Le 20 février 2011 : « En cas de nécessité, il n’y a pas de loi », animé par Gunter Gorhan.

17 comments

Posted on 21st février 2011 by Gunter in Comptes-Rendus

Face aux impétueuses émeutes, bourrasques ou soulèvements insurrectionnels des peuples en état de grâce, qui mettant en cause les pouvoirs établis ne cessent de secouer la côte sud de la Méditerranée depuis la révolution de jasmin de la fin de décembre passé et gagnant même la péninsule arabique, les autorités concernées ont successivement décrété des lois d’exception dérogeant momentanément à la loi constitutionnelle de ces Autocraties, suivies de lois martiales instituant par là un pouvoir judiciaire circonstanciel propre à suspendre toute liberté. Ce désinvolte commerce avec la règle impérative a inspiré quelqu’un, au Café des Phares, à proposer le 20 février le sujet suivant : « En cas de nécessité il n’y a plus de loi », que l’animateur, Gunter Gorhan a soumis à l’assemblée pour en débattre.

Pourtant, dès que motivé par « un cas de vol pour survenir à ses besoins », le caractère de notre « Nécessité » est du coup devenu « Indigence », ce qui n’appartient pas à la même catégorie de jugement et, notre débat s’avérant biaisé, je constate que nous nous sommes trouvés, sans nous en apercevoir, devant un paradoxe à deux termes. Un : « nécessité (indigence) défait la loi » ( « jugement de mode problématique » qui permettrait de se soustraire à la règle) au gré du vent qui attise le feu ou éteint la bougie ; deux : « nécessité fait loi » (« jugement de mode apodictique » suggérant que tout est réglé d’avance), selon le principe « en cas de panique, sauve qui peut ».

Etant donné que, par définition, la Nécessité se résume à ce qui ne peut pas être autrement et ne s’ouvre pas sur d’autres hypothèses, tandis que la Loi est « une règle ad hoc établie par l’autorité souveraine et sanctionnée par la force publique », il en ressort qu’une contrainte Contingente s’exerce donc sur l’Homme et, le bon sens étant « la chose au monde la mieux partagée », nos observations ne pouvaient pas diverger de beaucoup, à moins de ne pas prendre la même en considération. C’est ainsi que dans le sud on ferme les fenêtres en été à cause des mouches, tandis que dans le nord on les ouvre pour l’entrée d’un peu d’air frais ; s’il n’y avait pas des exceptions il n’y aurait pas de règle, c’est-à-dire, que nous adopterions tous une constante ligne de conduite en toute situation, la liberté étant de le faire, tout simplement, et la volonté serait dès lors plus un assentiment qu’un choix. Or, les cas ne sont pas tous identiques et de ce fait les pénibles entraves se révèlent en plus grand nombre que le laisser faire, le corset de la loi ayant pour but de ne pas permettre l’effondrement du droit sur lequel se fonde toute souveraineté et de loger en permanence un sentiment de culpabilité chez chaque être qui naît sans importance. 

Revenant donc à nos moutons, il était question, ce dimanche, de s’étendre plus précisément sur l’assertion « En cas de précarité il n’y a pas de loi », puisque le ton essentiel des prises de parole avait comme objet le soulagement des souffrances en faveur duquel, mis à part le préau réservé à « l’impératif catégorique », il y aurait une notoire carence. C’est ainsi que l’on a fait aussitôt une distinction entre « légitimité, validation, nécessité et autres vides juridiques », une porte restant entrouverte pour « toute désobéissance civique » et autres contingences « comme celle d’Antigone ou des Pythies, arbitres du destin des Humains».

Quoi qu’il en soit, on constate que la Loi recouvre tous les domaines de l’activité des Hommes, ne leur laissant aucune liberté ni leur prêtant aucune force ce qui, dans des circonstances graves, ouvre un large champs d’action demandant un effort de générosité de la part de chacun et suscitant une levée de bons sentiments chez tous les partageux, Robin des Bois, Zorro, Batman et autres objecteurs de conscience prêts à passer outre, afin de faire le déplorable constat de la faillite sociale, assorti d’un appel au législateur pour qu’il se ressaisisse.

Ce n’est pas toujours facile et c’est ainsi que chargé d’arrêter Mlle. Clairon à l’occasion d’une mutinerie théâtrale, l’officier de police d’Henri III se vit opposer de sa part, un : « Sa majesté peut tout sur mes biens et ma liberté, mais il ne peut rien sur mon honneur », auquel le chargé d’affaires répliqua : « Là où il n’y a rien, le roi perd effectivement ses droits ».

