Posted on 31st mars 2020 by Gunter in Textes
Le corona virus comme Parabole de la Condition humaine
par Joseph STRICH
« Quand l’Agneau ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure… Il y eut alors des coups de tonnerre, des voix, des éclairs et un tremblement de terre » (Apocalypse, le Nouveau Testament, prologue film Ingmar Bergman, Le Septième Sceau, 1957).
« N’attendez pas le jugement dernier, il a lieu tous les jours » (Albert Camus).
Pourquoi le mal? D’où vient-il? Où va-t-il? (Gauguin: « D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? »)
Autant de questions qui renvoient à la « banalité du mal » de Hannah Arendt. Oui, il est toujours là le mal. « Ce qui a été c’est ce qui sera; ce qui s’est fait c’est ce qui se fera: il n’y a rien de nouveau sous le soleil… » (L’Ecclésiaste).
Chacun est convaincu qu’à lui ça n’arrivera pas. Qui croit à sa propre mort? Encore moins aux grandes catastrophes naturelles.
Si l’être humain avait été plus prévoyant, s’il avait pris plus au sérieux, sa tragique destinée et considéré bien et mal comme des frères jumeaux siamois, deux éléments indissociables d’un même puzzle, sa vie en aurait été transformée et conclue par une mort heureuse.
« Pardonne-leur mon Père, ils ne savent pas ce qu ils font », implorait Jésus-Christ. Non, nous ne savons pas, nous ne pensons pas. Nous ne ré-fléchissons pas. סוף מעשה במחשבה תחילה Sof ma’asse be-mah’shava te’hila (prière juive): la réflexion précède l’action. Toujours mus que nous sommes par la pulsion émotive, par le principe du plaisir et non celui du réel.
L’humanité a eu droit à tous les désastres, dont bon nombre provoqués par elle-même, inconsciemment ou pas. Au Moyen-Age c’était la Peste Noire en provenance de Chine déjà et transportée en Europe par les marchands génois. Une grande partie de la population décimée. En 1918, à l’issue de la Première Guerre Mondiale, la grippe espagnole, à laquelle on compare l’épidemie actuelle, fit encore plus de ravages que les combats (des dizaines de millions de morts). Le nombre de victimes de la Seconde Guerre Mondiale s’éleva à une cinquantaine de millions, dont plus de 6 millions à la Shoa. Depuis, nous avons connu d’autres phénomènes de ce type, en premier lieu le terrorisme islamiste (et pas seulement islamiste). D’autres épidémies ces 20 dernières années.
Et maintenant c’est au tour des Chinois de nous « chinoiser » (le « péril jaune » brandi il y a des décennies) avec leur « made in China » (dans le sillage de leur « grand bond en avant »). Le corona virus est un sous-produit de cette culture de sur-consommation, de consumérisme. Le CV (=corona virus) est aussi une dérive de l’exportation massive en même temps qu’il constitue un des événements géopolitiques majeurs de notre temps, dont l’impact sur l actualité, la politique, l’économie, les relations internationales, va perdurer et être un des plus marquants du siècle. Et la notion même de géopolitique devra être révisée, mais ceci est une autre affaire, qui devra faire l’objet d’une étude séparée.
Mais si, comme dans les années 1930 les Juifs d’Europe pressentaient l’arrivée de l’Holocauste sans pouvoir lui donner encore un visage et ce nom, ainsi la nouvelle épidemie (Shoa/corona meme combat) était-elle tellement prévisible et pas seulement par les scientifiques qui annoncaient de longue date une catastrophe pandémique. Comme celle du réchauffement climatique et autres effets néfastes de la globalisation dits par mauvaise foi « naturels » et attendus depuis plus d’un demi-siècle.
Le corona virus est encore un de ces maux qui frappent périodiquement la civilisation humaine, qu’ils lui soient transcendants ou immanents, provoqués par l’action inconsidérée ou pas de l’Homme. Etrange que le même terme d »‘Apocalypse » signifie « fin du monde » et « révélation ». Mais jusqu’à son apocalypse final l’être humain s’entête à ne pas être illuminé et aucune expérience ne semble le détourner de son chemin suicidaire!
Quelque part, c’est toujours la même connerie humaine. Je ne fais pas dans le « romancing the corona » mais dans le « philosophying it ». Pas de réduction pour l’être humain, il y a toujours un prix à payer et il n’y a pas de bonheur pas cher, quel que soit le politiquement correct du jour, quelque puisse eetre la « chinoiserie » en cours et d’où qu’elle vienne. Le virus du corona n’est qu’un symbole du mal, et les grands penseurs et philosophes, comme les fondateurs des grandes religions, Moïse, Jésus, Mahomet, Boudha, n’ont eu de cesse de nous mettre en garde contre le mal qui nous guette, que ce soit le mal extérieur, ou celui qui est en nous. Avant d’être « maîtres et possesseurs de la nature », comme le voulait Descartes, soyons-le d’abord de nous-mêmes.
Même si comme dans le Mythe de Sisyphe nous sommes condamnés à porter encore et encore au sommet le même rocher, pour rien (vraiment?), car il retombe toujours. C’est absurde mais telle est notre condition, car, soyons vigilants, il y aura encore des guerres, des hécatombes nucléaires, des shoas, des tsunamis, des attentats, des épidémies, des corona virus! Tel est notre destin. Telle est la condition humaine. Pourquoi ai-je écrit ci-haut: pour rien/vraiment? Parce que peut-être que ce n’est pas pour rien, car la vie est un éternel recommencement, une re-naissance, une reprise du flambeau dont le feu brûle et éclaire même si on le sait, fatalement, il vient à mourir.
Pour conclure, je vous propose l’épiloque de « La Peste » de Camus car le dénouement comporte deux parties, qui se suivent, une positive et une négative. J’invite chaque lecteur à choisir la sienne. 1ère: « … le Dr Rieux décida alors… à mépriser ». 2ème: « … car il savait… une cité heureuse ». A méditer le jour où « quand la fin de l’épidémie fut venue », vous sortirez de votre tanière fêter en liesse la nouvelle Libération. On a le choix. Heureusement!
ALBERT CAMUS, LA PESTE, Excipit:
- « Le docteur Rieux décida alors de rédiger ce récit… pour dire simplement… ce qu’on apprend au milieu des fléaux, à savoir qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser… »
- « Car il savait … que le bacille de la peste ne meurt et ne disparait jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait ou pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse ».
J.S.
(avec c.a.)
Cet article est dédié à la mémoire de Nico Nitai, un homme de théatre israélo-roumain, décédé la semaine dernière à l age de 88 ans. Pendant 45 ans, il avait, dans son théatre de Jaffa (Israel), adapté en « one man show » et en hébreu le récit de Camus « La Chute », interprété par lui-meme. Peut être la plus longue représentation théatrale qui soit.