Débat du 19 Juin 2011: « Comment la pensée peut-elle s’établir ? », animé par Nadia Guemidi.

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Posted on 21st juin 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Revenu, tel Ulysse, d’un beau voyage, en mer, qui m’a tenu à distance de l’impétueuse bourrasque qui, le 5 Juin, a assolé, à terre, le Café des Phares (y provoquant un remue ménage propre à emporter tout ce qui n’était pas attaché à la colonne centrale de l’établissement et qui, après avoir dévasté le parterre des mimosas, renversé le bac des pensées et déraciné quelques roseaux pensants y a laissé un étrange air de mépris du public comme lorsque l’on éteint un mégot après avoir allumé une nouvelle cigarette), plein d’usage et de raison je m’y suis rendu le dimanche 19, afin de prendre part à la traditionnelle causerie.

Tel si je suivais Jonathan Swift, y revenant à la manière de Gulliver après un court voyage à Laputa, j’avais l’impression d’aborder l’île miroir de Lagado où, arrivés au sommet de la raison et de la sagesse, les intellectuels, qui voulaient faire profiter le peuple de leur brillant savoir lui enseignant la philosophie, ont fini par y perdre le bon sens, et les maîtres des lieux, sans s’apercevoir de la réalité des faits, prétendant offrir à la clientèle de belles innovations conduisaient les habitués à l’égarement.

Enfin. Sous bonne garde et la houlette de Nadia Guemidi, les coutumiers de la bavette dominicale se sont donc préparés à gober le sujet suivant, choisi par l’animatrice : « Comment la pensée peut-elle s’établir ? »

A son compte ? A la campagne ? Dans ses meubles ? En HLM ?

Pour démentir Alexis Carrel, d’après lequel on pense trop mais on observe peu, le côté floralies de l’assertion m’a fait subodorer qu’il s’agissait là de quelque chose pour Alain Baraton, chroniqueur du jardinage, qui conseille l’utilisation de la coccinelle dans la préservation de la Pensée (dont le nom botanique est « Viola ») des pucerons, charançons, cochenilles et autres insectes teigneux qui se cachent sous la face intérieure de ses feuilles y déposant leurs œufs. Voilà.

Ou s’agissait-il, dans l’énoncé, de l’activité psychique dont le but est la connaissance ? Dans ce cas, penser correspond à une opération immédiate de l’esprit qui, liée aux catégories de l’entendement ainsi qu’à ses représentations, vient de l’intimité même du sujet et, se confondant avec la faculté de juger, ne nécessite pas d’installation. Résultat: il y en a qui pensent comme leur boutique, d’autres pensent ce qu’ils disent, tandis que d’autres encore ne disent pas ce qu’ils pensent.

Bref. Etant donnée l’absence du lien d’un fil conducteur dans ce débat, on se serait cru sur une planète Shadok, où, pour établir une pensée, les Gibus devaient lui faire occuper une case, et impossible d’en installer une autre, si une troisième case ne se vidait pas ; en somme, ils ne pouvaient pas apprendre une chose sans oublier la première, ce qu’ils faisaient à l’aide de passoires et d’une langue gabuzomeuse où « ga » équivalait à « moi », « gaga » à « toi » et « gagaga » à « imbécile ». De cette façon, ils pensaient, pensaient, pensaient, car il vaut mieux penser, même s’il ne se passe rien, que risquer qu’il se passe quelque chose en ne pensant rien.

Carlos Gravito