Carlos Gravito

____________________________________________

Rarement, j’ai eu tant l’impression de rencontrer un sujet dont j’avais l’impression d’avoir déjà fait le tour et je me souciais à son annonce de « perdre mon temps », de m’ennuyer un peu.  Lectrice attentive de l’Esprit des lois (Montesquieu), et de l’exode de Moise, j’avais l’impression que « tout » avait été dit sur le sujet. Mais une fois de plus je fais l’expérience café philo : «Tout » a beau d’être dit : nous avons besoin de l’entendre à nouveau. Et je rentre à la maison avec quelques pépites mais aussi avec quelques regrets que je veux  considérer pour leur donner un peu de durée dans l’espoir de susciter une prolongation d’un débat qui « mérite ».

L’exemple d’une femme réduite à voler pour nourrir son enfant a  introduit ce débat et  oppose d’emblée le «  droit naturel » à la loi positive.   Deux logiques s’y affrontent: celle du « besoin », la « nécessité », et celle de défendre la « possession ».  Le mouvement révolutionnaire  maghrébin frappe timidement à la porte, mais il y a quelque chose de l’ordre de la rétraction frileuse dans le mouvement groupale. Qui dit « possession » dit « pouvoir ». Le drame de la loi, c’est celui-ci: comment concilier notre « droit à la propriété » et notre « droit à la vie »? Antigone est convoquée. Classiquement, il est admis qu’elle brave la loi de la Cité au bénéfice d’une loi universelle. Je note le nom de Castoriadis qui aurait revisité le drame différemment.  Le vrai drame, ce serait le dialogue de sourd  entre Créon et Antigone, un rapport de force stérile dans lequel chacun reste buté. Plutôt que de voler, la mère citée en exemple d’introduction, avait-elle  pu formuler une demande?  L’élaboration de la loi « positive », de la loi « humaine », elle nécessite le conflit, la négociation. Nous vivons en démocratie. Et pourtant : les personnes en présence, ont-ils tous eu la perception de la distinction nécessaire  entre une loi figée, bureaucratique et  la charge vitale de cette « force » qui structure la vie en société ? Elle a été convoquée, abordée à plusieurs reprises, mais le groupe s’est enflammé très timidement. Suis-je la seule d’avoir été gênée par moment par la tiédeur du débat qui pourtant  traite des fondements de l’humanité ?  Ai-je besoin excessif d’agitation? Nous avons été très forts en théorie, ce dimanche. De très belles choses se sont dites.  Nous avons entendu par exemple une belle définition de la « nécessité » : quelque chose qui ne peut pas être autrement.  Nous citons le « maître à penser » Montesquieu : « Les lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature, des choses ». Et une expression plus radicale encore : C’est la nécessité qui fait loi. Une loi ancrée dans la nature du vivant qui est « nécessiteux », en lien avec la loi propre, « l’autonomie » : est-il nécessaire de le rappeler ?  Lacan fait son entrée. Nous évoquons la loi séparatrice, symbolique.  Nous convoquons le désir. La nécessité, le besoin fait loi. Et le désir? Gunter évoquera mieux que moi la controverse Lacan/Kant, mais je retiens de son intervention l’idée du désir ancrée dans  la pulsion. Voilà que je mets enfin un mot sur la frustration légère avec laquelle je quitte le café philo.  J’aurais aimé  vivre ce mouvement groupale qui  permet d’ancrer la pulsion dans le désir. Vivant dans une société qui donne en principe place à l’expression de chacun, il me semble que nous avons, collectivement parlant, perdu le « contact » avec la force de la loi. Pour moi,  une fois de plus nous avons réfléchi sur l’articulation de l’individuel avec le collectif, et c’est cette jointure qui me semble difficile à penser. C’est comme si nous pouvions penser ni « je » ni « nous » sans culpabilité. C’est comme si on  devait se ranger d’un côté ou de l’autre. Comme si un rapport de force irréductible s’installait entre le besoin de « je » et le besoin de « nous ».  Comme si l’autonomie (loi propre) pouvait  mettre en danger permanent la sécurité, la stabilité de l’institué ou l’inverse : l’institué menace l’individu. Et pourtant : l’un flirte avec l’autre. Pourquoi  est-ce  si difficile de considérer nos besoins grégaires comme une simple nécessité?  

