Le débat du 31 juillet 2011 :  » La résistance peut-elle être un refus de la démocratie ? » animé par Claudine Enjalbert.

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Posted on 26th juillet 2011 by Cremilde in Comptes-Rendus

 

La poésie, au temps des présocratiques, n’était pas distincte de la philosophie.

La révolution socratique, autrement dit la coupure entre mythos et logos, ou en termes plus contemporains : « la coupure épistémologique » n’avait pas encore fait ses ravages mortifères…

Donnons donc au poète la responsabilité de rendre compte de nos échanges dominicaux :

Peut’- on dire que La résistance’ est’ un refus de La démocratie ?,       Claudine Enjalbert,

 

entre L’indignation et L’Acte’- engagement,

La résistance’ est’ un, Vivant, Levain, ferment,

une Levure-fondation, un fondement,

de La démocratie, c’est’ un comportement …

un choix, de dire NON, de désobéissance’,

et d’un refus … en conscience …                                         

de L’injustice’, et du mensongeL’imposture, hypocrisie, de L’un …des …sens’!,

en prenant Le risque … de se jeter’ À L’eau … de celle … de celui … qui se Lance …

qui plonge’, et qui se compromet, en soi, une’ exigence’,

un jugement, une démarche’, et, en confiance’,

une révolte’, opposition, qui naît’, éclot … jaillit, explose’, en soi, propre révolution,

un moyen, inventé, d’Arriver’À ses fins, en recherche’, une quête … manifestation,

innovante’, et en Vue … d’Aboutir À sa fin … faire’ face … tenir  tête’, Aux manipulations, Aux’ influences, À toute forme de pression,

À toute’ indignité, La résistance’ est  transgression, Au « désordre’ établi »

elle est « Appel d’urgence », Au changement, d’option, de L’existence’, essence’,

et …sens’, de L’existence’, et Vie …Vent  de Libre … résistance … naît …sens

À La transformation,

sociale’, en progression,

et, du pain sur La planche’, À  « faire’ … forger » ( Vincent Roca ), À L’établi,

 

Avec PierreMendèsFrance’,

en La France’, en Sous-France’,

et dans  La Résistance

France Libre de  de Gaulle’, enActe … La Parole … d’espérance,

 

« Je porte, toujours, en moi, intacte’, et pure, comme’ Le diamant,        La flamme,

de La révolte »,                      Claude Cabanes, L’Humanité, …                L’Âme,

de La résistance, « fidèle rebelle », À mon enfance,

propre révolution …                                                                                     Gilles Roca,

 

« Combat, de Franc-tireur, de La Résistance’

À … notre Libération »,

 

Cas-fée-Philo  des  nés-nus-Phares,                        31 juillet 2011, ces-jours  de  Thermidor,

de résistance phare’, …                                 et de Libération, Le  terme’…y …dort !         G R

Le débat du 24 juillet 2011: « Dieu joue-t-il aux dés ? » animé par Alexandra Ajouhandjnou.

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Posted on 17th juillet 2011 by Gunter in Comptes-Rendus

Le débat du 17 juillet 2011 : »L’équilibre est-il la seule chose qui marche ? », animé par Gunter Gorhan.

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Posted on 11th juillet 2011 by Gunter in Comptes-Rendus

