Parcourant la Presse de ce dimanche, 13 Mars, je n’ai pu avoir que des échos imprécis du malheur qui s’était abattu l’avant veille sur la côte pacifique du Japon. Et pourtant, indifférente à tout ce qui se passait dans le monde, la revue « Hot Vidéo » dédiait sa couverture à « La petite révolution d’une jeune fille, belle comme le diable, mais bien plus dangereuse », et c’est pensant à ça que j’ai pris note de notre sujet philosophique au Café des Phares : « Les prostituées peuvent-elles se libérer ? »… Oh, pardon, autant pour moi. Notre thème de réflexion était l’inverse ; il s’agissait de répondre à la question : « La Liberté peut-elle se prostituer ? », débat dirigé par Gérard Tissier, qui l’a choisie.
Il me semble que la Liberté est, en l’occurrence, le sujet grammatical de l’énoncé et par conséquent elle est l’auteur impuissant d’une action quelconque (se prostituer ou pas). Sauf à être balancé par son mac, une idée transcendante qui ne brille que lors de son absence, a-t-elle les moyens d’agir ? Du grec « Eleutheria » (le Bienfaiteur), surnom donné à Zeus lors de la victoire des Grecs sur les Perses, notre mot Liberté a diverses nuances, allant de la notion de Volonté (qui n’existe pas en grec) à l’autorité sur soi. Mais, préférant les gorges chaudes et le porno chic que l’on peut trouver sur facebook, l’analyse phrastique de l’animateur s’est laissée plutôt séduire par la lumière glauque des lupanars, 100% hard, et le monde interlope des proxénètes ou la soumission au chantage, c’est-à-dire à une loi qui n’en est pas une ; la règle est codifiée et dictée par les acteurs du milieux en collaboration avec la police. Fort heureusement, l’assemblée s’est départie de cet a priori car « être libre » est aussi la faculté de s’adonner à ses fantaisies, ce qui ne pose pas de problème philosophique, et, de ce point de vue, nous ne nous sommes pas censurés, notre liberté étant de pouvoir se prostituer, d’où les noms de rues de Paris telles celles du Poil-au-Cul (rue du Pélican), de Tire-Vit (rue Marie Stuart), de Trace-Putain (rue Beaubourg), ou Pute-y-Musse (rue du Petit-Musc). (cf. « Histoire de Paris », par Céline Excoffon).
Il a été donc dit, « qu’en raison du regrettable constat d’un bien commun, celui de la Liberté (et peut importe le contenu des constitutions) scandaleusement bousculé et compromis partout, on se trouve devant une contradiction majeure par rapport à elle, ce qui légitimerait la question, d’autant plus que la dite Liberté n’est pas une marchandise. Notre tâche serait donc de chercher à savoir ce que c’est ‘être libre’, travailler étant déjà une sorte de prostitution, si l’on exclut le caractère éphémère et paradoxal de celle-ci. Nous ne serions donc pas libres, mais pourrions le devenir, la Liberté, ainsi que son potentiel créatif, étant quelque chose à façonner, comme il fut observé encore, dans un processus de refus de l’aliénation, car il s’agit là de quelque chose qui ne se vend ni ne s’achète pas. Se sentir libre ne serait donc pas la liberté forcément, mais plutôt un véhément désir commun à tout le monde et pour Spinoza cela équivaudrait à un choix de sa propre nécessité. Quelqu’un ayant remarqué qu’au fur et à mesure que le débat avançait, la confusion augmentait aussi, nous nous sommes laissés finalement emballer par Rachel, la prostituée au grand cœur, celle de la nouvelle ‘Mademoiselle Fifi’, de Guy de Maupassant ».
Toutefois, il est clair que la Liberté n’est pas une licence, ce à quoi ressemble le monde des Nations Unies, un lupanar à ciel ouvert, bien loin de la « Liberté chérie, ooohh !!! », chantée par les poètes qui ont peut-être une métrique bien différente de celle des philosophes, car, opposée à « servus » (esclave), une telle indépendance n’est pas quelque chose qui se négocie avec des salauds et autres malfrats aux couteaux à cran d’arrêt, dont le métier est de débaucher et prostituer sans autre gêne que les règles des hommes de main.