 Il m’a manqué la provocation, là, ce dimanche matin. Appuyer plus par exemple sur  l’évidence lacanienne.  La loi séparatrice ? J’y entends la loi du père, et j’ai envie de dire  « Non ». La loi n’appartient ni au père, ni à la mère. La loi émergeante du conflit, organisatrice, celle-ci, oui. N’est-ce pas le conflit qui structure le lien qui va s’établir entre les humains ? Et  devant la  multitude de liens possibles (nécessairement différents selon les protagonistes impliqués),  je m’étonne de moins en moins de la variation des codes législatifs possibles. Il manquait au lien « le contexte » pour tomber dans le vertige philosophique. Oui, Montesquieu a parlé de l’incidence du climat sur les codes comportementaux.  Furtivement, une interrogation effleure le débat : la démocratie, un code possible pour tous? Déclenché par la nécessité, la révolution à l’œuvre dans le berceau de notre civilisation, dans un climat propice à la « passion », vers quelle loi mènera-t-elle?  Espérons qu’elle amènera celle qui permettra de vivre « le mieux possible » aux habitants de leur jurisprudence. Un atout de cette révolution : rarement, le niveau d’éducation d’un peuple a été aussi élevé.  Aux prémices de la révolution du 18ième siècle, la lecture n’était pas encore acquise à la majorité du peuple française. Sauf erreur de ma part, elle l’est au Maghreb. Donc : nous pouvons espérer que l’histoire ne se répétera pas « bêtement ». J’ai besoin d’espérer,  c’est plus fort que moi ! Loi de la nature ?

Elke Mallem

17 Comments
  1. Nicolas says:

    Bonsoir à tous, j’ai découvert récemment ce site.

    Je voudrais ajouter sur ce sujet, l’idée de la falsifiabilité scientifique. Pendant longtemps, l’Eglise a soutenu (fermement) l’idée de Ptolémée: que la Terre est au centre de l’univers. Par la suite, Copernic et Galilée ont réfuté cette théorie et ont dit que c’est le soleil qui est au centre de l’univers et que la Terre tourne autour du soleil. Cela illustre l’idée qu’une théorie scientifique est réfutable, notamment celle de Ptolémée dont l’Eglise s’est « emparée ».

    On peut cependant évoquer les lois de Newton encore utilisées en mécanique comme pré-requis à notre époque. Ces lois sont bien sûr réfutables, mais elles n’ont pas été réfutées jusqu’à présent.

    Ainsi, ces deux exemples pourraient nous aider à réfléchir sur la question suivante: pouvons-nous comparer l’importance de l’absence de loi sur les plans juridique et scientifique? (sachant que j’ai évoqué pendant le débat, la différence entre besoins, désirs et nécessités surtout sur le plan juridique).
    Finalement: on peut penser que l’absence d’une loi scientifique (dûe à la réfutation de cette loi) est moins « grave » que la réfutation d’une loi sur les plans juridique et politique du fait des enjeux qui sont probablement plus importants. (Respect des droits de l’Homme, de la Constitution…).

    Bonne soirée à tous!

    Nicolas.

    21st février 2011 at 21 h 36 min

  2. Nicolas says:

    P.S: Je me suis mal exprimé à la fin de mon commentaire précédent: je voulais dire que l’absence (momentanée) d’une loi scientifique est moins grave que le fait d’invalider une loi sur le plan juridique où les enjeux sont plus importants. (Les enjeux portent plus, selon moi, sur la réfutation d’une loi, sur le plan juridique).

