Suivant de près la Journée Internationale de la Femme, au terme d’une nuit de pleine lune lui succéda la semaine à ne pas rater, celle des pimpants défilés de la planète mode, la « Fashion Week », sommet du « must-have » pour l’été, exhibé du haut de vertigineux talons aiguilles et les compassés déhanchements de longues jambes effilées, le 11 Mars, date où le candidat Président, dans la tourmente de la viande Halal, a décidé de présenter son programme d’action en vue de la Magistrature suprême, dans le Parc des Expositions de Villepinte, au Café des Phares®, c’était Gunter Gohran l’animateur « maison » auquel l’Ordre du Jour du Régiment donnait l’occasion de chercher à donner de la vivacité au débat du dimanche, « Etre, est-ce se déchaîner ? », propos attribué à Georges Bataille.
S’il est constant que, pour l’humain, la plus grande souffrance est le mépris ou le ridicule et point la douleur d’être, en raison d’un excès ou vide de soi, de quel sens se revêtait le mot « déchaîner » ? S’exciter ? Se soulever ? Se libérer ? Se débrider, tel un cheval qui, ayant pris le mord aux dents, ne serait plus dirigeable ? Pour les humains, cela équivaut tout simplement à s’offrir la possibilité de procéder à des énergiques résolutions.
C’est à croire que toute cette affaire est partie de l’apitoiement d’un enfant sur le sort d’un cheval [ça ne vous rappelle rien ?], que l’Homme ne considère pas comme son semblable et, à propos des chaînes qui embarrassent l’Ego, il a été évoquée la nécessité morale de s’en défaire, afin d’épanouir sa propre éducation, ce qui serait également valable pour les arts et autres orientations dans la vie, ou résultant de politiques oppressives comme celles d’Hitler et Mussolini, bien que la locution ne soit pas claire et, pour revenir au présent, on déplora à l’occasion que l’on chasse un tyran tandis qu’un autre reprend sa place, ainsi que la mésaventure de Julien Coupat et ses amis, soupçonnés de sabotage des lignes TGV en 2008.
On a abordé ensuite la dépendance et la multi dépendance, ainsi que l’angoisse vis-à-vis des animaux domestiqués, ce qui n’est qu’un prétexte sachant qu’ils ne sont pas méchants, puis l’Etre-Homme fut replacé à sa place d’humain, par la grâce d’Heidegger, tout en se posant la question du pied d’égalité attribué à la philosophie et à la psychologie, de même qu’à l’Etre et à l’Avoir puisque, dès que l’on possède quelque chose, on s’y attache, alors que Bataille est l’homme de la transgression, libératrice des instincts et des pulsions chaque fois que, pour jouir, il faut dépasser la raison toujours présente dans la banalité de la vie, la thèse enchaînant et l’antithèse déchaînant, même si le doute persistait à propos du moment où se passe cet instant libérateur. Se déchaîner serait aller au-delà d’un comportement convenu ; avoir la liberté totale. Le Prométhée déchaîné remplacé par le Cyborg de la science fiction, le clonage, le bateau relié à son ancre, quelque chose de stable. Se déchaîner serait aussi passer par la psychanalyse, la dialectique, la prise de conscience, rompre la chaîne dominant/dominé et ne pas céder sur son désir, pour les uns un lien, pour d’autres une chaîne, tout en invoquant le point de vue du chinois qui ne sait pas dire « je » mais pour lequel l’univers est le lieu où se libèrent toutes les formes créatrices, et d’être à même de briser chaque chaîne grâce au Tai-chi, c’est-à-dire, sans exercer de violence.
A part ça, le chef d’Etat Major du Régiment finit la séance, faisant état de certaines nouvelles considérations, puis Gilles conclut que « se déchaîner est un supplément d’être ».
Quoi d’autre ?
Il arrive, on le sait, que le cheval prenne le mors aux dents, et des lors, il devient impossible de le diriger. Pour les humains, étant entendu que chacun est maître de soi (Sartre soutint que « les français n’ont jamais été aussi libres que pendant l’Occupation »), « être », c’est s’offrir la possibilité de prendre de bonnes décisions, ou mauvaises, soit si ça leur chante, soit en raison d’un mauvais calcul.
