Tandis qu’à Madrid on assistait à une nouvelle épreuve de force de la part des « Indignados », à Moscou, Poutine et Medvedev se préparaient à un nouveau pas de deux afin de garder la toute puissance politique sempiternellement entre leurs mains, alors qu’en France cela venait d’être, selon la tradition, réglé démocratiquement, le 13 Mai 2012 on célébrait à Bruxelles la Journée de l’Europe, c’est-à-dire, le 62ème anniversaire de la déclaration de Schuman qui, invitant les autres pays européens à faire de même, plaçait ipso facto la production franco-allemande de charbon et acier sous une autorité commune (CECA). Au Café des Phares®, en revanche, comme si l’on cherchait « à quoi sert la rate », nous nous sommes demandés « A quoi sert le pouvoir ? », l’étrange question étant posée par Alexandra Ahouandjinou, qui allait nous aider, sans doute, à y voir clair… à tâtons.
Etymologiquement, la puissance étant substantielle, le terme « pouvoir », aussi bien substantif que forme verbale, signifie « la capacité à être et à opérer en vue d’une fin » au sens physique ; au sens moral, ce serait « le droit d’exercer en raison d’une permission », et, au sens politique, l’organisation d’un collectif en législatif, exécutif et judiciaire ayant la compétence d’agir, au besoin par la contrainte. Pourtant, si l’on veut ergoter, disons que, si d’un côté il dérive du latin populaire potere (être capable de), voire « potest» ou « despotês » (« chef » ou « maître de maison »), de l’autre, le grec nous l’assène sous les traits de « Kratos », le premier mortel qui, devenu dieu après avoir tué l’Hydre de Lerne et le titan Chronos, a disséminé l’espoir de par le monde, cela nous autorise à mettre le mot « Pouvoir » en rapport aussi bien avec le devoir que l’autorité, au sens éthique.
Beaucoup de choses ont été dites, à partir de « ça sert à nous imposer ce sujet », par exemple, puis à propos du « sens utilitaire », « de l’ascendant de certains sur d’autres », ou « être au service du publique », ce qui a mis « Socrate dans le jeu en vertu de sa sagesse », « le flic en raison de son pouvoir discrétionnaire », « une alternative à l’intromission divine », le tout allant même jusqu’au « pouvoir du ‘magasinier’ », qui a rappelé « le magicien » et, par conséquence « la démocratie ». Il y a de la suite dans les idées au Phares et, à la question subsidiaire, le pouvoir « est-ce une fin ou un moyen ? », les avis se sont partagés entre « l’enjeu est le partage » et « la finalité est le pouvoir », le tout et son contraire, c’est-à-dire, « équilibrer et déséquilibrer », mais « toujours un assujettissement institutionnalisé quelque part ; une aliénation donc », quelqu’un ayant conclu enfin : « c’est l’ordre ou le chaos ». L’incontournable Anna Arendt a été évoquée, aussi bien que « la volonté de puissance », « l’indissociabilité de l’identité », « l’autocensure », « le rôle du capitaine du navire », « l’affirmation de soi tributaire de l’écoute », « le courage nécessaire à l’exercice du pouvoir », ainsi que « la responsabilité qui en découle », « le désir de laisser une trace durable », « le pouvoir vertical opposé à l’horizontal », « l’énergie qui circule », « le ‘non’ de De Gaulle, et le ‘yes’ de Obama », « le rapport de force » et, pourquoi pas, de logorrhée…, puis, le tout finit avec quelques vers de notre fidèle chantre Gilles :
« …pouvoir de conserver… écoute de l’autre… ; pouvoir d’unité, dans la diversité ; rapport de forces, d’énergie, d’esprit… pour le peuple, … par le peuple ; musique concert, musique qui sert… »
« Querer é poder » (« Vouloir c’est pouvoir »), dit-on dans mon pays, comme dans beaucoup d’autres, certainement, ce qui a comme corollaire la devise de Jacques Cœur, l’argentier de Charles VII, « A cœur vaillant rien n’est impossible » (Nil voluntibus arduum). Tombé en disgrâce, il fut pourtant torturé, puis banni, tandis qu’Agnès Sorel, introduite par le marchant auprès de Charles VII, était empoisonnée à la cour en 1456. De nos jours, une nouvelle version de ces temps romantiques de « cœurs vaillants » est devenue le « Toujours prêt ! », devise des « boy scouts », œuvre de Baden-Powell, maître dans « l’art de survivre » des Eclaireurs que l’on peut reconnaître à leur chapeau et leur foulard noué autour du cou.
