Le débat du 21 octobre 2012 : « La place de la virilité dans la société », animé par Daniel Ramirez.
Débat du 14 Octobre 2012: « Famille, je vous aime, famille je vous hais, ou faut-il encore autre chose », animé par Eric Zernik.
On venait de célébrer sur la Butte Montmartre la traditionnelle fête des vendanges, événement qui, comme habituellement, culmine par l’impressionnante prouesse pyrotechnique constituée par le rituel feu d’artifice tiré devant la Basilique du Sacré Coeur, une féerie propre à enchanter d’une sorte de communicative ferveur la grande famille des parisiens, puis, le 14 Octobre, au Café des Phares®, ce fut un sujet ayant trait à la plus petite unité d’un groupe, qui, animé par Eric Zernik, nous a été proposé pour la discussion hebdomadaire : « Famille, je vous aime, famille je vous hais, ou faut-il autre chose ? ».
Le mot « famille » apparaît en Europe vers 1600 et il est constant que dans la culture européenne le groupe naturel formé par l’union entre les sexes se fait par le mariage d’un homme et d’une femme [femina-ae ou mulier-eris, en latin, l’épouse se traduisant par uxor, γαμος (gamos), chez les grecs], plus les enfants qui vont éventuellement en naître, ayant comme corollaire la formation d’une maisonnée ou famille, c’est-à-dire, l’ensemble des personnes unies par le sang ou alliance et ayant des intérêts communs, vivant sous le même toit [domus (latin) ; oïkos, (grec)], sans compter la belle-famille, et, en sociologie, la forme d’une telle unité dépend des conditions économiques et croyances religieuses du noyau, le rôle plus important revenant dans les civilisations anciennes à l’autorité de droit du chef de famille sur tout le clan, esclaves inclus, habitant à un même endroit. Il se charge de l’éducation, qui se poursuit à l’école, et de l’entraide, en lien avec l’Etat puisque la famille constitue la plus petite quoique fondamentale cellule du peuple, car elle représente en même temps un conséquent rouage de la vie politique, figurant ainsi une sorte de premier état.
Mais, puisque formée d’oncles, tantes, beaux parents, parâtres et marâtres, l’arbre généalogique de chacun de nous a plus de racines que de branches et a l’air d’une frêle pousse chez le pépiniériste, destinée à être repiquée ou à recevoir des greffes, ça promettait donc un ‘débat des familles’, c’est-à-dire, sans prétentions, et c’est ainsi que l’on a parlé de « famille verticale, de sang, par alliance et de ‘pacs’ », « de bâtards », « de la complémentarité en maths » (suivez mon regard), « des adoptions ou des groupes informels, tel un éditeur, par exemple », « appartenance choisie ou pas », « parents biologiques ou pas », et on s’est interrogé sur « qui est le père de famille dans un couple homosexuel », « famille économique », « les différents liens non conventionnels », « des conséquences dans tout ça dues à la mort de Dieu », « à l’amour, à la haine », « au calvaire que cela peut représenter », « aux rapports sexuels ». Puis, on s’est demandé « si l’on pouvait sortir de la famille et, si oui, pour aller où ? », « famille de l’amour… peut-être de la haine (Sartre), alors que Camus en parlait avec ‘amour’ », « du fait de s’accoupler au hasard », « de l’arbre de transmission », « du goût du sport », « de l’anthropologie », « de la ‘mère patrie’ », « de la distinction Hégélienne entre le naturel et le culturel », « un couple qui ne forme pas forcément une famille, si l’on ne se reconnaît pas comme tel », « le fait de sortir du cocon familial », et on a évoqué les couples mono parentaux ». « les situations de souffrance d’un enfant », « le chat de Schrödinger », « les enfants sauvages », « les pères nourriciers »,
Malgré une singulière misogynie chez les grecs, liés à la maisonnée (oikos) où chacun avait une place définie sous l’autorité du chef de famille, les femmes jouaient certes un rôle religieux essentiel autour du mariage, de la maternité, de l’accueil au foyer, mais se trouvaient exclues de la citoyenneté. Pourtant,
Penché sur son express, au comptoir du bistro, un consommateur se tourne vers le gars qui se trouve accoudé à ses côtés pour lui dire :
- Si ce n’était pas la moustache, vous auriez un air de famille avec ma belle mère…
- Baah, s’exclame l’autre, je n’ai pas de moustache…
- Mais elle, elle en a !
Carlos
Débat du 7 octobre 2012: « L’éducation est-elle une conversion ? », animé par Idriss Sankhom.