L’équilibre, est-ce que c’est la seule chose qui marche ?
La formulation du sujet était un peu maladroit (comme souvent le dimanche au café des Phares qui vit de l’improvisation du moment) et donnait envie de répondre spontanément : non, l’équilibre ne marche pas. Il n’existe pas « en soi » mais reflète un état d’un « objet » sensé « de marcher. Marcher comment ? Par rapport à quoi? Dans le sens de « fonctionner » ? Dans le sens « s’harmoniser » ? L’équilibre, est-ce un équilibre statique, un équilibre dynamique ? Ne faut-il pas perdre l’équilibre pour pouvoir avancer, pour laisser place au développement, à la croissance ? Le chaos et l’ordre s’affrontent. L’équilibre, synonyme d’ordre, avec le danger d’une hyperstabilité, d’un ordre mortifère, incompatible avec la croissance du vivant organique. Un ordre statufié, oppressant qui génère dans la durée des révolutions : l’histoire récente nous en donne l’illustration. L’équilibre de l’organigramme, de la marche militaire qui devient la marche funèbre. Un équilibre figé dans une bureaucratie, à maintenir à grande dépense énergétique. Sécurisant pour les uns, angoissant pour les autres. Comment maintenir certains équilibres ? Ou alors, comment instaurer l’équilibre ? Par le rythme dans la musique, nous-dit-on trop timidement, dans une de ses interventions qui donne envie d’en savoir plus. La force serait nécessaire pour maintenir l’équilibre, et nous évoquons le maintien de certains équilibres manu militari. Nécessité ou non sens ? Y-a-t-il encore « équilibre » quand la menace de mort devient nécessaire pour maintenir le statu quo ? Nous constatons le danger de la perte d’équilibre. Le chaos fait peur, ou est-ce la chute qui fait peur ? Nous n’avons pas approfondi cette nuance là, me semble-t-il. L’idée de la peur pourtant a traversé le débat. Par exemple, quand il a été évoqué que c’est quand on voudrait comprendre notre équilibre que nous commençons à vaciller. La suggestion endendue était celle de ne pas trop se soucier alors de l’équilibre, d’y aller avec une confiance de base. Le moment de friction observé à ce moment dans les échanges me semblait intéressant. Ne pas se soucier, ce serait rester inconscient ? Trop s’en soucier, ce serait de se figer dans l’inactivité ? J’ai entendu d’un la peur d’un côté de répéter, de perdurer « bêtement » dans un équilibre peut-être mortifère : comment le savoir si on ne l’interroge pas ? La peur de l’autre côté de stagner dans la peur de tomber, de chuter. Stagnation mortifère, elle aussi. L’option de la voie philosophique suggère de grandir notre champ de conscience, nous sommes d’accord ! La question qui s’impose, c’est peut-être celle-ci : Comment ne pas céder à la peur du vertige ? L’image du funambule nous a peut-être aidés. Plus l’appui est restreint, plus la recherche du maintien de l’équilibre est importante. Mais toujours, cet équilibre doit chercher appui dans le monde externe. Un témoignage a évoqué l’équilibre hyperstable trouvé dans le fonctionnement psychique qu’on appelle parfois la « folie » qui nie l’existence d’un extérieur perturbateur et qui arrive à créer un état stable, auto-centrée avec une cohérence, un équilibre d’une puissance inouïe, difficile à perturber. En restant appuyé sur la métaphore du funambule, nous introduisons un nouvel aspect dans la discussion. Pour traverser l’abîme sur son fil menu, c’est finalement sa capacité de se concentrer autour de son centre de gravité dans un environnement peu soutenant qui lui permet d’avancer. Qu’elle est le centre de gravité d’une famille, d’une équipe de travail, d’une société ? Oui, un centre de gravité est nécessaire et souhaitable. Une famille en équilibre, « ça marche », elle soutient le processus de croissance de ses membres. Pas pour tout le monde, à croire le mouvement de contestation dans le groupe en présence. L’équilibre de certaines familles n’est pas bon à vivre. Dans les familles aussi, comme dans les contextes géopolitiques, il y a certainement des équilibres de nature mortifère ou dynamique. Fonctionnement dictatorial ou démocratique ? Les unes génèrent la révolution et l’explosion, les autres grandissent dans la recherche interminable d’un vivre ensemble le mieux possible …. A croire les lois statistiques évoqués au cours du débat, 70 à 80 % vont être concernés par l’un, 20 à 30 % par l’autre état d’équilibre selon la distribution de la fameuse courbe de Gauss. Dans ce contexte, nous avons parlé d’un équilibre quasi irréductible qui veut que 80% de la richesse soit tenu dans la main de 20 % de la population mondiale. La tentation d’y voir une loi de la nature qui se distribue si souvent selon la courbe de Gauss me frôle et en même temps suscite de la révolte en moi. Je quitte le café philo avec l’idée du renversement des équilibres possible dans la nature. Le moment où tout semble basculer. Le Titanic qui coule. Le saut quantique. Quand l’ordre devient trop couteux, le chaos prend momentanément le dessus. Loi de la nature. Question d’entropie etc. La question qui se pose : quel sera l’élément structurant des sociétés humaines perdues dans le chaos ? La voie de la raison ou la peur? Dans l’après-guerre du cataclysme du siècle dernier, un « plus jamais ça » a donné la toile de fond d’un Europe qui peine actuellement à traverser une crise qu’on voudrait tellement maturative, mais qui comporte comme toute crise une valence « opportunité » ou « catastrophe ». L’avenir va montrer si nos fondements ont été suffisamment solides….. L’Europe n’est pas isolée, séparé du monde. Il ne va pas que de notre confort. Nous vivons actuellement une période forte de « redistribution » puisque les « équilibres » du monde binaire est/ouest ont été profondément perturbés par la chute du mur. Pour ceux qui s’intéressent aux débats concernant la dette des pays souverains, il est clair que le monde dans lequel nous vivons a changé. Pour moi, le problème de l’équilibre dans le monde, synonyme, je persiste à vouloir rêver, de « paix », consiste à harmoniser la cohabitation autour d’un centre de gravité qui peut être valable pour tous. Nous avons la chance de vivre dans le pays qui a été le creuset de la déclaration des droits de l’homme. Ce manifeste devrait pouvoir constituer un centre de gravité valable pour la cohésion mondiale comme la table des dix paroles l’a été pour la tradition judaïque depuis des millénaires. Est-ce que les bombes sont le moyen pédagogique le plus adapté à transmettre ces valeurs, a trouver l’adhésion des populations? Dans le public, l’avis était surement partagé, distribué probablement encore une fois selon la courbe de Gauss. Un autre débat en vue ?

Elke Mallem

21th juillet 2011 at 10 h 01 min

Débat du 26 Juin 2011: « Penser à soi est-ce de l’égoïsme? », animé par Pascal Hardy.

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Posted on 27th juin 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Il fallait que cela arrive, à un moment ou un autre. Ce fut le 26 Juin, au Café des Phares. Circonscrit le feu idéologique qui s’était emparé du secteur intellectuel de l’établissement depuis le 5 Juin, c’est le doute cartésien qui en a pris la relève, réduisant toute philosophie au discours solipsiste contenu dans le sujet : « Penser à soi est-ce de l’égoïsme ? », choisi par l’animateur, Pascal Hardy, pour le débat du jour.

Personnellement, je préfère m’écouter penser, afin de faire mariner mon dégoût pour ce que pensent les gens malveillants car, paraphrasant Wittgenstein : « Je suis mon monde », point. Qui n’est pas le sien ? …

Pourtant, une fois mes « pensées bien installées » selon les préceptes de la semaine antérieure, nourri par l’idée de partager mon égoïsme, je me suis efforcé de devenir celui que je suis, comme quelqu’un qui serait le seul à s’intéresser à soi-même.

En effet, ontologiquement tout un chacun est un être dont la pensée admet l’existence et métaphysiquement une créature dont l’essence est insaisissable, tel si l’on avait deux destins, l’un qui s’en prend aux jours, l’autre qui les achève. Si je pense, concluant par là que j’existe, c’est que je songe à moi et suis dès lors aussi bien le sujet que l’objet de ma pensée ; le « moi » personnel dont chacun a conscience représente ainsi à ses yeux toute la réalité, ou un « amour de soi » dont l’égoïsme et l’arrogance amènent le sujet à penser « il n’y a que ‘moi’ ». Si, donc, il voit le monde en soi (solipsisme radical), il ne peux pas se considérer comme étant en dehors de lui ; or, à moins d’un accident, nous ne nous trouvons pas en général avec notre œil devant les yeux ; on ne peut pas se dévisager dans son propre regard. Le « je » forme par conséquence une frontière avec l’univers mais, n’en faisant nullement partie, celui-ci ne peut qu’être un de ses fantasmes.

