Débat du 25 mars 2012: « L’athéisme est-il une croyance comme une autre ? « , animé par Raphaël Prudencio.

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Posted on 26th mars 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Alors que la population Syrienne continuait d’être bombardée par les troupes de leur président Assad avec la complicité de l’ONU, au terme d’une deuxième « Semaine de l’Industrie », qui prétend inventer le monde de demain, l’Actualité fut plutôt bourrée d’extrêmes violences suscitées par le « tueur au scooter » de Toulouse, Mohamed Merah, un loup solitaire auteur de sept meurtres en moins de huit jours, et culminées par l’action d’une unité du Raid qui, malgré la présomption de son innocence devant la justice, l’a exécuté d’un coup de feu dans la tête, au bout d’un suspens jugé gratifiant sur le plan électoral au point de le faire durer 30 longues heures, au lieu de l’expédier en 30 secondes. Quelques jours après ces troubles, le 25 mars, donc, le peuple du Café des Phares® a eu à s’interroger sur « L’athéisme est-il une croyance comme une autre ? », le sujet qu’a choisi de décortiquer Raphaël Prudencio, un animateur « maison » d’après la couleur du jour du Décret de Mobilisation, mais inconnu au bataillon des réservistes.

Il n’y avait pas là de quoi fouetter un philosophe mais, puisque le savoir ne nous est pas donné, et qu’on le tient plutôt d’autrui, il ne nous reste qu’à croire. C’est ainsi que les enfants croient au père Noël, que deux et deux ça fait quatre, que l’Homme instruit admet le Big-Bang, les sages la vérité, les révolutionnaires la liberté, les savants le savoir scientifique car, si l’on ne croit pas, nous n’avons pas de lieu de repli et sommes toujours exposés à notre propre fragilité, comme un château sur le sable. Mais, ne confondons pas pissenlit et chiendent ; se plaçant dans l’attitude de celui qui, dans son bac, ne s’intéresse qu’à sa pelle et à son seau, l’athéiste remplace le dogme par la certitude et de ce fait, son obédience n’est pas une croyance, tout court. Soyons clairs ; la croyance ne consiste pas à allumer des bougies, ni à brûler des encens devant des autels ou à remplir les temples de cantiques. Par la création d’un « logos », le croyant prétend donner un nom à l’ineffable et une apparence à l’esprit, une audace dont l’athée est incapable, l’athéisme étant un espace vide, comme la particule privative l’indique. Bref, pour le croyant, la foi est un rêve inorganisé mais constant, et chacune de ses prières le mène à se dévoiler, à redresser la conscience et transformer ainsi la réalité. Certes, le fait de croire implique la vulnérabilité du fidèle, mais il l’appelle à la dignité de l’humain, œuvre de l’entendement, et à une contention des appétits primaires qui est bien autre chose que l’affirmation de la sauvagerie ; intuitive et exigeant du sacrifice, la foi assure le fidèle que tout peut être aussi bien révélé que caché, tandis que la logique insinue tout simplement qu’il est sage de déjouer les leurres du désir caméléon. La foi suppose, enfin, des devoirs, et c’est là que le bât blesse car, souffle ravageur de la repoussante médiocrité des fourbes, l’athéiste ne requiert que des droits.

Et pourquoi croit-on, alors, à ce que l’on croit ? Parce que ce que l’on sait est plus lié à nos mots qu’à notre réelle connaissance, l’incertitude de la raison se relâchant tant sur les bégaiements de la philosophie que sur les véhémentes passions de l’Homme ; parlant de sacrifice, là où le soi-disant bon sens suggère invariablement la fuite en avant. Outrecuidante, la philo déshabille les concepts qui, comme des clichés s’émoussent à l’usage et s’estompent dès que surexposés, transformant ainsi tout simplement notre regard sur le réel. D’un côté, si tant est que l’athéisme proclame l’absence d’un Dieu, il admet de facto ce qu’il nie ; de l’autre, puisque nous ne pouvons rien savoir, il ne nous reste qu’à « croire, pour comprendre », comme le dit Saint Augustin « credo ut intelligam ».

