Débat du 9 décembre 2012; « Qu’est-ce que vivre? », animé par Eric Auzanneau.

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Posted on 11th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

C’était le Festival d’Automne et, le 9 Décembre 012, à Paris, personne ne savait à quel saint se vouer. C’est pas qu’il y en eût trop, mais il nous fallait connaître le bon. En effet, dans la capital on avait le choix de faire un tour au Salon du Cheval, pour y admirer les plus beaux purs-sangs du monde notamment ceux de l’Ecole Portugaise, sinon, il serait encore possible d’aller jusqu’à Disneyland afin de fêter les cent ans de Mickey, une autre alternative consistant à participer aux Repas d’Amitié et accueil des « Sans logis » dans les églises, Nietzsche à l’honneur dans la Maison de la Poésie étant une autre passionnante éventualité. Le fait est que, finie l’Election Miss France à l’avantage de Miss Bourgogne, après une généreuse soirée Téléthon au profit de la recherche dans le domaine des maladies orphelines, les amateurs de philosophie sont allés le lendemain jusqu’au Café des Phares®, pour prendre part au débat philosophique qui, animé par Eric Auzanneau, portait sur la question : « Qu’est-ce que vivre ? ».

Les philosophes nous étonneront toujours. Si l’on veut essayer de donner une suite philosophique à l’étrange colle posée par cet exercice, il semble que la réponse la plus sage à rendre se trouverait en aval du sujet c’est-à-dire, si l’on suit Montaigne, qui l’aurait appris de Platon, « philosopher, c’est apprendre à mourir » ! Ça devenait inquiétant. Mais ce n’est pas tout. Une fois que la proposition est de définir « le fait de vivre » causant philosophiquement là-dessus en grand comité, nous sommes bloqués par le précepte Aristotélicien « Primum vivere, deinde philosophari », « Vivre d’abord et philosopher ensuite ». La réalité de notre existence précéderait donc toute préoccupation rationnelle mise en doute philosophiquement, comme c’était le cas en ce dimanche. Comment s’en sortir alors de l’interpellation à propos de la vie, si l’adage « Vivre d’abord et philosopher ensuite », privilégie la vie par rapport à l’action d’en discourir, la réalité de notre existence ayant donc le dessus sur toute polémique à ce propos, comme il était notre intention de le faire en ce dimanche, nous demandant  « Qu’est-ce que vivre ? »  Bref, on avait certainement placé la charrue avant les bœufs, et nous voilà par conséquence mal barrés pour déployer une pensée cohérente à propos de « la nature du vivre », puisque de surcroît, notre démarche spéculative se trouverait inversée par rapport à notre préoccupation élémentaire : VIVRE.

En somme, nous étions face à un drôle de rébus, qui nous dissuadait d’en spéculer philosophiquement, à moins de vivre d’abord, selon l’adage en épigraphe. « Ça se mordait la queue » et le débat n’avait vraiment plus d’objet, à partir du moment où, « avant de philosopher il fallait vivre, tout simplement », et que, le sujet étant donc mort-né, le contrat dominical était logiquement rempli. Sauf que l’exercice prévu pour soixante minutes ne pouvait pas s’arrêter là et, comme si l’on s’interrogeait au sujet « de l’œuf ou de la poule, lequel fut le premier ? », dont la réponse consiste à prouver que « l’œuf est dans la poule et la poule est dans l’œuf », tel que l’avait depuis fort longtemps saisi Silésius, nous décidâmes de faire illusion le temps d’un débat.

Il ne nous restait par conséquent qu’à développer l’idée, et la première réponse à enfiler dans le micro devrait dès lors porter logiquement sur « ce qu’il faut faire avant de philosopher », c’est-à-dire, « vivre » et, d’après la colle posée, même un pieux « requiem » ferait l’affaire.

