Débat du 30 Décembre 2012: « Si seul mais si libre », animé par Gérard Tissier

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Posted on 30th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

L’année 2012 touchait à sa fin, et le bilan semblait morose à tous points de vue mais, alors que visiblement les Hommes ne savaient toujours pas en quoi consistait la transcendance de leur projet, tendu ponctuellement par les volubiles autant qu’insipides « Regards croisés » inspirés de « Meetic », un singulier néo réseau social de célibataires, le dernier débat de l’année au Café des Phares®, celui du 30 Décembre 2012, s’intitulait : « Si libre, si seul ; Si seul, si libre », une assertion à deux-temps soutenue comme vraie du fait d’être énoncée, c’est-à-dire, un psychologisme de mauvais aloi traduit par une hypothèse vide de questionnement, proposé et animé par Gérard Tissier, qui se chargeait en même temps d’une mise en scène dont le rituel devait, en l’occurrence, sacrifier à une douteuse tartuferie, ou, pour l’exprimer autrement, à une ingénue égalité des sexes, matérialisée par l’alternance de la prise de parole entre les deux genres, le féminin et le masculin, ce qui objectivement en accentuait plutôt l’inacceptable différence, faisant du geste un simple effet de manches, aussi abstrait que vide de substance.

Comme s’il s’agissait de confettis, on a donc, à tour de rôle, Femmes, Hommes et Animateur, lancé en l’air des expressions tantôt de désespérance, tantôt de certitude et advienne que pourra. C’est ainsi que nous nous sommes pliés pour l’agrément du discours au jeu frivole de la « Régression », figure de style qui consiste à reproduire symétriquement les mêmes termes dans un stérile renversement d’idées, une affectation puérile qui cherche à éblouir par la confusion de ses étincelles, la dissociation étant ainsi programmée ab ovo, par la liaison de  « Libre » à « Esseulé » et vice-versa.

D’où, la question qui s’impose : « N’est-on libre que lorsque l’on est seul ? », ou à partir du moment où « L’on est avec son prochain ? » Cela entraîne l’interrogation subsidiaire : « la liberté prend son sens auprès d’un entourage ou au moment où l’on se trouve séparé de tous ? » « Est-ce dès que l’autre prend des distances envers moi, que je me trouve en mesure de me considérer libre, libre de toute subordination ? » « Libre, parce que seul ? Seul, parce que libre ?

Libre, si seul, c’est-à-dire, dès que je me morfond dans la solitude de mon coin ? Ce serait rédhibitoire et le revers de la médaille se trouverait auprès de ma fâcheuse exigence de Liberté, correspondant à l’amère solitude, me morfondant tout seul dans mon coin, criant de désespoir : « La Liberté est une solitude » ; ce serait rédhibitoire. Ou alors, gueulant : « Non, Non ! Pas d’Egalité ! » ; le résultat serait un infâme rabotage ! Ou encore : « Non, non ! Pas de ‘Fraternité’ !» ; la conséquence serait la plus accablante des servitudes.

Mais enfin ; on en a vu d’autres ! Le café philo a cet extraordinaire et bien reconnu effet thérapeutique qui permet l’hypertrophie de l’Ego dans des proportions considérables, l’estime de soi, c’est-à-dire, la surévaluation de sa propre valeur, entraînant dès lors un réel mieux vivre que l’on impose allègrement à son prochain, sans nécessité de montrer les canines. « Etre soumis quoique délié » ou « Attaché et néanmoins autonome » irait donc à l’encontre du « Il vaut mieux être seul que mal accompagné », proclamé par un proverbe du XVème siècle, l’« autre » représentant une limitation réelle de ma liberté, ce qui reviendrait dès lors à la préférence de la solitude comme condition indispensable de mon indépendance, étant donné que « le Prochain » figure le détestable asservissement de ma propre personne. 