Dès lors, on aurait pu arguer que, celui qui ne pense pas à soi par crainte d’être égoïste, ne se connaît qu’à moitié, mais le public a évoqué plutôt, en vrac, Hannah Arendt, l’intérêt personnel, le totalitarisme ainsi que l’ouverture aux autres par le marketing, et il se trouva, comme toujours, que de tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus sages ont été ceux qui ont su se taire. D’ordinaire, « Penser à soi », ça évite de la ramener et, comme lors du partage d’un gâteau, on pouvait en rester là, assis à regarder complaisamment la danse des micros et à écouter les autres parler de tout et de rien. Mais, il y en a que ça stresse et les contempteurs ont envie d’avoir aussi, comme tout le monde, un micro devant les dents, pour réfléchir.

Et pour cause. Tandis que « Soi » est une réalité dont la certitude de Descartes ne suffit pas à fonder le caractère matériel, et que Berkeley va jusqu’à se poser des questions sur l’existence de l’autre, pourquoi moi, moi, moi… moi le centre de gravité de l’univers, s’effacerait-il au lieu d’envoyer bouler tous les autres ?

Il se trouve tout simplement que le « Penser à soi », ça n’existe pas ; penser à soi est penser à autre chose, peu importe quoi et nous serions bien avisés de « Penser par nous-mêmes », naturellement.

 

 

Carlos Gravito

 

 

Débat du 19 Juin 2011: « Comment la pensée peut-elle s’établir ? », animé par Nadia Guemidi.

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Posted on 21st juin 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Revenu, tel Ulysse, d’un beau voyage, en mer, qui m’a tenu à distance de l’impétueuse bourrasque qui, le 5 Juin, a assolé, à terre, le Café des Phares (y provoquant un remue ménage propre à emporter tout ce qui n’était pas attaché à la colonne centrale de l’établissement et qui, après avoir dévasté le parterre des mimosas, renversé le bac des pensées et déraciné quelques roseaux pensants y a laissé un étrange air de mépris du public comme lorsque l’on éteint un mégot après avoir allumé une nouvelle cigarette), plein d’usage et de raison je m’y suis rendu le dimanche 19, afin de prendre part à la traditionnelle causerie.

Tel si je suivais Jonathan Swift, y revenant à la manière de Gulliver après un court voyage à Laputa, j’avais l’impression d’aborder l’île miroir de Lagado où, arrivés au sommet de la raison et de la sagesse, les intellectuels, qui voulaient faire profiter le peuple de leur brillant savoir lui enseignant la philosophie, ont fini par y perdre le bon sens, et les maîtres des lieux, sans s’apercevoir de la réalité des faits, prétendant offrir à la clientèle de belles innovations conduisaient les habitués à l’égarement.

Enfin. Sous bonne garde et la houlette de Nadia Guemidi, les coutumiers de la bavette dominicale se sont donc préparés à gober le sujet suivant, choisi par l’animatrice : « Comment la pensée peut-elle s’établir ? »

A son compte ? A la campagne ? Dans ses meubles ? En HLM ?

Pour démentir Alexis Carrel, d’après lequel on pense trop mais on observe peu, le côté floralies de l’assertion m’a fait subodorer qu’il s’agissait là de quelque chose pour Alain Baraton, chroniqueur du jardinage, qui conseille l’utilisation de la coccinelle dans la préservation de la Pensée (dont le nom botanique est « Viola ») des pucerons, charançons, cochenilles et autres insectes teigneux qui se cachent sous la face intérieure de ses feuilles y déposant leurs œufs. Voilà.

Ou s’agissait-il, dans l’énoncé, de l’activité psychique dont le but est la connaissance ? Dans ce cas, penser correspond à une opération immédiate de l’esprit qui, liée aux catégories de l’entendement ainsi qu’à ses représentations, vient de l’intimité même du sujet et, se confondant avec la faculté de juger, ne nécessite pas d’installation. Résultat: il y en a qui pensent comme leur boutique, d’autres pensent ce qu’ils disent, tandis que d’autres encore ne disent pas ce qu’ils pensent.

Bref. Etant donnée l’absence du lien d’un fil conducteur dans ce débat, on se serait cru sur une planète Shadok, où, pour établir une pensée, les Gibus devaient lui faire occuper une case, et impossible d’en installer une autre, si une troisième case ne se vidait pas ; en somme, ils ne pouvaient pas apprendre une chose sans oublier la première, ce qu’ils faisaient à l’aide de passoires et d’une langue gabuzomeuse où « ga » équivalait à « moi », « gaga » à « toi » et « gagaga » à « imbécile ». De cette façon, ils pensaient, pensaient, pensaient, car il vaut mieux penser, même s’il ne se passe rien, que risquer qu’il se passe quelque chose en ne pensant rien.

Carlos Gravito

Débat du 22 Mai 2011: « Qu’est-ce que la sagesse? », animé par le philosophe Edgar Morin.

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Posted on 23rd mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Je traçais ma route, sachant que, comme dit le poète Antonio Machado, « Il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant », et assez déconcerté donc à l’idée d’aller me confronter carrément à « La Voie », dernier ouvrage d’Edgar Morin, au cours du débat qui, animé par l’inébranlable observateur de l’ordonnancement de la cité, allait avoir lieu le 22 Mai au Café des Phares. Finalement, c’est un panaché des sujets proposés par le public qui, réduit à « Qu’est-ce que la sagesse ? », a servi de base à la conférence-débat.