    21st février 2011 at 21 h 43 min

  3. Gorhan Gunter says:

    Je ne suis pas contre le conflit, Elke ; pour le dire brutalement : une vraie guerre est préférable à une fausse paix qui est, pour moi, la pire des choses : rien ne bouge plus, l’hostilité larvée ne fait qu’augmenter jusqu’à ce que le conflit éclate et cela d’autant plus violemment qu’il a mis du temps à émerger, à devenir conscient.
    Ce que je préfère par-dessus tout, c’est une tension attentive, recueillie pendant nos échanges et hier, j’ai eu l’impression que c’était, en grande partie, le cas – je peux me tromper et je prends peut-être mes désirs pour la réalité, à d’autres de témoigner…
    Le cas juridique de départ était le suivant : il s’agissait d’une mère qui avait volé, juste avant Noël, des friandises – ou des jouets, je ne me souviens plus – pour ses enfants. En tout cas, il ne s’agissait pas d’une question de survie. En première instance, la mère avait été relaxé, mais ce jugement a été reformé en appel et avait donné lieu à une avalanche de commentaires.
    Qu’est-ce donc qui est nécessaire qui suspend l’application normale de la loi ? Tout le monde connaît la légitime défense qui autorise même à tuer. Il y a également l’état de nécessité : pour sauver un bien de valeur supérieure on peut sacrifier un bien, qui ne m’appartient pas, d’une valeur inférieure – mais celui qui a bénéficié de ce sacrifice doit dédommager celui qui a été lésé… Tout ceci est du droit positif français, c’est-à-dire du droit tel qu’il est appliqué aujourd’hui en France.
    Nous avons très vite opposé à ce droit positif la légitimité de la loi, autrefois appelé « droit naturel ».
    Qui est juge de la légitimité – qui m’oblige éthiquement à y résister ? Eichmann, par exemple, ne faisait qu’invoquer le droit positif nazi !
    Est-ce chacun, indépendamment de tous les autres ? Oui et non ; je défends personnellement la position de Socrate : « Je préfère être en désaccord avec le monde entier plutôt qu’avec moi-même ».
    Socrate n’avait lu ni Kant ni Habermas, sinon il aurait précisé qu’en tant qu’individu, qu’en tant que sujet absolument singulier – ce qu’il ne revendiquait absolument pas -, il n’aurait jamais suivi la devise à la mode aujourd’hui :« C’est mon choix à moi tout seul». Il est « pardonnable », car les Grecs ignoraient la subjectivité au sens moderne du mot. Socrate était avant tout un citoyen, et il pensait automatiquement, »instinctivement » en tant que représentant de la cité.
    Kant a thématisé ceci par son impératif catégorique, exprimé plus simplement et poétiquement par un philosophe-poète (Yannis Youlountas) : « L’humanité est une question à laquelle chaque être humain est un réponse ».
    En termes habermassiens : Quand j’argumente « vraiment », c’est-à-dire sans stratégie, conformément à l’ »éthique de la discussion », je dois me décentrer, me placer du point de vue des autres, de tous les autres concernés.
    Le « Kant avec Sade » de Lacan est difficile à comprendre et il y a différentes interprétations. La mienne, schématiquement : les deux opposent radicalement (au lieu seulement de les distinguer) la loi au désir, l’un (Kant) privilégiant la loi et l’autre (Sade) le désir ; les deux sont déchirés entre loi et désir, or, au fin fond de notre être, nous découvririons que notre « vrai » désir est la loi (de l’amour). Spinoza, cf. son « amor intellectualis dei »(pas besoin de traduire) n’avait rien dit d’autre. Sur ce sujet un livre incroyable : le « St. Paul » d’Alain Badiou.
    Tant de choses encore à ajouter, mais je commence à fatiguer ; seulement ceci : l’étymologie de la nécessité ; ce mot vient de « ne cedere », ne pas marcher, immobilité ou impossibilité de se mouvoir ou d’être mu », aussi : « impossibilité de reculer » (cf. le nécessaire, l’ indispensable « Dictionnaire historique de la langue française, éd. Le Robert, en poche). Donc pas de « cadere » (tomber, Pierre –Yves !) mais j’avoue que j’aime bien ces étymologies « non-scientifiques » qui fécondent régulièrement les réflexions philosophiques, par ex. celle de Heidegger, entre autres……

    21st février 2011 at 17 h 36 min

  4. Nadia salah says:

    Les lois de l’Esprit ou l’Energie vitale
    L’homme de science sort sa lunette astronomique et le poète inspiré écrit quelques vers énigmatiques.
    Loi ou lois ? Dans tous les cas de figure, il me semble que la nécessité obéït à des Lois. C’est pourquoi, elle fait force de loi. Il me semble que des lois que nous méconnaissons, que nous ignorons sous-tendent toute notre existence que nous en ayons conscience ou non. Au delà de ce que perçoivent nos sens, de ce que nous pouvons appréhender directement avec notre intellect se cachent des lois qui gouvernent pour une grande part notre existence . On les nomme de manière poétique le « destin », la « voie » etc…
    La vérité est au delà des apparences qui sont bien souvent trompeuses. Dans la matière, tout n’est qu’énergie. Les lois ne sont que l’expression de l’énergie vitale. Amitiés Nadia

