Débat du 16 décembre 2012: »L’écriture, comme chemin, mène-t-elle à la philosophie? », animé par Sylvie Pétin.

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Posted on 18th décembre 2012 by Carlos in Comptes-Rendus

Nonobstant le massacre de vingt enfants et leurs profs perpétré dans une école primaire de Sandy Hook, à Newtown, USA, le monde ne s’étant pas effondré le 12/12/12, à 12h12 comme la menace qui pesait sur lui le laissait croire, on a remis l’échéance au 21 et chacun à repris du goût à la vie, s’offrant une « semaine d’éveil des sens » grâce au « Salon de l’Alimentation Salutaire et des Comportements Nutritifs », destiné à promouvoir le goût pour les plats festifs, source en même temps de plaisir, de santé et bien être, au moment de célébrer les bringues qui se profilaient, dont un avant goût nous était donné avec « L’écriture, comme chemin, mène-t-elle à la philosophie ?», le plat que, à cuisiner le 16 décembre 2012 dans le chaudron magique du Café des Phares®, mettant les petits plats dans les grands, Sylvie Pétin était chargée de servir.

A table ! Il faut manger tant que c’est chaud. Or, notre plat semblait assez froid et pas vraiment affriolant. Il s’agissait en somme d’accepter (ou pas) qu’une habilité calligraphique nous serve de voie qui conduirait à « l’amour de la sagesse ».

Il se trouve que « l’écriture », (dont l’étymologie renvoie à « ‘sker’ = gratter, graver ») est illustrée par le « scribe accroupi » et constitue la mémoire des Hommes, ce qui lui assigne une fin plus qu’un itinéraire ; en fait, bien qu’âgés d’un million d’années, les humains ne pratiquent l’écrit que depuis environ six mille ans, et c’est remuant l’alphabet qui leur a été légué par les Phéniciens d’il y a trois millénaires qu’ils arrivèrent, entre enluminures et incunables, à publier la « Bible de 641 feuillets », imprimée par Gutenberg à Strasbourg en 1452. A vrai dire, donc, le texte n’a pas d’ailleurs où se ressourcer ; c’est lettre morte qui, couchée sur des pierres, papyrus, parchemins ou rouleaux ne mène nulle part quoique, comme Monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, certains se demandent si elle ne conduit pas à la philosophie.

En effet, dans l’écriture on trouve une façon de progresser ouverte à l’interprétation et possédant aussi bien une grammaire qu’une syntaxe qui permettent la renversante invention nécessaire à l’expression, si l’on veut ; de son côté, la philosophie dont les saints patrons paraissent être Anaximandre et Thalès, suppose elle, une démarche qui, passant par Héraclite en revient à la « koinôi », autrement dit, une mise en commun des principes rhétoriques de l’argumentation que véhicule la parole. Une façon de voir ou d’interpréter le monde pour des Hommes empreints de curiosité, dont la figure emblématique fut Socrate, même s’il n’a pas écrit une seule ligne, se contentant de bavarder pertinemment.

Ainsi donc, « écrire » pouvait s’entendre au Phares comme une ivresse furibarde qui, par un magique sortilège, aboutirait à la faculté de philosopher pour tout le monde, alors qu’une telle démarche spéculative fut motivée autrefois par l’étonnement devant les différentes facettes de l’infini (« apéïron », ou principe original, « arkhé », ou la nécessité d’un dieu), enfin, tous les phénomènes auxquels les premiers philosophes, aussi bien Héraclite que Thalès ont été sensibles, ce dernier étant même tombé dans un puits parce qu’il interrogeait la lune, en chemin.

