Débat du 11 Avril 2010 : « Les mots savent de nous plus que nous ne savons d’eux », animé par Gérard Tissier.

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Posted on 15th avril 2010 by Carlos in Comptes-Rendus

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« Les mots savent de nous plus que nous ne savons d’eux »

Ayant, sans aucune ambition, accompagné le Marathon de Paris pendant une centaine de mètres, c’est trop tard que, le 11 Avril, je suis arrivé au café des Phares où le thème du jour, choisi par Gérard Tissier, était « Les mots savent de nous plus que nous ne savons d’eux ». Ceci n’est donc pas un compte rendu du débat, mais une simple prise de position se rapportant à la sélection de nos sujets ou du moins à la façon de les aborder. Il s’agissait en l’occurrence du raccourci d’un vers de René Char, tiré des « Sept saisis par l’Hiver » dans les « Chants de la Balandrane » : « Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux… ».

Les mots qui vont surgir…, donc.

La polysémie des signes n’étant pas décidée par eux-mêmes, vouloir leur accorder un sibyllin savoir ou une obscure aptitude de suppléance à notre probable dénuement philologique relève donc d’une arnaque intellectuelle trop facile, sinon malsaine, me semble-t-il. Simple croisement de catégories logiques ; alors que, côté Esthétique, par la grâce de certaines accumulations sémantiques échappant au pli que les rapports grammaticaux d’ordinaire leur imposent, Char s’est penché sur son acte d’écrire, ou sur son verbe créateur, afin de montrer à quel point le langage ordinaire risque d’être dépourvu de saveur sans une réelle invention lyrique, côté Rhétorique, les philosophes s’appliquèrent à se balandriner avec leurs gros sabots sur le terrain de l’affriolant bourrage du mou, admettant que les vocables sont au parfum de ce que nous sommes, tout en sachant pertinemment bien qu’ils ne se montent pas la tête ni ne cherchent pas à résister au temps ; sur eux plane en permanence le spectre de la langue morte.

Au fait, les mots ne font pas de poésie, ne courent pas après les rumeurs, les indiscrétions ou significations savantes dans une course aux lauriers ; les lauriers vont au poète qui sait créer de nouveaux signifiés et des associations d’idées inhabituelles. Son souci étant de trouver des images assez originales pour traduire ses sentiments et catapulter ses passions, c’est lui qui produit la variété des sens obligeant chaque terme à s’y plier pour prendre le lustre de ce qui poétique. La philosophie interprète le monde ; la poésie l’exalte car, par sa manière de faire bouger les étoiles autour de lui, l’aède y met à découvert des tas de facettes jusque là méconnues. Du coup, la figure poétique est toujours une audace de l’Homme qui fait éclater le langage humain, dont les dieux n’ont pas besoin pour dire ce qui est, et, chantant l’autre que l’on ne peut pas être parce qu’il n’est que gardé par les heures, le Fado portugais en demeure peut-être exemple le plus proche, du moins étymologiquement parlant ; « fatum », du verbe « fari, dire ».

Que venons-nous, alors, faire aux Phares ? Assister à des floralies ou soigner nos questionnements ? Là où il y a polysémie ou connotation, on découvre habituellement de l’intuition et de l’empathie pour les humains mais, dans notre cas, j’ai le sentiment que l’on n’a pas bien compris René Char ; la vérité des mots est celle que le poète fait surgir pour la durée du poème et point les convulsions expérimentées le long d’un débat. Tant pis. Ce qui, considéré sous l’angle de la poésie, évoque souvent un joyeux feu d’artifice, se pose parfois en tant que simple allumette éteinte, au niveau de la philosophie.

Carlos Gravito

Débat du 4 avril 2010 : « Est-il donné à tout le monde d’exister », animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 5th avril 2010 by Carlos in Comptes-Rendus

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« Est-il donné à tout le monde d’exister ? »

 Pour trouver le jour de Pâques, événement eschatologique, il faut faire le tour de notre satellite préféré, puis le plaquer sur le calendrier retenant le dimanche qui suit la première pleine lune apparue après l’équinoxe du printemps, et c’est par un de ces hasards avec lesquels les astres se complaisent à nous ébahir, que cette sainte journée tomba le dimanche 4 Avril, occasion pour la chrétienté de se répandre en d’allègres Alléluia louant le Christ ressuscité puisque Marie Madeleine n’aurait trouvé que son suaire dans le tombeau qu’elle visitait. Tout ça, pour que l’on se rende prosaïquement compte qu’était venu le moment de peindre les œufs avant de les manger, le temps des lapins, des cloches en chocolat et autres friandises mais, décidément, au Café des Phares des esprits flingueurs se morfondaient de la joie d’autrui, raison pour laquelle le sujet que Daniel Ramirez choisit d’animer fut : « Est-il donné à tout le monde d’exister ? »

