Une fois repartis les trois Rois Mages, Melchior, Balthazar et Gaspar qui, guidés par une étrange étoile, seraient venus se prosterner devant l’enfant Jésus, et la fève étant tirée au hasard de la traditionnelle Galette, le 8 Février 2012 eu lieu au Café des Phares® l’habituel débat philosophique dont le sujet, animé par Nadia Guemedi, fut « Sur quoi repose le Droit de punir ? », proposé par André Stamberger qui, bénéficiant de la conjonction astrale et scintillement du moment, profitait aussi d’un échange de bons procédés, pour avoir pris le thème de Nadia lorsqu’il anima la polémique du 9 octobre 2011, « Qu’est-ce que l’expérience du corps peut apporter à la philosophie et aux philosophes ». Donnant-donnant ; je t’aide à couper le gazon, tu m’aides à faire la vaisselle, du moins c’est l’impression que cela donne.
Mais, revenons à ce qui nous intéressait, « Sur quoi repose le Droit de punir ? » Sur le « Droit », voyons, faut-il le répéter ?… Le fait est que, dans les divertissements de société, il n’y a rien de plus candide que de poser sérieusement des questions qui contiennent déjà la réponse, une redondance du genre « Quelle est la couleur du cheval blanc de Napoléon ». Pourtant, afin de retourner à notre sujet, il reste à savoir de quelles Punitions s’agit-il, et quel Droit est évoqué, car il y a bien des façons de punir, comme celles des justiciers du Far-West ou des hommes de sac et de corde dans les démocraties de gredins, voire d’autres sortes de crapules qui ne se soucient pas de justifier leurs forfaits, accomplis selon les entrailles de chacun.
Pas besoin donc de sortir de l’Ena pour savoir que toute société moderne se munit d’un Code Pénal dont l’institution judiciaire se sert afin de faire respecter les lois, en ce qui concerne les délits poursuivis par l’Etat, et d’un Code Civil lorsque c’est à la victime d’engager une éventuelle procédure, car en réalité personne ne peut se dispenser de la Justice, lien logique entre ce qui est et ce qui doit être, en conformité avec la Règle et sans qu’il y ait quelque chose à ajouter. Ainsi, revenant à la paillasse sur laquelle est allongé le privilège de sanctionner, dès que l’on évoque le « Droit » (« ce qui doit être »), c’est clair qu’il faut faire une croix sur la Loi du Talion, le bouc émissaire, la Vengeance, les Représailles, les Sabotages et autres plats qui se mangent froids. Le Droit s’oppose aux « Faits » (« ce qui est ») et, pour que la colle proposée pût avoir une consistance, il faudrait supposer une absence de pouvoir légitime dans cet immarscessible univers, pour recourir à des supports, tels que le tripalium, la lapidation ou l’assassinat, afin d’exercer en toute impunité et en dehors du Droit, quelque châtiment que la proposition mise à discussion paraît admettre.
Que reste-t-il, alors ?
Beaucoup de choses ont été évoquées, afin de distinguer « juger et punir », « peine et punition », « le droit et la légitimité », « le moral et l’immoral », « « le rapport des forces en présence », « le Droit et la Loi », « punition et correction », « punition et sanction », « le Totalitarisme et la Démocratie », « punition et humiliation », « la dimension du sacré », « le procès d’Eichmann », « le responsable mais pas coupable », « le besoin de limites », jusqu’à ce que quelqu’un juge « que nous sommes tombés tous dans un piège sans nous apercevoir que la peau enveloppe le corps, ce qui signifie l’existence de règles pour l’intérieur différentes de celles de l’extérieur dont les limites s’agrandissent, sinon c’est la confusion et violence totales », et un autre intervenant ajoute que « seul l’amour peut nous sauver », suivi de l’évocation de la chanson « coupable, pas coupable », « l’erreur judiciaire », « la punition des enfants par la peur », « l’idée de réparation, de responsabilité, d’engagement, de regret », ainsi que « l’école de Maria Montessori (pas de peine et pas de récompense) », plus l’évocation de « la ‘Colonie Pénitentiaire’ de Kafka, où il y aurait autant de cruauté que de drôlerie », ce à quoi Gilles mit un terme avec ses rimes, déduisant que : « …la loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure ».