La Liberté est donc la situation d’une personne singulière, indépendante, c’est-à-dire, délivrée de tout, fut-ce d’un déterminisme établi de façon absolue ou une obsession ressemblant à l’idée fixe de donner un sens intelligible à cette phrase qui nous a mobilisé. Elle n’est pas non plus un privilège ; c’est un acte de volition qui émane du Moi, et du Moi seulement, une réalité évanescente destinée à combler une contingence, le sens de la délivrance qui n’a d’autre moteur que le vouloir. « Ne me libérez pas, je m’en charge », s’est dit par trois fois Michel Vaujour, contredisant Sartre qui, envoûté peut-être par son propre esclavage, place « la liberté derrière les barreaux d’une prison » ou « l’occupation de son pays par l’étranger ».
Mais, on dirait que nous en savions plus sur la prostitution que sur la Liberté elle-même, ce que l’on crie et que l’on écrit pourtant sur les murs, lorsqu’il le faut. Alors, puisque l’occasion m’en est donnée, aujourd’hui, je veux écrire ici, ce petit hommage à une femme libre, d’une qualité rare. Il s’agit de Grisélidis Réal, travailleuse du sexe, peintre et femme de lettres que j’admire beaucoup, inhumée au cimetière des Rois, le « Panthéon genevois », à côté de Borges et Piaget, sachant que la Liberté est par nature bordélique.
Carlos Gravito
Elke Mallem says:
Ce dimanche, j’ai quitté le café des phares triste et découragée après ce débat qui a eu lieu dans ce pays si fier de sa révolution, ou « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » C’est vrai que dans la première mouture de 1789 suit la phrase : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Un corps peut servir. Le mettre au service du besoin de l’autre, quoi de plus compréhensible ? A quoi peut bien servir une femme ? Pour certains primates, la réponse est vite trouvée, et quand une idée permet d’assouvir un fantasme d’emprise, elle est saisie plus facilement qu’une idée qui demande une certaine maîtrise.
On en est encore là, ai-je pensé quand la grivoiserie a fini par saisir l’auditoire. C’est une phrase pourtant très belle qui a été saisi et tourné immédiatement en dérision : « Une pensée pour ceux qui ne peuvent pas se prostituer : les vieilles, les moches…. ». Oui, ne devient pas pute qui veut. Et on peut tout leur demander, même le baiser sur la bouche. Il suffit de payer assez… Cela fait toujours rire…
La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a préféré de formuler l’article premier autrement :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
Nous connaissons l’histoire qui a alimenté ce texte. Mais nous n’apprenons pas tous à la même vitesse. Naouri a été cité, défenseurs des droits de l’homme. « Il faut que les hommes reprennent le pouvoir », ai-je lu le concernant, cité sur un des forums de la défense du pouvoir paternel. « Il faudrait peut-être que les femmes recommencent à faire semblant pour maintenir l’équilibre dans les foyers, » s’exprime-t-il sur un site de femmes. Qu’a-t-il compris du pouvoir ? De l’autorité? Il voit la souffrance des enfants. Mais il se trompe de remède.
Un parole de la mère de Sarkozy m’avait frappé l’esprit quand celui-ci a fait la Une avec son divorce : « Je ne m’inquiète pas pour lui : dans sa position, il trouvera facilement une autre…. » et de lire cela m’avait donné le même malaise que celui du dimanche ou on a voulu se convaincre du lien entre liberté et prostitution. Quelles mères, quels pères sommes-nous à encourager avec autant de constance nos fils et nos filles à mépriser la dignité de la femme et de l’homme au point de « normaliser » un comportement qui n’apporte « que de l’argent » dans un domaine « créateur de vie » par excellence?