Non ; orgueilleusement seul. Esseulé comme jamais, peut-être, mais fier de soi pour le meilleur et pour le pire, au point de faire appel au bistouri afin de se refaire les pommettes, les seins, les fesses, le nez, les bajoues dans le seul but de plaire à l’autre ? Objectivement, on a donc une réelle frousse de lui, la crainte de ses crocs forçant naturellement le respect, sinon la soumission. Le revers de la médaille serait de voir mon indépendance réduite à une amère solitude, qui me forcerait à me morfondre tout seul dans son coin, apostrophant les vieux idéaux comme la « Liberté » qui ne serait que solitude, dès lors que la vieillesse devient naufrage ; ce serait rédhibitoire. Ou, « Pas de ‘Fraternité’ !», mais alors la conséquence serait la plus accablante des promiscuités ! Ou encore, « Non, Non ! Non à l’‘Egalité’ ! » et la solution consisterait dans un légitime rabotage de mes droits ! D’où, la logique de la question : « Est-on libre lorsque l’on est seul ? » Alors que la confiance en soi vient des autres, cela entraîne l’interrogation subsidiaire : « la Liberté nous est-elle garantie par le fait d’être entouré de têtes d’angoisse ou de, usé comme des semelles, se trouver plutôt seul avec ses boutons? » « Est-ce dès que l’autre prend des distances envers moi, que je me trouve en mesure de me considérer libre, (libre de toute sujétion), ou « Vaut-il mieux se tromper avec tout le monde qu’avoir raison tout seul ? »

 N’oubliant pas que le mois prochain, Janvier, est dédié à Janus, un dieu à deux visages, chacun  portant sur une possibilité différente, je ne résiste pas à vous faire part de la chanson à l’encontre de « soi » (pas si libre que ça), oeuvre de Boris Vian et Michel le Grand, chantée par Henri Salvador :

« Tu vis chez moi, comme un salaud !

Va te faire cuire un œuf

Et surtout ne reviens pas,

Car tu repartiras les pieds devant ! »

 

Carlos

Débat du 23 Décembre 2012: « Y a-t-il une vraie vie, avant la mort? », animé par Raphael Prudencio.

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Posted on 24th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Le vrai est comme le faux, disait Guy Debord, ce qui explique peut-être l’échec d’une douzième Fin du Monde, entraînée cette fois par l’inversion des pôles et devant se produire à Bugarach, commune de 26 km2 et 200 habitants, bâtie à 480 mètres d’altitude au pied d’un pic de 1.230, et sous laquelle serait planqué le Saint Graal, alors que le scoop apocalyptique était prétendument récolté dans un étrange Calendrier Maya puis véhiculé par Internet ce qui, par contagion, a provoqué un spectaculaire boom immobilier dans cette municipalité et où, doublant le nombre des villageois qui, le trouillomètre à zéro, l’attendaient, s’est cassée les dents la meute de journalistes du monde entier, venue donc le 21/12/12 scruter la nouvelle prophétique, qui s’ajoutait aux 182 déjà annoncées pour notre planète. L’effroyable « Révélation » n’ayant donc pas été suivie d’effet, le débat du 23-XII-012 a pu avoir lieu comme habituellement au Café des Phares® et, pour rester dans la doxa « Y a-t-il une vraie vie avant la mort ? » fut le thème tragi-comique que Raphaël Prudencio, a choisi pour nous dessiller et laisser encore un peu d’espoir aux pauvres mortels que nous sommes, alors que le 2 Novembre était déjà dans les limbes. Et pourquoi pas une autre vie avant la mort, comme Chateaubriand entrevoit dans les « Mémoires d’outre tombe » et Bernardo Soares, alias Fernando Pessoa dans « Le Livre de l’Intranquilité » ?

