Compte rendu de la réunion publique.
Introduction :
Pascal Hardy rappelle les motivations de la réunion :
En regard du prestige du lieu, considéré comme berceau du mouvement « café philosophique amorcé par Marc Sautet, il est important de considérer le devoir qui implique cette position. Devoir d’excellence, mais aussi préserver le lien symbolique avec l’esprit de celui qui en a amorcé, par son activité, l’existence. Un renouvellement de la dimension sociale et politique, semblait essentiel aux initiateurs de la démarche. L’objectif pour les initiateurs de la démarche consisterait à faire des Phares un lieu d’expérimentation, de l’ouvrir vers l’extérieur, développer la coopération avec d’autres initiatives « café philo ». La première phase a consisté à ouvrir vers de nouveaux animateurs. Il était temps maintenant d’en tirer les premières conclusions et d’ébaucher un nouveau projet.
La réunion avait comme but d’informer les personnes intéressées de la démarche, mais aussi de donner l’occasion à ceux qui le désiraient, de s’exprimer par rapport à ce changement en cours : formuler critiques et propositions.
28 personnes ont pu prendre la parole. La restitution relativement brut de la parole des uns et des autres ci-dessus cherche à « fixer » l’évènement et donner un support pour étayer le travail de construction et peut-être de formalisation d’un projet « renouvelé ».
Cette liste repose sur les notes établies en hâte. L’auteur invite les voix injustement « déformées » de se manifester !
- Nous avons entendu en ouverture l’étonnement sur la faible utilisation d’internet pour faire la promotion du café philo (You tube, On va sortir…)
- Comment cela se fait-il que les intérêts du cafetier et son principe de réalité soient pris si peu en considération ?
- D’autres avaient du mal à comprendre le tumulte suscité par la transformation dans l’équipe d’animateur puisque l’intérêt était d’assister et de partager l’activité de réfléchir. Le rôle de l’animateur consiste, pour ce participant, à tirer le débat vers le haut et de distribuer la parole.
- Plusieurs voix ont exprimées l’irritation de ne pas avoir pu bénéficier d’une réunion préliminaire avant de se voir « infligé » le changement. Le mot « prise de pouvoir » a circulé. Le « mal » étant fait, l’avis s’est exprimé que la médiocrité des débats pouvait venir également des participants qui n’ont pas appris d’articuler la parole avec celle qui a précédée. Il serait souhaitable de pouvoir s’appuyer sur une véritable équipe d’animateur, avec une cohésion de valeur et de méthodes d’animation. Pour le recrutement, l’ancienneté et une formation philosophique semblent essentielle.
- Cette formation de l’animateur ne fait pas l’unanimité. D’autres évoquent l’importance de l’échange et qu’il ne s’agissait point d’instaurer une relation maître/élève.
- L’animation est reconnu comme difficile, tant par le cadre (locaux, nombre élevé des participants, sujet non préparé, mal formulé, micro médiocre) que par la gestion du « pouvoir » inhérente à la fonction.
- A la question du pourquoi du changement, nous avons appris que l’avis du patron de café a eu une importance : les débats lui semblaient apparemment ternes et il avait envisagé de fermer ces portes aux philosophants. La prévisibilité de l’animation par les animateurs « rodés « a pu faire fuir certains.
- Dans la définition d’une bonne animation, on propose de prendre le critère de nouvelles prises de paroles. En variant les styles d’animation, on pouvait s’attendre à satisfaire différentes sensibilités. L’animateur : architecte ou accoucheur ? Les deux mouvements pouvaient co-exister et s’enrichir mutuellement. Cette diversité pouvait protéger de l’abus de pouvoir, mais permettre aussi aux animateurs d’apprendre, de se laisser surprendre lors des interventions. Le dénominateur commun des animateurs devrait résider dans la bienveillance et l’intérêt pour l’autre.
- Un participant « animateur en province » constate les enjeux de pouvoir lié au prestige et à l’histoire et à la tradition. Il voit la nécessité de casser un rapport de force dans l’équipe d’encadrement. Les cafés philos auraient besoin de se renouveler comme tout vivant. Bien que la philo puisse être considéré comme « éternelle », il y aurait toujours à renouveler notre capacité de l’accueillir. Accueillir les autres, s’ouvrir aux autres.