Que conclure de tout ça ?
Selon divers témoins, quand, devenu grand, Jésus a voulu empêcher une énorme masse de gens en furie de lapider la femme adultère, leur criant : « Que celui qui est sans pêché lui jette la première pierre », tout le monde a arrêté son acharnement, lorsque insidieusement un caillou est encore allé tomber tout près de la fautive. Se retournant, le fils de Dieu aperçut alors sa propre Mère, Maria, et assez contrarié la sermonna : « Maman, je t’avais dit de rester à la maison ».
Carlos
Gunter says:
Dimanche dernier, une fois de plus, la diversification des animations (personnes et styles), a eu pour effet salutaire la multiplication des prises de parole ; Nadia y était pour beaucoup, à mon avis, parce que dotée d’une qualité précieuse, voire indispensable de l’animateur : non seulement s’intéresser aux idées exprimées mais aussi (peut-être même surtout) aux personnes, aux « visages de leurs idées » (selon la belle formule de Raphaël Serrail, cf. son article, rubrique « textes », ici-même) si on veut bien interpréter la maïeutique socratique, comme l’art d’accoucher l’autre de lui-même, puisqu’il est impossible de séparer les deux.
Si la philosophie vivante veut prétendre d’avoir un sens existentiel (individuel et collectif) – peut-elle avoir un autre ? – je ne vois mal comment elle pourrait s’en passer.
Il était difficile dimanche dernier, comme très souvent dans les échanges de réflexion, aux Phares et ailleurs, de distinguer entre les faits, objet de la science – le droit dit positif, la légalité, cher Carlos, fait partie des faits, de la science juridique – de la normativité au sens philosophique, en l’occurrence, de la légitimité.
Une punition tout en étant légale peut très bien être illégitime (selon le droit dit naturel, distinct du droit dit positif). Il n’est pas facile de le comprendre car la règle positive énonce, tout comme la règle de droit naturel (ou « spéculative », c.-à-d. éthique ou philosophique) un devoir-être. Or, il s’agit de deux types de devoir-être différents : un devoir-être de fait (« la loi c’est la loi », même injuste, scélérate, illégitime) et un devoir-être métaphysique, éthique, au-delà et parfois en contradiction avec le premier.
La question « philosophique » ne pouvait donc que porter sur une légitimité éventuelle du droit de punir.
Que le droit, dans son ensemble, non seulement le droit pénal, souffre, depuis le tournant néolibéral dans les années 60, de plus en plus d’un manque de légitimité est le pont-aux- ânes de la philosophie politique et de la philosophie du droit contemporaine ; il suffit de penser au droit fiscal, droit du travail, droit du logement, etc., etc.
La seule question « philosophique » est donc : peut-il y avoir un droit légitime de punir ?
Or, Hegel énonce – paradoxe apparent – un droit du criminel à être puni. Ce droit découle du fait de la liberté postulée du sujet, qui sans ce droit d’être puni, serait traité comme une chose soumise au déterminisme des lois de la nature (qui n’ont rien à voir avec le « droit naturel », mal nommé, il s’agit en fait d’un droit, je le répète, éthique, métaphysique).
Finalement, LA question porte sur le choix entre une conception utilitariste de la peine et sa conception – sacrée (sacré laïque qui perdure dans la langue, puisque le juge interprétant la loi ne punit pas, il sanctionne (de sanctus : sacré) :
« Venons-en au fondamental, c’est-à-dire à ce ravalement général des conceptions de la peine qui tend à ramener le châtiment au niveau d’un instrument, subordonné à l’utilité sociale. « Qu’on nous en protège ! », « Qu’on les intimide ! », « Qu’on les soigne ! », « Qu’on les rééduque ! » Voilà les maximes que ne paraissent malheureusement pas remettre en question les protagonistes du débat actuel [au sujet de la peine de mort]. Maximes qui seraient toutes à inscrire au fronton de l’univers que l’on nous promet : ce » meilleur des mondes » où la peine et la mort et jusqu’à sa »santé mentale » ou son « amendement » entrent comme de purs moyens, des paramètres au service de l’autoprotection des individus ou de l’autoconservation sociale. Qu’un système fasciste détruise ou stérilise des délinquants, qu’une dictature fasse des exemples sanglants pour décourager la révolte par la terreur, que le système concentrationnaire prétend « rééduquer » par le travail, l’endoctrinement ou le conditionnement, après tout, rien d’étonnant. Mais que sous la bannière de l’humanité ou du progressisme, on ne sache que se référer à l’utilité de la peine, cela mérité qu’on s’en étonne. » (Jean Laplanche « Le primat de l’autre » (en psychanalyse) Champs Flammarion 1992, page 161 et s.).
