Débat du 9 janvier 2011 : « Celui qui aime l’Humanité n’aime pas les Hommes » animé par Gérard Tissier.

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Posted on 6th janvier 2011 by Cremilde in Comptes-Rendus

Janvier. Une fois éteinte l’étoile Spica, partis les Rois Mages et l’enfant de Marie venant d’être circoncis, quoi de 9 ? Le 9, il nous restaient des débris de la galette et qui dit galette dit fève. Et bien, au Café des Phares la légumineuse potagère était assez indigeste ; elle remonterait au XIXème siècle sous forme d’une impérieuse invective : « Celui qui aime l’Humanité n’aime pas les Hommes », indûment attribuée à Dostoïevski, mais l’animateur, Gérard Tissier, l’a prise sous son bonnet pour en faire le sujet de notre débat.

Ce n’était pas crédible, en raison de l’incohérence, l’humanité n’étant rien d’autre que l’ensemble des Hommes, des êtres humains qu’entre autres, il est vrai, le rire caractérise. Ainsi, les rois, qui n’étaient pas encore bien loin, se sont retournés sur la bosse de leur chameaux, puis, frappant avec l’index sur la tempe, ont poursuivi leur voyage rigolant et se disant qu’il devait s’agir d’une dispute oiseuse, basée sur la parricide lubie des « Frères Karamazov » portant à croire que le Divin se serait trompé sur la nature humaine, rendant du coup abominables les Hommes qui auraient la velléité d’aimer l’humanité, ainsi que la liberté, et jouiraient même d’un plus grand bonheur sans elle, alors que le russe insistait sur un espoir de rédemption pour eux.

Enfin. Dostoïevski ayant réellement avoué : « Plus j’aime l’humanité en général, moins j’aime les gens en particulier, comme individus », ce qui est bien différent de l’objet sur lequel nous nous sommes attardés, je suis porté à croire que le but de l’opération était de parler de la marotte de quelques-uns, l’AMOUR, fut-il maternel, tout le monde chantant qu’il en « a deux », et « avec lequel on ne badine pas », puisque l’on a évoqué d’entrée de jeu « le contact charnel par rapport à un lien abstrait » et même « la haine qui nous excite elle aussi, l’Homme n’étant qu’un prédateur parmi d’autres ».

Or, l’intéressant aurait été plutôt le décorticage, comme fait, idéal et idée, du concept d’Humanité (en opposition à celui d’animalité ainsi que d’inhumanité), dans ses dimensions biologiques, morales et métaphysiques allant du « sapiens-sapiens » jusqu’aux humains encore à venir, en conformité avec le plan pré déterminé de la nature et de l’espèce accomplie, voire parfaite, « non bis in idem » (pas deux fois la même chose).

Mais point du tout. Et nous voilà donc partis sur l’Amour. Lequel ? « Eros » ? La concupiscence ? Non. Celui-là est celui dont Socrate se disait être grand connaisseur. « Agapè » ? L’amour oblatif ? Non. Celui-là est celui du Christ pour son Père. « Philia » ?  Apprendre aux parvenus comment se tenir dans la vie » (Cioran), alors que « le souverain bien » est l’expression du désir de l’ensemble des humains, abstraction faite de toute appartenance religieuse, politique ou idéologique ? Va savoir, si l’on part du principe que « l’amour est déterminé par un certain choix » et que « l’Humanité est un risque » en acte pour les Hommes…

Et pourtant, il semblerait d’après des gens sensés que, comme il se passe avec un arbre tout simplement, l’avenir de l’Humanité repose sur l’intelligence collective qui s’accroît de façon exponentielle au profit du QI des individus. Or, le côté tragique du verdict en exergue attribué à Dostoïevski inverserait la problématique, négligeant une réflexion sur « les gens en général ou en particulier » au bénéfice d’une prosaïque question d’aaaamour qui a finalement transformé notre débat en un saugrenu remue-méninges.

Un arbre, pris pour juge dans la fable de La Fontaine « L’homme et la couleuvre », s’en sort avec la remarque suivante : « Si quelqu’un desserre les dents, c’est un sot, j’en conviens mais, que faut-il faire ? Parler de loin ou bien se taire. »

Carlos Gravito

Débat du 26 décembre 2010 : « Philosophie et Poésie » débat animé par Christiane.

