Débat du 16 octobre 2011: « S’adapter est-ce une forme de lâcheté ou d’intelligence? », animé par Gunter Gorhan.

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Posted on 17th octobre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Alors que le 16 octobre, nous avions à nous conformer à l’idée que notre planète risquait un ébranlement capable de causer l’inversion de son champ magnétique, provoqué à la vitesse de 86.000 km/h par une gigantesque comète nommée Elenin (une « naine brune » qui, toute naine qu’elle soit, a une taille cinq fois plus grande que Jupiter), le peuple de gauche prenait paisiblement le chemin des urnes afin de départager les deux derniers candidats aux primaires socialistes en vue d’assumer la présidence de la France en 2012.

Au Café Philo des Phares®, s’ajustant aux circonstances, dès dix heures trente, les habitués du lieux s’installaient le mieux qu’ils pouvaient, plaçant naturellement les pieds sous la table et posant les coudes sur sa surface afin de prendre un café, tandis que pour cela, d’autres allaient le faire sur le zinc debout contre le comptoir, ainsi que l’on fait dans les Cafés du Commerce, où (oh saints philosophes) ne s’échangent que des paroles pour rien, et pour cause, elles ne parlent pas entre elles. Tous se préparaient, au moyen d’un micro, à faire l’analyse d’un sujet philosophique, choisi le jour même et qui, animé par Gunter Gorhan, se résumait à la question : « S’adapter est-ce une forme de lâcheté ou d’intelligence ?»

Une fois informés dès le début du débat que, d’après Krishnamurti, « Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade », l’interrogation a donné lieu à une ennuyante suite de lieux-communs, définitions ad hoc assez ringardes, rappels à l’Histoire, sous-information livrée par les médias, et à d’exemples déliés les uns des autres, parce que trouvés à la hâte ou répondant au goût du jour, dicté par l’opinion. Or, de toute évidence, la problématique concernait l’origine des espèces, au cours de laquelle se succédèrent des modifications pratiquées par l’évolution du monde, à partir d’une vie unique. En somme, tous les organismes seraient issus d’un seul principe dont les descendants accumuleraient des modifications ou adaptations qui les rendaient aptes à vivre dans leur environnement respectif. Au cours de leur existence, ces êtres auraient formé dès lors une pelote d’embranchements à partir d’un centre que la conception de Darwin désigne par les branchies d’un poisson devenues les trompes auditives chez l’Homme, développées en conformité avec les circonstances, un accord sans cesse mis en question bien qu’en vain, dès que l’adaptation, dans la plupart des cas, ne dépend pas de la volonté ou de l’état sanitaire des êtres, bon ou mauvais, mais de modifications par lesquelles un organe se met peu à peu en harmonie avec de nouvelles conditions d’existence qui conviendraient mieux à leur structure, comme l’explique clairement Lamarck ; où va-t-on chercher la lâcheté là-dedans ? Nécessaire et suffisante, l’adaptation d’un corps, à un milieu donné, lui est forcément antérieure, raison pour laquelle c’est contournant les obstacles que le fleuve gagne la mer, une pré-aptitude, semblable à celle qui, dans le domaine social, provient au respect étroit de la norme et des traditions,

De « aptare », (attacher), c’est-à-dire, ajuster une chose à une autre la modifiant de manière à ce qu’elle réponde à des conditions nouvelles ou à une autre destination, s’adapter revient à se mettre en harmonie avec une autre entité, en particulier le milieu, soit physique soit humain et qui au bout du compte est ce que l’on appelle prosaïquement intelligence.

De son côté, n’ayant pas d’autre guide d’action que le plaisir et la douleur, l’Homme en fait des indices du bon et du mauvais. A partir de là, qualifier de lâcheté le fait de s’adapter, c’est projeter sur les autres, en bon salaud (cf. Sartre), les évidences que l’on refuse, alors que l’adaptation rend chacun de nous responsable de tous. Toutefois, c’est bien connu : la fuite en arrière est une manière de se réfugier dans une irrationalité qui juge sa seule existence comme allant de soi.

A ceux qui mettaient en cause la fidélité au modèle, du portrait assez exquis de Gertrud Stein, Picasso répondait : « Vous verrez qu’il va finir un jour par lui ressembler».

Carlos