Si donc l’on portait prosaïquement sur ce sujet incongru le regard inquiet de ceux qui ne vivent que de vivre, la question pouvait se résumer à « peut-on se traîner à vélo jusqu’à sa sépulture, lorsque l’on passe l’arme à gauche, fuyant ainsi sa néantisation ? » L’affaire de la véracité restant néanmoins ouverte, sans aller jusqu’au vampirisme régénérateur ni se demander exactement si d’aventure le problème posé admettait l’hypothèse d’« une fausse vie », un ersatz d’existence ou un simulacre de vivacité qui aurait ajouté à notre cogitation un aspect aussi facétieux que « Le Chat de Schrödinger », enfermé dans sa boîte à la fois vivant et mort, nous nous sommes largement épanchés sur ce casse-tête existentiel, « Y a-t-il une vraie vie avant la mort ? », comme si elle n’était qu’un pardessus d’hiver que l’on enlève l’été ; la vie serait-elle aussi bien vraie que pas vraie ? Dans le premier cas, le sujet se trouverait tout simplement vivant ; dans le second le quidam jouerait au « cadavre exquis » et, selon les aléas du « principe du tiers exclu », le raisonnement s’avérerait être faux et pas faux, un angélisme exterminateur proche de la consigne « Viva la muerte ! » (Vive la mort), le cri d’un général phalangiste dans l’université de Salamanca, pendant la guerre civile espagnole et qui a fait bondir Miguel Unamuno en Octobre 1936, y improvisant un discours humaniste qui a suscité des fascistes le cri de « à bas l’intelligence ! »

Bref. Sachant que la vie consiste à s’accommoder de tout, sauf de la camarde, car de là on ne revient jamais vivant, de quoi parlait-on ? De cliniques particulières qui prolongent sine die l’état comateux d’un sujet, ou du fait que la vie semblait nous inquiéter, sinon peser ? Or, là encore, il ne faut pas se faire d’illusions ; vraie ou pas vraie, par définition il n’y a pas de vie après la mort ; c’est une fin de ligne ! Admettre le contraire ce n’est pas un contresens ; c’est un non-sens, une absurdité, du temps perdu. Tel un fusil, le chagrin émousse aussi bien qu’il aiguise, pourtant, lors que l’événement en question survient, « je », le premier concerné, n’est plus là pour s’en soucier, la durée étant devenue absence de temps, le Temps à propos duquel Saint Austin avoua : « lorsque personne ne me le demande, je sais ce que c’est ; mais lorsque l’on me le demande, je ne sais plus » (Les confessions). Ceci dit, que serait donc une « vraie vie », par rapport à « une vie », tout court ? Y a-t-il des vraies et des fausses vies, que ce soit avant ou après la mort ? A quoi ressemblerait une fausse vie, au moment où le tocsin vient mettre un terme à l’existence ? A un épouvantail ? Que serait la vie d’un macchabée ? Là, on comprend mieux Maurice Blanchot, lorsqu’il dit « Je suis du côté de la littérature, contre la philosophie ». En effet, la brièveté aussi aléatoire qu’éphémère de la vie semble certes nous inquiéter, mais là, le souci était de savoir comment se dérober à notre misérable condition d’humains, qui creuserait sa tombe en nous, jusqu’à ce que l’on tombe dedans, sous l’œil de Dieu.

Beaucoup de choses on été dites, allant de l’évidence du « bios » et « zoé » aux différents paradigmes tel « le baptême d’eau ou de feu », « le désert moral », « une seconde naissance par le baptême», « la vie sans échec », « Pablo Néruda, j’avoue que j’ai vécu », « être acteur de sa vie » ou « la rater », « vivre sa vie pleinement », « la vie exemplaire des grands Hommes », « la vie des grands Hommes », « comment vivre autrement, croissant avec l’art, la philosophie, l’engagement, réapprenant à voir », « Sarko et l’Afrique sans Histoire », « Rimbaud », « la fausse vie », « l’altérité », « aller à l’essentiel », « la vie charnelle ». Quelqu’un a rappelé que « l’on n’avait pas encore parlé d’argent, alors qu’il fallait apprendre à bien gérer », « Sénèque et la vraie vie », « Kierkegaard et le risque de la vie », « la peur de la perdre ». On cherchait l’originalité et beaucoup de choses ont été rapportées, ainsi que la question « qu’est-ce qu’une fausse vie ? Une vie loupée ou joyeuse », « Spinoza et le sens de la joie », « une vie minuscule », « la résistance à la mort », « chaque philosophe ayant sa propre définition de la vérité », « même Brigitte Bardot », un jeune acteur affirmant « qu’il faut s’adapter aux exigences de la réalité », « la biographie qui assume sa propre violence », « la vie étant ‘je’ », « la frime », « Casanova », « Blaise Cendrars », « Christian Bobin, et ‘Le voyageur immobile’», « vie vibration », « l’illusion de Virginia Wolff », « la vie du consommateur », « la construction de soi, un continuum », « penser la vie pour pouvoir la vivre »…

Puis, le dernier mot étant réservé à Gilles, il a transformé « vie et mort » en poésie.