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Posted on 22nd décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

En ruminant le thème « Philosophie et poésie » bien après son heure, animé par Christiane – à la fois attentive, modeste – elle intervient moins que nous, les autres animateurs – et pertinente, où il était beaucoup question de la différence entre philosophie et poésie, j’ai trouvé la métaphore suivante, empruntée en l’élargissant un peu, à Hölderlin : La poésie va vers la source du fleuve de la Vie, de l’Histoire, de l’aventure humaine, là où les formes symboliques et avant tout le langage naissent – Soulages le pratique en matière de peinture, je ne connais pas assez l’univers de la musique – tandis que la philosophie se porte plutôt vers son embouchure, vers la totalisation (ouverte et finalisée) de ce Fleuve.

Hölderlin a fortement inspiré le dernier Heidegger : « L’origine est devant nous », d’où son intérêt « philosophique » pour la poésie. Hölderlin nous a en effet averti qu’un fleuve ne coule pas seulement vers sa source mais aussi vers la mer.

Heidegger : « Poésie et philosophie sont comme deux sommets qui se touchent presque ».

Dommage que ceux qui considéraient poésie et philosophie comme contradictoires, voire incompatibles, n’ont osé intervenir, s’opposer à la majorité de ceux qui s’exprimaient ce dimanche là, que peu de temps avant la fin.

La conception plutôt scientifique se défend, elle ne lâche d’ailleurs plus les philosophes depuis la fameuse « révolution socratique » (300 ans avant J.C.), véritable coupure épistémologique qui nous aurait fait passer du mythos au Logos, d’une poésophie à une logosophie.

La confrontation, un peu tronquée faute de combattants, a simplement continué le lendemain de Noël 2010 aux Phares…

Gunter

Débat du 2 janvier 2011 : « Le village global est-il supportable ? » animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 22nd décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

L’année 2011 venait à peine de naître, au Café des Phares il était dix heures trente du 2 Janvier, en Nouvelle Zélande on roupillait déjà dans la nuit du lendemain ; c’est dire combien est vaste notre planète. Alors, la taxer de petit trou, minuscule patelin ou bled insignifiant (des lieux, certes isolés et pauvres en ressources mais charmants et pleins de vie), a semé le doute dans le crâne des participants au débat du dimanche qui, ayant fini par se demander « Le ‘village global’ est-il supportable ? », amena l’animateur, Daniel Ramirez, a accueillir la suggestion, afin que l’on y vît plus clair.

En effet, le village en question ne se trouvant pas au Club Méditerrané, nous avons vite compris qu’il s’agissait d’un autre, composé de plus de 400 régions différentes du globe mais, si en raison de cela on le considérait insupportable, il valait mieux faire les niais parce que le hameau riquiqui qui avait été pris pour unité de mesure se limite au mieux à trois ou quatre maisons. L’autre, l’« insupportable », ne tient pas compte des distances, moteur du dialogue et des nouveaux paradigmes où se trouvent la différence ainsi que l’originalité, afin de témoigner plutôt d’une singulière efficacité concrète, amorce de l’étonnante fécondité de la pensée. Il ne s’apparente donc pas à un simple village, n’en déplaise à McLuhan, celui du Medium et du Message ; c’est une immense Babylone, une mégapole à l’échelle de la Terre, polyglotte, cupide, émaillée de zones d’atterrissage, traversée par des autoroutes ou voies ferrées, et où, insaisissable, l’argent défile à la vitesse du son sur les écrans des Traders, pour aller se diluer dans des éthérés paradis, aussi fiscaux soient-ils. 

En somme, la question portait par conséquent sur un monde d’Hommes, une totalité que l’Histoire a dessinée à partir de la « koinè » grecque, qui a suivi la « route de la soie », « les mers jamais auparavant naviguées », « l’âge des lumières » et « la révolution industrielle », jusqu’au chaos de la fin du siècle passé et la ruine définitive de certains Etats ! Peut-on qualifier de « village », fut-il « global » de surcroît, un univers dont l’intelligence intrinsèque nous chasse ? Si l’on considère en outre la diversité culturelle, qui inclut les courants religieux et philosophiques, d’un « village » d’environ six milliards d’individus parmi lesquels des centaines de milliers sont des migrants affamés… (migrants vers où ?, est-on, dans de telles circonstances, en droit de savoir), d’autres étant des touristes qui se déplacent de pays opulent en riche nation, toujours dans ce même « Village Global » qui par définition n’a pas d’Ailleurs, on se demande où est la Ville, le Chef Lieu, avec ses édifices administratifs, ses monuments aux morts, ses cinémas, ses bordels ?

