Débat du 20 novembre 2011: « Que peut la philosophie, aujourd’hui? », animé par Michel Tozzi.

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Posted on 21st novembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Après avoir, le troisième jeudi de novembre, expérimenté un vieux mal de tête pour m’être prêté, dans la chaleur de l’amitié d’impénitents copains (et copines), à la célébration du beaujolais nouveau, comme il se fait de part le monde entier le même jour, à la même heure, au cours du plus grand mouvement de fraternité universelle jamais obtenu, le dimanche 20 novembre, premier croissant de lune, c’est Michel Tozzi qui, assisté de Marcelle, est venu nous donner la béquet au Café des Phares®, dirigeant le débat : « Que peut la philosophie, aujourd’hui ? »

Comme ça, spontanément, je serais tenté de répondre : « Pas grand-chose », puis je remplacerais même cette question par une autre « Que peut la philosophie ? » tout court. En effet, parce qu’issue de l’oracle de Delphes, il me semble qu’elle est capable de tout saisir et régler à n’importe quelle date, opérant dans les différents domaines à l’aide de ses vieux concepts aussi bien que de nouveaux. Plus qu’une voie donc, c’est une voix déjà morte, mais bien ancrée dans notre mémoire, que l’on revisite régulièrement, de nos jours plus que jamais puisque, ayant perdu sa portée transcendantale et ses fondements en politique, elle survit dans la littérature de bazar, gare ou aéroport, déclinée en philo-hédonos (le plaisir à tout prix), philo-somatos (l’amour de soi) ou philo-nikos (la rage de vaincre). Capable de s’emparer de tout, la philo est la main de notre cerveau et c’est ainsi que, empruntant les ponts et passerelles jetés entre toutes les disciplines, la phénoménologie divorce de l’herméneutique et, opérant un repli sur la subjectivité du moi, se répand dans les plus impertinents jugements en tous domaines.

Objectivement, la Philosophie n’est pas un lieu de pouvoir et de ce fait, on peut confronter les points de vue les plus saugrenus mais pas en juger définitivement, la vérité (accord entre la pensée et la réalité), la vérité universelle donc, étant impossible, rien ne permet par conséquence de démontrer que le monde soit rationnel. La conviction ne pense pas, bien que d’ordinaire ce soient des avis que l’on formule ici ou là, pourtant, puis ce qu’en général ceux-ci ne sont pas contrôlés, nous nous trouvons toujours dans l’illusion, même sans être forcément dans l’erreur. Dès lors, toutes les croyances se valent, ce qui d’emblée les invalide dans leur ensemble et elles finissent par terminer leurs jours dans l’imaginaire. Ainsi, parce que objectivement invérifiables, nous ne pouvons pas juger des différentes appréciations, une sorte de démocratie de l’opinion étant de mise une fois que l’on respecte la réciprocité des échanges. L’expérience est toujours particulière, et pour ce motif, subjective, tandis que la liberté demeure une exigence intérieure ; à chacun sa vérité, et c’est la virtuosité rhétorique donc qui établit la différence dans l’amas des opinions (doxa) où l’on peut confronter nos jugements personnels (le logos).

Et pour cause ; « la philosophie a failli disparaître au XIX siècle, comme nous a fait savoir l’animateur, en raison de l’essor d’autres sciences, au sein desquelles pourtant, il n’y avait pas de place pour la métaphysique ». Voilà pourquoi la curiosité des participants au débat c’est successivement intéressée au « rôle des Mathématiques », de « la Politique », de l’ « Economie en son sein, bien qu’elle ne doive pas être soumise à aucune sorte d’experts ou d’harcèlement » mais que, « de par sa source même, soit aux prises avec la mort, l’existentiel (Heidegger), ainsi que la religion et l’art ». Sur ces entrefaites, surgit le doute sur « la formulation du sujet », « la philosophie étant production avant d’être objet d’utilisation, ‘qui peut ?’  demandait donc un champs d’application précis comme la sécrétion de l’araignée par rapport à sa toile qui risque de partir à côté ». L’anicroche étant mise sous le boisseau, il a été alors question de « se placer au service de la philo au lieu de la mettre à sa propre disposition », proposé par l’intervenant suivant, pastichant ainsi un des Présidents de l’USA.

A ce moment, intervint la synthèse de Marcelle qui dégageait « trois pistes : celle du sens, une autre de la philo vis-à-vis de la politique, et une troisième concernant la philo par rapport à la science », à la suite de quoi un des participants a éprouvé le besoin de poser cinq questions, à savoir : « la philo en tant que fonction, la philo dans l’esprit de Wittgenstein, éventualité d’une philo sous-jacente à tout, quelle partie de nous-mêmes y serait affectée, quelle sorte d’appartenance ?».

Enfin. Faisant allusion à une boutade de Umberto Ecco, pour qui la Philo est la « ‘tetrapilectomie’, ou l’art de couper les cheveux en quatre », un habitué ajouta qu’ « elle s’évertue à établir la distinction entre ce qui est et ce qui n’est pas », un autre a rappelé « la figure soixante-huitarde de Mouna », un autre encore s’inquiétant de savoir « Qu’est-ce qui s’affirme chez le sujet pensant ?». On a finalement évoqué « le cul-de-sac » dans lequel on pataugeait, « la philo ne répondant pas à tout, et que seuls les Hommes, philosophant ou pas, peuvent faire quelque chose, aujourd’hui comme hier et demain », puis l’animateur remit « la problématique dans sa perspective historique, étant donné qu’elle n’est plus ce qu’elle était », à la suite de quoi, Gilles à tout résumé dans la poésie qu’y manquait et, satisfaits, nous nous sommes dès lors dispersés.

P.-S. Je serais prêt à financer une minuterie pour chaque micro, car, en dépit du bon sens, sans être fécondes, quelques interventions au café des Phares sont très souvent extrêmement cancanières pour ne pas dire d’un mortel ennui. Même à deux, ça ne se fait pas, par décence ; à un certain âge, il faut apprendre à retenir son incontinence verbale, parce que maman n’est pas toujours là pour passer la serpillière comme il serait nécessaire, ces interminables soliloques éclaboussant partout, façon désobligeante, quasi obscène de s’exhiber dans un geste gratifiante uniquement pour l’ego du solipsiste puisque, dans un tel merdier, on ne maîtrise plus rien, le seul souci étant de faire valoir une certaine faconde (égal si elle n’est qu’à la mesure d’elle même) et vogue la galère, en dépit du judicieux principe qui devrait nous guider « sapere aude », « osez être sage ».

Carlos