Que cela ne nous empêche pourtant pas d’en rire car, si la philo se soutient du « sens », la littérature « laisse entendre », et un danger nous guette : qu’au lieu de philosophie, sans préjuger de qui anime, on débite des brèves de comptoir.

 

- La belle mère est morte… Que fait-on ? Ensevelir ou incinérer ?

- Les deux. On ne peut rien risquer…

Carlos

Débat du 16 décembre 2012: »L’écriture, comme chemin, mène-t-elle à la philosophie? », animé par Sylvie Pétin.

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Posted on 18th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Nonobstant le massacre de vingt enfants et leurs profs perpétré dans une école primaire de Sandy Hook, à Newtown, USA, le monde ne s’étant pas effondré le 12/12/12, à 12h12 comme la menace qui pesait sur lui le laissait croire, on a remis l’échéance au 21 et chacun à repris du goût à la vie, s’offrant une « semaine d’éveil des sens » grâce au « Salon de l’Alimentation Salutaire et des Comportements Nutritifs », destiné à promouvoir le goût pour les plats festifs, source en même temps de plaisir, de santé et bien être, au moment de célébrer les bringues qui se profilaient, dont un avant goût nous était donné avec « L’écriture, comme chemin, mène-t-elle à la philosophie ?», le plat que, à cuisiner le 16 décembre 2012 dans le chaudron magique du Café des Phares®, mettant les petits plats dans les grands, Sylvie Pétin était chargée de servir.

A table ! Il faut manger tant que c’est chaud. Or, notre plat semblait assez froid et pas vraiment affriolant. Il s’agissait en somme d’accepter (ou pas) qu’une habilité calligraphique nous serve de voie qui conduirait à « l’amour de la sagesse ».

Il se trouve que « l’écriture », (dont l’étymologie renvoie à « ‘sker’ = gratter, graver ») est illustrée par le « scribe accroupi » et constitue la mémoire des Hommes, ce qui lui assigne une fin plus qu’un itinéraire ; en fait, bien qu’âgés d’un million d’années, les humains ne pratiquent l’écrit que depuis environ six mille ans, et c’est remuant l’alphabet qui leur a été légué par les Phéniciens d’il y a trois millénaires qu’ils arrivèrent, entre enluminures et incunables, à publier la « Bible de 641 feuillets », imprimée par Gutenberg à Strasbourg en 1452. A vrai dire, donc, le texte n’a pas d’ailleurs où se ressourcer ; c’est lettre morte qui, couchée sur des pierres, papyrus, parchemins ou rouleaux ne mène nulle part quoique, comme Monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, certains se demandent si elle ne conduit pas à la philosophie.

En effet, dans l’écriture on trouve une façon de progresser ouverte à l’interprétation et possédant aussi bien une grammaire qu’une syntaxe qui permettent la renversante invention nécessaire à l’expression, si l’on veut ; de son côté, la philosophie dont les saints patrons paraissent être Anaximandre et Thalès, suppose elle, une démarche qui, passant par Héraclite en revient à la « koinôi », autrement dit, une mise en commun des principes rhétoriques de l’argumentation que véhicule la parole. Une façon de voir ou d’interpréter le monde pour des Hommes empreints de curiosité, dont la figure emblématique fut Socrate, même s’il n’a pas écrit une seule ligne, se contentant de bavarder pertinemment.

Ainsi donc, « écrire » pouvait s’entendre au Phares comme une ivresse furibarde qui, par un magique sortilège, aboutirait à la faculté de philosopher pour tout le monde, alors qu’une telle démarche spéculative fut motivée autrefois par l’étonnement devant les différentes facettes de l’infini (« apéïron », ou principe original, « arkhé », ou la nécessité d’un dieu), enfin, tous les phénomènes auxquels les premiers philosophes, aussi bien Héraclite que Thalès ont été sensibles, ce dernier étant même tombé dans un puits parce qu’il interrogeait la lune, en chemin.

