Alors que la population Syrienne continuait d’être bombardée par les troupes de leur président Assad avec la complicité de l’ONU, au terme d’une deuxième « Semaine de l’Industrie », qui prétend inventer le monde de demain, l’Actualité fut plutôt bourrée d’extrêmes violences suscitées par le « tueur au scooter » de Toulouse, Mohamed Merah, un loup solitaire auteur de sept meurtres en moins de huit jours, et culminées par l’action d’une unité du Raid qui, malgré la présomption de son innocence devant la justice, l’a exécuté d’un coup de feu dans la tête, au bout d’un suspens jugé gratifiant sur le plan électoral au point de le faire durer 30 longues heures, au lieu de l’expédier en 30 secondes. Quelques jours après ces troubles, le 25 mars, donc, le peuple du Café des Phares® a eu à s’interroger sur « L’athéisme est-il une croyance comme une autre ? », le sujet qu’a choisi de décortiquer Raphaël Prudencio, un animateur « maison » d’après la couleur du jour du Décret de Mobilisation, mais inconnu au bataillon des réservistes.
Il n’y avait pas là de quoi fouetter un philosophe mais, puisque le savoir ne nous est pas donné, et qu’on le tient plutôt d’autrui, il ne nous reste qu’à croire. C’est ainsi que les enfants croient au père Noël, que deux et deux ça fait quatre, que l’Homme instruit admet le Big-Bang, les sages la vérité, les révolutionnaires la liberté, les savants le savoir scientifique car, si l’on ne croit pas, nous n’avons pas de lieu de repli et sommes toujours exposés à notre propre fragilité, comme un château sur le sable. Mais, ne confondons pas pissenlit et chiendent ; se plaçant dans l’attitude de celui qui, dans son bac, ne s’intéresse qu’à sa pelle et à son seau, l’athéiste remplace le dogme par la certitude et de ce fait, son obédience n’est pas une croyance, tout court. Soyons clairs ; la croyance ne consiste pas à allumer des bougies, ni à brûler des encens devant des autels ou à remplir les temples de cantiques. Par la création d’un « logos », le croyant prétend donner un nom à l’ineffable et une apparence à l’esprit, une audace dont l’athée est incapable, l’athéisme étant un espace vide, comme la particule privative l’indique. Bref, pour le croyant, la foi est un rêve inorganisé mais constant, et chacune de ses prières le mène à se dévoiler, à redresser la conscience et transformer ainsi la réalité. Certes, le fait de croire implique la vulnérabilité du fidèle, mais il l’appelle à la dignité de l’humain, œuvre de l’entendement, et à une contention des appétits primaires qui est bien autre chose que l’affirmation de la sauvagerie ; intuitive et exigeant du sacrifice, la foi assure le fidèle que tout peut être aussi bien révélé que caché, tandis que la logique insinue tout simplement qu’il est sage de déjouer les leurres du désir caméléon. La foi suppose, enfin, des devoirs, et c’est là que le bât blesse car, souffle ravageur de la repoussante médiocrité des fourbes, l’athéiste ne requiert que des droits.
Et pourquoi croit-on, alors, à ce que l’on croit ? Parce que ce que l’on sait est plus lié à nos mots qu’à notre réelle connaissance, l’incertitude de la raison se relâchant tant sur les bégaiements de la philosophie que sur les véhémentes passions de l’Homme ; parlant de sacrifice, là où le soi-disant bon sens suggère invariablement la fuite en avant. Outrecuidante, la philo déshabille les concepts qui, comme des clichés s’émoussent à l’usage et s’estompent dès que surexposés, transformant ainsi tout simplement notre regard sur le réel. D’un côté, si tant est que l’athéisme proclame l’absence d’un Dieu, il admet de facto ce qu’il nie ; de l’autre, puisque nous ne pouvons rien savoir, il ne nous reste qu’à « croire, pour comprendre », comme le dit Saint Augustin « credo ut intelligam ».
Le doute étant suscité donc par l’emploi du mot « croire », notre illustre assemblée devait, dans chaque bréviaire, en disséquer toutes les occurrences, commençant par considérer « qu’il s’agissait-là d’une idéologie liée à l’éducation et que chacun en a sa propre opinion », comme dans une « conversation autour du feu », alors qu’il « était déjà demandé de prouver », « scientifique et pragmatiquement l’existence de Dieu », ce qui fut fait « à l’aide de six arguments », puis d’encore « trois autres, impliquant Auguste Comte », exercices « aussi difficiles que la preuve du contraire », « chaque personne en étant Un », jusqu’à ce que quelqu’un mît en évidence « l’adhésion hors conditions, dès que le concept de Dieu est opérationnel chez les croyants et non croyants », « l’Homme ne pouvant pas vivre sans une transcendance », alors que, « sans confondre religion et foi, chaque philosophe est un fondateur de religion, penser étant bien une prière sans Dieu », « un cerveau suffisant pour cela », « symbolisé par la verticalité de la croix ». On a évoqué ensuite « Montherlant et Dostoïevski qui trouvaient heureux le fait que Dieu existe, pour contraindre les Hommes aux valeurs morales, bien que la preuve revienne à celui qui l’affirme », « Pascal concluant que ‘l’on a bien intérêt à croire’, mais à quoi ça sert, sinon à une fascination pour le mystère ? », d’où « la question sur les idoles que l’on se donne », tout en se demandant « pourquoi les religions existent-elles, alors que celle de Dieu n’a jamais été prouvé ; c’est une faute de goût » qui ne sert « qu’à pousser les Hommes à faire le bien, même si l’on n’en a pas besoin » et « qu’il met plutôt mal à l’aise », « bien que sans ça, on soit tenus de prendre toute la responsabilité », quelqu’un d’autre opinant « qu’il s’agit-là d’un processus d’apprentissage avant l’autonomie, l’émergence d’une l’intelligence, soit une ‘pensée magique’ en situations de crise, car on a besoin de mythes », d’autres encore comparant Dieu aux « parents, à Internet », « à la psychanalyse », « une illusion nécessaire, semblable au pari de Pascal », tout ça « oubliant que l’on est dans une société laïque », « où le UN est le principe premier », qui a « la fonction d’un GPS », soit : « croire à…, croire que…, croire en…, contre les élites scientistes »…
Gilles boucla alors le débat, chantant, dans sa poésie : « Dieu est le seul Etre qui, pour régner, n’a pas besoin d’exister… »
Finalement, sachant que seulement 0,0001 % de tous les accidents ont lieu dans une Eglise, je dirais : n’hésitez pas, allez à la Messe, c’est plus sûr que l’autoroute et vous mériterez le ciel. Mais attention : un billet de 500€ ayant décédé, Dieu l’a placé en enfer, alors qu’il a mis à sa droite une pièce de 20 centimes. Comme le billet se rebiffait contre un tel traitement, indigne au vu de la hiérarchie des valeurs, le Seigneur le sermonna :
-Dis, donc. Quant tu étais sur terre, on ne t’a pas beaucoup vu à l’église !
Carlos