Une fois éteint Steve Jobs, le tant célébré créateur de « Apple », « iPhone » et « iPad », un somptueux feu d’artifice remplaça, au pied du Sacré Cœur, l’averse d’étoiles filantes qui devait déferler sur Paris dans la nuit précédant le 9 Octobre, jour du bricolage, brocantes ou vide-greniers (moment attendu par les chineurs pour se payer une occase dans les Marchés aux Puces ou auprès des particuliers qui se départissent de certaines choses qui les encombreraient) et, alors que les socialistes invitaient les français à prendre le chemin des urnes afin de choisir, parmi six candidats, leur représentant aux élections présidentielles de 2012, du côté du Café des iPhares®, les accros de la prise de tête allaient s’affronter au sujet du jour suggéré par Nadia, parmi douze autres : « Qu’est-ce que l’expérience du corps peut apporter à la philosophie et aux philosophes ? », qu’André Stamberger était chargé de secouer, d’après le compromis : « tu proposes et j’anime », inspirée du principe « passe-moi le sel, je te passerai le séné ».
C’est prodigieux ! Comment, bon sang, une baudruche qui trimbale essentiellement 80% d’eau, et pas beaucoup de quantités significatives d’autres éléments, serait-elle censée offrir quelque chose d’exceptionnel à l’amie Sophie et à son entourage ? Tout dépend des occasions, certes, mais en général on apporte à celle que l’on estime tout simplement un beau bouquet de fleurs ; sinon, une tarte aux pommes ça le fait aussi.
Pourtant, l’assez pingre problématique paraissait vite se compliquer, parce que l’on ne savait pas « comment se forme la pensée parmi les bébés », et « qu’en raison des nouvelles technologies nous aurions un corps nouveau », quelqu’un ayant finalement lancé à la cantonade : « si je vais chez le médecin, j’ai envie qu’il me prescrive une potion efficace et pas un chapitre de philo ».
Il se trouve que la philosophie n’est pas une science ; sa réflexion se porte sur les êtres, les causes et les finalités. Toutefois, « ce que peut le corps (Spinoza) personne ne l’a jamais déterminé » d’autant plus que l’on ne fait pas corps avec le corps au bénéfice d’autre chose ; il est notre ennemi le plus intime. Nous sommes donc portés à croire qu’il s’agissait dans notre propos, certainement de « chair », l’autre « moi » qui, n’étant ni objet ni sujet, n’est pas notre corps, raison suffisante néanmoins pour faire de nous plutôt des Hommes, en tant qu’espèce, s’entend. Mais, d’une part, comment penser la chair par rapport au temps ? De l’autre, comment penser un espace charnel qui comprendrait la philosophie et les philosophes ?
Dès lors, notre interrogation dominicale ne serait-elle pas plus logique si l’on passait ensemble un bon moment dans ce cadre sympa et pas cher, nous payant des méditations de Descartes et Husserl, du type : « Qu’est-ce que la philosophie et les philosophes peuvent apporter à l’intelligence du corps » ?
Aurions-nous, par un inconcevable « Effet bœuf » au départ, mis la charrue avant les bœufs ?
Bref. La meilleure façon de régler les problèmes étant de commencer par se les poser, c’est au moyen de la « noesis » (faculté de penser) que la philosophie nous aide donc à les élucider, et nullement grâce à notre corps qui, donné à lui-même en tant que chair, ferait obstacle à la compréhension de ce que c’est que la philo. Le corps perçoit certes des étendues, voit les couleurs, entend les sons, respire des odeurs, sent le poids des tourments, la dureté d’une baffe ou la douceur d’un baiser, parce qu’il s’éprouve d’abord lui-même et se sent sentant, en opposition à la chair, continuité de notre condition d’Etre.
Les bornes du corps (sôma) sont en effet constituées par les limites de sa surface, tandis que celles de la chair (sarx) ne se différencient pas entre elles ; notre chair n’est pas le corps, et ne finit que là où une autre commence. N’étant ni objet ni sujet, mais toujours excessive, elle fait partie du monde, jusqu’aux étoiles, et c’est en vain que nous avons, pendant plus de 90 minutes, essayé de renverser le « Cogito » en « Je suis, donc je pense ».
Carlos