En tous cas, ‘considérant l’écriture comme une préoccupation d’artiste’ qui, ‘travaillant par tâtonnement’ creuse jusqu’à ‘trouver une forme’, ‘l’écriture tient de l’ineffable’ pour les uns, de ‘l’on dit’ pour d’autres, tous ‘sensibles au monde de par la réflexion sur soi’ et sur lui, ‘un exercice sur la vérité’ et ‘d’engagement à travers l’art’ qui serait ‘la philosophie en tant que poésie’ par ‘la mise à distance de soi’, autrement qu’au travers d’une ‘liste de courses’, alors que ‘l’on n’a jamais autant écrit’, malgré ‘les efforts à accomplir’, ce qui rejoignait ‘les états d’âme’ et même ‘la quête du moi’ ou ‘fondement de notre pensée’ qui mènerait à la philo par ‘la mise à distance de soi-même’, ‘passant de l’expérience au récit’ par ‘le détour de l’écriture’ qui serait ‘un chemin ou un sommet à atteindre’, même si ‘ça représente un travail’ et ‘exige parfois un retour aux sources’, si ‘‘l’on peut associer parfois les mots ‘juste’, ‘justesse’, ‘justice’ et ‘meurtre’, ‘assassinat’ ou ‘crime’’’. ‘Pourquoi parle-t-on sinon pour se libérer ?’, se demandait un participant, un autre y voyant ‘trois axes, selon Badiou : passage de l’immanent au transcendant, étonnement et mise à distance’, puis à ‘l’échange avec soi-même’, au ‘choix des mots’, à ‘l’engagement’, à ‘l’authenticité’, à la ‘maïeutique’, aux ‘briques qui permettent de nous construire’, à ‘la sacralisation du futur’, n’oubliant pas ‘l’importance de l’imprimerie dans la diffusion de textes importants’, alors que d’autres entendaient que ‘trop d’écrit tue l’écrit’, qu’il ‘faut se trouver soi-même’ et ‘ne pas attendre autrui’, tenant au ‘journal intime’, à ‘l’engagement’ et à ‘l’acte de foi’, ‘condamnant l’acte de délation’, appuyant ‘le fait de s’inscrire dans le monde’, les ‘questions qui nous permettent de nous comprendre’, les ‘trois questions de Kant : qui suis-je ?, où suis-je ?, que puis-je savoir ?’, ‘délier sa pensée qui fausse le sens et le monde’, car ‘témoigner de notre passé’, ça ne suffit pas pour faire un philosophe. Tout y passe : ‘distinguer pensée et philo’ ; ‘la disparition de l’écriture Maya’ ; ‘le sens du texte philo’ qui ‘n’est pas du vent’, même si ‘parfois on s’aperçoit que c’est confus ce que l’on croyait clair’.

Puis, parce que c’était l’heure de terminer, on est passé aux « premières prises de parole », et l’on a découvert que « pour se transformer soi-même, il vaut mieux rester soi ».

Finalement Gilles mit un terme à la divagation, pointant « l’écriture comme un acte maïeutique/ un jaillissement, une empreinte, une impression : un monde d’autrefois/ être soi/ a-tension hors de soi/ cheminement/ reconstruction/ aboutissement…/ écriture… » 

    

Dehors :

- On mange là ?

- Oui ! Qu’est-ce qu tu prends ?

- Moi, j’ai commandé un Sandwich ! Ça nourrit et est plus facile à manger qu’à écrire.

Carlos

 

Débat du 9 décembre 2012; « Qu’est-ce que vivre? », animé par Eric Auzanneau.

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Posted on 11th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

C’était le Festival d’Automne et, le 9 Décembre 012, à Paris, personne ne savait à quel saint se vouer. C’est pas qu’il y en eût trop, mais il nous fallait connaître le bon. En effet, dans la capital on avait le choix de faire un tour au Salon du Cheval, pour y admirer les plus beaux purs-sangs du monde notamment ceux de l’Ecole Portugaise, sinon, il serait encore possible d’aller jusqu’à Disneyland afin de fêter les cent ans de Mickey, une autre alternative consistant à participer aux Repas d’Amitié et accueil des « Sans logis » dans les églises, Nietzsche à l’honneur dans la Maison de la Poésie étant une autre passionnante éventualité. Le fait est que, finie l’Election Miss France à l’avantage de Miss Bourgogne, après une généreuse soirée Téléthon au profit de la recherche dans le domaine des maladies orphelines, les amateurs de philosophie sont allés le lendemain jusqu’au Café des Phares®, pour prendre part au débat philosophique qui, animé par Eric Auzanneau, portait sur la question : « Qu’est-ce que vivre ? ».

