N’en déplaise à la météo, l’été était là depuis le 21 Juin et au Parlement Européen les députés se réunissaient pour une dernière séance avant la pause estivale tandis que, du haut de ses 94 ans, après un long chemin en vue de la libération de son peuple, au seuil de sa mort, Nelson Mandela luttait pour rester en vie, à l’Hôpital de Pretoria. Au Café des Phares®, bien déterminés à poursuivre leur quête, les amants de la philosophie se sont réunis, comme chaque dimanche, dans l’intention, ce jour-là, 30 Juin 2013, de tirer au clair la proposition suivante : « Un enfant peut-il faire de la Philosophie ? », au cour du Débat que Raphaël Prudencio s’est donné pour tâche d’aviver.
Bien sûr, qu’un enfant peut faire de la philosophie ; rarement arrogant, il semble que de la philosophie, un môme en fasse chaque jour et, visage lumineux, sans nécessairement chercher à acquérir la connaissance, son étonnement fait ressortir le mieux qu’il a en lui et qui est source de nouvelles questions, constituant en somme un cercle vertueux assez fécond pour satisfaire le gamin et alerter son esprit ou, au pire, le terroriser, voire, paralyser même, tel que Descartes le supputa. L’âge de raison étant fixée à sept ans, les gosses sont dès lors attentifs aux adultes, ainsi qu’à ce qu’ils disent ou à leur comportement, et capables de les juger, lorsque ces grandes personnes se rendent coupables de mauvaise foi ou de prévarication ; mais, ils sont surtout désireux d’apprendre. Les jeunes sont en possession d’une surprenante fraîcheur d’esprit… Pas sérénité, mais grâce naturelle, pareille à un chant d’oiseau qui se sent libre. S’étonner ? La philosophie n’a pas d’autres origines. S’étonner de l’insolite, s’étonner de l’étrange, s’étonner de l’incertitude, vite transformés, sinon, en inquiétude, en trouble ou en désagrément, quoique cela aussi puisse exciter l’imagination, motiver la recherche et éveiller l’intelligence, également. Tout ça, c’est du pain béni pour un enfant, et quoi de plus beau que les yeux des « petits », éblouis et confiants ; quoi de plus spontané que leur fraîcheur d’âme, qui ne signifie pas « froideur », mais « sérénité », éveil de l’esprit, source des questions à l’origine de la Philosophie. L’Etonnement dénote, certes, un signe d’ignorance, mais aussi de réflexion, dont Socrate et Platon firent l’origine de la philo, une surprise, au fond, causée par un travail de la Pensée ; leur « Etonnement » devant la nature marque bien l’accès à une meilleure connaissance de l’objet, ainsi qu’une commotion, un coup de tonnerre à ébranler l’âme, de la même façon que la stupéfaction du jeune garçon peut se produire devant tout ce qu’il aperçoit, car la philosophie n’a pas d’autre dessin que d’Etonner.
Dans la salle, on a commencé par évoquer Picasso, la pratique de la philo avec des enfants qui commencent par le ‘pourquoi’ puis ‘c’est moi’ ensuite ‘je veux’ et, finalement ‘je’, puis l’acquisition de la logique. A six ans commencent les questions existentielles, car rien ne va de soi, l’angoisse de mort et autres corrélations telles que le corps et l’esprit, puis, parce que la petite enfance ne paraissait pas très intéressante, on est passé à l’écriture, la pensée abstraite essayant d’éviter le bla-bla-bla et, afin de savoir s’il y a ‘philo’, il faudrait réaliser que la question a circulé d’un lieu à un autre, séparant le vrai du faux. Quelqu’un a dit que ce qui importe est la question et point la réponse, et quelqu’un d’autre encore fit une synthèse en trois points : culture grecque (un mentor), ce que l’on sait (le cœur), le film ‘Total Recall’ (de Paul Verhoeven) ainsi que ‘Pulp Fiction’ (Quentin Tarantino), ou vie rêvée, ainsi que Heidegger et « la vraie vie qui n’a de sens que lorsque l’on s’occupe d’elle et pas de philo ».
Bref, l’Etonnement introduit à tout âges la Pensée dans la vie de chacun et lui donne l’énergie nécessaire pour mettre la raison en action. Ainsi, bien que Descartes en souligne le danger, l’Etonnement peut conduire à l’acquisition du savoir, et un enfant en est, par nature, curieux.
Côté ‘percolateur’ il y avait pas mal de bruit mais, une intervenante ayant fait remarquer que « la vérité sort de la bouche des enfants » on a poursuivi, notamment avec l’intervention d’un môme de six ans, puis, revenant sur terre, on a évoqué la théorie et la pratique ainsi que l’angoisse de mort, et fait allusion à l’imaginaire, à la philosophie vivante, à l’école primaire faite de fables ou récits, l’âge de raison, les maths. La période de cogitation qui nous était allouée s’étant écoulée, comme d’habitude, Gilles a mis un terme à l’exercice.
Puis, ayant troqué le temps de la réflexion pour l’espace des commentaires, nous nous sommes trouvés dehors à ressasser les bribes de nos doutes.
Un garçon demande à une fille :
- C’est quoi ton rêve ?
- Que tu m’embrasses sous la pluie ; et le tien ?
- Qu’il pleuve !
Carlos