S’il y a un doute, c’est grave ; une telle idée a depuis toujours effleuré les esprits de certains hygiénistes éclairés, avec les conséquences que l’on connaît. Normalement, « tout le monde » est chacun et, dès qu’objectivement là, il ne peut plus surgir (ou disparaître), selon le bon vouloir d’un Dieu, l’estime ou mésestime de soi, le pouce du souverain ou la pertinence de la réponse à une pareille question. Pourtant, afin de persister dans l’aberration, comme il a été choisi de faire, nous avions deux possibilités : couper les cheveux en quatre ou tourner autour du pot pendant cent minutes. Bien que couper les cheveux en quatre n’en augmente hélas pas le nombre, nous nous y sommes prêtés quand même, tout en marchant à la bonne franquette autour du bol, afin de nous approcher du centre du débat en trois coups de louche, ce qui à la fin faisait déjà du pot primordial une bonne soupière.

Une fois que l’animateur fit remarquer qu’« exister est une chance » qui « n’est pas donnée à tout le monde » comme il a été ajouté par quelqu’un sans se douter de l’idiotie de son propos, il fut objecté « qu’exister a à voir avec la conscience d’être vivant » et ensuite on a entendu dire que « celui qui va mourir désire s’amuser auparavant », que « celui qui est en deuil veut remplir ce vide », ce qui amena quelqu’un à se demander « s’il est légitime de donner la vie » et un autre participant à découvrir  « que l’on n’est pas à égalité devant la mort ».

On faisait feu de tout bois et nous avons évoqué alors « le sentiment ‘océanique’ », « la solitude de Robinson Crusoé », « l’arbre qui cache la forêt (le singulier opposé au pluriel) », « la métamorphose dans la douleur », « l’intérêt de vivre au présent », jugeant même « qu’avoir une vie ‘pépère’ n’est pas exister », que « vivre, c’est faire des choix difficiles », que « Van Gogh n’en menait pas large mais était un grand Homme », tandis que quelques-uns se demandaient « comment Dieu peut-il prouver son existence », « si Michael Jackson était dans son cercueil », ou rappelaient aussi bien « le drame de Nanterre où un forcené abattit un tas de conseillers municipaux ‘pour exister’ » que « Roquentin faisant, dans ‘La Nausée’ (Sartre), l’expérience de l’écoeurement et de l’absolu devant les racines d’un arbre ».

Il a été aussi question de « Levinas, ‘la présence dans l’absence’, ‘l’être du néant’ ou ‘l’il y a’ », ainsi que de « Cioran ‘l’inconvénient d’être né’ » et de la boutade de « Baudelaire : ‘Dieu est le seul être qui pour régner n’ait pas besoin d’exister’ », le tout se concluant par « exister, c’est avoir un pouvoir sur la vie et cela n’est pas donné à tout le monde », histoire d’enfoncer le clou.

Je dirais que, ergoter sur l’existence tient moins du sens que du discernement, la vérité (s’il y en avait une) n’étant pas dans les assertions qui ne changent point, mais dans les jugements sur lesquels les erreurs d’ordinaire s’accumulent. « Tout le monde », ça va de soi, est la totalité des humains ; la proposition était donc logiquement désorganisée et l’animateur reconnut que « l’interrogation manquait de pertinence : elle était contradictoire philosophiquement, choquante socialement, indigne politiquement », sans parler des autres registres des choses par rapport à l’objet intelligible.

On ne va pas toutefois en faire une maladie malgré le goût de Cachou Lajaunie que commençaient à prendre les dragées chocolatées mais, le fait est que, peut-être parce que c’était Pâques tout simplement, comme le Saint-Sépulcre le débat se trouva vide de contenu… quoique, dans le tombeau du Christ il subsistait tout de même le linceul.