Les philosophes nous étonneront toujours. Si l’on veut essayer de donner une suite philosophique à l’étrange colle posée par cet exercice, il semble que la réponse la plus sage à rendre se trouverait en aval du sujet c’est-à-dire, si l’on suit Montaigne, qui l’aurait appris de Platon, « philosopher, c’est apprendre à mourir » ! Ça devenait inquiétant. Mais ce n’est pas tout. Une fois que la proposition est de définir « le fait de vivre » causant philosophiquement là-dessus en grand comité, nous sommes bloqués par le précepte Aristotélicien « Primum vivere, deinde philosophari », « Vivre d’abord et philosopher ensuite ». La réalité de notre existence précéderait donc toute préoccupation rationnelle mise en doute philosophiquement, comme c’était le cas en ce dimanche. Comment s’en sortir alors de l’interpellation à propos de la vie, si l’adage « Vivre d’abord et philosopher ensuite », privilégie la vie par rapport à l’action d’en discourir, la réalité de notre existence ayant donc le dessus sur toute polémique à ce propos, comme il était notre intention de le faire en ce dimanche, nous demandant  « Qu’est-ce que vivre ? »  Bref, on avait certainement placé la charrue avant les bœufs, et nous voilà par conséquence mal barrés pour déployer une pensée cohérente à propos de « la nature du vivre », puisque de surcroît, notre démarche spéculative se trouverait inversée par rapport à notre préoccupation élémentaire : VIVRE.

En somme, nous étions face à un drôle de rébus, qui nous dissuadait d’en spéculer philosophiquement, à moins de vivre d’abord, selon l’adage en épigraphe. « Ça se mordait la queue » et le débat n’avait vraiment plus d’objet, à partir du moment où, « avant de philosopher il fallait vivre, tout simplement », et que, le sujet étant donc mort-né, le contrat dominical était logiquement rempli. Sauf que l’exercice prévu pour soixante minutes ne pouvait pas s’arrêter là et, comme si l’on s’interrogeait au sujet « de l’œuf ou de la poule, lequel fut le premier ? », dont la réponse consiste à prouver que « l’œuf est dans la poule et la poule est dans l’œuf », tel que l’avait depuis fort longtemps saisi Silésius, nous décidâmes de faire illusion le temps d’un débat.

Il ne nous restait par conséquent qu’à développer l’idée, et la première réponse à enfiler dans le micro devrait dès lors porter logiquement sur « ce qu’il faut faire avant de philosopher », c’est-à-dire, « vivre » et, d’après la colle posée, même un pieux « requiem » ferait l’affaire.

Point du tout, et c’est ainsi qu’il fut sagement répondu, en vrac : « vivre n’est pas survivre », et « n’a pas le sens d’exister », d’autant plus que « si nous ne faisons rien pour rester vivants, vivre est un paradoxe », « vivre/état, et vivre/action étant à distinguer », ainsi que « la philo doit rendre plus intéressante la vie qui, pour les grecs correspondait au ‘bios’ », alors que d’autres « la liaient à ‘l’éthos », « la voyaient comme une énigme », « liberté d’agir », « un paradoxe », « ne pas subir ou se résigner », « une vie pouvant être épouvantable mais intense », « où commence-t-elle ? », « à quoi on l’attribue-t-elle ? », « la vie coupée de beaucoup de deuils », « manger pour vivre et pas vivre pour manger », « le statut du vivant », « on n’est pas tous égaux », « l’Homme animal politique », « gérer la déception, changeant de désir ou se projeter dans l’avenir » », « c’est la vie qui a le dernier mot », « on ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche », « l’énergie qui nous traverse », « savoir perdre son temps », « c’est dur de rester silencieux », « on vit avec deux sœurs jumelles : le savoir et la souffrance », « on a le choix d’être ou ne pas être (Hamlet), « ‘la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie’ », « on mange pour vivre mais vivre ce n’est pas la vie », « pédaler sur une pente c’est se sentir vivre », « comme disait Marc Sautet, philosopher, c’est un moment d’arrêt », « Rimbaud dit que la vie est ailleurs », « ni agir ni rester dans la contemplation », « il y a autre chose dans la vie qui serait a-humain », « je pense tenir là, l’enfant qui est en moi, car la pensée prend le corps par la main, comme le film ‘Avalon’ explore la vie initiatique et il y a un prix à payer pour aller en l’au-delà », « la vie se joue dans l’Homme et il n’en a pas la maîtrise »… puis, pour conclure, « qu’est-ce qu vivre ?, comment vivre ? Lorsqu’il y a  conscience, on est dans l’existence ».

