Débat du 27 mars 2016: « Peut-on se libérer de l’Etat? », animé par Gregory Dabadie.

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Posted on 29th mars 2016 by Carlos in Uncategorized

Exceptionnellement, nous avons deux compte-rendus, celui habituel de Carlos et celui d’Emmanuel Mousset, ex-animateur aux Phares et à St. Quentin dans l’Aisne, qui nous a rendu visite.

Chaque instant est un renouvellement de l’Univers, raison pour laquelle il n’y a pas de jour sans ses peines et, au cours de la semaine allant du 21 au 27 Mars, pas mal d’eau a coulé sous les Ponts de Paris, tandis que dans ses Rues, et dans le Monde, bien de drames ou tragédies se déroulaient, telles celles des ignobles attentats à Bruxelles (revendiqués par Daech) causant la mort d’une trentaine de personnes et provocant au moins deux cents de blessés, deux des Kamikazes étant morts, un troisième, toujours recherché, les réseaux terroristes montrant de nombreuses ramifications en Belgique, Allemagne,  Italie, Pays-Bas et France, où l’une de leurs actions a été déjouée. Ailleurs, l’armée Syrienne a repris Palmyre, et Radovan Karadzic a été condamné à 40 ans de détention par TPIY, en raison des génocides et autres crimes de guerre contre l’Humanité, pratiqués au cours du Conflit en Bosnie.

Attentifs, pourtant, à Tout ce qui concerne l’Humain, les amateurs des Débats qui ont lieux au Café des Phares®, s’y sont réunis le dimanche 27, pour s’entretenir d’un sujet spécifique, en l’occurrence, politique, formulé par la question fatale : « Peut-on se libérer de l’Etat ? », au cours d’un Débat animé par Gregory Dabadie.

Voyons ! L’ETAT serait-ce un MALHEUR, … une HORREUR, de laquelle nous aurions à nous débarrasser, comme de la Peste ? La « Liberté », on sait ce que c’est ! C’est la situation de celui qui n’est sous la contrainte ou la dépendance de personne… et, étymologiquement, se « Libérer », provient du latin ‘liberare’ (‘liber’=LIBRE), Victor Hugo entendant « qu’elle commence là où l’ignorance finit. En tous cas, les Humains en jouissent en vertu d’un triple Droit : 1) Naturel, 2) Civil, 3) Politique, voire Moral.

L’« Etat », lui, a une double signification : a) Organisation politique et juridique d’un Territoire, Historiquement légitime ou, b) En vertu d’une Conquête, la coordination des actions à entreprendre afin de maintenir l’Ordre, des Sujets étant soumis à la Gouvernance d’un Roi, d’un Prince, d’un ou d’un Chef d’Etat, historiquement légitime, ou c), par un « Coup d’Etat ».

« Peut-on s’en libérer ? » La réponse est NON, à moins de vivre en ANARCHIE, un noble idéal de transformation de la société, assez ardu à mettre en pratique, sur lequel beaucoup d’intellectuels se sont interrogés, tels Georges Woodcock, Proudhon, Stirner, Jean Jacques Rousseau, Bakounine, ou Tolstoï, qui répandirent largement leurs idées, aussi bien en Russie, qu’en France, en Espagne et en Italie.

Qu’en avons-nous fait ?

Les uns dirent que « ça fait penser aux Lois sur le Travail », d’autres « aux Entreprises qui en font le commerce », « qu’il y a des Etats dictatoriaux », que « nous vivons dans un royaume de morts », « que la Commune de Paris a avorté », « que l’Etat c’est à chacun de le ‘faire tous les jours’», que « l’Etat, c’est nous, mais nous sommes passifs », un autre « que nous partons d’un préjugé négatif, alors que les Etats ne sont pas tous les mêmes », ou que « ce sont les ‘énarques’ qui se trouvent au pouvoir, au bout du compte » …

Enfin ! Dans l’ensemble, on partait d’un préjugé plutôt négatif, jusqu’à ce que l’heure romantique arrive et que Tout devienne Poésie, dont Gilles prit le soin.

- Quelle est la différence entre une mini-jupe et un bon discours ?

