Débat du 13 novembre 2011: »La Démesure; toujours plus! », animé par Sylvie Petin.

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Posted on 14th novembre 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

M’étant arrêté le 13 novembre pour acheter « Le Monde » dans le kiosque à journaux qui se trouve en face de la Banque de France, j’ai parcouru vite fait le Magazine « Entreprendre », où il était question de « créer des entreprises avec une idée » et de « jeux avec l’euro » ou encore de « prêts pour jeunes micro entrepreneurs », « comment danser avec des milliards » sans  négliger les « crêpes dentelle », ainsi que les « thermomètres textiles » suivis d’autres saga d’exploitants en herbe. Puis, me faufilant dans la cohue des consommateurs présents au Café des Phares®, j’ai pu trouver une place au fond de la salle, afin d’assister au débat philo sur « La démesure, toujours plus ! », que Sylvie Petin se proposait d’animer.

Ça tombait pile-poil, au vu de ce que l’on endure ces derniers temps, et l’on a mis immédiatement l’accent sur l’avidité et la cupidité en tant que risques majeurs pour les sociétés qui ne se donnent plus de limites, « tout est possible » devenant le nouveau paradigme de chaque Facebook, alors que le « toujours plus » pose des problèmes, et que « Les tonneaux percés des Danaïdes », Diogène qui se dispense de son gobelet, ainsi que l’abus du scanner, furent avancés comme illustration du gâchis.

Etait-on au diapason ?

Comme il fallait s’y attendre, surgit alors l’«ubris » grecque, ou la « démesure grandeur nature », et avec elle « les Symphonies de Beethoven au service de la Publicité », « le Nombre d’Or », « les voyages sur la Lune », « le Château de Versailles », « le Tsunami », « tout ce qui dépasse l’ordre de l’Humain » et lui fait « péter les plombs », le « toujours plus », « la jouissance illimitée dont parle Dany Robert Dufour dans ‘L’individu qui vient… après le libéralisme’ », « un autre modèle d’Homme issu du Monothéisme de Jérusalem et du Logos et la Raison arrivés d’Athènes », suivis pêle-mêle de « l’action d’Alexandre le Grand », du « Roi Midas », de « l’Art Contemporain », du « portrait de Jésus en Larmes de merde » et de « la sentence de Protagoras, ‘L’Homme est la mesure de toute chose’ », ainsi que de « la maxime orientale ‘Fermez votre main vous posséderez le vide, ouvrez-la vous posséderez l’univers’ ».

Où faut-il s’arrêter ? Est-ce quand ça déborde que l’on ferme le robinet ? Comme, plagiant Epictète, disait en 68 le Premier Ministre, Pompidou, à propos de la « chienlit », « Une fois que l’on a dépassé la mesure il n’y a plus de limites », tel que l’on peut constater, ce n’est pas parce que l’on sort l’« hubris »  de sa manche que l’affaire est réglée.

Pour les grecs, le destin, à rapprocher de Moïra, est la part de malheur ou de bonheur impartie à chacun, et l’Homme qui commet un abus est coupable de vouloir plus que la portion qui lui revient. Dès lors, le châtiment de l’« hubris » est la « némésis », un sentiment violent et vengeur qui, par un souci de justesse, fait retourner l’individu à l’intérieur de ses limites « l’hamartia », une espèce de batte à deux bouts permettant l’erreur ainsi que la folie. A elle s’oppose la sagesse « sophia », une maîtrise des désirs par la raison et la connaissance, c’est-à-dire, un idéal de vie ou science du bonheur qui, dans un perpétuel mouvement des choses, forcerait l’Homme à trouver des alternatives et à connaître ainsi le « logos » qui agit toujours et partout.

Quel serait, dès lors, le souverain bien ? Chaque philosophe enfourchant son propre dada, on peut choisir la Contemplation, comme Aristote, la Cogitation à la manière de Socrate, ou une troisième voie telle celle du « non-être » qu’adopta Parménide, sorte de « Tempérance », Vertu Cardinale qui inclut la sobriété, l’abstinence et la continence auprès des trois autres, la Prudence, la Force et la Justice. Dès lors, à l’« hubris », un sentiment violent et criminel, puisqu’il incluait les voies de fait, les violations et l’abus des biens publiques, les Sept Sages grecs ont opposé la devise « Rien de trop » (méden agan) mais, parce que démesuré, déraisonnable, contraire à la nature et au respect du logos,  ils l’ont considéré donc « alogos ».

Ainsi, les vertus de modération étant souhaitées dans l’espace public, dès que le héros pose problème, parce qu’il est excessif et se taille une meilleure part du destin, la Moïra lui fixe ses limites, le cas échéant c’est tout l’équilibre de l’univers qui se trouve en cause.  L’ordre et la mesure sont donc incarnés par Apollon, l’ivresse et la démesure, revenant à Dionysos ; l’un fournit dès repères rassurants, l’autre ouvre des abîmes redoutés autant que convoités dans le mouvement dialectique de la contestation de la norme que le désir fait éclater et qui est le propre de l’Utopie.