    21st février 2011 at 23 h 26 min

  5. Elke Mallem says:

    Merci, Gunter, pour ces approfondissements très utiles qui clarifient certains détails qui m’ont échappé. Une « tension attentive », oui, je pense aussi qu’elle y était, dimanche. Mais une attention sage, un zeste trop sage. Il n’y avait pas d’hostilité, mais un petit fond dépressif. Pour débattre, il faut un peu de colère, et là, j’ai senti plus la tristesse que la colère. Mon fond dépressif ou un fond collectif ? C’est toujours la même préoccupation : celui du lien entre « je » et « nous ». Chacun vit l’évènement à travers le filtre de sa subjectivité, à un degré de perméabilité variable. D’où l’importance de la variété des points de vue qui permettent de mieux définir l’intérieur (subjectivité « propre ») et l’extériorité (contexte, les autres). Si je maintiens l’hypothèse d’un groupe un peu engoncé dans la tristesse : était-ce la tristesse nécessaire dans un changement de cycle, le repli sur soi nécessaire pour se re-penser? Nous vivons actuellement une période historique très « critique ». Les équilibres géopolitiques se déplacent et redemandent une renégociation de l’être ensemble, un nouveau cadre législatif. J’aimerais tant que notre capacité de créer des cadres législatifs acceptables pour tous prenne le dessus sur la guerre. Chaque guerre est l’échec d’un dialogue, d’une souffrance non entendue en temps et en heure. « Ne pas tuer ». Je m’étonne qu’on ne puisse toujours pas respecter cette loi avec au moins autant de conviction que celui de l’inceste.
    Pour répondre à Nicolas : La recherche scientifique est une quête permanente de lois. Et la communauté scientifique a créé des méthodologies permettant de mettre à l’épreuve ces « lois ». Le débat contradictoire y est essentiel. Cela confirme bien mon idée de la juxtaposition nécessaire conflit/loi. Et malgré le système bien rodé de la recherche scientifique: certaines lois sont érigées sur la base de croyances. Et curieusement, ce sont ces lois-là qu’on défend parfois avec une férocité inouïe. Certaines idées reçues ou croyances font tellement du bien qu’il est douloureux d’en changer. Je pense par exemple à l’idée de « l’homme blanc » au sommet de l’hiérarchie de l’évolution. Le travail sur le classement des espèces et les moteurs de l’évolution nous a bien démontré l’erreur, mais combien d’entre nous ont bien intégré le fait qu’il y a plusieurs façons pertinentes d’être au monde et que la notre n’est peut-être qu’un ratage temporaire voué à l’échec à long terme? J’ai regardé hier soir un reportage sur Arte +7 concernant les déchets. Un de plus, me direz-vous. On y explique ce qui « fait loi » dans notre société. Et, ce que j’ai aimé, ils montrent aussi comment y remédier. La révolution est en marche, non seulement au Maghreb! Qu’elle puisse se dérouler le plus souvent dans les salles d’audience!

    21st février 2011 at 9 h 06 min

  6. Nadia salah says:

    (suite et fin)
    L’ouverture aux mondes : le Temps, le temps de la méditation, la Méditation, l’Observation et l’Expérimentation. Je me suis longuement interrogée sur les rapports de Force ( ou Energie) et la Loi. Il me semble que ces rapports obéïssent à des lois non écrites ce qui ne signifient pas qu’elles ne le seront jamais. Bien au contraire ! Elles vont probablement ouvrir des portes sur d’autres connaissances ( pensons à Champollion et aux hiéroglyphes). Il me semble que ce qui fait le lien se trouve au coeur de la matière : des forces qui s’affrontent, s’annulent ou se combinent. Des forces ( énergie) et probablement une force supérieure ce qu’on nomme le Tout ou le grand Tout. Les lois ne se décrêtent pas dans les institutions, elles s’éprouvent !
    Amitiés Nadia

    21st février 2011 at 11 h 42 min

  7. Nadia salah says:

    En me relisant, j’ai l’impression de n’avoir pas été suffisamment clair. Ce que je voulais dire , en substance, c’est que la morale, les phénomènes physiques , la métaphysique n’étant pas dans le même registre, elles n’obéïssent certainement pas aux mêmes lois mais il me semble probable qu’elles obéïssent à la même Loi.
    Pourquoi ai-je l’impression que ce n’est toujours pas clair ? Enfin, tout ceci n’est peut être qu’élucubrations. Revenons à la norme juridique et au droit….
    Amitiés Nadia