Pourtant, il y avait parmi nous des participants prêts à dire que l’on pouvait, dans ce coquet « Village Global », type Phalanstère, améliorer l’ordinaire « en mettant nos intérêts en commun », mais je n’y crois pas. Même dans un « Village Restreint », perdu dans les sentiers du « Village Global », ça ne marche pas… On a tout essayé, les idées les plus généreuses comme les plus saugrenues. Le fait est que l’inégalité des revenus et des naissances, l’avidité, la jalousie, les mesquineries et autres étroitesses d’esprit liées à notre égoïsme ou à notre perfidie, scellent nos destins de la même manière que le tic-tac des comptes à rebours celés dans les entrailles des armes nucléaires de je ne sais plus quel Village Global. 

Je perdais le nord ; à quoi nous sert une masse grise si le « cœur » n’y est pas ?

« Ne pense plus à ça », me disait mon père lorsque je lui parlais de conneries de ce genre. « Village Global ou pas, le monde dépendra de tes rêves. Va te coucher ! »

Il n’avait pas tord. Une fois que l’on a bien dormi sur nos deux oreilles on est soulagé de toutes ces sornettes et on se rend compte que le monde n’est pas un lieu, un village, mais le temps d’une vie.

Carlos Gravito

Débat du 19 décembre 2010: « Dieu est-il soluble dans l’Univers ? » animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 13th décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Ayant, à l’approche des événements les plus emblématiques de l’année, noyé dans l’alcool mes inquiétudes métaphysiques, bravant l’inclémence du ciel, je me suis rendu le 19 Décembre au Café des Phares où, sous la houlette de Daniel Ramirez, l’on se demandait : « Dieu est-il soluble dans l’univers ? », comme si l’univers était de l’eau bénite ou un solvant capable de se charger d’autres substances plus subtiles, en l’occurrence Dieu.

Ceux qui ont fait de la chimie connaissent la procédure, c’est-à-dire, qu’une fois la tâche achevée, les solvants sont incinérés ou recyclés, à moins de s’évaporer tout simplement restituant les matières inaltérées, le retour du divin dans notre cas. Or, si l’on est dans la négation d’un Créateur, il est absurde de vouloir juger de ses qualités par celle des créatures et, dans cet ordre d’idées, parler de « concept » à son propos revient à la formulation d’un discours qui se charge d’un sens où quelque chose est révélé, certes, mais c’est le vide.

L’agnostique étant le plus fervent des croyants, comme si l’on avait pété le joint de culasse de l’entendement, à force de « Constantes de Planck », de « Quanta » ou de « Relativité Générale » due à Einstein,  nous avançâmes de tautologies en lapalissades, d’apories en contradictions, suivant un raisonnement indéterminé fait de la simple répétition des mêmes propositions jusqu’au néant, de mode à aliéner tout jugement, attitude présomptueuse de celui qui croit pouvoir décrypter le discours cosmique, un langage distinct du nôtre, ou la grammaire de l’Auteur qui se garde bien de se saborder dans son œuvre : « aion », l’acte pur de l’être, l’éternité ou le temps substance, la durée sans détermination chronologique, dont un dérivé est « aidios », l’éternel, la force vitale sans restriction, selon Benveniste.

 Ainsi, qu’il s’agisse d’« Elohim », « Dieu » ou « Allah », les trois religions monothéistes dites du Livre donnèrent lieu à des obédiences diverses dans un système immanent de croyances, accordant un nom à cet innomé qui, bénéficiant de tous les attributs magnifiants : puissance, omniscience, éternité, bonté, désigne l’Etre transcendant créateur « ex nihilo » de l’univers et de l’existence des Hommes, la Théologie (qui se distingue de la Philosophie par la singularité de sa gymnastique dialectique) interprétant de manière rationnelle leurs rapports à la Foi, à la Révélation et aux Dogmes élaborés par les Eglises en rapport avec l’Ecriture, la Tradition, la Grâce, l’Eschatologie et la Raison, sans la prétention de décrire la structure physique de l’univers ou de s’y insérer, sauf à appeler au respect de la Création.

En ce qui me concerne, je me suis dit que si Dieu était dissous dans l’univers, il n’y avait plus personne là haut et, m’accrochant à quelque chose prélevé dans le « Livre de l’Intranquillité » de Bernardo Soares (Fernando Pessoa) : « Il y en a qui trahissent leurs rêves, d’autres n’ont pas de rêves et les trahissent tout autant », certain que sans rêver un monde meilleur on ne peut pas révéler celui-ci, fini le débat, je me suis accoudé au bar décidé à me charger de la prochaine tournée, fut-elle un déluge, lorsque, verre à la main, un retardataire retenu par l’abondante neige, s’adressa à un autre consommateur déjà assez imbibé, lui lançant :

- Dis, donc ! Qu’est-ce qu’ils racontaient ? Dieu s’est-il dissous dans l’univers ?