Il s’avéra vite, aux yeux du sociologue-philosophe, que le prétexte intellectuel pour la démarche en cacherait deux formes : une faite de renoncement, l’autre d’épicurisme, les exemples avancés étant, pour la première, le cas du baron d’Empain, riche homme d’affaires enlevé en 1978, mais qui, une fois relâché, quitta la France pour, en jeans et sac à dos, aller vivre six mois aux USA, l’autre, celui de Jean-Paul Kauffmann, pris comme otage au Liban en 1985, et devenu visiteur des prisons dès que libéré. On en est venus ensuite à « l’imagerie cérébrale d’Antonio Damasio », qui fait admettre la complexité du pôle rationnel (« Homo sapiens ») en conjugaison avec le pôle démentiel (« Homo demens »), c’est-à-dire, « le savant fou » sujet au délire, à la colère, aux crimes, aux massacres. Entre les deux émotions, on a visité « l’amour extralucide et l’extra aveugle », pour retourner à la case départ où s’installe le doute de pâtir ou de jouir de la proie que l’on a en soi. La Sagesse résultant d’un jeu permanent entre raison et passion, et « la vie bonne » incluant la compréhension d’autrui, nous serions logiquement invités à devenir tolérants, aussi bien dans le travail qu’en famille. Pourtant, à la question, « y a-t-il autant de sagesses que de gens ? », Edgar Morin a répondu que le « connais-toi, toi-même » n’est pas aisé, comme l’enseigne Montaigne, car nous sommes des êtres multiples qui, tel Dr. Jekill et Mr. Hyde, passent facilement d’une personnalité à une autre, en raison d’une compartimentation dans laquelle chacun perd de vue l’ensemble, d’où la véritable indifférence à autrui et au déficit de sens. En somme, on a autant de connaissance que d’aveuglement. D’un côté il y a les experts, exposés aux problèmes d’un monde cloisonné, de l’autre une sorte de raison politique qui, si les Hommes la possédaient, ferait d’eux des sages appelant à des catégories de pensée riches de pluralités tels qu’affects, complétude, simplicité, émerveillement, esthétique, ou poésie de la vie. Qu’est-ce que la raison critique, alors, se demandait le maître, rapportant qu’à ce titre Montaigne s’étend sur le cannibalisme lorsqu’il parle du colonialisme, et Montesquieux, dans les « Lettres Persannes » sur le sujet du relativisme culturel. Aujourd’hui, par contre, poursuivit Morin, la dégénérescence de la  raison, réduite à un rationalisme de salon et autres incohérences fondées sur des bases floues, termine en pathologie étouffante de l’économie et en robotisation afin d’asservissement, voire d’extermination, si l’on se souvient des suicides à Télécom ou les industries culturelles conduisant à la vie mutilée dénoncées par Adorno et Horkheimer. Conclusion, la raison n’est pas simple ; tout se complique vite de façon grotesque, à moins d’une autocritique de la complexité et de la globalité qui passerait immanquablement par l’autodérision. Il faut rire de soi. On doit être capable de se moquer de soi-même et d’autrui, car nous subissons la dictature du chronomètre sur la durée intérieur et psychologique, le temps compté dont parle Bergson, et les cadences infernales ridiculisées par Charlot dans les « Temps Modernes ».

Il faut, souligne enfin le maître. Il faut, donc, échapper à la pression du cercle infernal si l’on en a la possibilité. Il faut que l’on réforme notre système d’éducation, antinomique de la connaissance. Il faut que l’on change la formation des formateurs car, pour enseigner, il faut aussi de l’Eros. Une fois débarrassés des idéologies, nous avons fini par vouloir tout résoudre avec le marché, ce qui nous conduit aujourd’hui à d’effroyables cataclysmes et fanatismes conjugués contre l’humanité, tels le capitalisme financier ou la spéculation, et il serait sage de les éviter. Comment ? Il faut plus de sagesse, de rationalité, mais aussi de confiance, détermination et pensée, car, si l’on est incapable de réflexion on tombe dans l’erreur. Il faut que se fasse jour un effort de la raison, capable d’imaginer que si l’imprévu peut arriver, il arrivera. Alors qu’un autre monde est possible, il faut de la volonté et de l’espérance aux vieilles générations, désabusées ou dans le désarroi, autrement on court à la catastrophe, selon toute probabilité, bien que l’improbable puisse prodigieusement se révéler aussi, comme fut le cas de la petite bourgade d’Athènes qui, avec son petit allié de Sparte a résisté à l’empire Perse, pour donner naissance à la démocratie et à la philosophie.

Il faut sans cesse recommencer. La maladie de la raison est la raison close, et aujourd’hui, il nous faut donc partir en quête de la Renaissance, nous remettant à la Philosophie dont la vertu est l’interrogation. Rien n’est acquis, et tout ce qui ne se régénère pas, dégénère.  Il faut tout reprendre, tout renouveler, trouver La Voie.

-Dites, mon brave, demandait un automobiliste égaré à un paysan du coin, où va cette voie-là ?

- Elle continue tout droit puis, après le grand tournant, je ne sais plus.

- Et celle-là, à gauche de nous ?

- Ah, celle-là, elle mène au cimetière et ensuite Dieu sait où…

- Et l’autre, là, devant nous ?

- Oh, elle va vers la montagne, mais après je ne saurais pas vous dire.

- Vous savez quoi ? – crie le touriste exaspéré. – Vous êtes un con, Monsieur !!!

L’autre :

- Je suis peut-être un con, mais je ne suis pas perdu !

Carlos Gravito

Débat du 15 Mai 2011: « Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? », animé par Gérard Tissier.?

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Posted on 16th mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

« Peut-on vraiment être qualifié de bêcheuse ou de frimeur lorsque, en robe longue de soie et dentelles ou habillé d’un smoking et nœud papillon, l’on monte le tapis rouge qui recouvre les marches d’accès à la grande salle de projection, à Cannes ? », telle était la question qui me trottinait dans la tête en observant, le 11 Mai, les simagrées de l’inauguration du 64ème festival de cinéma. Quatre jours plus tard, le 15, c’est la piteuse aventure arrivé à DSK qui a chiffonné ma contenance ; patron du FMI, il a été arrêté pour agression sexuelle sur une soubrette chargée du ménage à son Hôtel de New York. Bigre ! On a beau être baraqué, on devient vite bien peu de chose.