14th mars 2011 at 8 h 08 min
ROCA Gilles says:
La Liberté peut’- elle se prostituer ?, Gérard Tissier,
La société se prostitue, L’individu se prostitue, et La famille’ peut’ elle … se prostituer, L’humanité seule … ne peut’, elle, se prostituer …
« L’homme n’est pas né Libre’, il est né pour se Libérer’ » …
Aux’ Ailes de Hegel, L’humanité, en devenir, est’ émancipation, elle’ est Libération,
La Liberté, de notre’ humanité, À Acquérir, elle’, À-Venir, peut passer par Le compromis,
Le sens’- et but’, et direction, et signification – est …mis,
La Liberté, mission, ne peut passer par La compromission, ni tomber dans Les rets …
des manipulations, La Liberté ne peut passer par La prostitution …
dans La paix, du respect, et de La dignité, de notre’ humanité, est notre Liberté,
qui est besoin, désir, En …Vie, et Volonté …
de notre’ Aliénation, en conscientisation, en réalisation, Esprit, Incarnation, La Liberté,
objet, sujet,
projet, trajet,
une nécessité, rêve réalité, projetée, « Liberté …
j’écris ton nom … », Eluard, Élue … Art, qui, non, ne peut pas’ elle … se prostituer,
mais naître’, À …Venir, Vivre’, en devenir, ou se tuer …
« [ mourir ] dit’- elle, … » de ne pas Vivre,
La Liberté … qui Livre … se Livre … délivre,
de La prostitution ! La Liberté n’est pas’ un Vice,
La Liberté, c’est’ un service,
« La Liberté ne s’use … que quand’ on ne s’en sert pas »,
pour La presse … Le Canard enchaîné,
déchaîné,
pas’ À …pas, sans’ Appâts,
La Liberté ne se … Vend, ou, marchande pas,
La Liberté ne se … mercantilise pas,
La Liberté ne se … marchandisera pas,
non, La Liberté ne … se prostituera pas ! Gilles Roca,
Cas-fée-Philo des nés-nus-Phares, 13 mars 2011, en ces-jours de Ventôse,
La Liberté, ou La prostitution, phare ?, te prostituer, non ; te Libérer, oui, ose !, G R
14th mars 2011 at 11 h 16 min
Nadia salah says:
Liberté s’oppose à prostitution
C’est tout simplement antinomique. Seuls ceux qui manquent de courage ou qui cherchent à aliéner autrui font ce rapprochement. La liberté ne se marchande pas!! Le désir de liberté va avec le désir d’expansion de l’être, un amour profond de la vie qu’on ne veut pas sacrifier sur l’autel du conformisme, des convenances , de la misère intellectuelle …. La liberté se conquiert de haute lutte parce qu’elle en vaut la peine. Elle se paie le prix fort mais pour rien au monde on n’est prêt à y renoncer. La liberté est immatérielle, c’est un Don que l’on se fait ( ce qui semble curieux, n’est-ce pas ?), une grâce. C’est un véritable Don que l’on a cherché en soi pour soi mais aussi pour les autres. Il me semble qu’il y a une véritable misère de « soi » dans la prostitution. Vendre ses idées, c’est d’une certaine manière vendre son âme et son corps,
C’est se perdre et être perdu définitivement pour soi et pour les autres.
Aimer, s’aimer, nous aimer…..N’est-ce pas le titre d’un livre de quelqu’un qui s’est cherché dans la violence et dans l’amour ? Il s’est peut être trouvé…..En tout cas, il me semble qu’il ne s’est jamais prostitué ? Il faudra le lui demander Amitiés à tous Nadia
14th mars 2011 at 17 h 27 min
Elke Mallem says:
Oui, il y a du manque de courage dans ce sujet et pas de place pour le désir. Je pense qu’il s’agit d’une question, à laquelle il faut savoir dire tout simplement et fermément: non, comme le suggère Nadia. La première intervention allait dans ce sens, il me semble: une intervention quasi épidermique: non, la liberté n’est pas une marchandise. Comment pourrait-on la vendre, comment discuter de son prix? Je me rappelle le soulagement que j’ai ressenti à ce moment, dans l’espoir qu’on changerait de sujet. Mais si, mais si, a-t-on affirmé, c’est un sujet philosophique… Le même participant évoque en fin de débat ceux qui n’ont même plus un corps à vendre, ce qui a suscité le rire qui m’a tant attristée. L’association d’idée qui m’est venue? Ces quelques femmes qui ont pu survivre dans les camps de l’horreur grâce à la beauté de leur corps. Le retour à la liberté pour ces femmes a du être un chemin long et douloureux. Toutes n’ont probablement pas réussi. Bien souvent, ce sont leurs filles ou petites filles qui doivent l’achever… Qu’on me pardonne de focaliser sur les femmes dans ce débat de la prostitution. Mais le désir piétiné des femmes, c’est un sujet beaucoup plus grave et durablement ancré dans notre société qu’on voudrait bien le croire. Grave, quand on pense à l’importance de la rêverie maternelle pour le développement de l’enfant. Comment rêver sans désir?
14th mars 2011 at 4 h 46 min