- Il y en a pas ! Ca doit être assez court pour maintenir l’attention… et assez long pour couvrir l’essentiel !!!

Carlos

Et voici le compte-rendu d’Emmanuel Mousset :
Hier matin, au café philo des Phares, place de la Bastille à Paris, l’animateur était un jeune prof de philo, Grégory Darbadie, enseignant à Aulnay-sous-Bois et auteur de l’ouvrage « Paris Philo », paru l’an dernier (vignette 1). Surprise : il m’apprend qu’il a vécu à Saint-Quentin, de 6 mois jusqu’à l’âge de 5 ans et demi place de l’Hôtel de Ville ! Autre coïncidence : il habite à Pantin, où j’ai vécu de nombreuses années. Il a mis en place, dans la bibliothèque municipale de cette ville, un café philo. Le monde est petit, plein de chassés-croisés inattendus.

J’étais en bonne compagnie (vignette 2) : à mes côtés, mon ami Gunter Gorhan, l’un des fondateurs historiques de ce premier café philo, au début des années 90. Nous avons eu le plaisir de l’accueillir plusieurs fois à Saint-Quentin. A notre table, Jean-Jacques Rousseau s’était invité (à droite, en costume d’époque). Sujet de la séance : Peut-on se libérer de l’Etat ? Plusieurs courants de pensée, souvent opposés, répondent pourtant positivement à cette question : les anarchistes révolutionnaires, les libertariens ultralibéraux, les décentralisateurs girondins. Paradoxe pour paradoxe : Karl Marx, qui a inspiré malgré lui des régimes totalitaires, espérait, dans sa société communiste, un « dépérissement de l’Etat ».

N’y aurait-il que Louis XIV qui s’en fasse le défendeur ? « L’Etat, c’est moi ! » fait-on dire au monarque absolu. C’est une boutade : un Etat, ce n’est jamais une seule personne, ni même quelques-unes, mais un ensemble vaste et indéterminé d’institutions, d’administrations, de lois, de territoires et de fonctionnaires. C’est une machine ou un appareil, qui pose le problème de son utilité, de son utilisation et de ses dysfonctionnements. Nietzsche qualifie l’Etat de « monstre froid » : c’est un nouveau paradoxe, car un monstre a le sang chaud, et c’est ce qui le rend dangereux. Hobbes file aussi la métaphore monstrueuse, en parlant de Léviathan.

Il a été aussi question de Montesquieu, Engels (son ouvrage « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat », association intéressante), Platon (le « noble mensonge », l’appelle-t-il dans son livre « La République »), jusqu’à La Fontaine, sa fable « Le loup et le chien », où il est montré qu’il vaut mieux être un loup famélique et libre qu’un chien gras avec collier. Mais de quel Etat parle-t-on ? Entre Etat de droit, Etat providence ou Etat autoritaire, les variantes sont nombreuses. Milos Forman, laissant le communisme pour le capitalisme, a eu cette formule : « J’ai quitté un zoo pour la jungle ». Le choix est-il entre le fouet du dompteur ou les mâchoires du fauve ?

Aujourd’hui, nous avons l’impression ambivalente qu’il y a de moins en moins d’Etat (nous déplorons son retrait, son impuissance, son inefficacité) alors qu’il y a, de fait, de plus en plus d’Etat (subventions, réglementations, aides de toute sorte). Ne faisons-nous pas l’Etat à notre image ? Il est la projection de nos rêves, de nos fantasmes, de nos angoisses. L’Etat, c’est moi ? Contre le souverain de droit divin, le café philo des Phares s’est institué en Commune de libres citoyens, proclamant plutôt : L’Etat, c’est nous !l’investissant, à petite échelle, de la souveraineté populaire.

Selon la tradition, c’est notre ami poète (vignette 3) qui a conclu nos discussions, pour nous montrer, en bonne poésie, qu’il y a une ivresse des mots, dont il faut à la fois se réjouir et se défier. La philosophie a aussi ses limites.
Pour voir les photos et commentaires, son blog : http://jaitantdechosesavousdire.blogspot.fr/2016/03/letat-cest-nous.html