Arrivé enfin au Café des Phares, je constate que l’animateur, Gérard Tissier, n’avait trouvé rien d’autre de plus bandant que : « Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? », pour que l’on s’y frotte, la justification donnée étant la nuance entre « être au pouvoir et avoir le pouvoir », un premier exemple se portant sur le « pouvoir fragile d’Astérix qui ne tenait pas sur son bouclier ». Pouf ! Quoiqu’il en fut, une question primordiale s’imposait :  De quel pouvoir parlait-on ?  Du pouvoir étatique ou de celui de distribuer des micros ? De toute évidence, d’après la voie prise, il s’agissait du pouvoir d’Etat mais, franchement, supposer sa faiblesse intrinsèque ou immanente, est-ce une question que l’on pose à des individus conscients et instruits de leurs devoirs civiques ? Désolé, mais, à part cette improvisation, a-t-on un jour considéré comme une faiblesse la prise ou l’exercice du pouvoir par un Etat ? Si l’on visait quelque chose de philosophique, on chevauchait sur l’insuffisance des concepts et de fausses prémisses, la notion d’Etat (status) signifiant par elle-même la position debout, ou une stabilité certaine, ce qui fait qu’il n’y a pas d’Etat si une distinction ne s’établit entre ceux qui ordonnent et ceux qui obtempèrent, c’est-à-dire, dès qu’un Homme ou un collectif d’Hommes se trouvent en situation d’imposer leur volonté à un autre groupe plus étendu, dans un espace donné, le sol constituant la base sur laquelle le phénomène s’opère, et l’Etat se résumant à la rencontre en somme d’un territoire, d’un peuple et d’une langue. Il n’est jamais donné, mais plutôt forgé, par la persuasion ou la contrainte, d’où résulte que le problème soulevé ne se pose pas ; il y est question de puissance publique caractérisée par la force et point par la veulerie et cela prend le sens politique « d’appareil » lorsque l’on y ajoute le déterminatif « res » (publica), la contre-partie d’un tel Etat-pouvoir étant l’Etat-société (l’ensemble des nationaux) sur lequel il s’exerce, ce qui rend les deux indissociables ; ils s’incarnent, comme il a été relevé. Dès lors, tous les citoyens éclairés sont censés savoir que, postulant à une tâche soumise au scrutin universel et menant à la conduite des affaires, ils doivent être désignés par une centaine d’autres élus, selon un rituel strict, car c’est forte du résultat des urnes que la souveraineté nationale appartient au peuple. C’est cela que, dans le sujet, l’on nome « faible » ? Rien ne le laisse supposer.

Ainsi donc, résultant d’une somme de volontés qui accordent un mandat à ses représentants, la démocratie pratique la dépersonnalisation, c’est-à-dire, tout bien pesé, la souveraineté revient à la nation, tandis que la monocratie (monarchie, dictature ou tyrannie) use de la personnalisation du pouvoir en un seul Homme.

Alors ? Est-on faible, quand on est au Pouvoir ? Bien que cela puisse paraître inconcevable,  sachez que « le mandat du représentant du peuple est rempli selon l’appréciation de son titulaire, et de ses abstentions il ne résultera aucun risque de déchéance ; celui-ci n’est pas lié juridiquement par ses engagements pris au cours de la campagne électorale, et n’a pas à tenir compte d’injonctions reçues ultérieurement, dès qu’il n’est tenu à aucune des activités découlant de la fonction dont il est investi, ou à faire objet d’une révocation, soit par l’électeur soit par l’Assemblée, ni de déchéance judiciaire anticipée ». Cool, le gars, candidat à la pratique de l’omnipotence ; pourquoi avoir les chocottes ? De quoi avoir peur si, traversée par la transcendance du Droit Constitutionnel, la contrainte coercitive est un dogme de l’Etat dont les organes se nomment « Pouvoirs » et n’ont en face que l’obéissance civile ? Au moyen d’injonctions, prohibitions ou sanctions, les commis de la Nation sont les seuls à décider des besoins à satisfaire, des moyens à employer et comment y parvenir ; le contraire serait la disparition du Pouvoir. Eeeuh !!!

- Je suis chef de service et on me traite de couille molle ; c’est grave, docteur ?

- Non, non. Faites des pompes ou des abdos et si, en dépit de votre pouvoir, on vous reproche toujours une certaine faiblesse, essayez les suppos… à base d’huile de foie de morue.

 

Carlos Gravito

Débat du 8 Mai 2011: « L’espoir est-il désespérant ? », animé par Sylvie Petin.

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Posted on 9th mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Au cours de la première semaine de Mai, le commando d’élite d’un pays démocratique avait, sous cape mais sur le sol d’un autre pays démocratique, assassiné un homme découragé qui se complaisait à feuilleter ses albums souvenirs du vif espoir de ravager la planète, le Président du premier affirmant ensuite d’une voix sûre et fière : « justice a été faite, et nous avons jeté le corps à la mer, tellement il était défiguré, respectant ainsi la coutume musulmane ». Fastoche ! L’événement, controversé, a été assez commenté dans les médias ainsi que dans d’autres espaces publics et, le dimanche suivant, le 8 du mois, c’est « L’espoir est-il désespérant ? » le sujet que l’animatrice, Sylvie Petin, a mis en discussion au Café des Phares.

La machine à citations et noms de philosophes du passé qui devaient nous sortir de l’antinomie s’est mise immédiatement à mouliner, hélas, l’espoir est chose de l’avenir, aussi nécessaire que le présent, et on s’attend d’ordinaire à ce qu’il soit généreux et point retors. A la rigueur, on pourrait libeller la question employant comme adjectif qualificatif « affligeant » ou « décourageant », tout simplement, signifiant par là une maigre conviction au sujet d’un sentiment peu rassurant, mais en aucun cas la désespérance, une paradoxale absurdité dont la contradiction réside dans le type de raisonnement sur lequel nous avons été aiguillés, d’autres situations d’ineptie possible étant par exemple : « L’amitié est-elle inamicale ? », « La moule démoulée ? » ou « La démocratie terrorisante ? », si l’on voulait s’exprimer sur l’incantation USA. Le travail de la philosophie est de chercher le sens des choses et non d’inverser leur image, nom d’une pipe.