Le doute étant suscité donc par l’emploi du mot « croire », notre illustre assemblée devait, dans chaque bréviaire, en disséquer toutes les occurrences, commençant par considérer « qu’il s’agissait-là d’une idéologie liée à l’éducation et que chacun en a sa propre opinion », comme dans une « conversation autour du feu », alors qu’il « était déjà demandé de prouver », « scientifique et pragmatiquement l’existence de Dieu », ce qui fut fait « à l’aide de six arguments », puis d’encore « trois autres, impliquant Auguste Comte », exercices « aussi difficiles que la preuve du contraire », « chaque personne en étant Un », jusqu’à ce que quelqu’un mît en évidence « l’adhésion hors conditions, dès que le concept de Dieu est opérationnel chez les croyants et non croyants », « l’Homme ne pouvant pas vivre sans une transcendance », alors que, « sans confondre religion et foi, chaque philosophe est un fondateur de religion, penser étant bien une prière sans Dieu », « un cerveau suffisant pour cela », « symbolisé par la verticalité de la croix ». On a évoqué ensuite « Montherlant et Dostoïevski qui trouvaient heureux le fait que Dieu existe, pour contraindre les Hommes aux valeurs morales, bien que la preuve revienne à celui qui l’affirme », « Pascal concluant que ‘l’on a bien intérêt à croire’, mais à quoi ça sert, sinon à une fascination pour le mystère ? », d’où « la question sur les idoles que l’on se donne », tout en se demandant « pourquoi les religions existent-elles, alors que celle de Dieu n’a jamais été prouvé ; c’est une faute de goût » qui ne sert « qu’à  pousser les Hommes à faire le bien, même si l’on n’en a pas besoin » et « qu’il met plutôt mal à l’aise », « bien que sans ça, on soit tenus de prendre toute la responsabilité », quelqu’un d’autre opinant « qu’il s’agit-là d’un processus d’apprentissage avant l’autonomie, l’émergence d’une l’intelligence, soit une ‘pensée magique’ en situations de crise, car on a besoin de mythes », d’autres encore comparant Dieu aux « parents, à Internet », « à la psychanalyse », « une illusion nécessaire, semblable au pari de Pascal », tout ça « oubliant que l’on est dans une société laïque », « où le UN est le principe premier », qui a « la fonction d’un GPS », soit : « croire à…, croire que…, croire en…, contre les élites scientistes »…   

Gilles boucla alors le débat, chantant, dans sa poésie : « Dieu est le seul Etre qui, pour régner, n’a pas besoin d’exister… »

Finalement, sachant que seulement 0,0001 %  de tous les accidents ont lieu dans une Eglise, je dirais : n’hésitez pas, allez à la Messe, c’est plus sûr que l’autoroute et vous mériterez le ciel. Mais attention : un billet de 500€ ayant décédé, Dieu l’a placé en enfer, alors qu’il a mis à sa droite une pièce de 20 centimes. Comme le billet se rebiffait contre un tel traitement, indigne au vu de la hiérarchie des valeurs, le Seigneur le sermonna :

-Dis, donc. Quant tu étais sur terre, on ne t’a pas beaucoup vu à l’église !

Carlos

Débat du 18 mars 2012 :  » La fabrication du réel », animé par Pascal Hardy.

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Posted on 19th mars 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Habituellement, depuis le prématuré et regrettable décès de Marc Sautet le 2 mars 1998, le sujet de la bavette hebdomadaire, au Café des Phares®, a été choisi par l’animateur qui en était chargé, le jour même du débat, parmi une dizaine d’autres propositions, en général des interrogations. Ces moments de réflexion, entrelardés d’autres, conduits par des personnalités indiscutables du milieu intellectuel, se sont donc poursuivis le long des années, dans une logique d’entente entre les six animateurs historiques, jusqu’au moment où, l’été 2011, sous prétexte de « ronronnement », un Nouvel Ordre fut imposé par quelqu’un que, hélas, l’infortune avait temporairement éloigné d’une activité dont la noblesse lui tient à coeur. Or, il se trouve que n’étant pas inclus dans le planning qui établit l’Ordre du Jour du Régiment, de février à novembre 2012, élaboré par lui-même, ni dans le dortoir où patientent les domestiques, dans une soudaine démonstration de caporalisme, Pascal Hardy a décidé d’animer lui-même, le 18 mars 2012, un sujet de son cru, « La fabrication du réel ».

