Nouvelles reflexions (philosophiques ?) autour de l’Euro 2016, par Pierre Mille

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Posted on 25th juillet 2016 by Gunter in Divers |Textes

Commentant un des matches de l’Euro 2016, Daniel Riollo disait sur BFM TV d’Antoine Griezmann qu’il était un « anti-héros » et un « Gavroche ». Selon lui, au départ on n’a pas voulu en France de « Grizou », car chétif, vulnérable, de corpulence moyenne et banal, tel un Messi, ne correspondant pas au profil souhaité.
Mais il s’est avéré de match en match que Griezmann incarne plus que tout autre actuel tricolore l’esprit français : force de la faiblesse, candeur dans le combat, intelligence créatrice, engagement sans faille, ressources intérieures transcendant les limitations physiques du corps.
L’autre nouvelle star française, Olivier Girou, est plutôt de type anglo saxon, d’une puissance physique toute américaine: son tatouage, sa coupe de cheveux, sa barbe, dénotent d’une préoccupation narcissique typique des canons de l’économie libérale. Giroud a perdu son essence française dans sa personnalité, son apparence. Il pourrait être de n’importe quel pays européen, surtout nordique, et on l’aurait facilement confondu durant la compétition avec des joueurs islandais, irlandais, gallois, suédois, etc.
Il y a entre Giroud et Cristiano Ronaldo une correspondance pour ce qui est de l’impératif de performance, la discipline, la rigueur dans le travail, la recherche de l’excellence personnelle, mais chez le Portugais, ces qualités viennent d’un héritage culturel et social, voire traditionnel, tandis que chez le remplaçant de Benzema, cette éthique provient plus d’une conformité au système libéral, d’où une perte de son authenticité nationale et culturelle. Ronaldo est moins agressif dans sa représentation publique, il équilibre héritage personnel et image publique cosmopolite.
Lionel Messi quant à lui incarne le premier de la classe, un ultra performant mais dénué d’âme, symbole de l’élitisme utilitariste post-moderne type GOOGLE, APPLE (performances et créativité exceptionnelles mais au sein d’un ordre déshumanisant). Manquant de personnalité, il pourrait être apatride.
L’Argentin est le symbole du totalitarisme de la performance qui ne se préoccupe que des sujets qui renforcent la puissance du système leur conférant privilèges, renommée et pour les meilleurs, un statut factice de génie.
Au contraire, Griezmann, parce qu’il n’en avait pas les atouts physiques au départ, est l’incarnation de la performance sur une base plus démocratique, dans le cadre de laquelle chaque élève de la classe, même le plus médiocre, peut avoir accès à l’expression de son génie propre. Griezmann est le self made man parti de rien et arrivé au sommet, qui ne compromet pas son intégrité et son authenticité, mais en impose par sa valeur propre. C’est l’authentique génie ou tout du moins, le génie à la française, tel Napoléon.
Karim Benzema est lui l’expression de la jeunesse française issue de parents immigrés et influencée par l’antiracisme des années 80, celui-là même qui est toujours porteur d’un fort ressentiment à l’encontre de la société française. Ce ressentiment l’exclut de l’unité du groupe. Les contraintes individualistes du sport de haut niveau renforcent ce sentiment d’exclusion mais en le présentant comme un atout individuel et non un obstacle à la cohésion et à l’efficacité d’un groupe.
L’équipe de France de football, les Bleus, étant plus grande que la simple somme des individualités qui la constituent (a contrario du Brésil à certaines époques), les joueurs -aussi talentueux soient-ils- qui ne se fondent pas dans cette unité handicapent plus qu’ils ne contribuent à l’excellence du groupe.
Le joueur d’origine algérienne incarne une fracture sociale et la tentation communautariste, un modèle social aux antipodes du modèle français républicain.
Une fois l’unité des esprits retrouvées au sein du groupe, la France peut s’élever au rang des meilleurs. Sans cette unité, elle est condamnée à errer.

Pourquoi Deschamps -t-il pu réussir là où Blanc avait échoué ? Le départ de Blanc du PSG avec une rémunération exorbitante indique que ce dernier est un membre privilégié du système économique qui récompense ses bons élèves. Il ne pouvait donc retrouver les valeurs d’unité et le lien social français au sein de son groupe de joueurs et a maintenu des éléments communautaristes tels que Benzema et Ribéry.
Deschamps, plus ou moins inconsciemment, garde ces valeur-là ancrées profondément en lui. C’est autour de lui que les événements se sont produits pour retrouver une « vraie » équipe de France, en tout cas une équipe qui corresponde au modèle français de vie en commun (auto-destruction de Benzema, blessure de Ribéry).
Son insistance pour conserver Evra, leader du vestiaire, titulaire prouve que, pour lui, la cohérence du groupe, et donc l’unité, est supérieure à l’efficacité individuelle pour espérer réussir.
C’est l’énergie globale du groupe qui est privilègiée et non l’association de prodiges techniques.

(Avec J.S.)

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