- Penses-tu ! Il l’a ingurgité cul sec !

Carlos Gravito

Débat du 12 décembre 2010 : « Pourquoi fait-on des enfants ? » animé par Gérard TISSIER.

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Posted on 8th décembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Grand était mon étonnement dimanche dernier aux Phares (« Pour/quoi fait-on des enfants ? ») lorsque j’y ai entendu affirmer haut et fort : « Ici, je ne veux pas de témoignage de vécus !».

A ce sujet, je voudrais citer deux textes, le premier étant la critique d’un livre qui vient de sortir, « La traversée des catastrophes » (Philosophie pour le meilleur et pour le pire) de Pierre Zaoui. : « Une nouvelle génération de philosophes se lève, qui ne recule devant rien. Les femmes et les hommes qui lui donnent souffle partagent la même conviction : la pensée ne vaut pas une heure de peine quand elle néglige l’expérience vivante des hommes. Toute l’expérience, pour le meilleur et pour le pire – le miel et la boue, la joie comme les larmes, les lendemains qui chantent mais aussi les petits matins glauques. […]  Telle est la vieille leçon du « Parmenide » de Platon, qui exhortait le philosophe à unir théorie et pratique, spéculation et éthique, afin de bâtir une métaphysique  « du poil, de la boue et de la crasse ». (Pierre Birnbaum in « Le Monde des livres »  daté du 29 oct. dernier).

Il faudrait, peut-être, corriger ce diagnostic d’une nouvelle génération de philosophes, en remarquant que depuis toujours la philosophie s’est méfiée comme de la peste de l’abstraction et qu’elle vise depuis toujours à réunir la Vie et le Concept en mettant tantôt l’accent davantage sur l’un et tantôt sur l’autre.

La philosophie, pour Hegel, par exemple, vise l’universel concret, autrement dit, à éviter deux écueils, celui d’une pensée enfoncée – et donc aveugle – dans la pratique, d’une part, et d’une autre se perdant dans le ciel des Idées exsangues, d’autre part. N’est-ce pas une fausse ou plutôt trop simpliste interprétation de Platon et du platonisme qui oppose traditionnellement un Aristote réaliste à un Platon idéaliste (cf. le fameux tableau dont j’ai oublié l’auteur et qui montre Aristote pointant vers le sol et Platon montrant le ciel) ? Et en paraphrasant Kant on peut ajouter qu’un concept sans expérience serait vide et une expérience sans concept aveugle.

Le deuxième texte traite de la philosophie de Pierre Hadot :

« Et c’est ce qui permet de faire le départ entre une philosophie sans réel enjeu existentiel, car elle n’ambitionne que de créer des concepts, et une philosophie s’efforçant à l’autonomie, au sens où elle se veut expérience totale, de vie et de pensée. C’est ainsi que l’on peut comprendre ce phénomène remarquable bien souligné par Pierre Hadot, consistant dans la résurgence périodique […] d’une compréhension de la philosophie comme discipline vécue, impliquant une démarche de transformation intérieure totale du sujet philosophant. Et ce sont Montaigne, Descartes, Pascal, Kant, Goethe, Schopenhauer, Nietzsche, Thoreau, Wittgenstein, Merleau-Ponty entre autres, qui constituent autant de phares de la modernité » (in « Pierre Hadot, l’enseignement des antiques, l’enseignement des modernes «  sous la direction d’Arnold I. Davidson et Frédéric Worms, Editions Rue d’Ulm, 2010, p. 44).

Je soutiens que toute véritable philosophie ne peut se soustraire à la tâche d’articuler le Concept avec la Vie, selon des proportions et lignes de force, certes, à chaque fois différentes.

Comme le recours à l’expérience, particulièrement important à mon avis pour le sujet du jour (« Pour/quoi fait-on des enfants ?) avait été étouffé dans l’œuf, les échanges portaient surtout sur des considérations abstraites, sociologiques, économiques, historiques et ethnologiques…

Gunter Gorhan

Débat du 5 décembre 2010 : « Je pense, donc je nuis » animé par Sylvie Pétin.