Pour retrouver la sérénité de vivre, il ne nous manquait plus que la poésie de Gilles : « Vivre libre, se délivrer/ Se sentir vivre, vivant/ Quintessence, finalité, ‘vivalité’ / Vivre, expérimenter, humaniser, s’aimer… »

Ayant au coin de l’oreille cette expression d’un doute existentiel dont Maïakovski se fit le héraut : « Je sais que mon ‘je’ est trop petit pour moi et obstinément mon corps m’en expulse », je me suis trouvé dehors, où un débateur fredonnait un vieux « J’ai oublié de vivre… », de Johnny Hallyday.

- Dis donc, chéri, où est-il le livre « Comment vivre jusqu’à 120 ans » ?

- Je l’ai jeté à la poubelle…

- Et pourquoi donc ?

- Parce que ta mère arrive demain, et je ne veux pas qu’elle lise des choses pareilles !

Carlos

  Addenda

 Le Ciné-Philo fêtant sa quinzième année, comme il convenait Daniel Ramirez a fait projeter, à L’Entrepôt, le film en noir et blanc tourné en 1961 par Alain Resnais, « L’année dernière à Marienbad », c’est-à-dire, la rencontre de deux êtres qui se croisent et se fuient dans une station balnéaire en République Tchèque, à la suite d’une incertaine liaison entre eux l’année d’avant en ce lieu même, et qui fut Lion d’Or à la Mostra de Venise, la séance étant suivie d’un débat fort intéressant, sur l’introspection et, entre autres, d’un vin d’honneur pris au bar de l’établissement multiculturel.

 CG

Débat du 2 décembre 2012: « Comment faire la paix avec son passé? », animé par Gérard Tissier

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Posted on 4th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Alors que personne, soit-il le Fils, le Saint Esprit ou les Anges, excepté le Père, connaît le Jour et l’Heure de l’ébranlement cosmique qui annoncera l’épreuve finale des humains, c’est-à-dire, le Jugement Dernier, moins de vingt jours avant la date retenue pour un tel événement eschatologique, pour tout dire, le spectacle grandiose du retour sur terre du Fils de Dieu, dans sa gloire, afin de précipiter la fin du monde, au lieu de se mettre à l’abri au pied du pic de Bugarach, seul endroit, dans l’Aude, où le genre humain aurait des chances d’en être épargné, c’est vers le Café des Phares® que, sur fond de discorde entre ouvriers et patrons de l’aciérie ArcelorMittal, les habitués des débats philosophiques hebdomadaires se sont plutôt dirigés, débonnaires, afin d’y assister à celui du 2 décembre 2012 qui, animé par Gérard Tissier, tournait autour de la question hâtivement choisie : « Comment faire la paix avec son passé ? ».

