Pareille à chaque nouvelle année, celle de 2013 se présentait à nous assez fraîche mais, quoique sombre, pluvieuse, humide, et pleine de promesses qui, hélas, comme tous les engagements pris en pleine euphorie sont le plus souvent non tenues, une bonne raison pour que l’on s’en méfiât. Pourtant, les Homme sont naïfs et débordants de confiance, même dans les étoiles, les traits de la main ou les boules de cristal, ce qui leur joue le plus souvent des tours, leur réservant des destinées fréquemment déroutantes. A partir de là, conduits par le destin, nous étions donc bons pour un voyage à Cythère, vu comme une lubie, et n’avons pas hésité à nous tourner, le 6/1/013, au Café des Phares®, vers un sujet basé sur un idéal de 1789, 26 Août plus exactement, traduit par « Avons-nous le devoir de rechercher la Liberté ? », que Irène Herpe-Litvin se proposait d’animer.
Certainement. Nous nous plions, coûte que coûte, à l’impératif de déjouer tout ce qui fait entrave à notre autonomie, y compris par l’évasion, et telle fut l’attitude de l’ancien braqueur fiché au grand banditisme, Michel Vaujour, qui proclama : « Ne me libérez pas, je m’en charge !» Puis, il s’est fait la belle à cinq reprises. Mais, pas en vertu d’un « devoir », qui constitue déjà, objectivement, une limitation de la liberté ; en raison plutôt d’une nécessité intérieure de se retrouver, s’emparant de son indépendance. En effet, la Liberté ce n’est pas quelque chose que l’on aurait perdu, comme une bague, par exemple et que l’on voudrait récupérer ; c’est notre Humanité ! C’est le principe fondateur de notre ontologie, ainsi que Sartre l’entend et, partant de la définition d’Eleuteria (Ελευθερια), condition de celui qui n’est pas captif, ce « devoir » en question n’équivaudrait-il pas à une sorte de servitude ? Une obligation ? Une soumission ou une cynique exigence de la Liberté, alors que nous ne sommes libres que hors de toute coercition ? A partir de ce constat, on peut soutenir que seul le rêve réserve à l’Homme tous ses droits ; c’est là qu’il recouvrerait l’autonomie de son imagination, et dès lors, à ce jour, notre exigence ontique ne serait tout bonnement définie que par la Liberté prévue par les Droits de l’Homme et du Citoyen, c’est-à-dire, la possibilité de faire tout ce que ne nuit pas à autrui, pour suivre la sentence de Bakounine : « la liberté des uns ne commence que là où s’arrête celle des autres », à laquelle il ajoutait : « on ne peut pas violer la liberté d’un seul sans violer la liberté de chacun ». Point. Une douce utopie, peut-être, une chimère, un songe, puisque tout cela n’est pas plus brillant qu’une étoile de mer ; mais enfin.
En tous cas, c’est ainsi que nous sommes revenus au « Contrat Social, par rapport à la liberté de la feuille morte », au « connais-toi, toi-même » et à la « caverne de Platon », ainsi qu’à « Depardieu non-philosophe épris de ‘liberté fiscale’ », ou la « soumission », pour mesurer ensuite « l’Humanité par rapport à la monstruosité », « tous les déterminismes et conditionnements », « le besoin de canaliser, cadrer », « le manque de liberté en raison de l’agissement des lois qui, ajoutés à l’esprit grégaire, semblent difficiles à gérer », font que « l’Homme n’est pas libre », « sauf si enchaîné ». On a rappelé que « l’interdit d’interdire de Mai 68 avait libéré les Médias, ainsi que les chaînes de radio et TV », « la rue et la Sorbonne devenant un café-Philo à l’échelle d’un pays », une voix clamant que « les lois servant d’encadrement, l’on ne peut pas parler de liberté sans parler d’interdiction », puis une autre a vanté « les vertus du service militaire d’antan », « la liberté étant plus un risque qu’un devoir », en raison de l’aspect caustique de « sa créativité », « source de liberté », comme « le connais-toi, toi-même », « les croyances », « les espaces de pensée », « la libre écriture », « la main qui donne et celle qui reçoit », « l’‘Oulipo’, ou ouvroir de littérature potentiel (mouvement qui se donnait des contraintes d’écriture afin de favoriser la création) », « la main qui donne, issue de celle qui reçoit », etc..
Pour finir, Gilles nous a fait part de ses cogitations lyriques et, se dispersant dans la ville, tout le monde reprit par entier son indépendance.
Il se trouve que, la nuit tombant, j’ai rencontré, autour d’un réverbère, un homme qui semblait chercher quelque chose et je l’ai abordé :
- Que recherchez-vous ?
- Ma liberté !
- Mais, vous êtes sûr de l’avoir perdue ici ?
- Non, non. Mais, c’est là qu’il y le plus de lumière.
Carlos