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Posted on 30th novembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Malgré le froid, engoncé dans mes cogitations en guise de pardessus, je me suis adressé le 5 Décembre au Café des Phares, où Sylvie Pétin, chargée de conduire l’habituelle séance à caractère philosophique, a choisi comme sujet « Je pense, donc je nuis ». Autrement dit, « Je nuis parce que je pense », ce qui n’est pas bon pour la pensée, ni pour la logique, ni pour le Cogito Cartésien, mais avait l’air d’exciter la meneuse du débat.

Essayant alors de faire le grand écart entre Descartes et Rousseau, l’animatrice n’a pas pu se relever et, malgré ses appuis sur Protagoras, Spinoza, Kant, Hannah Arendt, ou même l’Ane de Buridan, elle a été incapable de se départir d’une flagrante mauvaise foi qui l’a amenée à légitimer les malfaisances de chacun à l’aide de l’évidence intuitive du fondement de la conscience de soi, une valeur ontologique exprimée par le « Je pense, donc je suis ». Braquée dans une attitude dénaturée qui consistait à rapprocher l’éventuelle posture malsaine d’un Homme à celle d’un animal dangereux, de concert avec l’illustre assistance, elle prétendit en somme que le premier serait dépravé en raison de son privilège de penser ; faisant feu de tout bois, elle a essayé de prouver par A plus B qu’une telle prédisposition à nuire avait des liens avec ses capacités de réflexion,  à l’origine également du Mal absolu dans la civilisation occidentale, alors qu’un être humain normalement constitué ne nuit que s’il ne pense pas. Y a-t-elle pensé ?

 

Carlos Gravito

Débat du 28 décembre 2010 : « Le sens des mots » animé par Alexandra Ahuandjinou.

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Posted on 26th novembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Au lendemain d’une sévère défaite de 59 à 16 essuyée par le XV de France face à l’Australie et qualifiée « d’insensée » par la presse, le 28 Novembre, à l’heure convenue j’étais au Café des Phares pour assister au débat dominical animé par Alexandra Ahuandjinou dont le sujet, de circonstance, était « Quel est le sens des mots ? »

Comme s’il s’agissait d’un schmilblick à faire progresser, ou tel si, pour ouvrir une porte sur laquelle est marqué « tirer » il fallait se demander longuement où est le tire-bouchon, sinon le lexique, nous étions sensés aller « nous entretenir du langage, objet du sens des mots et réfléchir sur cette faculté des Hommes de se parler » mais, comme il fut objecté que « le dictionnaire pouvait bien nous aider dans la recherche du sens, l’ennui étant qu’il le fait à l’aide d’autres mots et que, dans ces conditions, l’on pouvait tourner en rond pendant longtemps ». Il a été avancé alors que « les mots n’ont pas de sens mais qu’ils le prennent dans le langage de façon passionnelle » mais, une question étant posée : « Trouvons-nous les mots, parce que nous les pensons au fur et à mesure, ou pensons-nous avec les mots disponibles de notre fabrication ? », selon l’habitude, on se fraya un chemin à travers champs, l’un disant « que les mots sont ce que nous faisons et pas ce que nous disons », d’autres que « ‘papa’ a bien un sens », « comme l’a aussi une note de musique » et « que, comme la vie, ils naissent, vieillissent et meurent », pour « être revitalisés par le poète », car « le mot nomme les choses mais n’en est pas une ».

Enfin. Le bon sens nous poursuivait mais nous étions plus rapides, engagés devant lui dans un discours doloriste. Pourtant la limpidité des mots était parfaite, au point d’être notre seul outil d’échange, mais dans ce qui va de soi se glissent souvent des tas d’interrogations sans fin, oubliant que, parfois, il suffit de dire la même chose d’une autre façon pour que tout se débloque, car c’est très simple : comme l’index indique, les mots montrent ce qui va sans dire, cependant ce qui est, tient de ce que l’on dit et là, ça se complique. Une chose est sûre : tout le monde sait que les mots, visibles dans nos livres et taillés souvent dans la pierre, sont des unités linguistiques signifiantes définies à l’aide d’autres termes équivalents, inventés au fur et à mesure, et leur sens est de faire partie du discours, formant ainsi le socle de nos connaissances élémentaires. Ce qui reste d’indéfinissable ce sont les individus qui nous entourent et nous-mêmes ; se connaître soi-même, sauf par ses propres rêves, c’est une mission impossible car l’âme refuse le corps. Elle ne tremble pas, ne rit pas, ne travaille pas, ne baise pas et se passe de boire.