C’était cousu de fil blanc. D’après les milieux bien informés, on sait que « les Calendes Grecques » n’arrêtent pas de recruter et que ses premières unités sont déjà aux frontières du présent. L’heure est grave et certains pensent qu’il serait urgent d’élaborer une « entente cordiale » avec l’ennemi, au lieu d’aller vers le bain de sang car, d’ordinaire le passé est assez conciliant et ne se mêle pas de nos affaires, surtout que l’on n’a rien à se reprocher en ce qui concerne la violation des territoires respectifs. Mais comment s’y prendre ? En question étaient plutôt la durée, notre seule source d’approvisionnement, et le temps révolu, visiblement furax, va savoir pourquoi. Le fait est que, le présent n’ayant que la fugacité de trois secondes, on se trouve au passé dans un battement de sourcils et, afin de faire face au futur, nous vivons quasi en permanence des ressources du temps constamment révolu et aussi bien Freud que Proust, Lamartine, Bergson, Rousseau en connaissaient un rayon ; il nous dévore, jour après jour, le temps. Autrement dit, « Si tu t’imagines, / Fillette, fillette / Xa va, xa va, xa/ Va durer toujours !/ Ce que tu te goures/ Fillette, fillette… » ; « Carpe diem », est donc la consigne. Tâche de profiter du jour présent, sans te soucier de quoi que ce soit, car même le futur en a systématiquement gros sur la patate, déçu de ne plus l’être, de tomber dans un nouvel présent, puis dans l’oubli du passé. Que faire pour qu’il ne moufte plus, ce passé ?

En ben… Il y avait là un os… ou même deux. Depuis huit jours, nous sommes dans l’angoisse jusqu’à guersoi, et de ce fait, culpabilisons à mort ! On a commencé par se demander, la semaine dernière, si d’aventure « Sommes-nous fâchés avec nous-mêmes ? », et voilà qu’à présent il y a des soupçons d’une vieille discorde entre nous et le passé qui fait des appels de phares, derrière pour que l’on l’attende, afin de se réconcilier, alors que l’on veut aller notre chemin sans s’attarder sur les embrouilles révolues. A partir de là, on a « convenu de faire la distinction entre psychologie et philosophie », « que tous les goûts sont dans la nature, et que l’on s’en accommode », « l’endroit le plus près du passé étant ma naissance » et « faire la guerre au passé est faire la guerre à soi-même », « alors que seul l’oubli est salutaire », « de pair avec le pardon », « dont l’acte de Willy Brandt à Varsovie est un exemple », « Karlsfeld dans sa traque aux criminels de guerre », « la guerre est la mère de toute chose », « je suis dans ce monde mais pas de ce monde », « faire la paix n’est pas seulement s’opposer à la guerre », « l’Histoire devient autonome », et quelque chose de figé », « la paix peut se remettre en question », « pour les uns le salut se fait par la confession, pour d’autres par la grâce » et « il y a des moments de grâce dans un café philo », pulsion de vie et pulsion de mort », « Staline s’entend avec Hitler », « la dèche en Allemagne après la guerre », « le déni de réalité de la résistance », « demander à quelqu’un qu’il nous pardonne  pour pouvoir pardonner ».

Question. Si le sujet était un autre, tous ces dires ne lui iraient-ils pas comme un gant ? Puisque, bon sang de bon sang, d’après l’énoncé, tout le monde était implicitement censé être en guerre avec son passé, va savoir pourquoi, et d’autant plus que la nécessité d’établir la paix s’avérait problématique, malgré la centaine de cerveaux présents qui, ne suffisant pas à démêler l’écheveau, rendaient saugrenue l’insoluble devinette, peut-être aurait-on intérêt à ne pas y regarder de trop près, au cas où nous, ou le passé, serions  juste en désaccord avec une paix trop hâtive ou fallacieuse.

Peu importe. « Ce qui est passé est passé ».

Avant de « faire un sérieux examen de conscience de son passé », personne n’aurait à se demander comment s’y prendre pour l’apaiser ? D’ailleurs, « qu’avons-nous à nous reprocher ? » Est-il constant que l’on soit d’ordinaire, en conflit avec soi autrement qu’au présent, en raison de nos dérèglements ? Faudrait-il retourner « à son passé » pour lui proposer de faire la paix, témoigner de ses regrets ? Trop tard. On a évoqué, alors, Georges Orwell qui prétend que le passé  n’existe pas, mais que l’on explore pour savoir comment agir ».

Au zinc, devant un petit gâteau en forme de coquille et une tasse de thé : 

- Te souviens-tu, Madeleine, du temps perdu de notre jeunesse ?

- Ah, le passé…

- Le problème avec le passé, c’est qu’il nous rend vieux, sans que l’on s’en aperçoive.

Carlos