Point du tout, et c’est ainsi qu’il fut sagement répondu, en vrac : « vivre n’est pas survivre », et « n’a pas le sens d’exister », d’autant plus que « si nous ne faisons rien pour rester vivants, vivre est un paradoxe », « vivre/état, et vivre/action étant à distinguer », ainsi que « la philo doit rendre plus intéressante la vie qui, pour les grecs correspondait au ‘bios’ », alors que d’autres « la liaient à ‘l’éthos », « la voyaient comme une énigme », « liberté d’agir », « un paradoxe », « ne pas subir ou se résigner », « une vie pouvant être épouvantable mais intense », « où commence-t-elle ? », « à quoi on l’attribue-t-elle ? », « la vie coupée de beaucoup de deuils », « manger pour vivre et pas vivre pour manger », « le statut du vivant », « on n’est pas tous égaux », « l’Homme animal politique », « gérer la déception, changeant de désir ou se projeter dans l’avenir » », « c’est la vie qui a le dernier mot », « on ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche », « l’énergie qui nous traverse », « savoir perdre son temps », « c’est dur de rester silencieux », « on vit avec deux sœurs jumelles : le savoir et la souffrance », « on a le choix d’être ou ne pas être (Hamlet), « ‘la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie’ », « on mange pour vivre mais vivre ce n’est pas la vie », « pédaler sur une pente c’est se sentir vivre », « comme disait Marc Sautet, philosopher, c’est un moment d’arrêt », « Rimbaud dit que la vie est ailleurs », « ni agir ni rester dans la contemplation », « il y a autre chose dans la vie qui serait a-humain », « je pense tenir là, l’enfant qui est en moi, car la pensée prend le corps par la main, comme le film ‘Avalon’ explore la vie initiatique et il y a un prix à payer pour aller en l’au-delà », « la vie se joue dans l’Homme et il n’en a pas la maîtrise »… puis, pour conclure, « qu’est-ce qu vivre ?, comment vivre ? Lorsqu’il y a  conscience, on est dans l’existence ».

Pour retrouver la sérénité de vivre, il ne nous manquait plus que la poésie de Gilles : « Vivre libre, se délivrer/ Se sentir vivre, vivant/ Quintessence, finalité, ‘vivalité’ / Vivre, expérimenter, humaniser, s’aimer… »

Ayant au coin de l’oreille cette expression d’un doute existentiel dont Maïakovski se fit le héraut : « Je sais que mon ‘je’ est trop petit pour moi et obstinément mon corps m’en expulse », je me suis trouvé dehors, où un débateur fredonnait un vieux « J’ai oublié de vivre… », de Johnny Hallyday.

- Dis donc, chéri, où est-il le livre « Comment vivre jusqu’à 120 ans » ?

- Je l’ai jeté à la poubelle…

- Et pourquoi donc ?

- Parce que ta mère arrive demain, et je ne veux pas qu’elle lise des choses pareilles !

Carlos

  Addenda

 Le Ciné-Philo fêtant sa quinzième année, comme il convenait Daniel Ramirez a fait projeter, à L’Entrepôt, le film en noir et blanc tourné en 1961 par Alain Resnais, « L’année dernière à Marienbad », c’est-à-dire, la rencontre de deux êtres qui se croisent et se fuient dans une station balnéaire en République Tchèque, à la suite d’une incertaine liaison entre eux l’année d’avant en ce lieu même, et qui fut Lion d’Or à la Mostra de Venise, la séance étant suivie d’un débat fort intéressant, sur l’introspection et, entre autres, d’un vin d’honneur pris au bar de l’établissement multiculturel.

 CG

3 Comments
  1. ROCA Gilles says:

    Qu’est-ce’ que Vivre’ ?, Agnès’, Éric’ Auzanneau, Aux Phares

    « Car Le plus Lourd fardeau, c’est d’exister, sans Vivre »,
    Victor’ Hugo / Alter’ Hugo, survivre … plus’+, sentiment, perception, conscience, de Vivre’, Acte … de Vivre … Liberté d’Agir, de faire … d’être … naître … choisir,
    en confiance’, et ne pas subir, ni se résigner ; construire,
    Vivre … Livre … se Livre, délivre … se délivre’, et s’ouvrir, partager, désir, En …Vie,
    croît …sens’, se sentir Vivre … Vie …Vent, d’existence’, essence’, et quintessence …
    Vitale … Vitalité, finalité, humanité, La Vie, L’Amour, naît …sens’,
    co-naît’, et re-naît …sens’, Vivre’, expérimenter, créer, réaliser’, et se réaliser,
    Vitalement, s’humaniser, Vivre … philosopher, philosopher La Vie,
    et La poétiser, La reVitaliser, spiritualiser, de flamme … L’embraser,
    et de fleurs’, en …brassée, et de fruits des …Pensées’,
    Immortelles … Soucis, du monde … L’Autre … soi,
    Les, trois, fleurs, de La Vie, philosophie, ma foi !,
    La souffrance … La joie … de Vivre … La danser …
    perdre … prendre … son temps, de Vivre … temps d’Aimer, d’Animer, ranimer,
    sa Vie, s’Aimer, semer’ … être’ Acteur, de sa Vie, humaine’, À projeter’,
    en’ Avant, Vent debout, découvrir, inventer, « La joie incandescente … d’inventer » … Michel Serres, … La Vie, et d’y sauter … La susciter, res’-susciter,
    Vie …« Vent de Liberté, qui ne sera jamais sous La terre » … jeté,
    Jean Cardonnel, J C, Vivre … « mourir d’Aimer » …
    Gilles Roca