Disons donc que, s’interrogeant sur le pourquoi et le comment, la philo nous a confronté au Pouvoir, au sens moral aussi bien que logique, nous campant incidemment dans la posture d’un contre-pouvoir, le cas échéant elle s’abstiendrait des affaires de la cité. Or, le Pouvoir est, depuis toujours, un moyen de contrainte pour les uns, mais aussi une sorte d’aphrodisiaque pour d’autres, qui n’ignorent pas les pouvoirs étranges de la fascination des être de passage, à l’air innocent et aux petites ailes, armés d’arc et carquois, comme les dieux Eros ou Cupidon, et autres maîtres de la séduction, capables de mettre, d’une simple pincée, votre petit monde à l’envers. En tous cas, il nous a donné l’occasion de tailler une bavette, au sens de l’aloyau, et à propos de la prochaine visite du président Hollande à la chancelière Angela Merkel, je me suis souvenu du problème de la cuisine allemande ; c’est que, après avoir avalé autant que vous voulez à table, une heure plus tard vous aurez faim de Pouvoir.
Carlos
Gilles Roca says:
À quoi sert Le Pouvoir ?, Alexandra,
Le Pouvoir est’ un’ outil, instrument, moyen, de fonction, d’Action, de réaction, personnel,
ou collectif, et matériel, spirituel, ou intellectuel,
en’ un choix, citoyen, NON de domination, de manipulation, sur Le monde … L’Autre … soi,
son’ identité, est L’identification de L’identité, La centralisation, La Légitimation …
d’une force … Pour …voir, Pouvoir, de retrouver, de conserver, L’Affirmation …
de soi, position et opposition, Pouvoir … Pouvoir, responsabilité, de son’Autorité, entendre … Voir, À L’écoute … de L’Autre, ma foi !,
Le Pouvoir de servir, NON d’Asservir, et de choisir, NON de subir,
Ascendance … NON dépendance, Pouvoir de création,
propre révolution, propre’ unification, et pacification,
Le Pouvoir d’unité, dans La diversité,
Vouloir … Pouvoir, Volonté de Pouvoir … servir,
Énergie de Pouvoir … servir, du Pouvoir, L’âme’…agit,
rapport de force(s) … d’énergie(s), La force … de L’Esprit, Pouvoir de L’âme’…agit,
de L’Esprit Incarné, Le démocratique … Pouvoir, du Peuple …
Par Le Peuple … Pour Le Peuple,
service’, un’ exercice, horizontal, NON Vertical, Pouvoir, Poser’,
et se Poser’, et s’opposer, Pouvoir, Peser’, et se Peser …
Le Pouvoir est composition, est Partition … de musique …
qu’on …sert,
de musique …
qui sert, Gilles Roca,
Cas-fée-Philo des Nés-Nus-Phares, ces-jours de Floréal, 13 mai 2012’,
Au service …
d’un Pouvoir de service … Phare’, en temps’ électoral, et que L’on’ en découse !, G R
14th mai 2012 at 10 h 49 min
Gabriel says:
Au cours de la séance du 13 mai Alexandra évoquait un lien pouvant exister entre pouvoir et magie . Or, dans un article de 1951, Roger Caillois, nous rappelant que Weber distingue trois sources donc trois formes de pouvoir (le légitime, le fonctionnel, le charismatique ) écrit : » Tout pouvoir est une magie réelle, si on appelle magie la possibilité de produire des effets sans contact ni agent, en provoquant pour ainsi dire une parfaite et immédiate docilité des choses……La magie, c’est l’idée qu’on peut commander aux choses comme aux êtres . » Voilà ce qu’énonce Caillois dans « Le pouvoir charismatique ». Il ajoute : « Il n’y a pas de pouvoir entièrement fondé sur la contrainte: le consentement est toujours le principal . » et « Je veux seulement donner à penser qu’en toute relation de pouvoir, l’idée compte plus que la force . » L’homme de pouvoir indique à un public la nécessité de réaliser une tâche X à priori surhumaine, le rend consentant , dans l’extase,…..l’attente à l’écoute de discours finit par persuader que cette tâche est désormais de l’ordre du possible….Nécessaire et possible elle peut être réalisée effectivement . Comme dans le numéro de magie ce sont les effets qui importent .
