Le débat du 29 avril 2012 : « L’esprit est-il l’esclave du corps ? », animé par André Stamberger.

3 comments

Posted on 24th avril 2012 by Gunter in Comptes-Rendus

3 Comments
  1. Carlos says:

    En déplacement dans le sud, je n’ai pu assister à ce débat, « L’esprit est-il esclave du corps ? », et par conséquence j’ignore tout ce qui y a été dit, pourtant il m’interpelle. Ne serait-ce pas le contraire qu’il faut se demander ? En effet, l’esprit domine tout ; il est le seul maître, et esclave est ce qui est subordonné à la volonté de l’Homme. Comme l’entend Oscar Wild, « en créant l’Homme, Dieu a quelque peu surestimé ses capacités et, en créant Dieu, l’Homme a quelque peu sous-estimé les siennes.

    24th avril 2012 at 23 h 21 min

  2. Elke says:

    L’esprit, est-ce qu’il est l’esclave du corps? Je dirais spontanément qu’il est esclave du temps plus que du corps. C’est le temps qui m’a manqué pour faire un compte rendu pour palier à l’absence de Carlos qui assure habituellement les comptes rendus. Puis-je rendre compte fidèlement du débat aussi tardivement? Je peux toujours essayer de rendre compte de ce qui me reste de ce débat.
    Pourquoi ce sujet ? Il s’agit d’une préoccupation personnelle de l’auteur qui, en pleine fougue de la jeunesse, cherche à construire sa vie sur une modélisation la plus pertinente possible. Et, la sève de printemps aidant, il livre la difficulté de soustraire l’esprit au dictat de l’obsession sexuelle. L’eternel dualisme corps/esprit, oui. Qu’est-ce que fait opposer l’un à l’autre ? En écoutant le jeune homme, l’idée me vient assez spontanément que le sentiment d’esclavage pouvait venir tout simplement de la frustration d’un désir non satisfait. N’importe quel besoin non satisfait finit par tourner à l’obsession. Et n’est-il pas normal qu’un jeune homme dirige son esprit vers la conquête du territoire inconnu de la femme ? Tant de femmes attendent !
    Mais ce n’est jamais aussi simple qu’on veut imaginer. L’esprit a besoin d’être délimité par les champs sémantique adjacents. L’âme, le psychisme, la spiritualité, le cerveau… Le lien étymologique du mot «esprit » avec le « souffle » est établi. La primauté du souffle (le mot) sur le corps semble acquise au christianisme ou « l’esprit fait corps ». Il suffit d’évoquer une posture mystique pour faire apparaitre l’opposition des postures matérialistes et spiritualistes dans l’assemblée. Il semble rassurant de pouvoir réduire l’esprit à l’expression d’un fonctionnement cérébrale pour les uns, cette éventualité semble glaçant pour les autres. Un matérialisme pur, peut-il satisfaire la quête de sens de l’être humain ?
    Nous cherchons à déterminer la qualité de l’esclavage : il s’inscrit dans un lien dominant/dominé. Est-ce la symbiose ? Car un dominant sans dominé n’existe pas. Est dominé celui qui veut bien l’être. Nous évoquons le bénéfice secondaire de l’esclavage, l’absence de responsabilité. Un grand champs pourrait s’ouvrir ici, celui de la responsabilité. Mais l’heure tourne, le sujet nous tient. Est-ce qu’on peut considérer comme « esclavage » ce lien de circularité qui veut qu’un corps a besoin d’un cerveau pour être commandé, mais encore plus d’une volonté qui permet au corps de se maintenir, de fonctionner. Il suffirait de ne plus vouloir et rien ne se ferait plus. Renversement de force. L’esprit, comme le corps, peut dire non. Mais il s’agit bien d’un lien circulaire. Il ne suffit pas de vouloir, faut-il que le corps puisse répondre….
    Rousseau est convoqué : Plus le corps est faible, plus il commande ; plus le corps est fort, plus il obéit. Cela fait apparaître le dialogue perpétuel corps/esprit dans un mouvement qualifié tantôt centripète, tantôt centrifuge. L’esprit intérieur, le corps extérieur. Le mouvement irait tantôt du corps vers l’esprit, de l’extérieur vers l’intérieur, tantôt de l’esprit vers l’extérieur. Nous voilà inscrit dans le mouvement du dialogue du vivant et qui nous lient. Le corps et l’esprit apparaissent indivisibles au même titre qu’un intérieur ne peut être déterminé que par l’existence d’un extérieur. Nous touchons au mystère de la vie.
    Ce débat a permis d’aborder l’esclavage d’une manière suffisamment détourné pour pouvoir le penser un peu. L’esprit, esclave de notre corps ? Non, jamais. Serviteur de notre corps, garant de notre intégrité. Ne mettons pas l’esprit sur un piédestal. Il n’est pas « au-dessus », mais « avec » notre corps. Pour sortir de l’esclavage, il suffit de dire fermement « non ». Mais ceux qui savent dire non, ils doivent savoir dire « oui » aussi. Et là s’ouvre le domaine du choix qui engage l’action. Ce choix limite les possibles. Et quand on est jeune, c’est ce choix limitant qui donne peut-être ce sentiment de contrainte intense faisant évoquer l’esclavage dont les jeux de l’amour nous fournissent des illustrations depuis la nuit des temps….