Le soir venu, après avoir assisté sur France 2 à la transmission des « Tontons Flingueurs », j’ai rêvé étrangement qu’Aristote me rassurait soulignant que « tout a un ‘telos’, c’est-à-dire, le caillou, l’abeille, la sardine, le nuage ou le truand ont tous un but intérieur à poursuivre, car l’objectif de l’existence est de s’arracher à la mort », et je lui demandai dans mon songe :

- Maître, est-il vraiment donné à tout le monde d’exister ?

- Mais bien sûr, me répondit le philosophe, il ne se peut autrement.

Puis, après quelques secondes de réflexion :

- Sauf en cas de décès, naturel ou violent.

Carlos Gravito

Débat du 28 mars 2010 : « Parler, est-ce naturel ? », animé par Gunter Gorhan.

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Posted on 30th mars 2010 by Carlos in Comptes-Rendus

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Parler est-ce naturel ?

Dès que l’on touche au temps, c’est la vitesse de la lumière qui se met immédiatement en branle avec toute l’équation de la relativité générale dont « cette heure [ajoutée] au cadran de la montre », à peine engagé le 28 Mars, « n’est qu’un balbutiement », pour reprendre l’air de Jean Ferrat, si l’on veut chanter, ou le texte de Louis Aragon si l’on veut juste parler, d’où le désarroi des jeunes gens d’une classe Philo du Lycée de Saint Quentin dans l’Aisne qui, suivant leur maître, Monsieur Emmanuel Musset, sont rentrés au Café des Phares ce dimanche des Rameaux comme dans une Jérusalem tapissée de palmes et d’Hosannas. Saisis du doute philosophique à peine installés, ils craignirent que la prise de parole ne soit quelque chose de guindé, artificiel, culturel, « une corde brisée aux doigts du guitariste », peut-être et, pour s’en assurer, leur sujet, que Gunter Gorhan allait animer, fut carrément : « Parler est-ce naturel ? ».
Tandis que les gorges se desserraient libérant la parole bavarde, la « glôssa », des jugements laconiques se sont portés sur « le fait biologique », « le langage universel que constitue la musique », « les ‘bouffées d’air’, pour les bouddhistes », « la rhétorique », « la voix du ventre et la voix de tête », « le drame de l’enfant sauvage », « la langue de bois du politique », ainsi que sur « la parole ‘armure ‘ et la parole ‘arme’ », « le propos performatif et le propos prescriptif » ou concernant « l’évolution de la technique, évidente dans le cinéma muet qui était aussi parlant que les films sonorisés », et de taciturnes sous-entendus se sont fait jour également, tels que « la parole qui comble un vide », « la langue fourchue », « le verbiage », « le parler pour ne rien dire », « la langue sortie de sa poche », « l’affirmation par rapport à l’autre », « le silence mortifère », « la logorrhée sous influence de l’alcool », « les baratins du Don Juan et du bonimenteur », mais d’érudits rapprochements ont été opérés encore, tels que « ‘Le jeu des perles de verre’ d’Hermann Hess, sorte d’abstraction de la pensée dans tous les champs de la connaissance de soi », de même que des absurdités sur lesquelles la raison ne peut pas avoir de prise, Antoine, le jeune étudiant auteur du sujet, concluant que « le silence est souvent plus éloquent que la parole ».
Pénétré de fond en comble par le temps, c’est quasiment certain qu’œuvre expresse du Verbe au seuil du néant, l’humain advint de la prose d’un étourdissant « logos » où rires et larmes, veilles et rêveries se confondent lui permettant la perception du sens et l’appel de l’être. Et pourtant, le fait est que, sans laisser de place ni à la contingence ni à la grâce, toute chose fut convertie à la condition d’objet parlant, une continuité irréversible vibrant depuis dans le vide de l’étendue où tout s’accomplit avec des exigences particulières appâtant nos choix personnels. Chaque langue n’équivalant pas à une théorie du monde mais à une saisie du monde, le jargon encodé des plus opportunistes enferme les Hommes dans une Babel qui, n’obéissant qu’à leurs mots-clé, fonctionne indépendamment de la volonté du vulgaire quidam, liée qu’elle est au Supra Langage de la Finance continuellement changeant dans sa façon de prendre la planète en otage, attestant ainsi de l’incapacité chronique des Etats (décelée par Hegel) à tirer les leçons de l’Histoire. Dès lors, de quelle manière la Technologie, trait caractéristique de notre temps, pourrait-elle épargner aux Hommes le réquisitoire de la faim et de la souffrance, si ses effets les prive de travail et les invite à utiliser plutôt qu’à s’engager ? Livrés au hasard, nous sommes relâchés sur un atoll resserré où notre condition de roseau pensant flétrit, dessèche et fane au soleil des belles promesses d’expériences selon nos désirs, et on absorbe passivement jusqu’à la consomption dans l’espace verbal concocté par des high-tech de pointe, à cheval sur ses codes de conduite. « Ecce Homo », un bébé qui, gazouillant, va par mimétisme acquérir un langage de bac à sable puis, grandissant, va apprendre à compter, à lire et à écrire, se gavant de connaissances ensuite afin de faire face aux défis de la vie, alors que pour ouvrir toutes les portes deux mots suffisent à chacun de nous : « Tirer » et « Pousser ».
Vous savez, selon ses dires, ma voisine se plaint un jour auprès de son médecin de famille, des âpres ergotages qu’il lui fallait endurer lorsque son mari rentrait un peu pompette le soir, et il lui a conseillé de faire des gargarismes à base de camomille à ce moment-là. Lorsqu’elle est retournée le voir deux semaines plus tard, le praticien lui demanda :
- Alors ?
- C’est épatant, docteur, dès qu’il rentre éméché, je prends ma tisane et je me gargarise, je me gargarise…
- Voyez-vous, c’est naturel ; dès qu’on ferme sa gueule, tout va mieux…