Alors. Sachant donc qu’un mot peut avoir plusieurs sens, (le propre et le figuré) et deux mots différents sont susceptibles d’avoir le même, auquel cas ils sont synonymes, il n’y a pas de raison pour s’en faire une jaunisse. Si l’on cherche ses mots, c’est parce qu’ils ne se trouvent pas forcément au bout de la langue ; du latin « muttum », ils sont des grognements. Le fait est que, n’obtenant pas de satisfaction, du Sens, une idée générale qui n’offre pas de mystère, nous sommes passés à la Signification, partant de l’étrangeté de « la tête en sandwich », une simple hyperbole, au fond ; une figure de style référenciée dans les abrégés de rhétorique qui entérinent l’emploi de la substance verbale.

Résumant. Bien qu’un nébuleux recensement de ce que nous ignorons suffirait à nous pourvoir du bon sens nécessaire pour traîner dans le terrain vague de la pensée, tel un parfum, la philosophie est un liniment (mot dont l’acception est : « substance médicamenteuse pour frictions sensibles »), obtenu à partir d’un langage spécifique et rien de plus, le but étant de persuader l’autre sans se faire niquer par lui, et notre performance « logos » hebdomadaire ressembla à un gilet de sauvetage pour « l’éthos », même si l’animatrice, qui de toute évidence avait très bien préparé son cours, a fait la classe de main de maître.

Pour terminer et bien établir la distinction entre les Mots et les Choses, je tiens à vous rappeler le poème fort connu de l’Abbé de l’Attaignant qui finit par « Madame, passez-moi le mot et je vous passerai la chose ».

Carlos Gravito

Débat du 21 novembre 2010 : « Peut-on être sans le verbe avoir? » animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 15th novembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Débat du 14 novembre 2010 : « Peut-on s’empêcher de généraliser ? » animé par Gérard Tissier.

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Posted on 10th novembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

Débat du 7 novembre 2010 : « Peut-on vivre sans tenter de nouvelles expériences ? » animé par Sylvie Pétin.

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Posted on 2nd novembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

 

Au lendemain d’un énième bras de fer entre le Peuple Soufferant et l’Exécutif nommé par le Président de sa République, le 7 Novembre, Sylvie Pétin a choisi pour sujet, au Café des Phares, « Peut-on vivre sans tenter de nouvelles expériences ? », une considération qui avait déjà fasciné le professeur Tournesol mais que, évocatrice de MotoCross, de Kayak de rivière et des paisibles jeux d’enfants comme la Trottinette ou leurs coups de pied dans des taupinières, l’animatrice fit sien le risque de s’en emparer.

Pour avoir, une heure avant le débat, tenté en vain l’expérience, pour moi nouvelle, d’ouvrir un sac en plastique tout neuf au supermarché, je craignais le casse-pipe du point de vue théorique, vu ce soudain doute de la vie si elle n’était pas abondamment engraissée au jour le jour jusqu’à l’indigestion, un engouement qui éveilla en moi le souvenir du proverbe africain : « qui avale une noix de coco doit faire confiance à son anus », d’autant plus que dans la salle « ça poussait derrière », comme on dit aux enchères.

C’est ainsi que, l’auteur du sujet ayant entamé la pomme avec « la tentation est facteur de transgression, mais il y a des expériences pas encore tentées, au-delà des limites propres à chacun », d’autres jugements furent portés tels que « chaque mot a un sens et est utilisé volontairement » ou, « puisqu’il faut prendre des risques » « ne serait-ce que ‘d’être un Homme’ comme dit Ricœur », « je préfère que ce soit aux autres d’en faire l’expérience et je m’adapte » « même si elle est ratée, étant donné que ça permet d’aller plus loin ». Il y en a qui « y voyaient une notion d’aventure plus que de risque », comme celle « d’un Candide cultivant son jardin », « Ulysse son épopée », « le désarroi se plaçant face à l’expérience du bonheur sans savoir qui est ‘je’ et qui est ‘moi’ », « un côté transgressif vis-à-vis d’un projet », « une expérience » contrée « par le terrorisme, un défi à la communauté humaine tenue ainsi de réfléchir sur elle-même » et enfin, d’autres expérimentations telles que le « touche-pipi », jusqu’à la question cruciale « à quelle condition peut-on dire qu’il y a expérience ? », notre poète ayant fini par convenir que « l’Homme est un risque à courir ».

