Débat du 23 Décembre 2012: « Y a-t-il une vraie vie, avant la mort? », animé par Raphael Prudencio.

4 comments

Posted on 24th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Le vrai est comme le faux, disait Guy Debord, ce qui explique peut-être l’échec d’une douzième Fin du Monde, entraînée cette fois par l’inversion des pôles et devant se produire à Bugarach, commune de 26 km2 et 200 habitants, bâtie à 480 mètres d’altitude au pied d’un pic de 1.230, et sous laquelle serait planqué le Saint Graal, alors que le scoop apocalyptique était prétendument récolté dans un étrange Calendrier Maya puis véhiculé par Internet ce qui, par contagion, a provoqué un spectaculaire boom immobilier dans cette municipalité et où, doublant le nombre des villageois qui, le trouillomètre à zéro, l’attendaient, s’est cassée les dents la meute de journalistes du monde entier, venue donc le 21/12/12 scruter la nouvelle prophétique, qui s’ajoutait aux 182 déjà annoncées pour notre planète. L’effroyable « Révélation » n’ayant donc pas été suivie d’effet, le débat du 23-XII-012 a pu avoir lieu comme habituellement au Café des Phares® et, pour rester dans la doxa « Y a-t-il une vraie vie avant la mort ? » fut le thème tragi-comique que Raphaël Prudencio, a choisi pour nous dessiller et laisser encore un peu d’espoir aux pauvres mortels que nous sommes, alors que le 2 Novembre était déjà dans les limbes. Et pourquoi pas une autre vie avant la mort, comme Chateaubriand entrevoit dans les « Mémoires d’outre tombe » et Bernardo Soares, alias Fernando Pessoa dans « Le Livre de l’Intranquilité » ?

Si donc l’on portait prosaïquement sur ce sujet incongru le regard inquiet de ceux qui ne vivent que de vivre, la question pouvait se résumer à « peut-on se traîner à vélo jusqu’à sa sépulture, lorsque l’on passe l’arme à gauche, fuyant ainsi sa néantisation ? » L’affaire de la véracité restant néanmoins ouverte, sans aller jusqu’au vampirisme régénérateur ni se demander exactement si d’aventure le problème posé admettait l’hypothèse d’« une fausse vie », un ersatz d’existence ou un simulacre de vivacité qui aurait ajouté à notre cogitation un aspect aussi facétieux que « Le Chat de Schrödinger », enfermé dans sa boîte à la fois vivant et mort, nous nous sommes largement épanchés sur ce casse-tête existentiel, « Y a-t-il une vraie vie avant la mort ? », comme si elle n’était qu’un pardessus d’hiver que l’on enlève l’été ; la vie serait-elle aussi bien vraie que pas vraie ? Dans le premier cas, le sujet se trouverait tout simplement vivant ; dans le second le quidam jouerait au « cadavre exquis » et, selon les aléas du « principe du tiers exclu », le raisonnement s’avérerait être faux et pas faux, un angélisme exterminateur proche de la consigne « Viva la muerte ! » (Vive la mort), le cri d’un général phalangiste dans l’université de Salamanca, pendant la guerre civile espagnole et qui a fait bondir Miguel Unamuno en Octobre 1936, y improvisant un discours humaniste qui a suscité des fascistes le cri de « à bas l’intelligence ! »

Bref. Sachant que la vie consiste à s’accommoder de tout, sauf de la camarde, car de là on ne revient jamais vivant, de quoi parlait-on ? De cliniques particulières qui prolongent sine die l’état comateux d’un sujet, ou du fait que la vie semblait nous inquiéter, sinon peser ? Or, là encore, il ne faut pas se faire d’illusions ; vraie ou pas vraie, par définition il n’y a pas de vie après la mort ; c’est une fin de ligne ! Admettre le contraire ce n’est pas un contresens ; c’est un non-sens, une absurdité, du temps perdu. Tel un fusil, le chagrin émousse aussi bien qu’il aiguise, pourtant, lors que l’événement en question survient, « je », le premier concerné, n’est plus là pour s’en soucier, la durée étant devenue absence de temps, le Temps à propos duquel Saint Austin avoua : « lorsque personne ne me le demande, je sais ce que c’est ; mais lorsque l’on me le demande, je ne sais plus » (Les confessions). Ceci dit, que serait donc une « vraie vie », par rapport à « une vie », tout court ? Y a-t-il des vraies et des fausses vies, que ce soit avant ou après la mort ? A quoi ressemblerait une fausse vie, au moment où le tocsin vient mettre un terme à l’existence ? A un épouvantail ? Que serait la vie d’un macchabée ? Là, on comprend mieux Maurice Blanchot, lorsqu’il dit « Je suis du côté de la littérature, contre la philosophie ». En effet, la brièveté aussi aléatoire qu’éphémère de la vie semble certes nous inquiéter, mais là, le souci était de savoir comment se dérober à notre misérable condition d’humains, qui creuserait sa tombe en nous, jusqu’à ce que l’on tombe dedans, sous l’œil de Dieu.

Beaucoup de choses on été dites, allant de l’évidence du « bios » et « zoé » aux différents paradigmes tel « le baptême d’eau ou de feu », « le désert moral », « une seconde naissance par le baptême», « la vie sans échec », « Pablo Néruda, j’avoue que j’ai vécu », « être acteur de sa vie » ou « la rater », « vivre sa vie pleinement », « la vie exemplaire des grands Hommes », « la vie des grands Hommes », « comment vivre autrement, croissant avec l’art, la philosophie, l’engagement, réapprenant à voir », « Sarko et l’Afrique sans Histoire », « Rimbaud », « la fausse vie », « l’altérité », « aller à l’essentiel », « la vie charnelle ». Quelqu’un a rappelé que « l’on n’avait pas encore parlé d’argent, alors qu’il fallait apprendre à bien gérer », « Sénèque et la vraie vie », « Kierkegaard et le risque de la vie », « la peur de la perdre ». On cherchait l’originalité et beaucoup de choses ont été rapportées, ainsi que la question « qu’est-ce qu’une fausse vie ? Une vie loupée ou joyeuse », « Spinoza et le sens de la joie », « une vie minuscule », « la résistance à la mort », « chaque philosophe ayant sa propre définition de la vérité », « même Brigitte Bardot », un jeune acteur affirmant « qu’il faut s’adapter aux exigences de la réalité », « la biographie qui assume sa propre violence », « la vie étant ‘je’ », « la frime », « Casanova », « Blaise Cendrars », « Christian Bobin, et ‘Le voyageur immobile’», « vie vibration », « l’illusion de Virginia Wolff », « la vie du consommateur », « la construction de soi, un continuum », « penser la vie pour pouvoir la vivre »…

Puis, le dernier mot étant réservé à Gilles, il a transformé « vie et mort » en poésie.

Que cela ne nous empêche pourtant pas d’en rire car, si la philo se soutient du « sens », la littérature « laisse entendre », et un danger nous guette : qu’au lieu de philosophie, sans préjuger de qui anime, on débite des brèves de comptoir.

 

- La belle mère est morte… Que fait-on ? Ensevelir ou incinérer ?

- Les deux. On ne peut rien risquer…

Carlos