- Pas d’animation canonique, dit-on. La pensée s’appuie sur la liberté. Mais cela ne voulait pas dire qu’on devait laisser animer « n’importe qui » ou passer la parole n’importe comment.
- Ce n’est peut-être pas tant la qualité de la parole que la qualité d’écoute qu’il faille développer ?
- S’agit-il de l’affrontement de deux systèmes, d’un rapport de force qu’il s’agirait peut-être de dépasser par l’émergence d’un nouveau, d’un troisième système qui intégrerait les aspects des deux autres ? On se questionne sur la légitimité de l’inquiétude. Pourquoi réformer un système qui marche ? Les Phares, ce serait un espace caractérisé par la liberté de parole. Et l’envie de faire des animateurs même sans diplôme serait recevable.
- Deux catégories de personnes : les philosophes professionnels qui vivent de la philosophie, les personnes qui vivent pour la philosophie. La philosophie aurait comme objet tout ce qu’est pensable. Comme tout être vivant, le bistro doit évoluer. L’importance résiderait dans la conduite respectueuse.
- Oui, le lieu est apprécié. On vient de loin pour assister. Mais parfois, on chercherait un peu plus de débat, de controverses. Question : pourquoi il n’y a pas d’association ?
- Etonnement du « première fois » : rien pour plaire dans ce bistrot. Locaux inadaptés, nombre important des participants, micro…. ; Et pourtant, on revient…
- Colère d’une ancienne, déçue de la dégradation de la qualité des débats. Elle voudrait trouver des pistes de réflexion, de lecture, pouvoir s’appuyer sur une équipe d’animateurs engagée dans un travail collectif. Elle relève aussi l’importance d’articuler les interventions les unes avec les autres.
- Venir aux Phares, c’est adhérer à un certain nombre de règles. Comment comprendre alors la discorde dans l’équipe des animateurs ?
- Ne pas tomber dans la lutte des classes !
- Ouverture, ce n’est pas s’ouvrir à tout et n’importe quoi !
- A été fait le constat d’une augmentation de « première prise de paroles » avec les nouveaux animateurs. Ce constat n’a pas été quantifié.
- En référence au débat ayant eu le jour même, une participante fait état de l’emergence d’une pensée collective, même sans controverse, sans l’intervention incessante de l’animateur.
- L’animateur en question profite pour dire le faible pouvoir dans ce sens donné à l’animateur dans ce lieu justement difficile à animer. La façon de faire de l’animateur dépendrait aussi de la salle, du contexte : on n’anime pas de la même manière au Phares qu’ailleurs
- Il s’agit d’apprendre collectivement à dire quelque chose quand on a quelque chose à dire ; savoir qu’on invente rien mais redécouvre éternellement.
- Connaître trop bien l’animateur provoquerait une tendance à orienter le débat.
- Les phares, espace militant à ouvrir non seulement aux philosophes mais aussi à d’autres courants de pensée ; des économistes, par exemple.
Conclusion :
Deux « écoles » semblent s’affronter : celle qui se représente l’évènement café philo comme une relation maître/classe, une autre qui voit l’espace café philo comme l’agora, espace d’échange et de partage. Dans cette constellation, la frustration se distribue dans une dynamique incessante. Et c’est peut-être cet espace de frustration que rend « le travail » possible? Les interventions mettent en relief la circularité entre l’animateur et le groupe des participants. Si certains focalisent sur les qualités de l’animateur, d’autres attirent l’attention sur la capacité des individus à respecter un « code de bonne conduite » : savoir non seulement s’exprimer, mais savoir aussi écouter, chercher à se faire comprendre, mais aussi chercher à comprendre ce que veut exprimer l’autre. Par les interventions, il nous a été rappelé la vanité de se raconter des histoires des grandeurs d’un temps passé et l’importance de ne pas se laisser s’en raconter pour être paralysé dans un temps qui n’arriverait jamais à la cheville du temps passé. Reste à dissiper les malentendus qui ont pu traverser la transcription des paroles. Que ceux et celles qui ne se retrouvent pas dans l’énumération et qui pensent avoir exprimé un élément essentiel, se manifestent !
Les amateurs de Platon ont reconnu dans cette petite conclusion les règles de la communication, formalisé par ce classique il y a bien longtemps. Eternelle, Platon ? Un débat à proposer !
Elke MALLEN