Débat du 4 novembre 2012: « Philosopher est-ce penser soi-même? », animé par Michel Turrini

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Posted on 5th novembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Une fois terminée la saga des fraîches fleurs déposées dans les cimetières ainsi qu’éteint le feu des bougies placées également le premier du mois, pour prendre effet le deux, puis rangés tous les horripilants ou comiques déguisements et consommées toutes les friandises qui faisaient l’objet de la fête celtique Halloween, mettant en vedette les citrouilles découpées de manière à éclairer les alentours d’un grimaçant sourire, passant enfin aux choses sérieuses au Café des Phares®, le 4 Novembre 2012, sous l’œil des caméras d’une Télévision nord coréenne, a eu lieu le traditionnel débat dominical où fut posée la question « Philosopher est-ce penser par soi-même ? », que Michel Turrini était chargé d’animer.

L’interrogation paraissait oiseuse, à partir du moment où l’on admet que philosopher c’est « cogiter », « une activité psychique qui a pour but la connaissance » au bénéfice de la sagesse donc, et naturellement peu importe qui s’adonne à une telle activité : soi-même, si on l’affirme à la première personne du présent, ou autrui selon les cas, passant d’une idée à toute autre qui s’y oppose, au besoin. Autrement dit : « Philosopher est penser » (c’est sûr), la raison étant la faculté de connaître, juger et agir en vertu de l’aptitude de l’entendement à le faire, peu importe qui le fait. Point.

Verbe intransitif dont le sens porte donc sur l’application de son esprit aux éléments fournis par la connaissance, « Penser » n’exige par conséquent aucun complément d’objet et peut constituer avec le sujet une phrase minimale achevée : « Cogito » ! (Je pense). Basta. Descartes pensait… Il se trouve qu’il en déduisit la réalité de son existence, et pas l’absconse redite : « Je philosophe, donc je pense moi-même, ce qui prouve que j’existe ».

En effet, on pourrait éventuellement envisager que « Philosopher » soit quelque chose d’autre que « Penser » (personnellement ou pas), comme par exemple accepter les choses comme elles sont, c’est-à-dire, avec philosophie, ou chercher à savoir pourquoi elles sont là, plutôt que rien, quitte à la raison de le confirmer ou infirmer. Enfin, philosopher c’est connaître l’univers, un univers composé de deux mondes, le monde physique et le monde moral, et être éventuellement en désaccord à propos de tout avec ses congénères, afin de ne pas épuiser le plaisir de discuter, auquel on donne le nom de dialectique ou logique de l’apparence selon Kant, qui le nommait aussi de « diallèle », « cercle vicieux » pour les intimes.

Mais, étant là pour s’exprimer, les candidats à la manifestation de leur pensée signalaient leur envie de le faire, qui pour « prôner l’innovation » (qui n’était pas du goût de l’animateur), qui pour confesser « qu’il en a qui sont plus malins que les autres », qui encore pour « admettre le recours à des références tels que Heidegger, Kant, Aristote, Ricoeur, pour apprendre à dire ‘je’ » ou « pas d’accord » avec « l’académisme et la démagogie », voire à « n’être pas d’accord » ou à sympathiser plutôt avec les « pataphysiciens », « la musique étant elle aussi de la pensée », ainsi que « la haine de la philo », tandis que « philosopher ce n’est pas penser par soi-même, mais contre soi-même, parce que l’on est asservis par la famille, l’école, etc., et que les philosophes pensent pour soi-même et contre nous », alors que « personne ne peut m’empêcher de lire » ; « Philosopher ? Mon cul ! », « C’est un abîme ! ». Une fois qu’un autre intervenant ait fait « l’éloge de son téléphone mobil », « les termes philosophiques furent considérés difficiles à déchiffrer », et que « les philosophes se contredisent », une jeune fille « se plaignit de ne savoir que faire de toutes ces théories, ignorant ce que c’est ‘penser ce qu’on dit’ et ‘dire ce que l’on pense’ », une autre « qu’en ce moment il y a trop de questions à se poser », et dès lors, ajoute une troisième, « à quoi ça sert la pensée de Descartes si elle ne peut pas s’appliquer tout le temps ? » Il lui a été répondu que « philosopher c’est simple : c’est apprendre à voir ; on est à l’atelier de peinture. Chacun sa vérité ! », puis, l’un, « que la philo est une grosse salade », l’autre que « c’est une passoire », un autre encore « qu’il s’agit de trier ». Un coutumier du zinc voulut donner la parole à son petit enfant qui dit : « je veux apprendre à penser, mais pas à obéir », alors que l’intervenant suivant faisait référence comme étant « un grand ordinateur qui marche en dehors de nous », et un autre à la « culture qui n’est pas accessible à tout le monde et qu’il faut procéder à la ‘doxification’ des idées, car on n’est pas des ordinateurs »

Finalement, Gilles a eu raison de tout ça, déclamant : « Pensée, s’y frotter, approfondir ce que l’on dit… Experts, expertises, penser par soi-même… vivre sa pensée… chercher ce que tu es. » … et nous voilà dehors, où un participant au débat dit à son ami:

- Tu sais, il parait que « philosopher » c’est penser soi-même…

- Il faut pas trop tirer sur la ficelle.