En tous cas, ‘considérant l’écriture comme une préoccupation d’artiste’ qui, ‘travaillant par tâtonnement’ creuse jusqu’à ‘trouver une forme’, ‘l’écriture tient de l’ineffable’ pour les uns, de ‘l’on dit’ pour d’autres, tous ‘sensibles au monde de par la réflexion sur soi’ et sur lui, ‘un exercice sur la vérité’ et ‘d’engagement à travers l’art’ qui serait ‘la philosophie en tant que poésie’ par ‘la mise à distance de soi’, autrement qu’au travers d’une ‘liste de courses’, alors que ‘l’on n’a jamais autant écrit’, malgré ‘les efforts à accomplir’, ce qui rejoignait ‘les états d’âme’ et même ‘la quête du moi’ ou ‘fondement de notre pensée’ qui mènerait à la philo par ‘la mise à distance de soi-même’, ‘passant de l’expérience au récit’ par ‘le détour de l’écriture’ qui serait ‘un chemin ou un sommet à atteindre’, même si ‘ça représente un travail’ et ‘exige parfois un retour aux sources’, si ‘‘l’on peut associer parfois les mots ‘juste’, ‘justesse’, ‘justice’ et ‘meurtre’, ‘assassinat’ ou ‘crime’’’. ‘Pourquoi parle-t-on sinon pour se libérer ?’, se demandait un participant, un autre y voyant ‘trois axes, selon Badiou : passage de l’immanent au transcendant, étonnement et mise à distance’, puis à ‘l’échange avec soi-même’, au ‘choix des mots’, à ‘l’engagement’, à ‘l’authenticité’, à la ‘maïeutique’, aux ‘briques qui permettent de nous construire’, à ‘la sacralisation du futur’, n’oubliant pas ‘l’importance de l’imprimerie dans la diffusion de textes importants’, alors que d’autres entendaient que ‘trop d’écrit tue l’écrit’, qu’il ‘faut se trouver soi-même’ et ‘ne pas attendre autrui’, tenant au ‘journal intime’, à ‘l’engagement’ et à ‘l’acte de foi’, ‘condamnant l’acte de délation’, appuyant ‘le fait de s’inscrire dans le monde’, les ‘questions qui nous permettent de nous comprendre’, les ‘trois questions de Kant : qui suis-je ?, où suis-je ?, que puis-je savoir ?’, ‘délier sa pensée qui fausse le sens et le monde’, car ‘témoigner de notre passé’, ça ne suffit pas pour faire un philosophe. Tout y passe : ‘distinguer pensée et philo’ ; ‘la disparition de l’écriture Maya’ ; ‘le sens du texte philo’ qui ‘n’est pas du vent’, même si ‘parfois on s’aperçoit que c’est confus ce que l’on croyait clair’.

Puis, parce que c’était l’heure de terminer, on est passé aux « premières prises de parole », et l’on a découvert que « pour se transformer soi-même, il vaut mieux rester soi ».

Finalement Gilles mit un terme à la divagation, pointant « l’écriture comme un acte maïeutique/ un jaillissement, une empreinte, une impression : un monde d’autrefois/ être soi/ a-tension hors de soi/ cheminement/ reconstruction/ aboutissement…/ écriture… » 

    

Dehors :

- On mange là ?

- Oui ! Qu’est-ce qu tu prends ?

- Moi, j’ai commandé un Sandwich ! Ça nourrit et est plus facile à manger qu’à écrire.

Carlos

 

4 Comments
  1. Elke says:

    Curieuse formulation! Un chemin mènerait à la philosophie? Pour moi, la philosophie est chemin, et l’écriture est un véhicule possible. L’écriture est la cristallisation de la parole en entité plus solide, plus persistante. L’écriture reçoit son sens par la lecture. Elle constitue l’appuie solide d’un déjà-là pour accompagner ce qui doit advenir. L’écriture permet à autrui « d’épouser » la pensée d’un être déjà mort depuis longtemps et d’y trouver les invariants d’une existence humaine. LE livre des livres en est un exemple particulièrement abouti.

    18th décembre 2012 at 10 h 23 min

  2. Gabriel says:

    A lire le sentiment d’écrivains quant à l’acte d’écrire , l’expression « l’écriture comme chemin » peut sembler incongrue . Tout serait bien trop clair, trop précis,…..Ecrire serait nécessairement cheminer avec, au bout du parcours, la possibilité de la récompense attendue, la pierre philosophale . On y arriverait sans aucune autre condition que celle d’écrire . Un peu comme un chercheur d’or qui se mettrait en marche, cheminerait et par une sorte de miracle, tomberait sur le métal précieux .
    Ecoutons quelques écrivains :
    Marguerite Duras : « L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire on ne sait rien de ce qu’on va écrire . Et en toute lucidité….. »
    Maurice Blanchot : » Si l’on suit un trajet , c’est un trajet aveugle . On ne va nulle part, la commodité d’un but n’existe pas… » .
    Annie Ernaux : « Ce que je redoute, en parlant de ma façon d’écrire, de mes livres,c’est la rationalisation à posteriori, le chemin qu’on voit se dessiner après qu’il a été parcouru…..Avant d’écrire, pour moi, il n’y a rien, qu’une matière informe, souvenirs, visions, sentiments,….. »
    Il est sûr qu’aucun ne perçoit l’idée précise d’un chemin . Comment s’expliquer que c’est même le contraire ?
    Le 17 février 1975 Roland Barthes confiait : »L’acte d’écrire est le prolongement de la pensée, mais peut-être même n’en est-il pas séparable….En fait, nous savons bien que l’on pense toujours avec du langage et finalement, il n’y a pas de pensée préalable au langage qui est en nous. A mon sens, penser est immédiatement lié à une forme écrite…..Je vais de la pensée à la phrase et réciproquement…. » ; Voilà ce que disait Barthes qui ne se considérait nullement philosophe .
    Pour E.Kant « l’essence de la pensée n’est pas la vérité, c’est la liberté . »
    Quand j’écris, j’inscris donc les traces de ma pensée qui est essentiellement liberté .Pour quelles raisons se dessinerait un chemin ? L’allure d’ensemble de ces traces tiendrait sans doute plus de l’image d’un dédale, d’un piétinement, d’une exploration dans toute direction ..Comme le souligne A. Ernaux, seul celui qui veut me suivre à la trace peut espérer suivre un chemin, et ce ne serait qu’à posteriori .
    « On ne va nulle part , la commodité d’un but n’existe pas….. » Retenons ces paroles de M. Blanchot .

