Débat du 30 Juin 2013: « Un enfant peut-il faire de la philo? », animé par Raphaël Prudencio.

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Posted on 1st juillet 2013 by Carlos in Uncategorized

N’en déplaise à la météo, l’été était là depuis le 21 Juin et au Parlement Européen les députés se réunissaient pour une dernière séance avant la pause estivale tandis que, du haut de ses 94 ans, après un long chemin en vue de la libération de son peuple, au seuil de sa mort, Nelson Mandela luttait pour rester en vie, à l’Hôpital de Pretoria. Au Café des Phares®, bien déterminés à poursuivre leur quête, les amants de la philosophie se sont réunis, comme chaque dimanche, dans l’intention, ce jour-là, 30 Juin 2013, de tirer au clair la proposition suivante : « Un enfant peut-il faire de la Philosophie ? », au cour du Débat que Raphaël Prudencio s’est donné pour tâche d’aviver.

Bien sûr, qu’un enfant peut faire de la philosophie ; rarement arrogant, il semble que de la philosophie, un môme en fasse chaque jour et, visage lumineux, sans nécessairement chercher à acquérir la connaissance, son étonnement fait ressortir le mieux qu’il a en lui et qui est source de nouvelles questions, constituant en somme un cercle vertueux assez fécond pour satisfaire le gamin et alerter son esprit ou, au pire, le terroriser, voire, paralyser même, tel que Descartes le supputa. L’âge de raison étant fixée à sept ans, les gosses sont dès lors attentifs aux adultes, ainsi qu’à ce qu’ils disent ou à leur comportement, et capables de les juger, lorsque ces grandes personnes se rendent coupables de mauvaise foi ou de prévarication ; mais, ils sont surtout désireux d’apprendre. Les jeunes sont en possession d’une surprenante fraîcheur d’esprit… Pas sérénité, mais grâce naturelle, pareille à un chant d’oiseau qui se sent libre. S’étonner ? La philosophie n’a pas d’autres origines. S’étonner de l’insolite, s’étonner de l’étrange, s’étonner de l’incertitude, vite transformés, sinon, en inquiétude, en trouble ou en désagrément, quoique cela aussi puisse exciter l’imagination, motiver la recherche et éveiller l’intelligence, également. Tout ça, c’est du pain béni pour un enfant, et quoi de plus beau que les yeux des « petits », éblouis et confiants ; quoi de plus spontané que leur fraîcheur d’âme, qui ne signifie pas « froideur », mais « sérénité », éveil de l’esprit, source des questions à l’origine de la Philosophie. L’Etonnement dénote, certes, un signe d’ignorance, mais aussi de réflexion, dont Socrate et Platon firent l’origine de la philo, une surprise, au fond, causée par un travail de la Pensée ; leur « Etonnement » devant la nature marque bien l’accès à une meilleure connaissance de l’objet, ainsi qu’une commotion, un coup de tonnerre à ébranler l’âme, de la même façon que la stupéfaction du jeune garçon peut se produire devant tout ce qu’il aperçoit, car la philosophie n’a pas d’autre dessin que d’Etonner.

Dans la salle, on a commencé par évoquer Picasso, la pratique de la philo avec des enfants qui commencent par le ‘pourquoi’ puis ‘c’est moi’ ensuite ‘je veux’ et, finalement ‘je’, puis l’acquisition de la logique. A six ans commencent les questions existentielles, car rien ne va de soi, l’angoisse de mort et autres corrélations telles que le corps et l’esprit, puis, parce que la petite enfance ne paraissait pas très intéressante, on est passé à l’écriture, la pensée abstraite essayant d’éviter le bla-bla-bla et, afin de savoir s’il y a ‘philo’, il faudrait réaliser que la question a circulé d’un lieu à un autre, séparant le vrai du faux. Quelqu’un a dit que ce qui importe est la question et point la réponse, et quelqu’un d’autre encore fit une synthèse en trois points : culture grecque (un mentor), ce que l’on sait (le cœur), le film ‘Total Recall’ (de Paul Verhoeven) ainsi que ‘Pulp Fiction’ (Quentin Tarantino), ou vie rêvée, ainsi que Heidegger et « la vraie vie qui n’a de sens que lorsque l’on s’occupe d’elle et pas de philo ».