- C’est ce que je pensais !

Carlos

Addenda

Au lieu d’un Ciné-Philo, Daniel Ramirez nous a invité ensuite à participer à un Théâtre-Philo, et une partie d’entre nous s’est dirigée vers la magnifique salle de spectacles du Ranelagh, afin d’y assister à la représentation de Macbeth, ou le drame du Pouvoir, tragédie bien connue de Shakespeare où il est question de l’assassinat de Duncan, roi d’Ecosse. En scène jusqu’au 11 Novembre, elle a été suivie d’un excellent débat sur le tenaillement du remords et autres questions annexes.

CG

2 Comments
  1. Elke says:

    Philosopher, c’est penser par soi-même ? Penser par, c’est la petite particule là qui intrigue.
    Penser, cette activité énigmatique ancrée dans l’expérience de soi, comment imaginer qu’elle viendrait d’ailleurs que de soi ? Pour poser un tel problème, il y a en tout cas le doute qu’on puisse être dépossédé de cette capacité intrinsèque du vivant et l’espoir qu’on puisse la retrouver.
    Toute activité du vivant (et penser est une forme d’activité, consommatrice d’énergie, on le voit bien sur l’imagerie cérébrale !) produit « quelque chose ». Non, il est plus juste de dire « transforme » quelque chose. Nous pouvons nous appuyer sur les connaissances de nos ancêtres, sur la technologie de nos microscopes, sur l’analyse infiniment plus fine des appareils perceptifs créés par le génie technique de l’homme pour savoir que notre place dans l’univers n’est pas celui de créateur, mais du transformateur.
    L’activité de penser produit non seulement la résolution d’un certain nombre de problèmes, elle produit aussi des idées, des opinions, des convictions et aboutit parfois à des « vérités ». Si la transformation grossière d’un objet est validée par l’expérience immédiate, une idée dépend d’un souffle particulier qui fait part de cette idée : nous entrons dans le monde de l’humain parlant qui sait manipuler le monde par des symboles, des mots. Et toute la difficulté se trouve là. L’idée ancrée dans l’expérience quitte son auteur et circule comme un objet. Et peut prendre une réalité tout autre pour celui qui « happe » cette idée. Si on faisait ceci, cela pourrait faire cela, pense-t-on. Oui, mais…. Hésitation. On fait, on ne fait pas ? C’est toujours risqué de faire. Réfléchissons bien d’abord. Émergent ainsi les professionnels de la pensée, les philosophes qui se sont affranchis de l’agir. Ils donnent les idées, comme Rousseau. L’application ? Est-ce qu’on va appliquer des idées d’un homme qui n’a pas été fichu d’élever ses propres enfants ? On continue à lire Rousseau parce que ces idées séduisent. Issues d’une société fortement contraignante, ces idées ont participé à exploser le carcan de l’Ancien régime qui était devenu oppressant. Un atout de la philosophie serait donc d’alimenter le droit de désobéir ? Puisque la première chose qu’on apprend à l’école, ce n’est pas penser mais obéir, témoignage à l’appui du petit assis sur le comptoir. Le lien avec l’aliénation semble tout tracé : notre société est une machine à broyer les intelligences naissantes. Mais comment procéder aux apprentissages de la vie sans obéir à la loi qui veut qu’on soit limitée ? Puisque la dure besogne d’un petit de quatre ans, c’est celle d’accepter la limitation du principe de plaisir «je veux » par le principe de réalité aux ressources limitées, de l’espace, du temps qui donne une première humilité, celle du « quand je peux ». Et j’entends le petit garçon se plier, ronchon, « quand je serai grand, je ferai ce que je voudrais…. » Que font nos hommes, une fois grand ? Ils font ce qu’ils peuvent. Entre ce qu’on voudrait et ce qu’on peut, c’est là qu’il y a à chercher, peut-être, abyme qui peut s’ouvrir parce le « pouvoir » n’alimente plus le « vouloir », qui, en deçà du caprice infantile décrié est bien l’appétit de vivre qui doit nous tenir jusqu’au bout.
    Si tout le monde pense finalement par soi-même, il y a peut-être un degré de complexité qu’il faille intégrer et qui distingue la pensée infantile de celle de l’adulte. L’enfant, orienté principalement par le principe de plaisir, pense pour soi-même. L’adulte qui l’entoure pense pour soi et pour l’autre, il peut intégrer l’altérité. Troisième niveau de complexité : intégrer l’histoire. Ce que je fais aujourd’hui peut avoir une incidence pour l’avenir. Que de contraintes à l’action introduites par ces niveaux de complexité! Mais fondamentalement, la pensée ne s’éloigne jamais totalement du principe de plaisir qui nous gouverne, qui nous motive. Question de préservation de soi. Si on peut admettre qu’on pense « pour soi », la métaphore de l’alimentation nous met sur la piste de ce qui distingue le « penser par soi » et « penser par un autre ». Un prêt-à-penser circule : faites ceci, vous aurez cela. C’est commode, rassurant. Heureusement, nous pouvons nous appuyer sur certains acquis d’expérience de nos ancêtres. Si chaque génération devait réinventer le fil à couper le beurre, peu probable que j’aurais le temps de me déchaîner sur ce clavier pour écrire des futilités. « Penser », c’est l’intelligence d’utiliser le savoir, les connaissances à notre disposition pour faire ce qu’on a à faire. Dans l’abondance du savoir disponible de notre temps, il n’est pas chose aisée de trier ce qu’est nécessaire et ce qui ne l’est pas. Il est tentant de prendre quelques raccourcis pour « arriver » à quelque chose. C’est quand le « déjà là » ne suffit plus, quand on n’y arrive plus, c’est là que la philosophie prend toute sa place : aider à déconstruire les schémas trop indigestes, retrouver de nouvelles cohérences, bousculer les croyances qu’on pensait être des certitudes et qui ne tiennent plus l’épreuve du réel. C’est alors que « penser avec les autres », ce passe-temps ludique du dimanche matin, peut servir à construire de nouveaux « prêts-à –penser » bien commode pour vivre sa vie !