Puisque je m’étais senti humilié lors de ma mésaventure en faisant les courses, le soir venu, regonflé à bloc pour avoir apprivoisé le bilboquet à la cinquième tentative, j’ai renoncé à ma petite existence de patachon et décidé de mener la vie à bâtons rompus, me dédiant à l’aventure extrême, exaltante et pointue, c’est-à-dire de, rampant à poil dans le désert, réussir le Paris-Dakar en solitaire et sans assistance, un retour aux sources qui ne peut pas s’effectuer dans la cuisine ou dans la salle de bains, mais conduit d’ordinaire à la connaissance de soi en raison de la difficulté de la progression, une expérience nouvelle que finalement personne ne tente par manque de sponsor, alors que le coût du matos nécessaire est pratiquement nul.

Il en résulte que l’expérience se résume à une recherche qui défie le vécu, dont on ne fait plus l’apprentissage. Ainsi, si chercher et vivre sont deux réalités opposées, considérant que la vie est le contraire de la mort, tel que le sous-tend la question en débat, on mourrait sans atermoiement à chaque instant où l’on n’entreprend pas une nouvelle expérimentation, l’alternative étant de devenir marteau, en dépit du fait que nos problèmes ne sont pas des clous, notre corps n’est pas un terrain de manœuvres et vivre, une piste pour s’exercer à lancer des nains.

Alors ?   Peut-on vivre ou non, sans tenter de nouvelles expériences ? Pourquoi pas ? Où serait le problème ? D’un côté, dixit Albert Camus, récompensé du Prix Nobel pour l’avoir énoncé, la révolte s’avère être l’unique moyen de vivre sa vie dans un monde absurde, de l’autre, le seul problème philosophique sérieux serait le suicide. Eh bien ! Si, question de vivre, il vous arrive l’envie de tenter une nouvelle expérience exceptionnelle et que vous vous trouviez seul, composez le 01 42 96 26 et faites ce que l’on vous dit en attendant les secours. Surtout ne tentez pas de prendre plus aucune nouvelle initiative.

Carpe diem !

 Carlos Gravito

Débat du 31 octobre 2010 : « Pourquoi sommes-nous méchants ? » animé par Gérard Tissier.

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Posted on 2nd novembre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

IL FAUT CHOISIR…

Entre un dimanche de Toussaint ensoleillé passé en vacances en dehors de Paris, et le même passé à philosopher dans l’enceinte du café des Phares sous une véranda qui est un appel à l’évasion, beaucoup ont choisi la première alternative, d’où les rangs clairsemés  du café ce dimanche 31 Octobre ; incroyable, il y avait des chaises disponibles dans l’enceinte qui nous est chichement attribuée de 10h30 à 12h15 dorénavant.

Entre les deux sujets que l’animateur Gérard  avait présélectionnés pour les soumettre à notre suffrage, il a fallu que l’audience choisisse. Et contre son avis, qui penchait pour un sujet sur l’autorité, le peuple philosophe a choisi à mains levées un sujet beaucoup plus populaire, beaucoup plus jubilatoire, beaucoup plus …enfantin : « pourquoi sommes-nous méchants ? » Certes, il y a, dans l’énoncé, le « pourquoi philosophique », certes il y a aussi le « nous » ontologique (n’ayons pas peur des mots !) mais il y a aussi le « méchant » enfantin, , pas grave , primesautier, mauvais, malheureux, médisant, rosse, venimeux, malintentionné …Mais vox populi, vox philosophie !

Entre les personnes qui proposaient un sujet en s’engageant à rester jusqu’à 12h15 pour le défendre, et celles qui proposaient un sujet et avertissaient qu’elles s’en iraient au bout d’une heure de présence, l’animateur a choisi la seconde alternative. Ainsi il accordait une reconnaissance de fait aux prima donna qui pensent qu’elles ont trop de choses importantes à faire le dimanche pour consacrer plus de 60 minutes chrono à cette réunion qu’on appelle…dites-moi ça encore, ah oui, un « café-philo ».

Par contre on n’a pas choisi durant le débat. Dès le début, André, qui a proposé le sujet choisi, a  fait son introduction en invoquant Kant  –pas moins – et en nous mettant face aux préoccupations contemporaines alors que d’autres remarquaient l’insoutenable légèreté du mot « méchant » digne de la garderie d’enfantsl Ensuite, on a oscillé entre le méchant qui écrase l’orteil des voisines et la « malitude » d’un Pol Pot ou d’un Hitler, entre le méchant qui tape sur le tibia de son frère et le « pervers » qui fait volontairement mal à l’autre, entre le méchant qui naît ainsi  — René Girard à l’appui — et celui qui le devient par ce qu’il a vécu. On en profite pour différencier le méchant du pervers et du mauvais et les motivations d’un Yago de celles  des prêtres pédophiles. On va même jusqu’à condamner l’esprit de compétition qui mine notre société et sans lequel elle serait une société sans méchants ! Il faudra bien un jour discuter cette croyance tellement de chez nous que tout le mal vient des Américains.

