Débat du 11 décembre 2011: « La Philosophie tourne-t-elle en rond, lorsqu’elle ne mobilise que l’intellect ? », animé par Pierre-Yves Delpon.

4 comments

Posted on 12th décembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

La période de l’Avent est le lever de rideau des magies de Noël et, le 11 décembre, ça valait le détour de se promener, à Paris, circulant dans les petits marchés où l’on vendait déjà les sapins serrés dans des filets tubulaires et exposait un tas de babioles, de broderies, de confiseries, de pain d’épices et chocolats, certains marchands allant jusqu’à vous faire goûter du foie gras, du vin chaud ou un bon bol de soupe aux oignons, tandis qu’à côté, dans une ambiance de fête foraine, le peuple philosophe grouillait au Café des Phares®, afin d’ergoter à propos du thème : « La philosophie tourne-t-elle en rond, lorsqu’elle ne mobilise que l’intellect ? », un motif de discussion choisi et mis en marche par Pierre-Yves Delpon qui en a fait un vrai manège. « La phi-lo-so-phie tour-ne-t-elle-en-rond, au-tour de nos vies com-me un tour de tou-pie, la, la, la ; la, la, la, la ».

Le cerveau, c’est bien connu, est un organe prodigieux qui se met en action dès que nous nous réveillons ; hélas, il commence à flageoler lors que l’on arrive aux Phares car, tel les chevaux de bois qui pivotent autour d’un axe fixe, nous nous embarquons là, jusqu’à la griserie, dans un jeu de rôle à soulever le cœur, ce qui ne se fait pas avec le dos de la cuillère. Pourquoi ne tournerait-elle pas en rond, la philosophie, sachant que la ligne droite n’est pas ipso facto la meilleure façon de courir d’un point à un autre ? « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », ressassait « en rond » le père de la maïeutique. Une bonne occasion pour lui montrer que nous, nous savons tout et, palabrant, nous nous y sommes vaillamment pris, faisant valoir que « la philosophie ne tourne pas en rond mais reste enfermée dans un cercle d’initiés », « tout étant déjà explicité par Heidegger ou Nietzsche » et que « l’on pense en même temps que l’on existe, comme le démontre Edgar Morin », « personne ne pouvant décider ce qui est bla-bla-bla ou pas » alors que « c’est aux philosophes du XVIIème siècle que l’on doit l’abolition de la torture à Florence », « philosopher étant ‘penser sa vie’ et ‘vivre sa pensée’ », comme le préconise « Pierre Hadot face au sentiment d’exister en présence d’un ciel étoilé », « que l’on ne philosophe pas, si on ne mobilise pas l’intellect », « ‘l’être entier’ » « ne devant pas faire toujours la même chose, mais accumuler des expériences », malgré le spectacle « d’une humanité qui tourne en rond avec des guerres toujours répétées au lieu de s’en extirper pour de bon », en dépit « du mythe, au-delà des mythes babyloniens des anges, tel celui d’Hermès et des nymphes », jusqu’au « zodiaque », « à l’être bien dans son corps et dans son âme », « l’éthique et la discipline des artistes, tels que Shakespeare », « toutes les figures étant construites à partir du cercle », dont la « magnifique métaphore d’‘un beau 69’».

En gros, ce fut donc ça, le débat, que Gill a terminé avec ce vers de sa poésie: « caressez un cercle, et il deviendra vicieux! »

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement », comme on dit. Or, la Philosophie n’étant pas une science, les pièges qu’elle risque, outre l’erreur et le non-sens, sont les jeux de langage où la pensée tourne en bourrique, jusqu’au décrochement du réel, et on a vraiment tout essayé, jusqu’à n’en pouvoir mais, quoique, si j’ai bien compris, ce dimanche, il nous fallait conclure que la Philosophie (une certaine conception du monde et de la vie obtenue par la mise en œuvre de la Raison, autrement dit, l’Intelligence), ne serait pas une discipline parfaitement efficace, si d’aventure elle ne venait qu’à mobiliser l’Intellect, c’est-à-dire, à ne faire appel en somme qu’à la simple faculté de connaître la Vérité. En l’occurrence, elle se mettrait derechef à tourner follement en rond !!! Elle se disposerait à graviter autour de son axe, de tels remous entraînant ipso facto la pensée dans un mouvement insensé de rotation propre à nous abasourdir. Que faire ?

Un nom qui désigne la  faculté de connaître, l’Intelligence, en d’autres termes, l’Intellect ou la capacité en somme de penser de façon personnelle, de discerner, de raisonner, d’imaginer et créer des illusions, serait-il à même de, tournant en rond, nous rouler dans la farine ? Oui ! L’Intellect ne produit pas le pensable. Certes, la philosophie engage dans l’action, le corps, les émotions, la raison et la logique mais, sa roue de secours, l’objet intentionnel dans l’acte même de Pensée est la Noèse, un cheminement vers soi-même, dans le processus d’individuation.

Il en reste nonobstant qu’un taré qui se dépêche ira toujours plus loin qu’un sage, méditant, assis dans la position du lotus, devant un « Tape-cul » enchanté par l’Orgue de Barbarie.

Carlos