Nous avons donc assisté à la mise en scène d’une compétition entre les amis de la sagesse, les uns côté espoir, les autres désespoir, alors que, toujours, « à quelque chose malheur est bon », parce que dans tout événement pénible se trouvent en général certains trucs dont on a la possibilité de se servir, le mal étant nécessaire pour obtenir le bien, d’où l’insuffisance du concept ; soit l’espoir agit sur le réel, soit il rejette l’idée d’un être optimiste. Guillaume d’Orange « n’avait pas besoin d’espérer pour entreprendre » et, finalement, il me semble que l’espoir n’y peut rien, en somme, du fait que le ciel parfois se lasse de rendre les Hommes heureux et, à leur bien, mêle certaines disgrâces, ne serait-ce que le mauvais temps ou quelques atomes qui leur pètent à la gueule ; c’est l’effet de « la carte forcée » du Grand Prestidigitateur, à laquelle il ne nous est pas donné de nous dérober, tandis que l’envie ou le désir agissent, certainement, car ils ont un pouvoir de résolution immédiate que l’espérance ne possède pas.

C’est ainsi que les Hérauts de l’espoir s’époumonèrent faisant question d’atteindre quelque bien en toute confiance, et peine perdue pour les Cassandres du désespoir, déterminées, elles, par le désenchantement, tandis que l’âne caresse toujours l’espoir de devenir cheval, et il a tout le temps de sa vie pour en rêver, comme les larves patientent aussi dans leur condition pour devenir papillons ensuite, et la flèche se précipite vers l’avant, anxieuse d’atteindre la cible. Quoique cet enchantement du monde soit hélas marqué par la pensée magique en tant qu’exploitation du réel, il ne faut désespérer de rien, puisqu’il nous restera toujours un sentiment de confiance dans l’avenir, tant que l’étoffe de ce qui est sera recomposé par des poètes comme La Fontaine, pour ne parler que de lui :

« Perrette, sur sa tête ayant un pot de lait, …comptait déjà dans sa pensée tout l’argent avec lequel elle achèterait cents œufs ce qui lui permettrait d’élever des poulets…, etc., etc.. Mais, ‘qui ne fait châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin, tous, autant les sages que les fous, chacun songe en veillant’… (Puis), quelque accident fait que je reste en moi-même. Je suis Gros-Jean comme devant. »

Enfin. Rappelons que la philosophie est une affaire de raison et pas un jeu de cache-cache. Né de la peur, l’espoir est une trousse de secours dont l’utilisation dépend des circonstances. Pour ce qui est des cœurs purs, le bonheur, lui, est là, cartes sur table.

Carlos Gravito

Débat du 1er Mai 2011: « Doit-on avoir peur de la science? », animé par Jean-Marc Levy-Leblond.

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Posted on 2nd mai 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

C’était le premier Mai, le mois mythique de tous les enchantements et une certaine allégresse gagnait aussi les rues de Paris envahies de surcroît par des manifestants à la boutonnière ornée de brins de muguet, comme souvenir de la grève des travailleurs de Chicago qui avaient imposé en 1886 au patronat américain la journée de huit heures, et iraient sans doute réchauffer le cœur de quelqu’un dont le regard devint celui de l’autre. A l’heure où le ciel comptait un nouveau saint, le Pape qui avait exhorté ses fidèles à ne pas « avoir peur », au Café des Phares le physicien et philosophe, Jean-Marc Lévy-Leblond, qui maniait les éprouvettes dans la conduite du débat, a choisi justement pour sujet du jour, « Doit-on avoir peur de la science ? ».

Brrrrrrrr ! Non ; du calme. Prenons donc l’ampoule à décanter et voyons : « Devoir », implique une obligation morale à respecter en raison des convenances. La « Peur », suppose l’imminence d’un danger et il est bien connu que, dès que celui-ci se précise, la trouille tend à disparaître. La « Science » ( ‘Scientia’, dérivé de ‘scire’, qui a pour but le savoir en soi, et point ses applications pratiques), s’oppose donc à l’ignorance comme seul péril. Conclusion logique, mutatis mutandis, notre sujet pouvait très bien  se traduire, en cas de panique, par «  Faut-il convoiter le charlatanisme ? »

Pourtant, on en n’était pas là. Alors, quelques participants ayant « fait la distinction entre science et technologie » ou manifesté leur « confiance dans les apports de celle-ci en même temps que leur défiance vis-à-vis de son utilisation », et compté sur « l’engagement responsable des scientifiques », l’orateur est parti dans un long mais non moins intéressant soliloque sur « le savoir et le besoin manifesté par chacun de convaincre les autres, depuis les grecs à aujourd’hui, si l’on excepte les romains qui ne s’intéressaient qu’aux arts et au droit, provoquant ainsi un hiatus dans ce domaine qui dura jusqu’au XVIIème siècle où la technique des artisans a permis enfin un développement galopant des sciences, allant de la machine à vapeur à l’électricité, la radio, la télé, etc. ».

Ayant son auditoire en main, le conférencier poursuivit alors évoquant le retour de manivelle du « savoir scientifique, au cours de la guerre mondiale, avec la découverte des propriétés de l’atome ainsi que la possibilité d’en fabriquer une bombe, ce qui fut fait dans l’espace de trois ans, et essayé avec le succès que l’on sait », puisque l’on peut le constater à l’occasion faisant un détour par Hiroshima, une caricature de notre humanisation.

A la question subsidiaire « la science est-ce un apport ou un danger ? », il a été répondu « qu’il ne faut pas décevoir la curiosité d’un enfant de quatre ans », que « l’ignorance est la peur de l’inconnu », que « les objets techniques étant super performants, tout dépend plus du marché que des besoins sociaux », et patati et patata ! Qui, enfin, a la pétoche de quoi ?