Ecrit il y a 20 ans, la dérive actuelle du droit pénal et du droit concernant l’internement psychiatrique confirme ce diagnostic sombre : des lois sont votées pour « punir » maintenant préventivement tous ceux qui risquent dans l’avenir de nuire au bien-être social.
Vivent « Santé, sécurité, propreté » (nihiliste) – à nous de faire revivre « Liberté, égalité, fraternité » (sacré laïque) !
9th janvier 2012 at 16 h 27 min
Carlos says:
Mon commentaire, « Ce matin ou jamais » a été supprimé… (aussi).
9th janvier 2012 at 13 h 31 min
Carlos says:
CE MATIN OU JAMAIS
Comme il se produit en général dans l’émission TV (« Ce soir ou jamais), pour discuter philosophie, Emmanuel Kant n’aimait pas se réunir à plus de huit. Par contre, le Café Philo étant ce qu’il est, c’est-à-dire, une mise en bouche de la dialectique faite au nom du Père, Marc Sautet, venus de loin des dizaines et des dizaines de pèlerins y arrivent toutes les semaines pour l’office dont l’épître se réduit à un verset sibyllin choisi parmi une dizaine d’autres et à habiller de propos assez proches du clabaudage, de l’actualité du moment, de ce que l’on a vu au cinéma et au mieux de la littérature, avec le ferme espoir de se profiler « ce matin ou jamais ». Dès lors, les micros sont disputés chaque dimanche au corps à corps, tout participant ayant l’inflexible intention de passer le « pont aux ânes », dont l’obstacle à franchir n’est pas la rampe qui enjambe la rivière, mais le flot des mots dont regorge l’exercice matinal, voire la séduction généralisée, où les discours ont des visages, « le primat de l’autre » y étant Moi, l’Ego, le besoin impératif de s’exposer, et pas nécessairement de s’élever jusqu’aux idées, évitant ainsi la misère de l’anonymat, et au diable le Sujet du débat.
9th janvier 2012 at 18 h 10 min
Gilles Roca says:
Sur quoi Le droit de punir repose-t-il ? André, Nadia,
La Loi d’une société de droit … de punir,
Loi de La collectivité … sur La personne’, et sur L’Acte commis … qui est’ Acte de nuire,
repose … sur La défense … de L’ordre’ en place’, ordre public’, ordre’ établi,
qui La sanctionne … La personne, qui Le sanctionne, L’Acte … commis,
sanction, peine … non punition, qu’elle’ entraîne’, et qui nécessite’ un Pouvoir, et des moyens de contrainte … Légale’, et Légitime’, en fait’, en’ un’ État de droit … et entre citoyens’,
en’ un rapport de force(s), raison(s) d’État … de fait’, individuelle … privée, La punition,
La correction, collective … publique … La, « sacrée », sanction, réparation …
symbolique’, effective, conscience collective … face’ À un délit, commis,
dont Le responsable’ est coupable, « Justice’…et …Vérité,
quoi qu’il doive’ en coûter »,
T C, mais, La Loi du plus fort n’est jamais La meilleure …
pour savoir qui A raison … et qui A tort, zoo … Loi d’une jungle … Loterie …
de L’…heure,
règles … codes … cadre … droits de L’Institution,
en Lieu et place … du tableau … de L’Acte’, Action,
où intervient … L’Amour, La Passion,
De L’Amour, sa « cristallisation » … dans L’Acte – punition … Gilles Roca,
Cas-fée-Philo des Nés-Nus-Phares, 8 janvier 2012’, en ces-jours de Nivôse’,
et de La pensée phare … La pensée qui ose !, G R
9th janvier 2012 at 18 h 27 min