L’auteur du sujet argua que la « réalité » paraissait augmenter avec la création d’événements et serait un critère de vérité, de pair avec la justice, propos auquel on a ajouté le « réel » qui se trouverait chez Platon en dehors de l’idée, ainsi que la « mémoire » et la « perception », tout ça ayant une apparence binaire : « réel » et « irréel », une mutation du premier, à quoi on pourrait ajouter une « meilleure lecture de la réalité comme il survient avec un DVD ou un GPS, l’un permettant de lire, l’autre de se diriger », à la suite de quoi on a évoqué la manière de voir la réalité de Hegel et la méthode pour y arriver, ainsi que l’« Homme augmenté », ou le Robot. A propos de maternité, on a noté la tendance à dire, d’un garçon qui pleure, qu’« il est en colère », et d’une fille, « qu’elle est triste » ; de la réalité, qu’« elle n’est pas ce que l’on dit, mais ce qui est ». Citant Proust : « celui qui lit se lit lui-même », ce qui « peut être insoutenable », allant « jusqu’au déni » et, se tournant vers Socrate : « connais-toi, toi-même ». Elémentaire, mon cher Watson…  On a ajouté que « la fabrication de la réalité commence par une rencontre », « que chacun de nous est un philtre et que la vérité est notre interprétation des événements », puis que « les choses n’étant pas si simples », cela permet de passer de « la réalité est personnelle, le réel scientifique » , à « l’Homme qui n’est pas là mais son œuvre le sera toujours », à « Mona Ozouf, historienne de la Révolution Française » , à « la construction du Cyborg », au « sur-Homme qui travaille 24/24 heures sans se fatiguer » et au « réel versus réalité, dépendant de nos expériences ».

Nous avons cherché à savoir « pourquoi ne pas construire la réalité ? Construire, instruire, charpenter, alors que l’on abolit un ensemble au profit d’un autre avec le suffixe ‘ité’, vis-à-vis d’une finalité qui rend visible le réel de la fin à chaque personne porteuse de sa propre structure d’un concret qui permet d’obtenir une réalité, évitant ainsi le piège de tourner en rond ». On a fini par « se demander si le réel existe dans un monde non permanent qui évolue sans cesse et où nous sommes toujours dans la réalité sans en avoir une perception totale », alors que « le cerveau se construit en permanence ». Un autre participant ajouta que « l’on imagine, on se fait du cinéma, puis on réalise que l’on s’est trompé », le suivant « que l’on se construit une accoutumance sur huit points, besoin, envie, capacité, méthode, ressources, lectures, contrôle, feedback », un autre encore que « depuis Prométhée les Hommes ont constaté que les projets ne marchent pas, d’où les parcs d’attractions type Disneyland, alors qu’il faut savoir où l’on va ». L’auteur du sujet expliqua que « son idée de départ était un proverbe chinois : ‘le chien aboie dès qu’il voit une ombre’, illustré par ce qui se passe avec le marketing, où il s’agit moins de convaincre que de transformer la perception de la réalité qui nous imprègne totalement, comme on le voit dans la fabrication d’un candidat, de la dette, d’un cadre social, politique, etc. , par la modification du principe de réalité, un ‘storytelling’ dont le but est de se créer des besoins, dénoncé par Arthur Koestler lorsqu’il dit que ‘l’on se passionne de plus en plus pour des fragments dont la réalité est de plus en plus minuscule », et Gilles clôt, ensuite la séance avec un de ses vers : « …finalisation du projet, essence de l’existence… »