Bref, l’Etonnement introduit à tout âges la Pensée dans la vie de chacun et lui donne l’énergie nécessaire pour mettre la raison en action. Ainsi, bien que Descartes en souligne le danger, l’Etonnement peut conduire à l’acquisition du savoir, et un enfant en est, par nature, curieux.

Côté ‘percolateur’ il y avait pas mal de bruit mais, une intervenante ayant fait remarquer que « la vérité sort de la bouche des enfants » on a poursuivi, notamment avec l’intervention d’un môme de six ans, puis, revenant sur terre, on a évoqué la théorie et la pratique ainsi que l’angoisse de mort, et fait allusion à l’imaginaire, à la philosophie vivante, à l’école primaire faite de fables ou récits, l’âge de raison, les maths. La période de cogitation qui nous était allouée s’étant écoulée, comme d’habitude, Gilles a mis un terme à l’exercice.

Puis, ayant troqué le temps de la réflexion pour l’espace des commentaires, nous nous sommes trouvés dehors à ressasser les bribes de nos doutes.

Un garçon demande à une fille :

- C’est quoi ton rêve ?

- Que tu m’embrasses sous la pluie ; et le tien ?

- Qu’il pleuve !

 Carlos

5 Comments
  1. Gabriel says:

    Carlos,
    Un canard peut-il faire de la philosophie et à partir de quel âge ? Je lui ai posé la question….Il m’a répondu que ça pouvait aider à libérer le canard de tous ses préugés , bref à libérer le canard enchainé . Ensuite il m’a dit que le langage aidait à la fraternité : échanger des « coin! coin !  » évitait de se canarder entre canards en désaccord . Mais, essentiel, pas de philo avant de pouvoir dire « coin! coin ! » clairement, vers 6 à 7 mois .
    Je lui ai demandé s’il y avait comme des cafés-philo chez les canards : non, seulement des  » coins philo  » où s’échangent des « coin! coin! » .Pas de sexisme d’ailleurs puisque l’animateur pouvait être un canard ou une cane . Une bonne sono aussi, pas comme aux Phares, puisque chaque coin-philo doit être muni de quatre enceintes, une à chaque coin . Je lui ai demandé des exemples de sujets : là il m’a répondu « coin ! coin ! » et personne n’a voulu me le traduire . Peut-être un peur de divulguer leurs propos aux humains ? Il est à noter que toute impolitesse est sévèrement sanctionnée : un « coin ! coin ! » coupant une conversation est passible d’une mise au coin, l’animateur déclarant sur un ton très rude  » Ô ! coin, coin  » . Finalement l’exercice de la philosophie parait très favorable et formateur chez les canards .

    1st juillet 2013 at 6 h 24 min

  2. Gilles ROCA says:

    un’ enfant peut’- il faire de La philosophie ?, Joseph, Raphaël Prudencio, Aux Phares,

    un’ enfant interroge … demande pourquoi ?,
    questionne … s’étonne … s’émerveille … comment ?,
    pré-co-naît … sens’, en soi, La philosophie … quoi !,
    son’ enfant intérieur, qui dit Vrai, et qui ment …
    instinct, et, intuition, La parole du corps, inter’- rieur, réflexe … réflexion,
    Langage’ existentiel, et, entre terre’ et ciel, pratique … du Portique, balancé … rêve’- Ailé,
    un-connu … inventé, imaginé, Acté,
    À La source … surgie, du tréfonds, L’âme’… agit, d’une bouche d’enfant, La Vérité sortant,
    et, de L’éveil des sens’ À L’éthique … du sens’, trouvailles, sur soi, Au fond de soi,
    dans La petite … panse, petite pensée pense’, impatient, un … conscient, L’Art sous-tend …
    Vers La Vérité, dit : L’Art … m’attend, de L’Attraction … À La … traction, de L’enfant – roi,
    de L’Art d’Apostropher, L’Art de philosopher,
    en-jeu … secret, Le Je … se-crée,
    Le Je … de construction, du Moi … en formation, ondes’ et Vibrations,
    d’éveil, À L’émotion, de La philo-passion, La philo-expression,
    nos mots d’olibrius’ …
    Aux’ yeux de Cornélius’,
    Gilles Roca,