Alors qu’aux USA Barack Obama s’affrontait à Mitt Romney sur le sens à donner à leur politique intérieure, au Venezuela le Président Hugo Chavez briguait un mandat de plus à la tête de son pays, le Président français, François Hollande, paradait au sommet des 5+5, tandis que la Duchesse de Cambridge, Kate Middleton, s’exhibait seins nus et fesses à l’air dans le Magasine « Closer », au Café des Phares®, après une pluvieuse Nuit Blanche fêtée dans les rues à l’instar de celles bien célèbres de Visconti (voire de Dostoïevski), sur les berges assez mouillées de la Seine ainsi qu’à l’Institut du Monde Arabe, le 7 Octobre 2012 a eu lieu, malgré tout, l’habituel débat philosophique intitulé « L’éducation est-elle une conversion ? », animé ce jour-là par Idriss Sankhom.
Etymologiquement, le latin « Educatio », qui nommait au XVème siècle le fait d’élever des animaux ou plantes, désigna ensuite l’instruction de l’esprit, jusqu’aux bonnes manières ou sentiments, selon Flaubert, et signifie aujourd’hui le façonnement de la personnalité, en vue d’une plus grande élévation morale et intellectuelle des gens de tous âges, c’est-à-dire, le développement des facultés mentales chez les enfants et la préparation des adultes à un métier, à la démocratie, à l’acuité de l’œil, de l’oreille, du goût, des manières en société, aussi bien que les égards, la politesse, que sais-je. Pourquoi pas l’éducation des abeilles, des vers à soie, d’une rose comme autrefois ?… Mystère et boule de gomme. Pour ce qui est de la « La formation d’un enfant », voire le développement de ses facultés intellectuelles et morales, ne surgissant qu’au courant du XXème siècle, elle fut quelque chose d’innovateur, même en Europe.
Quant à la « Conversion » (du latin : « conversio » ; en grec : « epistrophé »), cela témoigne par contre du changement mental d’un individu, qui se rallie par exemple à une autre religion, et veut dire en somme que l’on revient sur ses pas. Plus prosaïquement, il s’agit d’un processus ou cheminement personnel aboutissant à de nouvelles croyances, ou différents comportements religieux voire philosophiques, suppléant à des conceptions antagonistes, tel qu’il est arrivé à Pascal, deux fois plutôt qu’une. Il s’agirait au fond d’un changement d’attitude ou façon de voir. Se tourner, entre autres, vers ce que l’on croit vrai ou décider d’aller à la rencontre de valeurs moins communes (parfois un éveil spirituel accompagné d’un acte symbolique comme le baptême, profession de foi, circoncision, prise de distance des biens temporels, façon bouddhiste, par exemple) ; c’est ce que l’on nomme « aller à la recherche, enfin, d’une autre voie, abandonnant certaines conduites ou idées jugées fausses ». La case à cocher était donc « Non », mais cela nous privait des délices du show, c’est-à-dire, la délectation d’empoigner, à chacun son tour le micro, afin d’assener aux autres « sa vérité » et le spectacle se poursuivi « as usual ».
C’est ainsi que l’on se trouva avec « l’enfant sauvage » sur les bras, et du coup « le bébé qu’il faut convaincre à dormir », la « conversion automatique et unidimensionnelle / éducation laborieuse, de A en B, pas de B en C », puis « conversion/ manipulation », « Napoléon III et ses petits soldats », « la guerre d’Algérie », « Manet, peintre et professeur », « éducation institutionnelle ou au sein de la famille », « le développement des idées communistes », le «deviens ce que tu es », « la conversion de St. Paul sur le chemin de Damas », « le Maître et le disciple », « Daniel Pennac et la question de l’argent », « conversion pour quoi faire ? », « pour s’affirmer ! », « pour aller vers une autre vision du monde… » A un certain moment, assis sur le comptoir mais invité par l’animateur à s’exprimer, le petit Cornélius se mit à pleurer. Pourtant, encouragé par son géniteur, à la deuxième tentative, suivie d’applaudissements, il se livra, s’expliquant sur son drame familial. Question : l’éducation est-elle une galère ?
Le collectif poursuivi, néanmoins, évoquant successivement « la socialisation », « l’émancipation », « l’amour platonique », « le rite de passage », « l’apprentissage de la broderie, pour les filles d’autrefois », et soutenant qu’« il faut s’appartenir », « transmettre et point éduquer », et cetera…
Finalement, Gilles mit un point final à la séance, clamant : « Education/ élévation/ instruction… Objectif/ Finalité… Déconstruction/ Désorientation/ Reconstruction… Lien d’Humanité/ Deviens ce que tu es… »
Histoire de refaire l’instant, tout le monde se trouva dehors, et quelqu’un a raconté que :
Porté par le désir d’éduquer sa propre diction, un patient fut invité par l’orthophoniste à poser ses parties génitales sur le bord du bureau, puis celui-ci porta sur elles un violent coup de marteau à réflexes tendineux…
- Ahhhh, fit le malheureux.