Enfin ; peut-être parce que l’on était dans la Semaine du Cerveau, voire des Maths, que la Bastille pavoisait pour le meeting de Mélenchon et que l’on fêtait le 14ème Printemps des Poètes, il planait dans l’air l’ambiance sonore des « Temps Modernes » de Charlie Chaplin, de pair avec le barouf de « La fabrique de la réalité », de David Deutsch (1997), où il est question des implications de la mécanique quantique dans la compréhension de la matérialité de chaque chose. Allons y donc pour l’usinage du concret, quoique pour le profane, « fabriquer », consiste à contraindre certaines matières à prendre une forme déterminée, avec le concours de machines ou d’autres instruments appropriés, en atelier ou en usine, afin de produire ainsi des grandes quantités d’objets, alors que, nous précédant, le Réel s’impose de tous temps à nous, même si l’on cesse d’y croire, c’est-à-dire, de le fabriquer dans notre esprit et que, tout compte fait, nous ne sommes pour rien, dans son surgissement. Il a devancé l’Aventure Humaine, et lui subsistera. Singularité de l’Espace et du Temps, d’après les modèles théoriques le Réel se dilate et se refroidit progressivement 380.000 ans après une causalité devenue nécessité.

Le Réel est donc là, pratiquement depuis toujours, représenté par un nombre infini de gigantesques galaxies dont la fabrication ne pourrait se concevoir que par pure génération spontanée, ou l’action d’un Créateur, et point grâce à un simple façonnage d’objets comme il est le cas chez Darty ou Ikéa. Payant de son temps, il nous englobe, prêt à être observé, au demeurant car, comme le Cosmos, notre cerveau est une réalité holographique aussi complexe que le ciel, actuellement scanné par le télescope Planck, de l’Agence Spatiale Européenne, jusqu’à 14 milliards d’années dans le passé. Moralité : contenant toujours une autre à l’intérieur de la première, chaque réalité est autrement plus difficile à fabriquer que notre propre caravane. Et pourtant, elle s’impose à nous, dès que nous cessons de simplement y croire, c’est-à-dire, cessons de la créer dans notre esprit, car il s’agit d’un milieu interstellaire, un gigantesque espace galactique (proche du vide et dont on ne connaît que 5% de l’étendue), qui, se répandant sur des centaines de milliards d’années lumière, nous englobe. Rien ne nous permet donc d’affirmer qu’il est fini ou infini, toutes les observations faites dans ce sens nous venant d’un passé proche du Big-Bang. S’opposant à l’abstrait, à l’imaginaire, à l’illusoire, au possible, et ne constituant qu’une infime partie de l’univers réel qui contient tout ce qui existe y compris l’espace-temps, qui n’a pas de bords, le Réel échappe à chaque raisonnement, et dès lors, nous nous trouvons face à un paradoxe postulant que la fabrication d’une telle grandeur n’implique pas son existence, d’autant plus que le mot « univers » reste à définir ; tout en ayant une taille finie, le Réel aurait une topologie sans frontières, dans une sorte d’ininterrompue bande de Möbius, qui à long terme, dans des dizaines de milliers d’années, se désagrègera pourtant dans un Big-Rip (grand déchirement), alors même que l’expansion de l’univers semble s’accélérer sans cesse et pour toujours.

Conclusion : nous ne pouvons que relativiser et, à ce propos, je vous confie la question qu’un jour me posa un juge :

- Quel est la date de votre anniversaire ?

- Le 19 Mars.

- Quelle année ?

- Tous les ans !

 Carlos

« Nouvelles pratiques philosophiques à l’école et dans la cité » de Michel TOZZI.

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Posted on 17th mars 2012 by Gunter in Suggestions de lecture

Parution du livre : « Nouvelles pratiques philosophiques à l’école et dans la cité »

Enfin un livre qui retrace l’histoire de ces nouvelles pratiques philosophiques et qui en expose le concept, qui en fait la théorie ; je considère, en effet l’auteur, Michel Tozzi,- venu il y a quelques mois animer le débat aux Phares – comme LE « cerveau » de ces nouvelles pratiques.

