, où débarquaient à Paris Yuanzi et Huanhuan, un couple de Pandas Géants (format bébé), espèce rare et symbole d’amitié que, puisant dans son trésor national, l’Empire du Milieu se proposa de prêter pour dix ans à la France, comme s’ils se trouvaient sous un arbre à palabres, les visiteurs du Café des Phares® s’envoyaient dès le matin un sujet philosophique « Peut-on enseigner la sagesse ? », que Georges Sefinal allait essayer de démêler.
N’ayant pas eu l’occasion sur place de le faire immédiatement, je me presse à présent de dire carrément « que non ! » A mon avis, on ne peut pas enseigner la sagesse, et tenter de le faire ce serait une sérieuse sottise de laquelle le niais se moquerait, car la sagesse, c’est une leçon tirée de ses erreurs personnelles et que le sage se tait. Chacun s’en instruisant à ses frais, c’est donc idiot de laisser quelqu’un tirer avantage de nos propres âneries, la seule façon de s’instruire dans ce domaine. Sachant ainsi que l’on ne peut pas être sage avant d’avoir épuisé d’abord toute possibilité de bêtise, vouloir éduquer l’autre dans cette matière serait pour le sensé d’une ridicule immodestie, et il la boucle par conséquent, plutôt que de répandre prétentieusement les copeaux de ses expériences à seule fin de faire profiter autrui de son savoir, car on ne peut pas être sage qu’en vertu de sa propre sagesse, celui qui vit sans un minimum de folie n’étant pas si sage que ça, d’ailleurs.
Comme on sait, le terme « sagesse » ( de sapire, avoir du goût, de la saveur) est donc d’origine culinaire, et la parfaite connaissance de toutes les recettes peut signifier tout simplement la maîtrise de soi, car l’Homme complet, le raisonnable, le sage, n’enseigne pas. Il brille.
Le va-et-vient des micros déréglés démarra avec le souci propre à chacun de « se distinguer, d’enseigner, de transmettre, car la sagesse est un bien à propager en vue de chercher la vérité », et « qui s’accroîtrait avec l’âge », « le sage faisant les mêmes bêtises que le sot mais prenant moins de risques ». Puis, très vite la pensée s’est mise à tourner en rond et décrocha du réel, pour aller « faire un tour du Côté de la Conduite adoptée par maintes civilisations orientales, qui bénéficient d’un préjugé favorable », et des trémolos se firent entendre à ce sujet, puis un des habitués a décrit « un drame personnel qui l’aurait bouleversé », mobilisant l’empathie de tous les présents, pour conclure que « si tu crois pouvoir enseigner un autre, tu es loin du chemin de la sagesse », sur quoi on s’est demandés « s’il faut être sages », nécessité qui paraissait « évidente pour les arcanes du pouvoir », « la sagesse ne pouvant pas se passer de la violence » et, « le vécu, nous portant sans cesse des coups », « susciterait chez chacun la nécessité du discernement, de l’exemplarité et de la mesure » dans le rapport à la vie, tout en sachant que « l’on ne peut pas enseigner sans être sage soi-même » car, dès que « l’on fait de la philo passionnément à la manière de certains artistes, par exemple », on a la paix au point « d’être sages comme des images » ou « l’on devient insomniaque, parce que le pathos fait souffrir » et pour cette raison est « inséparable de la patience, un passage », un passage à vide, « attitude orientale différente de l’occidentale » où « c’est la personnalité qui compte », car « la fin est un moyen » tel que l’enseigne Krishnamurti.
« La puissance du désir est continue » et « la passion conduit aux pires des crimes sans que la sagesse ou la modération y puissent quelque chose » ce qui a amené « Socrate à choisir la mort pour éviter le chaos ». L’évocation du « bouddhisme, distorsion de la réalité qui peut être obtenue par les arts martiaux, changeant ainsi l’intérieur et l’extérieur », la « relation Homme/Femme s’exprime par la sagesse qui comporte l’efficacité et la justesse », d’un Socrate, « en quête de réalisation de l’humain de manière à faire grandir l’Homme dans sa recherche de la pierre philosophale », « la sagesse étant distincte de la résignation », « quête de la vérité, quête de la liberté », « résultat de la réflexion ou réflexion elle-même ».
Gilles ayant, provisoirement, le dernier mot : « …sagesse monte du visage au regard/ changer de civilisation, transmission, sage mission », tout le monde prit à pied le Chemin de Canossa, de l’autre côté de la place de la Bastille, c’est-à-dire, « Les Associés » pour, dans une foire d’empoigne vouée à fixer le nombre des animateurs, qui de Quatre sont devenus Cinquante-deux (laissant à chacun le temps de voir grandir les Panda), et passer au Robot la légende de L’Ineffable Solitude du Philosophe qui, mise en miettes, toucha dès lors le fond de la marmite de la Sagesse.
- J’ai plus de jouets que toi, na !…
- Je m’en fous. J’ai pas une grosse tête, na !…
Carlos