    Cas-fée-Philo des Nés-nus-Phares, 30’ juin 2013’, ces-jours de Thermidor,
    et d’enfant philo-phare’, et sur d’Ardentes braises, Élan, EnVol, Essor …
    G R

    1st juillet 2013 at 10 h 17 min

  3. Simone Sommer says:

    En tant qu’éducatrice, je travaille avec des enfants, et je pense qu’ils ont un sens naturel, libre de conventions, qui les incline à la philosophie. Ils ont de la joie dans les jeux de la pensée, peuvent s’étonner, contempler et philosopher spontanément à partir du quotidien. Que serait la philosophie sans ces qualités ? Un sujet sec, aride et ennuyant.

    1st juillet 2013 at 14 h 10 min

  4. Jo Strich et Pierre - Yves says:

    C’était la vue du petit Cornélius au bar du café des Phares avec
    son père, Pierre-Yves, qui m’avait inspiré le sujet. Je me demandais à
    quoi il pouvait bien penser au cours des débats auxquels je l’ai vu
    assister. Plus d’une fois j’ai été tenté de répondre par
    l’affirmative, que oui un enfant peut philosopher, notamment en
    entendant mes petits neveux Adam et Nathanel me proférer des vérités
    philosophiques, comme celle du premier comparant nos intelligences
    respectives, nos « ordinateurs dans la tête » comme il dit, et jugeant
    le sien supérieur car plus neuf, plus moderne.
    C’est l’étonnement permanent de l’enfant qui nous émerveille et
    nous fait penser qu’il y a un petit philosophe là-dedans. L’âge du
    pourquoi nous interpelle: est-ce vraiment de la philosophie, alors
    qu’il n’y a pas de texte, ou simplement de l’ingénuité? Avant que
    d’être dompté et civilisé, l’enfant semble être un philosophe, qui a
    pour préoccupation essentielle l’interrogation. Les intervenants
    abondent dans ce sens: qui oublie de se questionner en oublie son
    enfance… philosopher c’est donner des réponses à des questions de
    l’enfance…
    Alors, c’est la capacité à imaginer qui prime, et philosopher c’est
    penser d’autres mondes (PY: « mes meilleurs souvenirs sont ceux de vie
    rêvée »), ou bien plutôt, conformément à la pensée romaine, ne peut
    philosopher que qui a l’expérience de la vie, qui est un Sage, un
    érudit au sens des Ecritures?
    Y aurait-il une philo attitude dès l’enfance? L’enfant, ce
    philosophe qui s’ignore? Ou, l’enfant philosophe, un mythe (comme
    l’enfant Jésus)?
    Le questionnement philosophico-existentiel de l’enfant, tout enfant
    je pense, et pas seulement moi, sur le mal (surtout: pourquoi?), son
    positionnement contre la « banalité du mal » (à quoi pensaient-ils les 1
    million et demi d’enfants victimes de la Shoa, dont 11.000 Français?)
    en fait un être philosophant, pratiquant la philosophie, par excellence.
    Sous l’impulsion d’une animation instruite, de Raphaël Prudencio,
    qui après chaque intervention synthétise et relance la discussion, le
    débat se focalise autour de deux pôles, pas si contradictoires.
    Rappelant que l’enfant est angoissé par l’idée de la mort à 4 ans,
    Gunter Gorhan souligne que derrière le sujet se pose la question, qui
    semble préoccuper l’enfant, de savoir « s’il y a un au-delà de la
    réalité? » Mais, dit-il, il ne faut pas confondre philosophie (une
    pratique) et histoire de la philosophie. Une précision reprise par
    Daniel Ramirez, qui rappelle « les limites de la philosophie, qui ne
    peut être partout: les enfants ne doivent pas philosopher tout le
    temps, et peut-être les adultes non plus ».
    Ayant proposé le sujet, sa conclusion me revient: les enfants
    peuvent faire de la philosophie, ils la pratiquent, mais pas comme
    système. Ce sont des philosophes présocratiques, pas Allemands, pas
    Hégéliens en tout cas, peut être Nietzschéens.
    Ils sont à une phase de la philosophie, mais sont-ils pour autant
    des philosophes? Il semblerait que non.
    Le mot de la fin est de Raphaël Prudencio: pensée jaillissante et
    pensée structurée.
    Jo Strich