Michel Tozzi est philosophe, professeur émérite de l’éducation à l’Université Montpellier 3. Il a écrit de nombreux articles et ouvrages pour rendre la philosophie populaire, à l’intention des adultes comme des enfants. Parmi beaucoup d’autres activités ne faveur de la philosophie dans la cité (et à l’école), il est cofondateur de l’Université populaire de Narbonne et il anime depuis 1996 le café philo de Narbonne.

Philosopher à l’école maternelle, primaire, en collège, en lycée  professionnel, dans des médiathèques, des maisons des jeunes, des  foyers de jeunes travailleurs., ou philosopher dans un café philo,  banquet philo, ciné philo, théâtre philo ; au cours d’une rando philo,  avec une BD philo, par une consultation philo privée ou en  entreprise., ou  philosopher en prison, en maison de retraite, à  l’hôpital, en pédopsychiatrie, etc.
Dans chaque cas, de Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP) se  mettent place. Cet ouvrage vise, pour un public très large  (enseignants, animateurs, parents, amateurs de philo, participants à  des cafés philo etc.), à :- décrire et analyser l’émergence de ces pratiques philosophiques  sociales et scolaires souvent inédites, répondant à une demande  sociale et esquissant une image nouvelle de la philosophie ;- dresser un panorama de la diversité des publics, des lieux  d’exercices et des méthodes utilisées ;
- inventorier les genres qui se cherchent puis se stabilisent, autour  des tenants et aboutissants philosophiques ;
- préciser les objectifs et les présupposés philosophiques, politiques  ou didactiques impliqués, les méthodologies, dispositifs et supports  privilégiés ;
- exposer quelques-unes des controverses souvent passionnées soulevées 
par ces nouvelles pratiques philosophiques. (« Nouvelles pratiques philosophiques à l’école et à la cité », édition Chronique sociale, 2011, 443 pages, 16,50 €) :

Débat du 11 mars 2011 :  » Etre, est-ce se déchaîner ? « , animé par Gunter Gorhan.

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Posted on 12th mars 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Suivant de près la Journée Internationale de la Femme, au terme d’une nuit de pleine lune lui succéda la semaine à ne pas rater, celle des pimpants défilés de la planète mode, la « Fashion Week », sommet du « must-have » pour l’été, exhibé du haut de vertigineux talons aiguilles et les compassés déhanchements de longues jambes effilées, le 11 Mars, date où le candidat Président, dans la tourmente de la viande Halal, a décidé de présenter son programme d’action en vue de la Magistrature suprême, dans le Parc des Expositions de Villepinte, au Café des Phares®, c’était Gunter Gohran l’animateur « maison » auquel l’Ordre du Jour du Régiment donnait l’occasion de chercher à donner de la vivacité au débat du dimanche, « Etre, est-ce se déchaîner ? », propos attribué à Georges Bataille.

S’il est constant que, pour l’humain, la plus grande souffrance est le mépris ou le ridicule et point la douleur d’être, en raison d’un excès ou vide de soi, de quel sens se revêtait le mot « déchaîner » ? S’exciter ? Se soulever ? Se libérer ? Se débrider, tel un cheval qui, ayant pris le mord aux dents, ne serait plus dirigeable ? Pour les humains, cela équivaut tout simplement à s’offrir la possibilité de procéder à des énergiques résolutions.

C’est à croire que toute cette affaire est partie de l’apitoiement d’un enfant sur le sort d’un cheval [ça ne vous rappelle rien ?], que l’Homme ne considère pas comme son semblable et, à propos des chaînes qui embarrassent l’Ego, il a été évoquée la nécessité morale de s’en défaire, afin d’épanouir sa propre éducation, ce qui serait également valable pour les arts et autres orientations dans la vie, ou résultant de politiques oppressives comme celles d’Hitler et Mussolini, bien que la locution ne soit pas claire et, pour revenir au présent, on déplora à l’occasion que l’on chasse un tyran tandis qu’un autre reprend sa place, ainsi que la mésaventure de Julien Coupat et ses amis, soupçonnés de  sabotage des lignes TGV en 2008.