    21st février 2011 at 22 h 26 min

  8. Elke Mallem says:

    « Les lois ne se décrètent pas… » Je suis d’accord avec l’importance du flux énergétique de la vie, Nadia. Mais comme nous sommes humains, nous avons besoin de la parole. Et depuis que l’humanité est humanité, nous n’avons jamais cessé de chercher à mettre en mot les lois qui nous régissent. La régulation de la cohabitation humaine ne se fait pas par enchantement, mais nécessite le travail d’élaboration qu’on appelle « penser ». Et comme chacun est profondément égoïste, mu par une énergie vitale qui lui est propre, j’en déduis qu’il faut absolument participer au débat pour ne pas se laisser « effacer ». Une loi décrétée dans le monologue n’est pas une loi. Quand j’ai lu la biographie de Gandhi, j’ai cru comprendre que les lois en défaveur des indiens ont été voté de façon démocratique, mais en leur absence. Il semblerait qu’ils faisaient aveuglement confiance au discours humaniste des anglais et pensaient avoir mieux à faire, chercher à gagner de l’argent. Evidemment, ces lois ont protégé les intérêts des blancs sans se soucier des intérêts des indiens! Nombreux sont les exemples dans notre histoire quand le « pouvoir » impose une loi sans prendre en considération la parole de celui qui doit « signer », au prétexte d’une supériorité quelconque. Combien de fois j’entends de la bouche de l’encadrement : « Je n’y peux rien, ça vient d’en haut ! » Cela est autant plus révoltant que cela vient de la bouche de personnes instruites.

    21st février 2011 at 8 h 39 min

  9. Nadia salah says:

    Heïdegger nous invite à penser le langage comme incertitude fondamentale sur la possibilité de la communication humaine. Il va sans dire que mes propos ne sont pas anthropocentrés ( il y a eu une époque avant l’homme et sûrement une après l’homme). Je ne situe pas mon discours sur la loi au niveau politique ou moral mais plutôt dans le domaine de ce qu’on pourrait nommer la poésophie. Le discours sur la norme juridique , la norme morale et le droit n’est pas inintéressant. Bien au contraire ! Tu as raison  » à quoi sert la philosophie si elle est complètement déconnectée de la réalité socio-économique et politique ? » En effet, de ce point de vu là, il faut non seulement « expliquer en marchant » comme dirait Heïdegger mais surtout agir ( Et là, je ne suis plus heïdeggerienne en tout cas pour ce que j’en sais) Mes propos n’avaient rien d’un mysticisme fumeux orientalo-religieux.
    Mon interrogation portait plutôt sur les origines de la loi ( les tables de la loi) ou plus précisément sur le langage, sur la loi dans la Loi. Je soutenais simplement la thèse heïdeggeriennne d’un « contact entre l’esprit humain et les sources de l’être de notre présence dans ce monde d’une immédiateté que nous avons perdu ». Il situe cette période du temps des présocratiques ( pythagore , héraclite etc…) D’après lui, il y avait une époque où l’homme entendait les origines du mot « langage ». Il en est peut être de même pour la Loi.

    21st février 2011 at 14 h 29 min

  10. Nicolas says:

    On pourrait certainement dire que l’absence de lois (ou de certaines lois) serait quand même dangereux pour l’Homme.

    Par exemple, on peut évoquer Kant. En effet, il dit que l’Homme (à la différence des animaux et des choses) « existe comme fin en soi » et non comme un moyen! Ici, la loi morale nous interdit de profiter des autres Hommes (des êtres raisonnables, dotés d’une raison) en les utilisant comme des choses.
    Tout ceci est, selon Kant, « le principe d’un impératif catégorique possible, c’est-à-dire une loi pratique ».
    Ainsi, on voit avec cet exemple que la loi morale ne peut pas être absente et qu’il n’est pas du tout nécessaire de la supprimer!

    Voici un autre exemple, toujours de Kant, qui est le blâme intérieur. Kant dit qu’un homme ayant commis un acte hors la loi peut toujours essayer d’imaginer qu’il s’agit d’une simple erreur commise sans intention pour échapper à la culpabilité, mais en vain! L’homme en question sera toujours, selon Kant, rappelé à l’ordre par ses remords: c’est le blâme intérieur. Et c’est là-dessus que se forme la volonté de se repentir.
    Ce deuxième exemple montre bien que la loi repose sur un « socle » et qu’il est très dur d’ignorer la solidité de ce socle, donc qu’il est très dur de désobéir à la loi sans avoir par la suite la volonté de se repentir!

    Ces deux idées montrent davantage la nécessité de la présence de lois (morales) et que l’Homme doit obéir à ces lois en écoutant sa conscience morale.