Carlos Gravito

Débat du 21 mars 2010 : « La quête de la pureté passe-t-elle par la salissure ? », animé par Sylvie Pétin.

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Posted on 22nd mars 2010 by Carlos in Comptes-Rendus

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La quête de la pureté passe-t-elle par la salissure ?

Animation :  Sylvie Pétin

Le 21 Mars, malgré un sale temps qui empêcha ma chemise de sécher, me déviant de l’urne Régionale avec une chanson de Jacques Brel sur les lèvres de ma mémoire : « Au Printemps, au Printemps/ Et mon cœur et ton cœur/ Sont repeints au vin blanc… », j’ai pris le chemin du Café des Phares où Sylvie Pétin a choisi d’animer le sujet « La quête de la pureté passe-t-elle par la salissure ? » Pas nécessairement, me suis-je d’emblée dit et dès lors, si c’est du contingent, au cas par cas, ça ne nous intéressait pas vraiment comme devinette ; la philosophie n’est pas un baril de lessive plein de potasse caustique qui lave plus propre que le bicarbonate de sa voisine, en l’occurrence Madame Catherine Bréhat présumée auteure de la boutade.

Pourtant, décidée à trouver la pureté sur place et dans l’heure, telle une Mère Denis, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, l’animatrice entrepris de laver, rincer et essorer les pensées du public qui, les yeux rivés sur elle triait, entre émotions et concepts, le linge de la problématique soulevée, dans une forme de vagabondage de proximité le long du prêt-à-penser.

Pour que l’on comprenne bien, cette question équivalait à « La quête de la pureté, c’est-à-dire, de ce qui est dépourvu de souillure peut-elle se faire sans être altérée par quelque chose de crasseux, de répugnant ? » On dirait que nous aimons bien laver le linge sale en famille à l’aide d’arguments détersifs car, même sachant que la prémisse est incongrue, quitte à se rendre complice d’une délicieuse confusion entre le réel et le « philosophique », le public veut toujours y croire. Il prend n’importe quel thème à bras le corps afin de l’étirer dans tous les sens, pour construire un débat coûte que coûte, et trouver finalement ce qu’il cherche : une fiction sans conséquences. Y a-t-il là production de sens ? C’est aussi barjot que « deviens ce que tu es pour avoir confiance en toi », et je vous donne des équivalents de l’idée : Pour être vivant, faut-il passer par la mort ? Pour se trouver, faut-il se perdre dans un labyrinthe ? Pour être propre, faut-il se couvrir de boue ? Pour sourire, faut-il être désespéré ? Pour être vierge, faut-il passer par le viol ? Pour aimer, faut-il avoir un cœur greffé ? Pour trouver Dieu, faut-il aller le chercher en enfer ?

Il me semble que, apte à accueillir la divinité au sens littéral du mot, le pur, ni altéré ni vicié, est exclusivement ce qu’il est, une catégorie métaphysique distincte du propre (catégorie physique) et à fortiori du sale qui, renvoyé à quelqu’un, devient pour Sartre une catégorie existentielle (le salaud qui traite l’autre comme un moyen et jamais comme une fin).

