Débat du 3 Avril 2011: « Quel est le poids de l’impondérable? », animé par Gunter Gorhan.

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Posted on 4th avril 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Comme il faisait beau, le samedi 2 Avril, je suis allé m’asseoir au Jardin du Luxembourg, lisant le magazine « Chronic’art » où il était question du « renversement du monde », ce qui ne fut pas sans me rappeler Archimède proposant de soulever l’univers, si jamais on lui prêtait un levier. Puis, la vie étant le lieu le plus parfait pour les vraies expériences, jetant un œil sur le public, j’ai pu observer le désespoir d’un enfant dont le ballon avait échappé à ses mains pour s’élever dans l’air jusqu’à disparaître au-dessus des platanes de la Fontaine Médicis, tandis qu’un autre malheureux perdait le sien qui, emporté par le vent, s’immobilisa à la surface de l’eau du bassin octogonal, coincé entre deux petits voiliers contre la fontaine centrale. Le lendemain, 3 Avril donc, laissant mes souvenirs remonter à la surface, je me suis laissé entraîner au Café des Phares, à la recherche d’une signification pour tant d’interrogations, et le sujet du jour, animé par Gunter Gohran, était justement : « Quel est le poids de l’impondérable ? »

Eureka !!! De toute évidence, tout bien pondéré, la clé de l’affaire se trouvait dans l’exploitation du génie de notre illustre mathématicien qui, du levier à la baignoire a tout chamboulé allant de « Pi » jusqu’aux grains de sable. Mais là, la matière philosophique en jeu étant assez délicate, il valait mieux faire appel au Trébuchet, la balance la plus sensible et juste, laissant de côté les poulies, les roues dentées et les vis sans fin de l’inspiré géomètre.

C’est ainsi que nous en sommes venus à « la clé USB qui, chargée de données ou pas, représente toujours le même poids » (de la même façon que moi, après avoir lu « Les Luziades » n’étais pas ce matin plus lourd qu’hier), mais on a remédié au cafouillage remplaçant « poids » par « capacité » et établissant la « différence entre l’esprit et le corps », ainsi que « la voix et le chant », jusqu’à ce que l’on découvre que le roi était nu, ou mieux, qu’il « s’agissait en l’occurrence d’un oxymore », vu que « l’on ne peux pas peser ce qui est dépourvu de poids », que « le poids d’un même objet n’a pas la même lourdeur sur terre et sur la lune », « rien ne se perd rien ne se crée », « la légèreté de l’être est insoutenable » et « l’effet papillon » n’aura bientôt plus d’ailes à déployer. Même « l’impondérable du regard », « la liberté écornée », « le souffle du mourant », « un livre inédit », « l’enfer constitué par les autres » ou « les suicides chez Télécom », seraient autant d’improbables qui nous revenaient sur la tronche comme « des pétards mouillés », « l’impensable n’étant pas l’impondérable mais l’imprévisible », « la langue pensant à notre place en raison des conditions de causalité ».

Néanmoins, j’ai entendu aussi que, « livré au hasard, déraisonnable et excessif, l’impondérable a du poids, dès lors qu’agissant, bien que difficile à saisir. C’est une inconnue celant un vouloir qui s’oppose à notre volonté de toute puissance, et ce n’est qu’après coup que l’on peut le mesurer ».

Voilà une bonne raison pour considérer que l’impondérable est hasardeux, aléatoire, problématique et incertain. « Quel est le poids de ce qui n’a pas de poids » ressemblant à une de ces questions que l’on trouve d’habitude à l’intérieur des Apéricubes au différentes saveurs de « La Vache qui rit », afin de chercher une approche simple et cohérente pour expliquer le niveau élémentaire de la doctrine d’Archimède à propos du lourd et du léger, j’ai pensé que, pour une fois, au lieu de bavasser, il aurait été judicieux de nous prêter en toute candeur à une expérimentation simple (comme à l’école maternelle), aidés d’une bassine d’eau, quelques pots de yogourt, ainsi que de la pâte à modeler, du riz et d’une cannette de coca-cola. Mettant les pots à flotter dans le bac, on les remplirait de pâte, riz ou de boisson gazeuse, nous arrêtant juste avant le naufrage des petits pots pour procéder ensuite au pesage des produits utilisés. Résultat : point de surprise ; poids identique du ballast de chacun des récipients et de la quantité d’eau déplacée.

En ce qui concerne les ballons qui tant impressionnent les enfant et les adultes, c’est clair que le ballon de baudruche ou de foire, dans lequel on insuffle l’air de nos poumons, va rester au raz des pâquerettes, tandis que celui qui est gonflé à l’hélium se maintiendra en l’air, la mesure de la pesanteur étant la force de pression d’un corps vers le bas, en rapport avec sa masse.

Moralité : tout objet matériel ou intellectuel peut devenir un fardeau en somme, étant donné que « Poids » vient du latin « pondus », lourdeur, même si pour remplir l’heure on a divagué à la légère sur tout. Tout sauf le « poids » comme unité d’évaluation sensée tenir compte de ce qui ne produit aucun effet sur le raisonnable, ou alors, si l’on veut ergoter, sur l’importance (poids) d’une action qui n’est pas vraiment admise bien que déterminante ; quelque chose qui s’avère nulle si elle n’est pas de nature à désaxer l’instrument de mesure ou pas assez pertinente pour le déséquilibrer, nous cantonnant dès lors au rôle de l’inattendu qui est toujours là où on l’attend le moins.

 

Carlos Gravito