    21st février 2011 at 15 h 39 min

  11. Nadia salah says:

    Dans un autre langage Einsteïn nous dit à propos de la théorie de la relativité qu’elle appartient à une vérité plus vaste que nous ne comprenons pas totalement. Il ajoute, au delà de ce que perçoivent nos sens se cachent des mondes insoupçonnés.De cela, je crois que tout le monde a plus ou moins l’intuition.
    A un journaliste qui lui demandait  » croyez vous en Dieu ? » Einsteïn a répondu « définissez d’abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j’y crois ». Evidemment c’est une boutade.
    Heïdegger a écrit un livre célèbre « l’Etre et le Temps ». Des années après, probablement après avoir pris connaissance des travaux d’Einstein, il n’était plus question que du « Temps et de l’Etre ». L’Etre s’est trouvé relégué au second rang. Le poète philosophe s’est incliné devant l’homme de science, le penseur.
    Je crois que c’est une erreur!

    21st février 2011 at 16 h 39 min

  12. Nadia salah says:

    J’ai l’impression d’un dialogue de sourds. Je ne sais plus qui a dit « il n’y a pas de malentendus mais seulement des mal entendants ». Décalage ou décalogue ? Amitiés Nadia

    P. S : Très intéressants vos commentaires à tous deux

    21st février 2011 at 16 h 46 min

  13. Elke Mallem says:

    Le lien perdu avec les origines et le sens de la loi, c’est cela qui amène une sclérose, une bureaucratisation de la loi. Or, la loi et la conscience évoquée par Kant ne concerne pas forcément la loi écrite, je pense, mais est bien plus souvent en lien avec la loi de « l’ordre des choses » alimenté par des sources chères à Nadia (et à moi même!). C’est le conflit entre la loi « externe » (écrite, formalisée) et la loi interne (intuitive, pour ainsi dire « préscientifique ») qui génère parfois une souffrance intense, et je me demande (et je ne suis pas la seule !) à quel point la folie devrait nous renseigner sur l’absence de pertinence de certaines de nos lois plutôt que de perdre du temps à chercher l’éventuelle tare du délirant ! Nicolas évoque la culpabilité comme sentiment qui signerait la transgression d’une loi. Je pense que ce sentiment est une construction culturelle qui permet de maintenir un certain degré d’asservissement. Beaucoup plus parlant dans les affaires de transgressions de la loi, c’est la honte. Ce qui est préoccupant dans notre société, c’est que nos « Grands » (personnes occupant une position d’autorité, de pouvoir) semblent à l’abri de la honte et qu’ils transfèrent aisément ce sentiment sur les gens « plus petit que soi ». Pire : l’humiliation garde une place de choix dans les méthodes pédagogiques. Comment, dans ces conditions, faire aimer la loi ?

    21st février 2011 at 8 h 05 min

  14. Nicolas says:

    Je trouve que la phrase de Nadia: « Le poète philosophe s’est incliné devant l’homme de science, le penseur » est très intéressante. En effet, il me semble que c’est vrai seulement pour le poète, car le scientifique a une assurance que le poète n’a pas forcément! Le poète se trouve toujours entre deux mondes distincts: il rêve lorsqu’il écrit ses poèmes, mais comme l’a dit Gunter dans un débat précédent, le poète doit aussi acheter du papier et des stylos: c’est le retour à la réalité!

    Mais, selon Heidegger, cette phrase n’est pas tout à fait valable. Considérons le philosophe et le scientifique et écartons un moment le poète, car il me semble que le poète est plus vulnérable face à la réalité…
    Le philosophe, quant à lui, ne doit pas s’incliner face au scientifique: selon Heidegger, « la science ne pense pas » (et ne SE pense pas). Sans le savoir, la science se rattache à la dimension de la philosophie. Dans une partie de son oeuvre: « Qu’appelle t’on penser? » Heidegger donne l’exemple de la physique en disant qu’on ne peut pas expliquer la physique en utilisant les méthodes de la physique. C’est pourquoi, il faut avoir recours à la philosophie!

    Ainsi, ce nouveau questionnement entre le scientifique et le poète et/ou philosophe est intéressant à étudier. Si une personne est à la fois poète et philosophe, je trouve que c’est plus compliqué, car cette personne va être forte et réaliste d’une part (comme le philosophe), fragile et rêveuse d’autre part (comme le poète)… Dès lors, nous pouvons nous poser la question: quel côté prendra le dessus sur cette personne et va-t-elle par conséquent s’incliner face au scientifique ou au contraire lui tenir tête?

