Débat du 8 Juillet 2012: « Le fait social se réduit-il à l’échange ? », animé par Alexandra Ahouandjinou.

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Posted on 9th juillet 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Dans le cadre des coutumières Fêtes de l’Eté, ce dimanche 8 Juillet, le Canal de l’Ourcq observait sa pause estivale célébrant la saison reine de l’année avec des tas d’animations, comme du cinéma en plein air, des concerts, des bals et des croisières sur des navettes fluviales, tandis que, à deux pas de là, avait lieu au Café des Phares® le traditionnel débat philo, pour lequel l’animatrice, Alexandra Ahouandjinou, souhaitait un sujet en rapport avec le « Don », ce qui finalement a été formulé par « Le fait social se réduit-il à l’échange ? », la discussion devenant ainsi tout à fait envisageable si l’on se sentait en phase avec la nouvelle interpellation, en un mot, « est-ce que tout est commerce, ou pas ? ».

Dès lors, comme il fallait s’y attendre, il ne fut plus affaire de « Don », « Donation » ou « Legs » et, après quelques minutes de réflexion accordées par l’animatrice, elle-même a convenu qu’il y avait là, dans ce Don, une certaine réciprocité, le cas échéant ce serait une pure question d’intérêts, une différenciation étant dès lors établie entre échange marchand (paiement d’un juste prix) et non marchand (gardiennage de chats, par exemple), après quoi nous nous sommes interrogés sur la distinction entre « troc » (fait social) et « Don » (acte par lequel l’autre, possédant quelque chose de moi, passe à me ressembler), raison plus que suffisante pour que je n’accepte pas l’édredon et encore moins le dentier de ma concierge.

Puis, on a évoqué les contreparties dans les cadeaux de Noël, le potlatch et la surenchère de « Dons » comme il est expérimenté dans les systèmes endogamiques, le « Don » se dissociant ainsi de l’échange et du « donner pour recevoir », avec à la clé les questions « faut-il ‘devoir’ pour ‘donner’ ? », « que peut-on donner ? », « à qui peut-on donner ? », « peut-on tout donner ? » « une fois distingué le ‘don’ du ‘dû’ ».

L’animatrice a consulté sa liste d’interpellations envisagées, et lança finalement que « l’on ne donne pas dans l’échange, que garder pour soi ce n’est pas du ‘Don’, et que même si le ‘Don’ est gratuit, un cadeau n’est pas un ‘Don’, alors que se donner soi-même serait un ‘Don de soi’ ou une ‘satisfaction de besoins primaires’. Dans le même ordre d’idées, pour d’autres intervenants le véritable « Don » est anonyme et que pour être « Don », le  « je » doit disparaître complètement du geste de « donner », allant « jusqu’aux échanges sur le pas de sa porte », « le langage étant profondément lié à la relation avec les autres, comme le préconise Bergson » et « à ‘l’empathie’ », ce que d’aucuns ont qualifié « de dérive hors sujet ». Puis, l’auteur du thème en discussion critiqua « ceux qui, arrivant en retard, s’arrogent la prétention de savoir où l’on en est » et préconisa « que l’on ne néglige pas ni l’amour ni la haine constitutifs de l’émotion et du désir, le ‘thumos’ des grecques », Gilles nous faisant part, enfin, de ses inspirations poétiques, telles que « le véritable don est le don de soi », « le don, le désir et l’amour étant les moteurs de l’existence »

Par circonspection ou désintérêt, nous avons omis, avec précaution, le « don d’agacer », voire « le don d’embrouiller », souvent si présents dans nos échanges dominicales. Et pour cause. Dans ma paroisse, après le sermon, le curé a dit que, le noyer du préau ayant eu beaucoup de noix, il ferait don de ces fruits à « celui qui ne serait pas aux ordres de son épouse ». Un grand gaillard, reconnu dans le patelin pour son fort caractère, s’est présenté et, l’homme de Dieu lui reprochant de ne pas avoir pris un sac plus grand, il s’excusa : « C’est ce que je voulais, mais, ma femme m’a dit que se serait de la goujaterie, alors… ».

« Vide ton sac, et laisse les noix ici », lui ordonna alors le prêtre, indigné.

…   

NB

Au cours de l’après midi, les cinéphiles ont rempilé, partant zieuter au cinéma de l’Entrepôt, un savoureux film de Fellini, « Amarcor », en romagnol, « Mio ricordo » (je me souviens), musique de Nino Rota et Oscar du meilleur film étranger en 1975, sorti en 1973, et que nous présentait Daniel Ramirez. Il s’agit d’une chronique de vie à Rimini vue par un adolescent, Titta, et parsemée de truculents personnages se débrouillant pour coller au mieux à l’existence, que le destin voulu en régime fasciste. Le débat qui s’en suivi fut tout aussi intéressant, ce qui a fait, de ce dimanche, un singulier concours de dons.

Carlos