Mais, peu importe ; revenons au débat. On a commencé par mentionner « les trois couleurs pures ou primaires puis la complexité qui va ensemble avec la salissure au détriment de la pureté originelle (concept moral de Platon) ainsi que de la virginité et la simplicité ». Ensuite, « à propos de Descartes et ses ‘Méditations’, les différents intervenants ont évoqué l’infini, Dieu, Nietzsche, les Cathares, la rationalité, ainsi que ‘la statue intérieure’ et ‘la blessure plus près du soleil’ ». Sans oublier ni Adam et Eve ni le Bouddha, nous avons encore rappelé les Ayatollahs et le Pape Benoît XVI, parlant même de l’eau et du feu que l’on lie à la purification avec un petit détour par le cœur, le poumon et l’effusion de sang sans laquelle il n’y aurait pas de pardon », jusqu’à ce que la voussure des représentations emphatiques s’affaissât sur le point critique. Enfin, une confusion intellectuelle ou pure construction sociale qui n’a rien démontré ni révélé.

A part ça, je vous jure, feu mon oncle, en déplacement en Inde, a plongé un jour dans l’eau sale et boueuse du Ganges sous prétexte que le fleuve est le symbole de la pureté parmi les Indous ; vous auriez dû voir l’état de sa chemise !

Carlos Gravito

Débat du 7 mars 2010 : « Nous baignons dans trop de réalités », animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 8th mars 2010 by Pascal in Comptes-Rendus

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« Nous baignons dans trop de réalité »

Animation : Daniel Ramirez

Le dimanche 7 Mars, il y avait trop de tout à la Bastille ; trop de froid sur le marché, trop d’invendus parmi les fleurs destinées à la journée des femmes, trop de monde autour de la colonne du 24 Juillet pour le semi-marathon de Paris. (Lire la suite…)

Débat du 28 février 2010 : « L’hédonisme peut-il être moral ? », animé par Gunter Gorhan.

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Posted on 1st mars 2010 by Pascal in Comptes-Rendus

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Le mot du collectif

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Posted on 1st mars 2010 by Pascal in Tribunes

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En Novembre 1997, au cours du débat « Copier/collé » qui eut lieu au café des Phares, Marc Sautet constatait que « parfois, on se décolle de soi-même en vue d’un élargissement » ; Marc Goldstein me confia un jour : « le café des Phares est un endroit que j’affectionne particulièrement, parce que la philosophie ne s’y prend pas au sérieux ». Le premier, qui a su faire « des Phares » un comptoir aux idées, succombait des suites d’une tumeur cérébrale, le 2 Mars 1998 ; le second, qui s’évertua a en faire circuler librement le sens sur son site, s’effaça lui-même, le 20 Février 2009. Deux décès pour un signe de vie, l’assurance que la spéculation philosophique n’est ni morte ni sinistre.

Sur ces entrefaites, et sachant que chaque communauté tient à célébrer ses martyrs, nous voulons avec le geste d’aujourd’hui, 28 Févier 2010, rendre hommage aux nôtres. Ils sont quittes, tous deux, de la seule certitude que l’on a, le trépas toujours involontaire d’un « Moi » qui s’effondre, ne laissant de la mesure de leurs rêves que la vie captive entre les lignes de ce qu’ils ont écrit et les traces qui, restées dans le cœur de ceux qui les ont aimé, ne cessent pas de les construire.

Le collectif du CaféφιλοdesPhares

Le mot de Pascal Hardy

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Posted on 1st mars 2010 by Pascal in Tribunes

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Amitiés philosophiques

À la disparition de Marc Sautet, l’unanimité s’est faite sur le sentiment d’avoir perdu un ami, y compris de la part de ceux qui ne l’avaient rencontré qu’une ou deux fois. Au-delà du caractère attachant et attentif du personnage, ce fait est révélateur de ce que Marc avait induit par les Cafés Philo : l’élaboration spontanée d’amitiés philosophiques. Le dispositif des Cafés Philo autant que la manière dont il concevait son rôle d’animateur permettait à chacun d’être entendu avec bienveillance mais sans complaisance. Aucun de ses débats ne ressemblait au précédent et les surprises étaient nombreuses, car il ne se posait pas en maître ni en référent du débat mais en facilitateur, ce qui ne l’empêchait pas de livrer sa pensée, bien au contraire. Au fil du temps il m’a été donné de participer à de plus en plus de débats dans lesquels l’animateur ne pouvait résister à la tentation de se présenter comme le « sachant » devant tenir les fils de la discussion, se privant ainsi de toute incertitude – de toute inquiétude, aurait dit Marc, pour qui l’improvisation du sujet était symbolique et indispensable. J’avais d’ailleurs recueilli son approbation quand, à l’étonnement général des participants aux premières Rencontres des animateurs, j’avais suggéré que chacun cultive un sentiment d’imposture pour se prémunir de cette tentation de la parole autorisée.

