Ca va mal. Beaucoup de manifestations étaient à enregistrer, ce 9 juin 2013, allant de la Manif « non à l’Euro » auprès du Ministère de la Jeunesse et des Sports, au Rassemblement des Enseignants contre la précarité dans l’Education Nationale en face du Rectorat de Paris, à la Manif des Postiers devant le siège de leur Ministère de tutelle, en vue de défendre leurs intérêts, en passant par, les employés de France Télécom contre leur grade de reclassement aux abords du Sénat, des Egoutiers sous la Tour Eiffel, de la Maternité des Bleuets, au Métro Solférino, rassemblement cycliste « Vélorution » contre les Armes nucléaires, Place de la Bastille, ainsi que la Marche Blanche suite à l’agression de Clément Méric, « sans papiers » place de la Bastille, plus la Marche des Femmes contre l’Autorité, place du Palais Royal. Au Café des Phares®, Michel Turrini prit la charge d’animer le Débat du jour : « Doit-on interdire certaines idées ? ».
A première vue, je dirais « Non » ! Sinon, lesquelles ? A quoi peut ressembler une « certaine » idée ? Une idée véritable ? Réelle ? Sûre ? Ou Douteuse, hypothétique, indéterminée ?
L’Idée (du grec « idein »; latin « idea »), est une représentation mentale formée dans un l’esprit, peut importe lequel, et dont le synonyme est : « pensée », « opinion ». Y en aurait-il des « vraies » et des « fausses » ? Des plus ou moins dignes de circuler ? Quel critère de jugement adopter pour en juguler certaines ? On en trouverait des plus ou moins viables ?
Voyons. Les « Idées à priori », ou Idées préconçues, ne sont pas des Images à considérer de façon émotive, mais des objets concernant la logique, présents dans notre for intérieur, dans sa conscience. Pourtant, malgré l’attention porté au sujet, on était loin du compte. En effet, inertes, les Idées sont des actes de pensée par lesquels le philosophe influe sur le monde. Que faire des Idées fausses ? Comment en juger ?
Opposée à « image », qui en est le signe, en Philo, l’Idée, est couramment synonyme de concept, représentation intellectuelle d’un objet de pensée, considéré comme existant, en soi. Une réalité absolue, hors de nos esprits, c’est-à-dire, une sorte de type éternel des choses (chez Platon), que l’on connaît dans la lumière intellectuelle (Saint Augustin) et que permet de porter des jugements normatifs. Seul véritable objet de la science, l’existence des Idées, c’est leur indépendance à l’égard des choses (res) qui en offrent une représentation sensible et singulière. Nous ne créons pas les Idées ; elles sont des éléments d’un univers de pensée, comme les corps le sont par rapport à la matière, les Idées transcendantales ou à priori, étant l’explication dernière des faits, chez Kant.
L’« Idée » est une conception de l’esprit, une intention, une manière de saisir. L’Idée, est un objet de pensée en tant que Pensée, et sujet à de nombreuses acceptions, une quarantaine, voire, autant que de conceptions philosophiques, allant de la représentation abstraite d’un être à la conscience que l’on en a, ainsi qu’à la façon de concevoir. De l’idée fixe à l’idée reçue, ces êtres vivants se portent, dans le monde occidental, sur la perception ou modèle intelligible des choses et des connaissances acquises au cour des siècles, à partir de la cogitation de philosophes tels que Anaximandre, puis Aristote (tous les deux du IVème siècle av. JC). Ensuite, chez Parménide, (partant de ειδος), l’« Idée » d’une échelle des Êtres se fit jour, ainsi que les quatre types de « Causes » : Forme, Principe, Âme, Acte, en qualité de support du changement, s’opposant à la « Doxa » (gr.Дοξα), « l’opinion », ou conjecture, variable d’un individu à l’autre ; pour Platon, enfin, (et nous voilà, ‘doxant’), l’« Idée » devint le modèle intelligible des choses, universel et immuable (ex : l’affirmation que l’idée de Justice est unique, même si les opinions sur elle diffèrent). Enfin, pour en finir, « Eidos » devint l’essence des « Choses », les choses qui n’en en sont que des manifestations sensibles. L’Idée, elle, est ce qui permet d’appeler, d’un même nom, des objets différents, ex : l’idée d’« Homme » porte sur la nature de l’Homme et permet d’en parler de façon abstraite, alors que l’on ne rencontre jamais que des « Hommes » bien concrets, dans l’expérience de notre quotidien, ou des « chaises », fabriquées d’après l’Idée que l’on a, de ce qu’est-ce qu’une Chaise. L’Idée est, disons, la Règle pour bien penser, de la même manière que La Loi, est une Règle établie pour bien se conduire.
Puis, après Descartes, l’Idée devint la figure de la Chose formée dans notre esprit lorsque nous la concevons ; pour Hume, l’image effacée de nos impressions (pensées ou raisonnements), tandis que, de son côté, Kant la distingua du Concept, l’Idée s’apparentant à ce que la Raison produit, lors quelle s’efforce de penser au-delà de l’expérience, et finalement, Hegel, l’attacha à l’identité du concept et de l’objectivité, voire, ce qui est vrai en soi et pour soi.
Qu’est-ce que l’on en a fait ?
Après un premier « Non », on a évoqué un scandale impliquant des « skinheads », va savoir pourquoi, puis, étant question d’Idéal, il a été dit que l’on ne peut pas les interdire, sauf les idées racistes, et que l’on en crée des ‘lois mémorielles’ pour étaler ce que l’on dit et avoir confiance en la démocratie. Ensuite, fut évoquée la figure de Mobutu, président du Congo après l’arrestation suivie d’assassinat de Patrice Lumumba, Obama et ‘ses tendances fascistes’, puis « ‘l’interdit d’interdire’ de Mai 68, taxé de ridicule », « l’errance des gens et la fuite de la pensée », suivie de la question « qui va décider qu’une opinion est intolérante, », « faire la différence entre ‘idée’ et ‘idéologie’ », « les idées interdites qui repartent », « la manif ‘mariage pour tous’ », « idées idiotes, la hausse des prix », « faire la distinction entre ‘action’ et ‘parole’ ainsi que respecter le devoir d’informer le peuple ; qui va décider d’interdire, ou pas, les idées ? ». Il a été faite la « distinction entre ‘idées’, pluriel, et ‘idée singulier, donc du lien entre singulier et pluriel, le couple Héphaïstos et Athéna, l’imaginaire et l’interdit ; ‘idées’ au pluriel/’plaisir’ au singulier, les premières venant d’en haut, les secondes d’en bas, car elles seraient gênantes ». Quelqu’un dit « regarder les peintures sur les murs de la salle et être obnubilé par les cuisines qui parlent aussi », et nous sommes revenus « à Brassens et aux OGM (va savoir pourquoi) », et la jeune fille en face de moi entend « qu’il y a différents tons de parole, allant de l’insulte à l’humiliation et que l’expression d’une idée peut faire beaucoup de mal », un autre participant ajoutant que « lorsque ‘l’idée prend des armes’, ça peut faire beaucoup de mal », et un autre encore se demandait « si c’est faisable de ‘tuer des idées’ », « ‘kairos’ étant le moment où les choses arrivent », « les Phares équivalant à la Caverne de Platon »…
Puis, faisant usage de ses rimes, Gilles se référa à « la maladie de penser… » et, déjà dehors, le débat prit doucement sa fin.
- Dis, donc. « On devrait interdire certaines idées », tu ne trouves pas ?
- Lesquelles ?
- Celle « d’interdire », par exemple ; non ?
Carlos