    21st février 2011 at 11 h 29 min

  15. Elke Mallem says:

    S’incliner devant la science? Je pense que le terme n’est pas vraiment approprié pour définir le rapport qui lie la science et la poésie. Le concept « temps » est intéressant à plusieurs niveaux: Le temps de l’individu, le temps des sociétés…. J’ai pu méditer devant les courbes tracées par l’activité de la bourse. En un clic d souris, on peut voir une temporalité « court terme », « moyen terme », « long terme »: on dirait à chaque fois de trouver une réalité différente. Les mêmes lois du marché génèrent des réalités complètement différents selon le cadre imposé par l’observation. Et selon la posture du trader (intervenir sur le court, moyen, long terme), son comportement va chercher à épouser certaines régularités qu’on appelle « lois » (trouvé par l’analyse technique, scientifique des courbes) et on voit rapidement les limites de la technique, de la science pure. Un des facteurs de la crise de notre économie, c’est justement le traitement excessivement « technique », « mathématique » des données. Le marché financier a perdu le lien avec le marché réel. Pour moi, c’est un exemple type de l’effet pervers d’une maîtrise possible des lois sans respecter le processus du marché réel. Le marché « réel »? Toute activité humaine qui produit de la « richesse », non une richesse symbolique comme l’argent, mais richesse dans le sens de ressources qui font vivre). Finalement, c’est la science qui finit toujours par s’incliner devant la vie qui rappelle à l’ordre. Non un ordre immuable, mais dynamique. C’est bien pour ça que c’est si durablement fascinant. J’ai bien peur que je suis un peu coq à l’âne, ce matin, et Nadia aura peut-être encore l’impression d’un dialogue de sourd. Mais je me suis bien appuyée sur vos posts pour filer un peu de cohérence dans un monde fou!

    21st février 2011 at 8 h 34 min

  16. Nadia salah says:

    Je m’incline devant ton pragmatisme, non…ce n’est pas le bon mot. Ce serait plutôt ton réalisme. et tu as » Oh combien raison » !!!!
    Le cours de la bourse, le cours du temps…..la chasse à courre devenue sport international. Il y a ceux qui chassent et ceux qui courent . On court , on court tout le temps, après je ne sais quoi. Et pour tout dire , je suis on est nombreux à être à court !!! amitiés à tous

    21st février 2011 at 20 h 23 min

  17. ROCA Gilles says:

    « En cas de nécessité, il n’y a plus de Loi », saint Thomas d’Aquin, Gunter’ G,

    « En cas de nécessité, il n’y a plus de Loi »,
    de saint Thomas d’Aquin,
    Veut dire’, en « dominicain »,
    en cas de nécessité Vitale de survie, La Loi …
    n’est plus de bon’ … Aloi, elle Vole’ …
    en’ éclats, de Vie, qui donne’ elle Le droit … de Vol,
    *
    humaine dignité, de première nécessité, d’existence Vitale, La Loi de La Cité,
    d’essence sociétale’, entre’ individualités, Loi et nécessité,
    compatibilité, ou, incompatibilité,
    et, Le drame de L’incompatibilité …

    La nécessité ne souffre pas d’exeption, Là où il y A bien quelques Lois d’exception,
    La Loi des sociétés, une Loi Adaptée, La Loi d’humanité une nécessité,
    Loi d’individualités, Autre Loi Adaptée, Loi de La collectivité, humaine, humanité,
    est’ humaine nécessité, humaine, priorité, La Loi est projection, est cadre’, institution, nécessité tableau, constitutif, constitution,
    de L’être dans sa peau, son’ humanisation,
    Loi naturelle’ est sélection naturelle, Loi est culture ;
    nécessité, nature,
    Loi est contexte’ ;
    et nécessité texte, *

    si La nécessité, c’est saint Thomas d’Aquin,
    La Loi d’Airain, salique’, … est’ saint’ Amas taquin … Gilles Roca,
    *
    Cas-fée-Philo des nés-nus-Phares, ce 20 – 2 – 2011’, en ces-jours de Pluviôse’- Ventôse,
    nécessité Loi phare, –
    Loi nécessité phare’,
    en cas de nécessité, il n’y A plus de Lois … Phares !, nécessité – Loi … ose !, G R

    21st février 2011 at 11 h 15 min

Laisser un commentaire