Si l’on y réfléchit bien, c’est quand même bizarre de lier le savoir à la peur, ce qui ne se trouve pas très éloigné de l’Interdit de Connaître. Celui de la légende de l’« Arbre de la Science du Bien et du Mal », au moins, procède d’une explication naïve ou poétique de nos malheurs ; il y avait dans ce « Jardin de Délices » une succulente pomme, une avenante femme, et une facétieuse couleuvre pour faire diversion. Là, même pas les lignes de la main que la première bohémienne aurait mutées en science infuse. Où voulait-on en venir avec un tel pétard mouillé ? Au déni ? à la Science Fiction ? Exacte ? Pure ? Appliquée ? Expérimentale ? Occulte ? Ou tout prosaïquement  au grand Frisson tétanisant ?

La totalité de ce qui est directement connaissable, comme les faits scientifiques par exemple, est « finie » et on pourrait de concert atteindre le vrai, si seulement la réalité ne lui emboîtait le pas. L’« infini », lui, surgit dès que nous pensons, car cela nous permet de chercher un sens à ce que l’on ne comprend pas, en science seule l’hypothèse étant belle, puisque le rêve consent  à y intégrer chaque chose.

Πάτα ρεί, (Héraclite), Panta rhei, « Tout coule », tout passe, et pour ça le fleuve contourne les divers obstacles qui s’opposent à lui. Mais, en aucun cas, il ne retournera vers sa source.

Carlos Gravito

Débat du 17 avril 2011: « Qu’est-ce que d’être mature ? », animé par Daniel Ramirez.

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Posted on 26th avril 2011 by Cremilde in Comptes-Rendus

C’est de ne plus se poser la question.

Carlos Gravito

Débat du 24 Avril 2011: « Les vices privés font-ils le bien public ? », animé par Christiane Graziani.

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Posted on 25th avril 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Dès qu’un participant du Café des Phares s’avise de lire un bouquin dans la semaine, comme s’il s’agissait du battement d’ailes d’un paillon, il faut le dimanche suivant se mettre en alerte rouge à la Bastille, et je m’explique. C’était Pâques, ce 24 Avril, et il y avait partout des dragées, des œufs, des lapins et des cloches en chocolat. Eh ben, ce sont les abeilles qui nous sont tombées sur le paletot, parce que quelqu’un, ayant lu « La Fable des Abeilles », de Bernard de Mandeville, en a tiré un sujet de débat « Les vices privés font-ils le bien public ? » et, quoique « bien mal acquis ne profite à quiconque », l’animatrice, Christiane Graziani l’a choisi pour alimenter notre discussion. J’avais, moi même, lu un opuscule sur « Le Poisson », en tant que figure eucharistique célébrée ce jour pourtant, malgré ma passion pour les sardines grillées je me suis abstenu d’en parler.

La première idée sur l’énoncé a être exploitée, semblait très originale : « C’est bien connu, ma bonne dame, le malheur des uns fait bonheur des autres ». OK !!! Essayons donc de passer à des choses sérieuses, le politique, bien entendu, avec l’histoire de « La main invisible », par exemple, et tant que l’on y est, « à la taxation du tabac et de l’alcool, puisque l’on persiste à fumer et à boire », ainsi qu’au « cas Baudelaire, dont le vice aurait contribué, en l’occurrence, au bien public » ou « le Souverain Bien », comme on dit. « Chacun devant lutter pour lui-même et tolérer les abus des autres », « les jouisseurs étaient donc invités à consommer toujours plus pour jouir plus », excusez-moi du peu. Là, on a fait une pause pour se demander, tout compte fait, « Qu’est ce que le bien public » et « s’il n’y avait pas dans ce concept une manipulation, le confondant avec ‘bien commun’», puis quelqu’un a « étalé le vice public sur plusieurs étages, notamment droit et valeur, de ceux qui s’enrichissent, et a fait de même pour le vice privé, le partageant entre humain et individuel ». Après un passage obligé par « La Banalité du Mal », ma voisine a déduit qu’il « s’agissait dans nos analyses de formulations malsaines », le cynique Mandeville concluant, lui-même dans son œuvre que « le vice est aussi nécessaire que la faim, certes affreuse, mais utile à la démarche propre à se nourrir » et « que sans elle et sans le vice, on ne peut pas rendre une nation célèbre et glorieuse ».

Voilà, la messe était dite, mais parce que Mandeville tourne autour de l’abeille comme il pouvait le faire autour d’une mouche afin d’y dénicher des fausses vertus, j’invitai l’assemblée à se prononcer sur la récente polémique ayant trait à « la criminalisation du recours à la prostitution ». Trop vulgaire peut-être pour la bien pensante assemblée de philosophes, la question a été évacuée, ce qui m’astreint à y revenir à présent. Inscrite dans la stratégie de dissimulation et manipulation des réelles intentions du politique qui ne voit dans la morale que l’exercice de la domination des individus soumis, comme s’il était question d’une drogue cette loi réprime, avec six mois de prison et 3.000 € d’amende, le recours à l’amour et au sexe, l’autre rive de nous-mêmes. Or, c’est infâme de traiter quelqu’un de délinquant parce qu’il s’adresse à une fille visiblement disposée à ça et que cela concerne parfois des femmes remarquables, telle Grisélidis Real, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici. D’où sort-elle cette morale, si tant est qu’il s’agit d’une ? Faut-il se cacher, se taire, faire taire ? Ou est-il question de ramasser des voix électorales, commerce infâme des vraies « putes » ? « Bien privé, vice public ? »

Voilà, la boucle est bouclée et la question reste entière : « Vices Privés et Bénéfices Publics », pour être fidèle à l’auteur d’une piteuse « Fable des Abeilles ».