La philosophie antique nous a livré la figure tutélaire de Socrate interpellant ses contemporains sur la vie de la Cité, en particulier sur la question de la justice. Même si l’étude détaillée des textes de Platon nous montre la forme quelque peu factice des « dialogues » socratiques, l’image reste et on ne peut manquer de souligner que Marc s’en inspirait, y compris sur le fond, en considérant que « tout l’objet du débat philosophique est de savoir si la justice a sa place dans les rapports entre les hommes et si la démocratie est la bonne voie pour y parvenir ».

Marc Sautet a su nous interpeller sur la nature même de la pratique philosophique au cœur de laquelle il voyait le dialogue, pour lui fécond de reconnaissance de l’autre, de justice, et donc de démocratie. Cette conception particulière était à l’opposé de l’exposé docte sur la spéculation métaphysique s’accumulant en un corpus stratifié. Un de ses principaux apports fut donc de séparer pratique philosophique et histoire de la philosophie, tout en organisant leur enrichissement réciproque. C’est au café, dans la chaleur de ses débats, que ce processus était à l’œuvre. De la, le sentiment partagé d’avoir noué avec lui des amitiés philosophiques.

Cordialement,
Pascal Hardy

Lettre au père Noël – Marc Goldstein – 23/12/07

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Posted on 25th février 2010 by Pascal in Textes

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Cher père Noël,

Je t’écris du café des Phares. On a parlé de toi, entre autres. C’était ennuyeux à mourir.

Alors voilà, je me suis demandé : c’est quoi Noël, pour toi, Marc ? Et me revoilà à 6 ans. J’ai 6 ans. J’ai 6 ans ici et maintenant, aux Phares. Autour de moi, des vieux parlent de Noël. Ils disent que c’est fait pour les enfants. Je ne comprends pas tout ce qu’ils racontent, mais ça a l’air triste quand ils en parlent. Même de toi, père Noël, ils ont parlé. Ils disent que t’existes pas. Qu’en savent-ils ? Je les comprends pas, les vieux.

Ah oui, mon cadeau ! je t’écris pour ça. Je voudrais un cadeau fait de rayons de lune, un cadeau qui brille la nuit, mais doucement, que ça fasse pas mal aux yeux. C’est tout. J’ai pas d’autres idées. Ah, si ! J’ai un autre cadeau pour quand je serai grand, celui-là. Je peux commander à l’avance, dis, père Noël, s’il te plaît ? Je voudrais commander un truc pour quand je serai vieux moi aussi.

Voilà, ce serait un endroit où on pourrait prendre un café et discuter en même temps. Un endroit où les gens ne se connaîtraient pas, mais où ils seraient contents de se retrouver pour partager et parler. Mais pas pour parler dans le vent, non. Pour parler de philosophie. Mieux, pour philosopher. Pour parler de leur vécu, du sens de leur vie, de la façon dont ils la mènent, et pourquoi c’est si difficile. Bref, pour communiquer vraiment.

Ça ressemblerait un peu à ici, mais avec des vrais mots, des mots qui font mal, des mots qui engagent, des mots qui feraient vibrer. Je ne sais pas si je suis clair, père Noël. Tu vas me dire : « Mais Marc, cet endroit, c’est celui où tu te trouves, c’est le café-philo des Phares. » Alors père Noël, pourquoi ai-je le sentiment que les mots gâchent tout, qu’ils sont plus forts que les idées, qu’ils ne viennent pas de ceux qui les disent, qu’ils trahissent ou dépossèdent les personnes qui les prononcent ?

Tu ne me répondras pas. Tu t’en fiches de ça, toi. Tu distribues bêtement tes cadeaux, en sachant qu’il n’y en aura pas pour tout le monde. Père Noël, aimes-tu la philosophie, toi ? Moi, je l’aime, et c’est pour ça que je la recherche, et c’est pour ça que je suis triste quand je ne la trouve pas.

Marc Goldstein