    … mon fils Cornelius bientôt six ans a voulu demander la parole, car
    il a pensé que cela le concernait… Sa première prise de parole a été
    difficile parce qu’il était impressionné par tous les adultes qui le
    regardaient… Je l’avais un peu préparé auparavant à affronter ce
    moment, et il était assuré de mon soutien au cas où il flancherait. Il
    a flanché, et j’ai opté pour dire à son oreille hors micro et morceaux
    par morceaux les quelques phrases qu’il voulait que le public entende.

    -quand j’ai été séparé de papa j’avais trois ans…
    -et j’ai appris à la maison des enfants…
    -à obéir et à être puni et à avoir peur d’être puni, mais pas à réfléchir…
    -maintenant je revois papa mais pas beaucoup…
    -et je vais à l’école,
    -et je vois maman presque tous les jours,
    -mais j’apprends encore à obéir et à être puni et à avoir peur d’être puni…
    -mais toujours pas à réfléchir…
    -pourtant je sais réfléchir…
    -avec papa je réfléchis…

    Il se cachait de timidité dans mon cou tant il était intimidé. Puis il
    attendu un moment que le débat reprenne, et il a décidé de demander
    tout seul la parole pour une deuxième fois. Il m’a dit qu’il voulait
    être tout seul pour parler, c’est à dire sans mon aide. Je lui dit
    d’accord, mais j’ai tenu à lui préparer une respiration rassurante
    pour éviter un flot émotionnel difficile. Quand il a pu parler devant
    le micro, il a dit:

    -pourquoi c’est toujours les adultes qui parlent, et pourquoi ils
    n’écoutent pas ce que les enfants leur disent ?

    Il a été applaudi par les gens qui avaient été à l’écoute et avaient
    bien entendu son questionnement, et il était très fier d’avoir
    affronté, aidé de son seul courage, toute une assemblée d’adultes plus
    occupés, par habitude, à s’écouter parler qu’à entendre parler autrui.

    Et j’ai été, aussi, très fier de lui. Je suis d’accord avec lui, nous
    sommes tous, chacun, si imbus de nous-mêmes…Comment être sûr que l’on
    fait de la philosophie dès qu’on se met à penser quelque chose?

    Pierre – Yves

    1st juillet 2013 at 21 h 53 min

  5. Elke says:

    Pourquoi c’est toujours les adultes qui parlent et pourquoi les adultes n’écoutent pas ce que les enfants leurs disent? Dans l’échange, j’étais très sensible à la problématique de l’obéissance. Comment un enfant vérifie si l’adulte l’a entendu? Quand l’adulte répond positivement à la demande formulée, l’enfant se sent « compris ». Quand l’adulte répond négativement à sa demande, l’enfant se sent « incompris ». Or, refuser une demande ne veut pas forcément dire qu’on n’a pas écouté! Donc, se savoir écouté pour un enfant n’est pas la même chose que se savoir écouté en tant qu’adulte. Le monde de l’enfant se structure autour du principe de plaisir, le monde de l’adulte compose aussi avec le principe de réalité. La réalité de l’enfant n’est pas superposable à la réalité de l’adulte. Donc, je dirais que l’enfant peut philosopher, mais de préférence avec des enfants de son âge.

    1st juillet 2013 at 7 h 58 min

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