Le vendredi 11 Mars un séisme, provoqué par le plissement de trois plaques tectoniques du Pacifique suivi d’un ravageur tsunami, dévastait au nord du Japon la ville de Sendai, puis emportait jusqu’à la mer, comme s’il s’agissait de simples brins de paille, un torrent de maisons, trains, bateaux et voitures, fracassant les réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima, dont l’explosion a contaminé les lieux déjà meurtris de substances radioactives, signe d’une catastrophe nucléaire majeure qui sema le deuil et la désolation dans le pays nippon tout entier, jusqu’à Tokyo. Si l’on y ajoute tous les massacres du peuple libyen perpétrés par son président Mohammar Khadafi, c’était le moment du repli sur soi ; de regarder notre nombril et de nous tâter, raison pour laquelle le sujet du dimanche suivant, 20 Mars au Café des Phares fut « L’Europe existe-t-elle ? », choisi et animé par Yves Cusset.
Une fois explicité l’avènement mythologique de l’Europe, une princesse phénicienne enlevée par Zeus qui l’amena en Crète déguisé en taureau, nous passâmes à nous interroger sur « l’Union Européenne », ses idéaux, sa diversité, sa mixité et sur la différence entre « être » ou « se sentir européen » ; étymologiquement, du moins, ça en jette : (Európê, de eurys=large, et ors=aspect). Puis, étant donné qu’au départ il y a de « l’amitié », ça promet, même si « inimitié » il y eut aussi, ce qui nous a donné l’opportunité de parler également de la Turquie (qui a un pied sur le vieux continent), et de certains quartiers de Paris, ainsi que des guerres livrées entre tous les pays membres et les respectives religions, pas uniquement chrétiennes. Question finances, on a évoqué encore l’Euro fort et l’Euro faible au sein d’un luxe d’institutions qui fonctionnent sur le mode de la gabegie, ce qui éveilla l’idée que tout système ne fait que progresser inéluctablement vers le plus grand désordre et l’incontournable question sur la destinée d’un tel espace de paix et démocratie, si chacun reste concentré sur sa propre histoire et divisé entre l’émotionnel et le volontaire.
Pour résumer le cheminement de ce colosse, qui, parti du Traité de Paris (1951), longea ceux de Rome (1958), Bruxelles (1965), Luxembourg (1987), Maastricht (1992), Amsterdam (1997), Nice (2001) et Lisbonne (2007), émaillés par des Référendums au résultat avalisé d’office, regardons un peu de plus près le phénomène, évitant de parler de l’Impôt de L’Union Européenne qui nous pend au nez.
La Commission de Bruxelles (qui se charge de tout, même de la courbure de la banane, de l’épaisseur de la cuisse du poulet ou des jeux de hasard), emploie plus de 23.000 fonctionnaires et croule sous un volume de paperasse qui force les responsables à interdire la production de textes de plus de 15 pages. De son côté, le Parlement Européen est une vraie tour de Babel qui occupe, au-delà des 736 députés, 6.000 salariés. Côté interprètes, il faut savoir qu’ils sont dirigés selon les méthodes du grand management et ce qui se passe dans toutes les cabines lors des séances plénières se résume à un festival d’interventions prononcées à la vitesse grand V qui, indépendamment de la qualité de la version donnée, s’avère techniquement éprouvant et politiquement douteux, étant entendu que chaque jour des milliers de mots sont interprétés en onze langues pour 27 états membres. Ayant seul l’anglais comme relais dans l’aller retour des traductions (disons adaptations), il est inévitable que l’on vérifie dès lors une fréquente incompréhension dans les rapports que l’on nomme « syndrome de Strasbourg ».
Qu’à cela ne tienne. Lu dans « L’Europe pour les Nuls » : « Deux paysans portugais étaient assis au bord d’une route, lorsqu’un touriste égaré arrêta sa voiture devant eux pour s’enquérir du meilleur chemin à suivre. Comme ils ne comprenaient pas un mot de sa langue, il demanda :
- Vous parlez français ?
Ils se regardèrent l’un l’autre, interloqués.
- Do you speek englisch ?
Même réaction.
- Sprechen Sie Deutsch ?
Ils ne comprenaient pas davantage ce qui fait que, furieux, l’automobiliste repartit en trombe.
Au bout d’un moment, un des paysans dit à l’autre :
- Finalement, on ferait bien d’apprendre une autre langue…
- Bof ! Il en connaît trois et ça ne lui sert à rien ! »
Carlos Gravito