On a abordé ensuite la dépendance et la multi dépendance, ainsi que l’angoisse vis-à-vis des animaux domestiqués, ce qui n’est qu’un prétexte sachant qu’ils ne sont pas méchants, puis l’Etre-Homme fut replacé à sa place d’humain, par la grâce d’Heidegger, tout en se posant la question du pied d’égalité attribué à la philosophie et à la psychologie, de même qu’à l’Etre et à l’Avoir puisque, dès que l’on possède quelque chose, on s’y attache, alors que Bataille est l’homme de la transgression, libératrice des instincts et des pulsions chaque fois que, pour jouir, il faut dépasser la raison toujours présente dans la banalité de la vie, la thèse enchaînant et l’antithèse déchaînant, même si le doute persistait à propos du moment où se passe cet instant libérateur. Se déchaîner serait aller au-delà d’un comportement convenu ; avoir la liberté totale. Le Prométhée déchaîné remplacé par le Cyborg de la science fiction, le clonage, le  bateau relié à son ancre, quelque chose de stable. Se déchaîner serait aussi passer par la psychanalyse, la dialectique, la prise de conscience, rompre la chaîne dominant/dominé et ne pas céder sur son désir, pour les uns un lien, pour d’autres une chaîne, tout en invoquant le point de vue du chinois qui ne sait pas dire « je » mais pour lequel l’univers est le lieu où se libèrent toutes les formes créatrices, et d’être à même de briser chaque chaîne grâce au Tai-chi, c’est-à-dire, sans exercer de violence.

A part ça, le chef d’Etat Major du Régiment finit la séance, faisant état de certaines nouvelles considérations, puis Gilles  conclut que « se déchaîner est un supplément d’être ».  

Quoi d’autre ?

Il arrive, on le sait, que le cheval prenne le mors aux dents, et des lors, il devient impossible de le diriger. Pour les humains, étant entendu que chacun est maître de soi (Sartre soutint que « les français n’ont jamais été aussi libres que pendant l’Occupation »), « être », c’est s’offrir la possibilité de prendre de bonnes décisions, ou mauvaises, soit si ça leur chante, soit en raison d’un mauvais calcul.

Pourquoi, enfin, « être » serait-ce se déchaîner ? Arriverait-on au monde recouverts de chaînes ou de boulets aux pieds, à la manière des bagnards ? Serions-nous condamnés à nous protéger sous des cuirasses comme les tatous et les tortues ou d’écailles à l’image des homards ? Ou, comme il est naturel,  voudrait-on dire par là, que l’adolescent brise sa carapace d’enfant, puis celle d’adolescent pour devenir adulte ? Dans ce cas, c’est tout simple : Pour être, « Deviens ce que tu es », tel que nous y invite la devise Olympique de Pindare, tirée de son Ode Pythique.  

Etre est-ce se déchaîner ? C’est un peu court ! Dans la vie il y a des hauts et des bas ; on fait avec, car « être », c’est plus que ça, ou bien rire ou bien pleurer. En général, dès que sa petite reine fait « couic, couic », le cycliste est sensé changer de braquet ou, si la chaîne manque d’entretien, il prend une trousse-vélo et procède à son remplacement, avant qu’elle ne déchaîne, « à l’insu de son plein gré ». A l’arrivée, il exulte, et se déchaîne, enfin, pour de bon, s’il soutint l’allure pour l’accélérer dans le sprint final.

Carlos

 

Débat du 4 mars 2012: « Qu’est-ce qu’être solidaire ? », animé par Claudine Enjalbert.

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Posted on 6th mars 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Après les Carnavals qui se sont déroulés un peu partout au cours du mois de Février, c’est assez cocasse d’assister, ces jours-ci, à l’engouement des candidats à la l’Election Présidentielle de Mai qui, comme d’autres toucheraient du bois pour éviter les bâtons dans les roues, vont au Salon de l’Agriculture caresser allègrement le cul des vaches, la chaleur des bovidés suppléant ainsi, en tant que vigoureux stimulant politique, à celle plus douteuse de l’électorat à tournebouler lors de leurs meetings, à l’instar de ce que, le 4 mars 2012, se préparait au Café des Phares®, où les habitués du dimanche Philo, se proposaient de câliner les idées, du genre « Qu’est-ce qu’être solidaire ? », sujet du débat que Claudine Enjalbert allait mener.