    24th avril 2012 at 8 h 06 min

  3. Elke says:

    Thématiquement, j’aimerais me permettre un détour de l’esclavage de l’esprit vers celui par le travail. Le mot maladroit de notre président sortant sur le vrai et le faux travail m’avait inspiré quelques réflexions que j’aimerais bien partager ici. Il y aurait ceux qui travaillent vraiment, et ceux qui ne travaillent pas vraiment. Beaucoup d’humains se sont exclamé un jour ou un autre en disant qu’il y en a qui sont payé à rien faire. Et c’est vraiment révoltant pour celui qui travaille beaucoup pour un salaire misérable. Tout travail mérite salaire, a-t-on habitude de dire. Dans notre République, le gain se doit d’être en lien avec le mérite. Le mérite est en lien avec ce qu’on fait. Ce qu’on fait, cela peut s’appeler, dans un contexte particulier, « le travail ».
    Le travail, c’est d’abord un effort à fournir. Notre organisme est continuellement « en travail » puisque engagé énergétiquement. Pas de vie sans dépense d’énergie. Nous, les humains dans les sociétés dites « développées », appelons « travail « la dépense d’énergie pour une activité qui dépasse notre besoin immédiat, qui bénéficie à autrui ou au collectif. Le travail fournit les produits nécessaires à la consommation d’un groupe d’humains. Dans le mouvement progressif de la « différentiation » du travail, les habitudes de partage, en lien avec la nature grégaire de notre espèce, se muent en habitudes d’échange. S’en suit un circuit de plus en plus différencié, structuré des échanges. Nous avons assisté à l’invention de l’argent, monnaie pour faciliter les échanges. Avec la technique, notre capacité de produire dépasse l’entendement. Nos marchés sont devenu de plus en plus complexes. De nouveaux besoins se font jour avec les nouvelles technologies, donc, de nouveaux marchés…
    En principe, tout producteur est également consommateur des richesses issu du travail d’un autre. Produire, c’est transformer de la matière brute en matière consommable, en matière ayant un intérêt pour les individus qui composent une « société ». Qu’est-ce que c’est qu’une société ? Une supra-structure qui s’organise dans un ensemble cohérent, visible, suffisamment utile pour les individus qui la composent pour que chacun donne un peu de son énergie à son maintien. Parce que la cohésion, elle aussi, a besoin d’énergie. Quelle forme prend cette énergie ? Elle se cristallise dans le tissu relationnel qui peut (ou ne peut) se tisser : la somme des échanges possible ou impossibles dans un lieu partagé, visible, mais aussi dans le temps. Ce tissu a tendance, comme tout tissu vivant, de suivre certaines lois, se structurer par des limitations qui rendent certaines échanges possibles ou impossibles. Au sein d’une société appelé société de « droit », nous avons le droit de faire ce qui est permis, nous appelons « interdit », ce qui n’est pas permis. Nous avons le droit, c’est exprimé dans notre constitution, à tout ce qui est nécessaire à la vie humaine. Nous avons ainsi le droit de manger, de bouger, de nous abriter dans un endroit sécurisé qu’on appelle logement. Il ne suffit pas d’avoir le droit d’une activité (manger) : faut encore avoir de quoi manger. Il ne suffit pas d’avoir le droit au logement, faut-il encore en avoir un. Et je vois ici, de façon limpide, le lien entre le « vrai » et le « faux » travail. Il y a un lien à construire entre le « faire » et « l’avoir ». Pour optimiser le « faire » visible, l’homme dispose d’une capacité invisible, celle de penser. Cette activité bien particulière permet d’orienter le « faire » vers une « meilleure façon de faire ». Qu’elle est la meilleure façon de faire? Celle qui tire le meilleur profit de l’engagement énergétique, la jouissance en quelque sorte. Le profit, dans notre société, se mesure en argent. L’étalon du travail à fournir n’est plus le besoin à satisfaire, mais l’argent qu’on en tire. L’argent donne le sentiment qu’il permet actuellement à subvenir à tous les besoins. Est-ce réellement l’argent qui subvient à nos besoins ? Non, c’est toujours le travail de transformation du réel