14th mai 2012 at 17 h 46 min
Elke says:
Il me semble nécessaire de mettre le pouvoir entre les bornes de l’expérience d’impuissance et de du sentiment euphorique déclenché par l’expérience de la réussite qui donne, pendant un espace de temps très réduit, l’impression d’invulnérabilité, de toute-puissance. L’expérience de l’impuissance néonatale est l’expérience fondatrice d’une vie humaine. Pendant les premiers temps de vie, l’incapacité du petit homme d’agir sur le réel l’oblige à déléguer l’action sur les figures parentales qui ont des pouvoirs qu’il n’a pas encore. C’est là l’archétype de la relation qu’on pourrait peut-être appeler « relation de pouvoir », mais qui est probablement mieux nommé par le terme de « relation asymétrique » : composé d’un être dépendant dont la vie dépend de l’action d’un autre, et d’un autre qui accepte de mettre son pouvoir au service de l’autre. D’emblée, c’est un pouvoir « partagé », révélateur de l’interdépendance des individus d’une société humaine : l’intérêt du bébé est concomitant avec l’intérêt des parents qui se savent mortels et qui sont animé par le désir de maintenir leur lignée. Le bébé sort de l’impuissance par sa capacité d’apprendre. Tout au long de la vie, nous rencontrons des situations « inédites » qui nous replongent par moment dans ce sentiment d’impuissance. Nous nous agrippons alors à des experts qui nous donnent des conseils, plus ou moins pertinents. Ces experts ont parfois « pouvoir sur nous » quand notre capacité critique est endormie. Un pouvoir sain s’éprouve à l’épreuve du réel. Dans la capacité de l’humain de s’organiser en collectif, la gestion du pouvoir décisionnel a toujours posé problème. Chaque décision d’agir comporte le risque de se tromper. L’effet de l’action ne correspond pas toujours à l’intention qui l’avait animé. Celui qui exprime la décision sera toujours rendu responsable de l’effet de la décision. D’où l’inconfort des postes de pouvoir et voilà peut-être la tendance d’agrémenter ces postes-là avec des privilèges afin de rendre la pilule moins amer. Or, la décision démocratique n’est jamais la décision d’une personne, mais le résultat d’une délibération groupale. Bien entendu, il y a toujours une part d’interprétation personnelle de celui qui prononce la décision. Et le pouvoir fait peur, quand l’écart de l’interprétation personnelle d’un débat avec l’expression finale par la personne autorisée est trop grand. Comme chacun est sous la pression du biais d’attribution bien documenté par les sciences sociales, il est évident qu’on peut voir un peu « d’abus » de pouvoir dans toute décision de dirigent , quand la décision est orientée par des préoccupations égocentriques plus que par le bien commun. Mais notre capacité de dialoguer peut rendre le dirigent « meilleur », de la même façon qu’un « bébé » développe la capacité des parents à être parent. Pour répondre à la question posé lors de ce débat, je dirais simplement : la fonction du pouvoir est de cadrer l’action de façon à rendre possible ce qui veut advenir, doit advenir, peut advenir. S’ouvre alors le débat sur la volonté : « je veux » n’est pas forcément « je peux ». Une fois de plus, il s’agit de gérer la frustration de notre incomplétude, d’accepter les limites de notre pouvoir d’agir sur le monde. Pour donner sa fonctionnalité au pouvoir, il s’agit de faire collectivement le deuil de la pensée magique, et de s’engager, chacun de là ou il se trouve, dans le travail de transformation du réel, nécessaire à la survie individuelle et collective.
14th mai 2012 at 8 h 56 min