Ayant, auparavant, jeté un coup d’oeil sur le nouvel Ordre du Jour du Régiment des Phares®, qui permet au chef d’Etat Major de veiller à la discipline et rigueur des troupes, j’ai pris la mesure aussi bien de l’embrigadement que de la solitude du corps des animateurs, et il me vint à l’esprit le destin de « Jonas, ou l’artiste au travail », récit contenu dans un recueil de nouvelles d’Albert Camus, « L’Exil et le Royaume », où les deux paronymes, « solidaire » et « solitaire » apparaissent, presque indéchiffrables, en bas d’un tableau, à côté de la signature de l’auteur qui, épuisé, est mort de faim. Solitaire, me paraît être le destin de ceux qui doivent marcher au pas, solidaire devrait être l’attitude de tous ceux que ça débecte.

Il a été dit, à propos du thème proposé à discussion, que « dépasser son intérêt personnel est le propre de l’être humain, une bête ne pouvant pas être solidaire d’une autre bête », d’où « l’intérêt de remplacer ‘solidarité’ par ‘fraternité’, plus universel », car « ‘solidarité’ est une hypocrisie qui se résume à l’action », ce qui reste à démontrer, suivi d’« un tas d’autres bonnes intentions », impliquant « la nécessité de définir ce que c’est ‘l’autre’ », du fait que « la ‘solidarité’ demande de la ‘solidité’ », « la soudure avec autrui », et « pas seulement un humanisme » ; une « aide réelle qui ne soit pas de la charité ». On a évoqué alors la « Tontine Chinoise (‘Hui’) », un réseau communautaire de prêts successifs, et « le ‘Système de Retraites’ dans les pays développés », en raison « du mal que l’on a à aller vers l’autre (moi-même) en difficulté, par manque de ‘conscience de groupe’ », « un sentiment défaillant aussi au niveau du pouvoir ».  Il s’agissait là, de « ‘solidarité positive’, alors qu’il y en a d’autres, négatives, telles que celles des ‘caïds’, ‘clans’ et ‘mafias’ régies par ‘la loi du silence’», évoqués « dans ‘Le Nègre’, film de R. Polanski, ou ‘les bavures policières’ sont tues, en raison d’une appartenance corporative » et par le « ‘je me révolte, donc nous sommes’, une valeur collective des existences, exprimée par Camus dans ‘L’Homme révolté’ », ainsi que par le « vécu des Camps de Concentration où, voués à un même destin, la mort, les prisonniers se trouvaient confrontés à la déchirante alternative : ‘c’est moi, ou l’autre ?’ qui mettait en question le problème de la ‘solidarité fondamentale’ ». Finalement, nous nous sommes de nouveau retournés vers le cinéma, cette fois-ci, « Le Pianiste », une autre production de Polanski, épilogue du drame de Varsovie et son ghetto, où le musicien Wladyslaw Szpilman, malade et affamé, est sauvé par un officier allemand, en raison de son talent.

On a parlé encore de « l’égoïsme dans la solidarité », « des méthodes brutales au cours de la guerre d’Algérie » et on finit par là où l’on devait commencer, l’étymologie du mot, qui ne serait ni « devoir » ni « dû », mais « solide », qui vient du langage juridique « in solido » (pour le tout), c’est-à-dire, « responsable envers le tout », suivi d’un vers de Gilles : « …du ‘je’ à l’autre, l’humain d’abord ; l’humain est demain, solidaire… »

Résultat des courses : les bons sentiments reposant sur un calcul rationnel qui permet d’adapter les moyens aux fins, c’est-à-dire, aux objectifs privés à porter sur le devant de la scène, il est manifeste que, l’état de nature correspondant à un isolement complet de l’individu, il s’en suit l’égalité du droit de se nuire mutuellement, d’où il ressort que l’autre constitue éventuellement une menace pour soi (homo lupus hominem), raison pour laquelle les Hommes deviennent solidaires, non par nature mais par besoin.