Cynique, ce Mandeville, surnommé Le Diabolique (Man-Devil), connaissait certainement beaucoup de choses sur les fripouilles dont il décrit les travers, mais peu sur l’hyménoptère ni même les fleurs que celui-ci butine, témoins d’un message d’ordre eschatologique compris par les poètes qui dénichent le sacré dans le signe et découvrent la plénitude de l’étant dans l’épanouissement de la totalité dont l’abeille assure la continuité, génétiquement incertaine par la reproduction somatique ; ils, les êtres pénétrés par la poésie, ont la terre dans l’âme, les philosophes, eux, l’ont sous les pieds… La vitre cassée, ça fait marcher l’économie, c’est certain, mais ce n’est pas pour ça que l’on les casse, parfois ; c’est de rage.

Carlos Gravito

Débat du 10 avril 2011 :  » Qu’est-ce que peut être la sagesse du citoyen, aujourd’hui, dans la cité ? », animé par Gérard Tissier.

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Posted on 11th avril 2011 by Carlos in Comptes-Rendus

Alors que l’essence même de l’Etre est de se reconstituer (et mon foie en sait quelque chose), ça faisait trois mois que les aficionados des débats philosophiques du Café des Phares attendaient le moment de s’attaquer à la redondance « Tout ce qui ne se régénère pas, dégénère », que le philosophe Edgar Morin s’apprêtait à décliner devant eux le 10 Avril, mais, en raison d’un empêchement de l’illustre invité, c’est « Qu’est-ce que peut être la sagesse du citoyen, aujourd’hui, dans la cité ? » qui leur a été finalement donné en pâture par l’animateur Gérard Tissier, à l’heure où les caissières de Carrefour se battent pour leur salaire.

Eh ben ! Faute de grives on mange des merles, « le but étant de bien vivre dans la cité (comme il a été dit), grâce au concours de l’idéal qui transcende le ‘citoyen’, épithète acquis en 1789 mais qui serait à redéfinir à l’époque d’Internet dont le rôle a été si déterminant dans les plus récentes rébellions ». Là, un coup de frein fut donné à la fougue initiale, « car, dès que rien ne va, nous passons vite de la sagesse à l’obéissance et des droits aux devoirs ». Puis, constatant que « la sagesse exige un préalable », ça repartit, jusqu’à ce que l’on s’aperçoive « que la conscience est une faculté tributaire du type de société (scandinave ou latine) » et que « ce modèle de citoyenneté était peut-être possible à Athènes (un petit village), mais s’avère plutôt difficile à mettre en œuvre dans un pays composé de 36.000 communes ». Sans oublier « le désastre Japonais », « nous gorgeant de mots, nous avons essayé de savoir si l’on est ‘consommateur’ ou ‘militant’ » et, « la question du ‘bonheur’ étant mise à l’ordre du jour dans la construction de l’avenir et du ‘vivre ensemble’», « on opposa ‘individu’, ‘citoyen’, et ‘exclu’ », finissant par estimer que « ‘la vertu’ proclamée par Robespierre », « la transmission du savoir, la démocratie participative, le ‘vote’, ainsi que la responsabilité, font partie d’un système qui commence à ‘claudiquer’», dénonçant au passage « le mélange de ‘l’existentiel’ et de ‘l’ontologique’ ». Bref, « les français auraient délaissé ‘La Démocratie en Amérique’ de Tocqueville (plus l’exemple de la constitution USA qui prône ‘la poursuite du bonheur’ »), pour « ramper dans le désordre », au point de « mettre 80 ans à implanter ‘La Démocratie en France’». Gardant néanmoins en tête « la problématique existentielle de Sartre, ‘Le deuxième sexe’ de Simone de Beauvoir et un inopérant ‘IVG’», le public a dénoncé « le droit aux ‘Droits’ sans travailler », pour s’interroger ensuite sur « la distinction entre ‘citoyen’ et ‘électeur’ », finissant par se poser la question « Où est-ce que l’on va ? », suivie de « Que faire ? » et « Où investir ses espoirs ? », en présence du « Choc des générations » face à la « Propagande électorale ». Fallait-il encore « s’en remettre aux experts », « aux Arcadies » et « faire le pèlerinage d’Ermenonville ? »

Avec la volonté de régénérer ce qui dégénère, les intervenants ont fait preuve de beaucoup de lucidité et de civisme durant tout le débat, certes. Le point néanmoins est que, malgré la rhétorique de Rousseau qui attribue les inégalités à l’avènement de l’agriculture et par conséquence de la propriété, il n’est question dans toute cette controverse ni de sagesse ni de propriété mais d’assujettissement. Comme la matière tend à la forme, la Société, œuvre de l’action de masses humaines, aspire à se constituer en Autorités Souveraines dont le Droit Public légitime le pouvoir. Par contre, bien que jaloux de leurs intérêts, les Hommes qui la composent, sujets du Droit Civil, ne sont pas d’ordinaire en mesure de se choisir un Etat ; si une option leur est laissée, c’est entre deux et si l’on perd l’un on tombe sous la coupe d’un autre qui ne s’encombrera pas de valeurs morales à la Platon, mais, par la ruse, la loi ou la force, selon les contingences de l’Histoire, comme le pensait Machiavel dès le XVIème siècle (Le Prince), il se fera l’organisateur de la contrainte, incompatible avec l’idée d’Homme. Sachant que la TV leur bourre le mou, la sagesse commande donc aux citoyens de déjouer l’équivocité du mot « Cité », aussi bien forme de vie communautaire que pouvoir coercitif. La crainte inspirée est le maître mot de tout Pouvoir, auquel le régime démocratique n’échappe pas. Celui-ci est une institution politique aussi légitime qu’une autre et, en tant que forme désincarnée de gouvernement, il aspire tout autant à la violence, au point d’obliger ses sujets à une coopération forcée qui subsiste justement en raison de la divergence de destinées, publique et privée, une crise de Pouvoir étant invariablement identifiée à une crise du civisme.

Faut pas rêver. « Ne vous demandez pas ce que la Nation peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour la nation », avait apostrophé un jour John Kennedy ses concitoyens leur assenant son fait.

Carlos Gravito