    Cas-fée-Philo des Nés-nus-Phares, en ces-jours de Frimaire, 9’ décembre’ 2012’,
    Vivre sa Vie File’ …eau, haut fil … de La Vie phares, douce’- Amère’,
    et que L’on en découse !, G R

    11th décembre 2012 at 13 h 58 min

  2. GABRIEL says:

     » Qu’est-ce que vivre ? ». Sans doute sous-entendu pour l’homme.
    Une première difficulté s’impose : personne ne peut définir l’homme, et heureusement, à en lire l’ouvrage « Certitudes négatives » de Jean-Luc Marion. « Chercher la définition de l’homme en général paraît autoriser, si elle était tenue pour acquise, à demander aussi : « Ceci est-il vraiment encore un homme ? »…..La simple prétention de connaître l’ homme n’ a en effet d’autre objectif que de vouloir faire de l’homme son objet… D’avoir la prétention à décider de l’humanité de tel homme… Définir l’ homme par concept remplit toujours déjà la première condition requise pour en finir avec tout ce qui ne correspond pas à cette définition… ».
    Au bout d’ un certain temps, Alfred avait souligné que l’ on n’échangeait pas à propos de « Qu’ est-ce que vivre ? » mais de « Comment vivre ? ». Comment pouvoir définir ce qu’ est vivre pour un vivant qu’ il m’ est absolument impossible de définir ? A supposer que quelqu’un réponde à la question par une définition, alors le même problème se poserait : la tentation de nier en tant que vie humaine toute vie ne correspondant pas à la définition. A certaines époques, dans certains régimes, cela peut éveiller des craintes…
    Ainsi, renonçant à vouloir définir l’ homme , nous sommes conduits à l’ impossibilité de définir aussi la vie humaine, en se rappelant que déterminer, définir, c’ est aussi nier et exclure.

    11th décembre 2012 at 18 h 35 min

  3. Maude says:

    vivre,
    c’est accueillir la vie en soi,
    c’est chaque matin éveiller son corps à la vie,sentir les milliers de cellules qui régénèrent notre énergie
    vivre c’est développer l’énergie d’être en notre esprit et notre corps,
    c’est développer ,non l’amour de la vie en général mais l’amour de la nôtre en propre comme une parcelle sacrée qui nous ait donné à reconquérir chaque jour de joie ou de tristesse.
    C’est mettre en perspective le mouvement de sa vie comme une aventure semée de ???? qui participe à notre croissance où créer est primordial.
    Créer c’est aussi une forme de résistance à l’injonction sociétale,aux automatismes,à la sclérose.
    Développer son propre langage,sa conception singulière de la vie et de notre relation au monde tout en l’habitant poètiquement….
    Etre vivant en pleine conscience, c’est aussi intégrer notre finitude et la perspective de la mort doit intensifier tout ce qui nous est donné à vivre dans le sentiment d’être de simple passant et d’alléger notre pas, au fur et à mesure, au lieu de l’appesantir d’une amertume narcissique.
    La vie est un deuil continuel…celui des êtres que nous aimons…celui de nos rêves évanouis…celui des détours de nos projets…
    Par cette acceptation,c’est aussi la voie de la sagesse et de l’humilité..
    L’accompagnement à la mort est une leçon de vie qui densifie chaque respiration et tout ce que nous pouvons donner…Car devant la dame noire,la seule chose que nous pouvons regretter n’est-ce pas de ne pas avoir assez donné ,aimé,partagé et ri.

    C’est pourquoi je m’insurge contre les parangons de certitude à l’arrogance pleine de cloques ou au disque rayé de ceux qui s’infligent des limites liées à leur âge en brandissant une complaisance décalée avec le champ des possibles.
    Maude

    11th décembre 2012 at 14 h 54 min

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