Ainsi, l’inégalité fondant de gré ou de force la solidarité, elle apparaît dès lors comme une condition de survie, au vu du spectacle d’un monde dont la pierre angulaire est le cynisme de « la main invisible » et où le pauvre d’un pays riche est plus riche que le riche d’un pays pauvre, un « chacun pour soi », qui semble nous convenir, autrement on se révolterait.

Si, face à ces aléas de la vie, nous ne pensons la solidarité qu’en fonction de l’Etat Providence aussi bien que son dépassement par l’Humanitaire, les ONG, la Globalisation, la Solidarité Verte, le Secours Populaire, les Restau du Cœur, l’Abbé Pierre et les Compagnons d’Emmaüs, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. La Solidarité est fondée sur un cheminement intellectuel, des savoirs, des raisonnements, même d’un analphabète. Pourtant, confisqué par la pratique politique, le mot nous apparaît tout à coup sous des nouveaux habits, revêtu d’un sens philosophique, alors qu’il s’agit d’affaires sociales. Si l’on en ressent le besoin d’en parler, c’est qu’il est sociologiquement problématique car, question d’éducation, information ou compétences, la réalité résiste à nos rêves d’êtres humains, mais point aux forces naturelles, ce qui fait qu’elle est à la fois possible et improbable puisque partager, aider, accompagner, soutenir, accepter, intégrer, protéger, se soucier, ne survient pas naturellement dans l’esprit de l’humain. La solidarité n’est pas spontanée ; c’est une victoire sur l’égocentrisme, une construction sociale, une conquête fragile de la civilisation. Pour qu’elle se produise dans la société, trois conditions : Faire partie du vouloir, avoir une forme de réciprocité, constituer une sorte de contrat social obtenu au cours de certaines luttes. Ce n’est pas une question de sensibilité mais d’un savoir, dont le contenu est un principe éthique.

L’Homme veut la concorde, parce que la nature veut la discorde et, dans ce sens, la Solidarité est un calcul qui ne peut pas être fondée sur la raison, ni sur un coup de cœur, ni sur les sentiments. Il s’agit d’une vision du sens de l’existence, des pratiques entre individus chez lesquels le partage ne correspond pas à une pensée cohérente, chacun étant tenté de sauvegarder avant tout ses intérêts personnels ; ne penser qu’à soi, et agir de mauvaise foi.

Les humains sont solidaires, non par altruisme, mais par besoin, la notion de société désignant déjà un groupement d’individus dépendant les uns des autres, et agissant en conséquence, pour le bien commun. Ils y trouvent leur compte,  la « démerde », c’est-à-dire, le « chacun pour soi et Dieux pour tous », constituant une attitude plutôt égoïste, témoin d’un « ego » qui frôle l’arrogance narcissique.

Par solidarité, peut-être, le corbillard ne boit jamais de bière, l’électricien a des ampoules aux pieds et, tandis que les Chrétiens lisent la Bible, par solidarité, les Musulmans lisent le Coran et les Africains le Livre de la Jungle. Par solidarité, le magicien porte sa baguette chez le boulanger et lorsque celui-ci fume un pétard, c’est le pétard qui est défoncé… Ainsi va la vie.

C’est par solidarité, peut-être, sachant en 1789, que les paysans n’avaient pas de quoi manger, Marie Antoinette n’aurait fait que répéter la phrase que Jean-Jacques Rousseau avait mise dans la bouche d’une autre princesse dans les « Confessions » (1782), « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ». Marie lisait… 

Par solidarité, tout court, il me vient à l’esprit l’attitude d’un Père Noël qui, en Mission Humanitaire à Addis-Abeba, demanda, dans un orphelinat :

- Pourquoi les enfants sont si maigres ?

- Parce qu’ils ne mangent pas.

- Ah ! Celui qui ne mange pas, n’aura pas de jouets !

 

Carlos