qui met à notre disposition le pain que nous mangeons tous les jours. Le problème, ce n’est donc pas le travail : il y en aura tant qu’il y aura des humains qu’il faut nourrir, vêtir et loger. Le problème, c’est celle du calcul de la valeur du travail et de la jouissance qu’on peut en tirer. Et là, il y a à faire une vraie révolution dans nos têtes. Proposez donc un jour un débat : combien voulez-vous payer la femme de ménage qui vous aidera à maintenir votre maison propre pour que vous puissiez vous exprimer dans une profession qui vous passionne plus que cette activité dite « subalterne » ? Combien « vaut » cette activité indispensable pour vous sentir durablement bien dans votre maison ? Vous allez probablement constater comme je l’ai constaté : on ne change pas un système comme on change de chaussures. Tous nos stéréotypes sortent dans ce type de discussions, tous les fonctionnements pyramidaux hérités du temps des pyramides quand les classes supérieurs exploitaient sans culpabilité les classes dites « inférieures ». L’argument d’une transcendance marche bien pour asservir des pans entiers de la population. Chaque fois, on fait appel au sens du sacrifice dont est capable l’humain pour assurer la survie de son espèce. L’outil, c’est le bâton (peur de la punition, domination par la force) ou l’appât (promesses d’un avenir éblouissant). Le phénomène s’est répété souvent au cours de l’histoire de l’humanité : l’exploitation (qui constitue une inéquation entre l’effort et la rétribution concernant un travail donné) d’un groupe pour la satisfaction des besoins fous d’un dirigent ou d’un autre groupe humain. L’histoire nous montre aussi le cheminement de ces civilisations vers leur mort.
    Le modèle du « profiteur » en tant qu’archétype humain existe depuis la nuit des temps. L’assistanat dénoncé par un des candidats à la présidence en génère peut-être plus que raison. Mais tout être humain normalement constitué tire du « faire » un plaisir dont les paresseux se privent. Mais le modèle du « paresseux », n’est-ce pas aussi une construction sociale pour désigner une personne qui s’oppose passivement à un modèle qui veut le pousser à faire ce dont il ne voit pas la nécessité, le profit? Faire pour survivre n’a pas la même saveur que faire pour vivre. Dans certaines situations, ai-je entendu, il est plus dur de survivre que de mourir. C’est un fait d’expérience. Il m’arrive de rencontrer les volontés brisées des générations antérieures qui ont travaillé trop durement. Survivant d’une époque révolue, ils ont bien souvent été jetés dans le circuit de production trop tôt, n’avaient jamais le « choix ». Cela a donné pour certains une vie humaine passée dans la résignation qui se termine bien souvent dans ruminations d’une vieillesse rancunière, difficile à supporter par les enfants ingrats. Ces vieux vont avec assiduité chez le médecin récupérer leur du, le lot d’attention qu’ils n’ont pas eu quand il leur aurait du être du.
    Le vrai travail ? C’est celui qui permet de donner la dignité à l’homme social. Loin de se limiter au travail salarial, il sert au dépassement de soi, à l’enracinement dans un groupe humain, au développement de ce groupe humain. On peut y travailler de façon diverse, chacun partant de là ou il se trouve. Le faux travail ? C’est celui qui participe à l’érosion de notre société. L’usurpation, le faire semblant…. La passivité. Oui, la passivité est un travail, celui de s’empêcher de faire et devenir. Si savoir freiner, suspendre l’action un laps de temps pour mieux l’orienter peut être considéré comme un avantage évolutif (on appelle cela « penser » ou « réfléchir »), la stagnation induite par la passivité est mortifère et destructrice. Faire quelque chose sera toujours plus valeureux que de ne rien faire. Mais faire pour faire n’est pas digne de l’homme qui lui a la capacité de « bien » faire, « mieux » faire, faire « autrement ».
    Nous avons toujours ce choix là, chacun de la place qu’il occupe. Et peu importe le président !

    24th avril 2012 at 15 h 05 min

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