Le docteur :
- Revenez demain pour le « B » !
Carlos
Débat du 30 Septembre 2012: « Je ne suis heureux que lorsque je découvre que je ne pense plus à moi », animé par Gunter Gorhan.
De retour d’une longue période de vacances où j’ai reconnu que, son sens étant à contre courant du langage, la philosophie refuse d’adhérer au réel et contrairement à la science n’est donc qu’allusion, je me suis volontiers retrouvé au Café des Phares® pour assister au débat du 30 Septembre 2012 dont le sujet, animé par Gunter Gorhan, était en effet : « Je ne suis heureux que lorsque je découvre que je ne pense plus à moi ».
Il s’agissait-là d’un coup tordu pour le « Cogito » de Descartes (« Je pense, donc je suis », heureux ou pas), c’est-à-dire, je suis lié en fait à l’ensemble de ‘mes représentations’ sous la surveillance constante du Surmoi, siège des conflits dont il est le jouet et l’arbitre, mais il n’y avait donc en cette matière pas de quoi fouetter un philosophe ; si je ne pense plus je suis mort, le rêve remplaçant ma pensée lorsque je dors. Pourtant le micro alla de main en main pour le plus grand bonheur de tous, car c’est là que réside au fond l’envoûtement de la pratique de ce genre d’exercice dans ce lieu. N’est-ce pas ?
Quelqu’un nous a aiguillé cependant vers une phrase de Christian Garcia que citait lui-même une question d’Henri Thomas « Quand est-ce que je peux me sentir heureux ? » puisque l’on est en permanence assailli de questions angoissantes… « Quand ? » Conjonction ou Adverbe ? Lien ou remise aux calendes grecques ?
On n’avait donc pas avancé d’un iota. Une voix s’est alors levée préconisant de scinder la question en deux : « ‘être heureux’ et ‘ne pas penser à soi’ car, quand on pense à soi on ne peux pas être soi et on finirait dans le ‘soi haïssable’ de Pascal », puis une autre se demandait si « penser est-ce vraiment penser, le tout dépendant de la réponse qui détermine le ressenti ». Quelqu’un s’interrogea ensuite sur le fait de « savoir si Descartes était heureux ou pas », bien que « l’on ne soit pas heureux par hasard », fit un deuxième, et un troisième intervenant ajouta que « Narcisse avait fini par se noyer », un autre encore avouant « ne plus savoir ce qu’il voulait dire lorsqu’il avait levé le doigt », une participante finissant par rapporter qu’elle « était angoissé lorsque le bébé la réveillait la nuit », l’orateur suivant que « c’est le travail de la vie qui nous oblige à être en quête de quelque chose », celui d’après ajoutant « que mon bonheur doit être articulé avec celui d’un autre »…
Puis, ça n’a pas arrêté ! Essayant de dissiper la confusion entre conscience et pensée, chacun sentait le besoin de dire quand est-ce qu’il était heureux : ayant à faire au désir, il conviendrait d’articuler son bonheur avec celui d’un autre ou de ses proches, sur le long terme, dégustant entre « je et moi » le dialogue qui amène au langage dépassant ainsi le moi comme le préconise Wittgenstein, et l’a vécu Sœur Emmanuelle dans les traces de Spinoza, Nietzsche, Socrate, ‘se créer soi-même’ remplaçant le ‘se connaître’ ; pour d’autres, dont les bouddhistes, le « moi » serait une illusion, illustré par le mythe de « La Caverne de Platon », allant jusqu’à Adam et Eve ou chez les Grecs où il n’y avait pas d’état ni synonyme de ‘bonheur’. Le mot propre à traduire un sentiment semblable serait « eudaimonia ».
Gilles nous a alors fait découvrir ses rimes à ce sujet :
« Découverte, invention de la pensée, souci de l’autre, deux fleurs de la pensée. Le monde est l’autre soi ; fleur de contingence, un autre soi non consommé, non dégusté. Il faut voir clair. Bonheur et joie, ma foi ».
Quant à votre serviteur, il dirait que « moi c’est moi », caractérisé par ce qui le distingue d’un autre par le contenu de ses pensées. Point.
Au bistrot d’en face :
- Je ne suis heureux que quand je ne pense plus à moi !
- Comment ça ?
- C’est que je pense à m’asseoir devant la télé et au pack de bière.
Carlos