    5th novembre 2012 at 11 h 08 min

  2. ROCA Gilles says:

    Philosopher’, est-ce Penser Par soi-même ?, Georges Tahar, Michel Turrini,

    Philosopher … Penser’ ensemble … Librement,
    Par soi-même’, et, en Lien, Au monde’, À L’Autre’, À soi,
    s’y confronter’, et s’y frotter’, en revenant … sur sa Pensée, en’ Approfondissant,
    tout seul, ce qui me Parle’, À moi,
    et Pas sous’ influence’, sous conditionnement,
    imposées, références, repères récurrents,
    spécialistes’ … experts’, et, À expertiser, Par soi-même’, en réflexion,
    se conscientiser, Vérifier’, et, concrétiser, ses réflexions, ses citations’,
    À Peser, souPeser’, et Penser Par soi-même, Penser …
    contre soi-même, se mettre … se remettre’ … en cause’, et en question(s),
    en Pression, en tension …
    Vers quelque Vérité, doute … réalité,
    travail sur soi, Lucidité, co-créativité,
    en toute’ humilité, en’ Authenticité, quète … fiabilité,

    « Penser ce que L’on dit, dire ce que L’on Pense, Penser ce que L’on fait,
    faire ce que L’on Pense, faire ce que L’on dit, être ce que L’on fait,
    faire ce que L’on’… est, être ce que L’on … naît »,
    serviteur, « deviens ce que tu es ! », deviens ce que tu nais !,

    « Rien n’est plus Lent que La Véritable naissance,
    d’un’ homme », Marguerite’ Yourcenar, Philosopher sa Vie naît … sens’,

    « On se fabrique … soi, Avec’ ce que sont Les’ Autres’ …
    et L’on découvre … Les’ Autres’ …
    À Partir de ce qu’on’ est, soi », « Entre Les rives de soi-même’ et de L’Autre …
    L’être’ humain est Le Pont même … nôtre », …
    dans « La traversée des frontières’ … entre soi »,
    Jean-Pierre’ Vernant, « Penser sa Vie, et Vivre sa Pensée » … ma foi !,

    et puis se déconstruire … reconstruire … soi, et puis’, intuition, et, refondation, de soi,
    L’esprit critique’, Aiguillonné, et, Aiguisé, À travers soi … trier, filtrer’, À travers soi,

    Pensée, fleur, de soi-même, « distance Prise … par chacun Vis’- À – Vis de soi-même »,
    Jean Cardonnel, J C, Le Propre … de L’humour, humain, sur soi-même,

    « Passer’ outre’ Aux frontières, personnelles,
    crever L’opacité de sa Peau, qui nous sépare, du monde’ »,
    Adamov’, … Aux radicales’Ailes,
    du monde … que L’on fonde’,

    « Il m’est’ Arrivé d’Avoir La tentation de … Penser par moi-même … »
    dit’ un’ évêque … sud’- Américain, en fonction … insidieusement prêt,
    Lui, À Philosopher …
    j’Aime !, Gilles Roca,

    Cas-fée-Philo des Nés-nus-Phares, en ces-jours de Brumaire’, 4’-11’- 2012’,
    et de nos Pensées Phares, … confortées’, ou chimères, et que L’on’ en découse !, G R

    5th novembre 2012 at 21 h 32 min

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