Enfin, ce fut un Débat-Bouffe, comme il y a des Opéras du même genre, car la retenue peut être perçue telle une jouissance, une vertu même, étant donné qu’une chose est certaine : aussi démesurée soit-elle, la grandeur de l’âme ne peut pas nuire. Tout, sauf la médiocrité.

Carlos

2 Comments
  1. Elke Mallem says:

    Toujours plus…. de quoi? Plus de jouissance, plus de travail, plus de possession? C’est dans le culte de la possession que s’enracine « l’avidité et la cupidité en tant que risques majeurs pour les sociétés qui ne se donnent plus de limites » évoqué par Carlos. Oui, nous avons rapidement évoqué les limites. Une question toujours d’actualité, celui des limites : « les limites qu’on nous impose » (ou qu’on n’impose plus), mais aussi les limites liées à la biologie de notre organisme. Biologiquement, notre capacité de jouir comme notre capacité de souffrir est limité. Le fonctionnement cyclique du vivant fait parti des fondamentaux de la vie. Dans la suite de ce café philo, j’ai centré la réflexion sur la souffrance qu’une mauvaise limite nous impose, et l’effort démesuré nécessaire pour déplacer certaines de ces limites, qui sont, pour l’humain, des cadres de références bien théoriques qui tiennent « temporairement », donnent l’illusion d’une vérité immuable, ont un effet sécurisant, mais qui doivent étre révisé périodiquement. Nous l’avons évoqué pendant le débat. La croyance d’une nécessaire croissance linéaire du PIB plombe actuellement notre capacité de penser. La tyrannie des marchés financiers autour de la dette se structure autour des fondations de l’Europe dont l’essor économique a pu démarrer avec le Plan Marchal qui, si mes souvenirs sont bons, (je n’ai pas le temps ce matin pour vérifier) consistait à prêter de l’argent à l’Europe exsangue. Des marchés à développer, une démographie galopante…. Le contexte n’est plus du tout le même. Un état vieillissant, des marchés saturés…. Nous devons chercher un autre pivot que la croissance pour organiser nos dépenses. Des voix s’élèvent pour dénoncer cette erreur. Des groupes se forment pour changer de cap. Cela ne va pas assez vite, mais le mouvement est en route. Je proposerais un autre slogan à l’être humain du troisième millinaire: la démesure, oui, si elle est associé au « toujours mieux »: meilleure compréhension, meilleur maîtrise, meilleure distribution ….. Cela fait appel à notre capacité de penser, et c’est la conclusion que Sylvie a tiré, il me semble, du débat. La « bonne mesure » est toujours associée à un travail de réflexion. Et j’attire l’attention sur la polysémie de ce mot « mesure » qui condense la complexité d’un acte humain qui est toujour à considérer « par rapport à » … un passé, un présent, un avenir. La bonne mesure humaine s’alimente dans la mémoire et dans la rêverie, dans l’anticipation d’un avenir qu’on veut, sinon grand, au moins possible. Et la grandeur de l’âme sur laquelle Carlos termine son intervention, c’est peut-être une envie de « faire mieux » qui nous habite les uns et les autres. Apprendre à faire « mieux » est bien plus passionnant que d’apprendre à faire « toujours plus », non? L’un fait place à la capacité d’innovation, à la créativité, l’autre nous aliène à la répétition du même.

    14th novembre 2011 at 10 h 36 min

  2. Gilles Roca says:

    La démesure … toujours plus’ + … Sylvie Pétin,

    démesure, …
    des …mesures,
    de La démesure … « du plus’ + … » À La démesure « … du mieux »,
    de La démesure, « de L’Avoir … » À La démesure « … de L’Être’ »,
    Aux’ yeux du Paraître,
    « Quand Les bornes sont dépassées,
    il n’y A plus de Limites », Pierre Dac, Edgar Morin, en Vrac, équilibre … milieu,
    en’Avant … À mille’… lieux !, sauf À se dépasser,
    suscitée, qu’est L’invite’, À res’- susciter, « La mesure, de L’Amour,
    c’est d’Aimer sans mesure », saint’Augustin, c’est L’Amour – démesure, De L’Amour plus’ +, toujours, « cristallisé »,
    H B Stendhal, mon’Ancêtre de L’…être, humanisé …
    de nature’ en culture, De L’Amour, de nos jours … « L’humain d’Abord »,
    Jean-Luc Mélenchon, Le Front de Gauche, L’Aube … L’Aurore,
    relais, témoin, plus Loin … transcendante’, immanence’,
    et …sens’, de nos, cinq’, sens’ Au sens’ …
    de La démesure’, Aimante’, À …vide … plénitude’,
    À toute L’envergure’, À toute L’Amplitude’,
    des radicales’ … Ailes …
    qui nous Lient, qui nous mêlent,
    dépassement’, enchantement … « Elle’ est retrouvée … quoi ? L’éternité … »
    Arthur Rimbaud, démesure … de nos’ « instants d’éternité », Gilles Roca,

    Cas-fée-Philo des Nés-Nus-Phares, 13’ novembre’ 2011’, en ces-jours de Brumaire’,
    et des …mesures phares, des …mesures ’ éphémères, … G R

    14th novembre 2011 at 14 h 57 min

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