Bref, la tambouille habituelle du café des Phares quand on ne prend pas soin de définir et de cerner  ce dont on veut parler.

Et pour conclure, mesdames les philosophes, cette citation de Nietzsche :
  »Au fond du coeur, l’homme n’est que méchant, mais au fond du coeur, la femme est mauvaise »   Friedrich Nietzsche
Comme quoi on peut devenir un grand philosophe et être un piètre psychologue, misogyne et grossier.

Georges TAHAR

Débat du 24 octobre 2010 : « Que doit-on faire de nos peurs ? », animé par Yves Cusset.

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Posted on 19th octobre 2010 by Cremilde in Comptes-Rendus

La France est soucieuse. Entre manifs, blocages, pénuries, réquisitions, interpellations, violences et chaos financier, il y a beaucoup de grain à moudre, raison pour laquelle, sans doute, le 24 Octobre, le philosophe et homme de théâtre, Yves Cusset, a choisi pour thème du débat au Café des Phares, le sujet « Que doit-on faire de nos peurs ? »

L’auteur de la question, ayant visiblement bien réfléchi a sa proposition, commença donc par définir chaque mot :

Que : pronom interrogatif appelant à la justification d’un casse-tête.

Doit : verbe transitif renvoyant à une obligation morale ou aux convenances.

On : pronom indéfini de troisième personne qui fait la fonction du dindon de la farce. Il a le même rôle du « il », dans « faut-il », sans vouloir retourner la selle des Amazones du Droit.

Faire : verbe transitif qui a le sens d’entreprendre.

Peur : nom féminin désignant la prise de conscience d’un danger.

Le papier était mâché, il ne restait plus qu’à faire la boulette.

Il a été noté qu’il s’agissait « d’une réflexion philosophique et pas psychologique comme la peur des araignées, etc. », mais certains « y voyant un moyen de survie », d’autres  « un manque d’information », « voulaient aller même au-delà des craintes et des angoisses »,  pour ne pas « rester au niveau des émotions primaires », comme « la burqa ou l’action gouvernementale qu’il faudrait plutôt dénoncer, la peur collective n’existant pas »,  et d’autres encore « qu’il y va de nos peurs comme de nos désirs ; certains sont médiocres, d’autres nous construisent en vue d’une meilleure qualité humaine », l’animateur concluant « qu’il faut torpiller la peur pour ne pas rester dans la torpeur ». Il nous l’a fait à l’estomac, et pour cause…

Au bout du compte, assis devant nos tasses de café comme si l’on était dans une partie de chasse au lion ou en haut d’un pont pour un saut à l’élastique, on a passé une heure et quelque à nous demander ce qu’il fallait faire de nos frayeurs. C’est donc plus long à dire qu’à opérer, ou alors le cas serait tellement désespérant qu’il n’y avait rien de fonctionnel à entreprendre à part jacasser. Or, « si on peut le dire, on peut le faire », assurait Napoléon et, ne cherchant pas à verbaliser ses frissons d’angoisse, le pétochard voyage plutôt du côté du signal d’alarme au lieu de se pendre, comme conseillait Zola. En effet, dès que l’on a les chocottes on pète certainement de trouille, mais il faut savoir que dans une telle circonstance on a les miches à zéro et il est inutile de serrer les fesses ; on finira par faire dans son froc. Que foutre, alors ? Se défiler ou faire dans son falzar ? Réponse : il faut se réconcilier avec son ventre ; les tripes coincent au niveau de l’intestin grêle et il est urgent de « faire ». Faire, c’est réaliser quelque chose hors de soi, que ce soit un caca, une pendule, des confitures, du macramé ou un poème, et point des Lois grossières ou des obscures Destinations, des véritables galères qui grossissent nos peurs.

De grâce donc, surtout ne vous cabrez pas. Sachez que tous les Hommes ont peur ; tous ! Celui qui n’a pas peur n’est pas normal ; ça n’a rien à voir avec le courage. Avoir peur, ça concerne l’imagination. La frousse ne nous entrave pas les pieds, elle nous donne même des ailes aux talons lorsque nous nous trouvons devant une effroyable colonne de CRS, et je dois dire que ma plus grande crainte est celle d’un jour prendre les choses au sérieux ; là, par exemple, je balise et je m’emballe, me pressant d’en rire, quitte à emmerder tout le monde pour ne pas être obligé de pleurer.

Carlos Gravito