C’est la « Semaine de la Guitare », alors allons-y pour le « fado » ! Ces derniers jours, outre l’assentiment de l’UE à un récurrent caprice de la Grande Bretagne à vouloir quitter l’Europe au cas où un nouvel accord, voire un « Paradis fiscal » dans le voisinage, n’était pas envisagé, c’est la lutte des ouvriers de chez Renault pour leurs droits salariaux, de pair avec le drame de la jeune mère dépressive au point de tuer sa petite fille de sept mois, qui ont fait la « une », si l’on y ajoute, le 24 du mois, la libération dans la joie de la française Florence Cassez ; condamnée au Mexique pour complicité dans une série d’affaires criminels à 60 années de prison, elle venait d’en purger sept. Chez nous, au Café des Phares®, la musique était toute autre ; notre débat, que le 27-1-013 André Stamberger allait animer, portait sur l’insouciante question : « La vie, nous la rêvons, ou nous l’accomplissons ? »
Il semble que la vie surgit de chaque chose, impossible de se dérober ; dès lors, il nous faut toujours de nouvelles questions pour nos réponses à son propos et on y passerait bien tout son temps car, « si ce n’est pas elle, c’est son frère », c’est-à-dire, ce que l’on en fait dans nos rêves.
Nos rêves ! La vie rêvée !! D’emblée il m’est venu à l’esprit le « Songe d’une nuit d’été », la cocasse comédie de William Shakespeare où il est question d’une « potion magique » dont l’efficacité fit délirer la troupe de comédiens en goguette dans un « campus », et particulièrement deux amants y présents :-) Puis, d’hallucination en chimère, je me suis souvenu de « Perrette et le pot de lait », la fameuse fable de Jean de La Fontaine où est évoqué le projet immodéré d’une paysanne qui, ayant trébuché, voit brisée toute sa construction mentale tendant à rationaliser ses profits, pour enfin, de chimère en onirisme, arriver à l’incontournable Sigmund, pour qui le Rêve a la fonction de préciser les désirs inconscients du rêveur dont le sens peut être interprété de façon plus ou moins hasardeuse. En tous cas, il semble clair que la vie, nous ne l’« accomplissons » pas ! « Accomplir », est faire, voire exécuter, ce qui était prévu (comme entre autres des acrobatiques virevoltes en VTT) et, à la rigueur, nous pouvons « accomplir » nos résolutions, nos souhaits ou désirs mais pas nous « acquitter de la vie » comme d’un devoir ou d’un ordre. La vie, on la vit ; « elle nous mène à son terme », selon les croyances de chacun et l’état de santé dont il jouit. La vie, on la vit, parce que nous existons et « exister », on le précise à chaque fois, est « surgir de… », « du néant », pour Heidegger, par exemple, et pas « rentrer dans », bien que, le jour venu, elle nous conduit au râle ultime…
Certes, tout rêve est réalisation, mais réalisation irréelle, quoique, au sens de « rêverie » (état au cours duquel la pensée se déroule spontanément), il puisse aspirer à une réalisation pratique, comme c’est le cas des Utopies ou autres projets immatures.
Il restait toujours donc à savoir si nous la rêvons, cette vie. La concevoir comme « un songe », ou « transfigurer » son passé, est bien sûr très rafraîchissant (une sorte de jour de congé pour la pensée), mais cela nous priverait de la réflexion, une NECESSITE, qui est d’ailleurs le but de notre déplacement, chaque dimanche à cette heure-là.
C’est ainsi que beaucoup d’idées choses ont été exprimées et, dès le départ, « la gêne causée par le terme ‘accomplissement’ », puis, par association d’idées, on a « rappelé Mme. Bovary, Kierkegaard, Montherlant, et même Frédéric Dard (‘je suis de gauche, le matin, dans le métro, et de droite, le soir au café’), ainsi que « Napoléon lorsqu’il affirme ‘gagner ses batailles avec les rêves de ses soldats endormis’ », « les plus grandes choses entreprises au monde étant le résultat de rêves audacieux », « qui nécessitent une certaine ivresse », même si Sartre prétendait « qu’aucun rêve n’est pas réalisé à la lettre » L, et que « le rêve n’est pas réalisme », où l’on a rappelé « le poème de Paul Valéry sur le ‘cimetière marin de Sète’», ainsi que celui de Caldéron de la Barca, « La vida es sueño » ou le film « Un monde parfait » de Clint Eastwood. On a cité encore le film « ‘Mulholland Drive’ de David Lynch comme une oeuvre parfaitement subjective » et lancé que « le rêve a le vent en poupe », que « l’Homme est une chance », ainsi que « l’écriture est une fulgurance et une transcendance », « le rêve étant lui un état d’accueil ; qu’il faut pénétrer et agir, le café au lait ne se confondant pas avec le lait au café », puis évoqué « la poïétique dans le processus de création », « ‘Les mots et les choses’, de Michel Foucault », « le rêveur-explorateur tel Christophe Colomb », que « ‘rêve’ et ‘réalité’ participent du même radical ‘res’» [alors qu’en fait ‘rêve’ dérive de ‘desver’ (vagabonder, perdre le sens) et ‘réalité’ de ‘réalitas’ (le contraire de ‘idéal’], que « le danger ne sont pas les utopies, mais les réalisations trop parfaites », suivi de la question subsidiaire « Qu’est-ce que se mettre en rêve ? », ou encore « les rêves préfabriqués de la TV », « le poème de Louis Aragon à Elsa », « les rêves accomplis de l’artiste-peintre », « la confusion entre ‘accomplir’ et ‘réaliser’ ».
Finalement, Gilles a eu raison de tout, avec le « …sentiment de vivre, rêvant sa vie » contenu dans ses vers.
Chez le médecin :
- Docteur, mon mari se prend pour un frigidaire…
- …Et il n’est point attentionné envers vous…
- Non, c’est pas ça. Il dort la bouche ouverte !
- Et alors ? Il parle pendant son sommeil ?
- Pas du tout… Mais la petite lumière m’empêche de fermer l’oeil.
Carlos