    18th décembre 2012 at 11 h 13 min

  3. Elke says:

    L’écriture servirait alors à se frayer un chemin? Le produit peut ressembler à un chemin dégagé pour ceux qui suivent (lisent). Oui, un chemin n’est autre que les traces laissées par celui qui nous a précédé. Certains chemins mènent « nul part », et ce « nul part » serait intéressant à considérer parce qu’il demande le travail de recherche d’une nouvelle, d’une autre voie possible. D’autres chemins ouvrent vers de nouveaux horizons, donnent le sentiment d’une progression possible ….

    18th décembre 2012 at 8 h 29 min

  4. ROCA Gilles says:

    L’écriture comme chemin mène-t-elle’ À la philosophie ?, Maud’, Sylvie Pétin,

    La philosophie comme chemin mène-t-elle’ À l’écriture ?,
    Écrire, dit’- elle, … comme’…une Voie, philosophique, comme’…une Voix, écrite’,
    Au monde’, À L’Autre’, À soi, La Voix de La Pensée, de La Parole’, en’ Acte,
    en’ Acte – maïeutique’, issue du fond de soi, une’ émergence’- impact’,
    en’ un surgissement, en’ un jaillissement, impression d’expression, écrite’,
    empreinte’, imprégnation, trace d’incarnation, mise’ en distanciation,
    en creux’, en crête … création, en-quête … d’invention,
    de nature’ en culture’, Artistique sculpture’, Architecture, peinture, qui peint, et qui dépeint, Artisanale, humilité, Artisanale Vérité, intime’, universelle’, éthique d’Authenticité,
    de …Vie, pour exister, peupler’ et habiter, Le monde … L’Autre … soi, hein !,
    exigence de résistance, subversion, Libre Libération, œuvre d’humanité, du Lien, d’humanité, un travail sur support … de son’ être … sur soi, de haut’ en bas de soi … Attention …
    hors de soi, À …tension … hors de soi, Vers notre Vérité,
    en’ Arrivant’ Au port … propre questionnement, écrit, et …cri, du cœur, de Vérité,
    cheminement … déconstruction … écrite’, une reconstruction … témoignage, transmission,
    un’ Accomplissement, propre révolution, un’ Aboutissement, Avancer, gravir,
    progresser’ et se perfectionner, s’ouvrir, découvrir, inventer, s’épanouir, écrire,
    « solitaire, solidaire’ », unification, par La marche … démarche … de compréhension,
    du monde … L’Autre … soi, entendement, et empathie, « du plus’ Au mieux », … Action !, …
    de soi, « de L’Avoir À L’Être’ », Abouti, écrit’ Edgar Morin, et …crie Le riverain …
    de La pensée complexe … chemin de traverse’, et des quais de La Scène, … chemin,
    où La philo s’exerce’, en sous-france’, en’ errance, « Chemin …
    de L’espérance » … « La Voie », qui est celle de Stéphane’ Hessel, et d’ « Edgar Morin … prêtres » … de philosophie, À naître’, élever …

    « L’écriture, c’est mon métier, ma Vie, ma douleur, mon calvaire, mon boulet,
    de six tonnes, Au pied, c’est ma chair et mon sang, ceci est mon corps ! »
    « Mon’ Art, c’est L’écriture’, et L’écriture ne Va pas sans La musique.
    Quand Vous’ écrivez’ une phrase, si Vous ne mettez pas’ en’ harmonie
    Les consonnes … Les Voyelles … Le rythme … Le nombre … de pieds,
    Vous n’êtes pas’ un’ écrivain. Un’ écrivain, c’est’ un compositeur. »
    « Pour moi, La musique’, [ écriture’ poétique, ] est Le premier des’ Arts.
    C’est d’Ailleurs, pour cela, qu’il s’Appelle La musique,
    car il réunit toutes Les muses’ À La fois. » « Marcher fait partie du métier,
    parce que c’est Le secret de L’invention intellectuelle. Le métier d’écriture
    n’est pas’ un métier’ intellectuel mais corporel.
    La marche donne Le rythme de La pensée, de L’écriture. » Michel Serres,

    marche … chemin philosophique’ est L’écriture, marche … chemin de maïeutique’
    est L’écriture, … qui mène’ À La philosophie, … humain défi … éthique,
    Gilles Roca

    Cas-fée-Philo des Nés-nus-Phares, en ces-jours de Frimaire, 16’ décembre’ 2012’,
    écriture chemin philo, philosoph’ Art, écriture Voie douce Amère’,
    et que L’on en découse !, G R

    18th décembre 2012 at 10 h 27 min

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