Pourquoi, enfin, « être » serait-ce se déchaîner ? Arriverait-on au monde recouverts de chaînes ou de boulets aux pieds, à la manière des bagnards ? Serions-nous condamnés à nous protéger sous des cuirasses comme les tatous et les tortues ou d’écailles à l’image des homards ? Ou, comme il est naturel, voudrait-on dire par là, que l’adolescent brise sa carapace d’enfant, puis celle d’adolescent pour devenir adulte ? Dans ce cas, c’est tout simple : Pour être, « Deviens ce que tu es », tel que nous y invite la devise Olympique de Pindare, tirée de son Ode Pythique.
Etre est-ce se déchaîner ? C’est un peu court ! Dans la vie il y a des hauts et des bas ; on fait avec, car « être », c’est plus que ça, ou bien rire ou bien pleurer. En général, dès que sa petite reine fait « couic, couic », le cycliste est sensé changer de braquet ou, si la chaîne manque d’entretien, il prend une trousse-vélo et procède à son remplacement, avant qu’elle ne déchaîne, « à l’insu de son plein gré ». A l’arrivée, il exulte, et se déchaîne, enfin, pour de bon, s’il soutint l’allure pour l’accélérer dans le sprint final.
Carlos
Gabriel says:
N’oublions pas que deux verbes existent : déchaîner et désenchaîner . Quand on parle d’un individu déchaîné ce qui vient à l’esprit c’est l’emportement, l’homme dans un état d’excitation extrême (en se rappelant qu’un excitant suscite l’émotion , le désir ). Pour celui qui se libère de ses chaînes on dira qu’il se désenchaîne . D’autre part , j’avais souligné que G.Bataille se posait une question,à propos de l’homme , qui pouvait même apparaître paradoxale,et cela après des observations se référant au cheval . La réponse est toujours en suspense puisque si « être suppose une totale liberté » alors lors d’une contemplation qui nous absorbe, est-on ? Dès que l’on agit on abdique une part de liberté pour une fin en vue, alors est-on ? Valéry a dû dire « Parfois je pense, parfois je suis « (je crois ) .Est-ce clair ?
12th mars 2012 at 18 h 17 min
Carlos says:
Bien sûr, mon cher Gabriel. Si j’ai évoqué la chaîne, qui saute, ce fut simplement pour faire un petit tour dans le jargon cycliste. Ceci dit, abstraction faite du « Cogito », chaque fois que l’on veut définir l’être (l’être est ceci…, l’être est cela), on se plante, n’en déplaise à Bataille. L’Etre n’est pas plus « être » lorsqu’il est excité que quand il est Zen, voire « sage », comme l’y invitent les grands philosophes. Bien à toi…
12th mars 2012 at 16 h 07 min
Gunter says:
(Version corrigée
Merci, Carlos, pour ce compte-rendu –il est tellement difficile d’en faire un qui ne soit pas « lettre morte » mais aussi vivant, sinon plus que ce dont il rend compte…
Je retiens seulement deux moments forts pour moi, ce que j’appelle des « moments philosophiques » :
Une leçon d’histoire de la philosophie par un participant qui ignore celle-ci largement : il s’agit plus précisément de la dialectique hégélienne illustrée ainsi : comme premier mouvement, comme thèse, il y a les chaînes ; on peut penser aussi bien à l’enfant complètement dépendant de ses parents qu’à l’humanité totalement soumise à des grands Autres (des transcendances transcendantes).
Comme deuxième mouvement l’antithèse, le déchaînement, la rébellion de la puberté (au plan individuel) ou la révolution (destructrice, celle de la « table rase » au plan collectif).
Puis la synthèse, la relève ou « Aufhebung » en allemand qui signifie à la fois suppression, conservation et élévation : les chaînes de la thèse sont à la fois supprimées, conservées et élevées (sublimées) dans le lien qui, à la fois libère, et relie tout autrement qu’une chaîne. Au plan individuel, la maturité créatrice et au plan collectif, la démocratie philosophique où chaque citoyen est requis de devenir philosophe, autrement dit de devenir ce qu’il est « vraiment », (cf. Alain Badiou « La République de Platon)
Un autre participant a trouvé une métaphore heureuse pour distinguer la chaîne du lien. La chaîne est celle qui amarre, c’est-à-dire fixe le bateau (le moi) au quai (la réalité), le lien, en revanche, relierait deux bateaux de façon souple, dynamique et interactive…
12th mars 2012 at 0 h 49 min