Le 30 janvier 2011 : « Vivons-nous sous l’emprise des objets ? animé par Sylvie Pétin.

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Posted on 31st janvier 2011 by Cremilde in Comptes-Rendus

Le sphinx de Gizeh, dans la Basse-Egypte, a certainement tremblé d’effroi voyant voler en rase-mottes au-dessus de sa tête des terrifiants objets belliqueux, destinés à protéger Abou al-Hôl, (le père de la terreur) de ses administrés qui voulaient du pain. Alors ? « Vivons-nous sous l’emprise des objets ? » En tous cas, tel était le sujet de notre débat, animé par Sylvie Petin le 30 Janvier, au Café des Phares, ce qui en clair présupposait que les objets seraient dominateurs au point de nous donner la chair de poule et nous affligeraient même à coups d’yatagan, bien que toutes les choses, en tant qu’outils, nous facilitent la vie, ce vers quoi tendent notre volonté ainsi que notre action, nos désirs et efforts. Peut-être que ce serait précisément le fait de tenir à eux qui serait malsain car, au fond, il n’y a que pour faire un enfant qu’un désir suffit, alors que pour perpétuer l’espèce humaine on ne peut se passer des objets appropriés qui deviendraient usurpateurs. Une guillotine par-ci, un fil à couper le beurre par là, puis la TV dans la chambre à coucher, (sinon l’ordinateur familial) ; en bref, comme on fait son lit on se couche et des tas de trucs viennent nous défier dans la nuit, moment propice à l’apparition de monstres.

Dans la fébrilité de la démonstration on a déduit que l’objet ne s’use que si l’on s’en sert, du portable à la serpillière en passant par la branche d’arbre, d’où un nécessaire rapport à la vérité sans quoi la chose se rebifferait. Mais, soyons clairs. Il semblerait que « Chose » désigne n’importe quel objet de pensée dont le sujet est conscient. Grande ou petite, superflue ou indispensable,  la « chose en soi » a une existence indépendante, tandis que nous nous montrons comme nous sommes par rapport à elle : tributaires. Elle est sujet de tout ce que l’on y perçoit. L’« Objet » (« objicere »,  jeter devant), c’est-à-dire, tout ce que se tient en face de nous, soit-il une idée ou quelque phénomène réel, est susceptible d’une connaissance intellectuelle ou sensible que la perception n’épuise pas. De là à affirmer que, même s’ils ne sont pas à leur place, un marteau, un réveil matin, un vélo, un livre, l’objet d’un désir ou l’heure d’un train me dominent comme un simple tamagotchi, il y a un pas que je n’oserais pas franchir. En tout état de cause, le concept d’objet s’oppose toujours à celui de sujet et, pour être objectivement sous leur emprise (quelque chose qui pourrait me nuire plus que servir), il faudrait qu’ils se logent dans mon entendement de la même manière qu’ils sont dans mon agenda ou ma boîte à outils et pas comme je les conçois.

Les objets de nos sens nous narguent, certes, mais n’existent que pour nous, raison pour laquelle, « lorsque je rentre tard le soir, j’introduis discrètement la clé dans la serrure de ma porte, afin de ne pas déranger tous ces êtres de la nuit, comme l’écrit Kurt Tucholsky (ou Karl Kraus ?) dans une de ses nouvelles, le grincement du plancher, le lent entassement de la poussière sur le tapis, le bruissement de souris, blattes et cafards dans les placards ou le bond du chat qui s’installe sur la table ». 

Aussi, « si j’enlève mes bracelets, ôte le chouchou qui noue mes cheveux, détache mes pieds de leurs chaussures, pour résumer de mémoire Yannis Ritsos, je crois que je me volatiliserais et je ne le voudrais pas. C’est sans doute pour cela que je les porte, car à leur façon ils me retiennent » dans cette pérennité de l’ombre où toute chose vient se fondre pour se conformer à la loi du silence… lieu des grandes idées ou des provisoires oublis, de concert avec le trottinement des objets que nous croyons exister et n’existent pas, que nous croyons pouvoir emprunter alors que l’autre ne consent pas à le faire.

Il y a de ça. Un jour, j’ai demandé à mon voisin de me prêter sa corde à linge pour y étendre le mien. Il me dit :

- Je ne peux pas, j’ai de la farine à faire sécher.

- Mais, la farine ne tient pas sur un fil…

- D’accord. Mais, que veux-tu que l’on réponde lorsque l’on n’a pas envie de prêter un objet?

Carlos Gravito

2 Comments
  1. ROCA Gilles says:

    Vivons-nous sous L’emprise des’ objets ?, Sylvie P,

    « Objets’ inanimés’ … Avez-Vous donc une’ Âme ? »,
    Lamartine, de La matière … L’…âme’…à …tiers, L’objet, qui modèle … La chose’,
    objet’ « intelligent’ » À L’Âme’,
    où Loge … L’ « éloge … de L’objet », forme … de La chose’,
    et Le nom de La chose’,
    et Le mot de La chose’,
    outil, instrument’, un moyen,
    machine … désirée, « machine … désirante’ », À L’objet d’Attention,
    du désir, objet d’Amour, jusqu’À L’objet Vénéré, mode … de relation,
    d’utile … Lien,
    d’Amour, fin, de sujet’ À objet, de sélection, de séduction,
    d’emprise … de maîtrise, Le trajet, du projet, de soumission, domination,
    de jardinier, des cœurs,
    Pensée(s), Souci(s), deux fleurs,
    de La troisième … L’Immortelle’, emprise, hors de L’espace – temps,
    des choses … des’ objets, de notre’ espace-temps,
    de choix, de possession, de Liberté, Valeur, objet, de création, de réalisation,
    matérielle, naturelle, culturelle … spirituelle, de L’hominisation À L’humanisation,
    objet(s) formé(s), objet(s) nommé(s), objectivé(s), concrétisé(s),
    « effectivé(s) », réalisé(s),
    « sensé(s) », Au « sens’ … d’ultime … sensation », objet / sujet … intime’ modulation,
    de conscientisation, de L’objectivation, Leur inter’- relation, inter’- émulation …
    d’objet, Avoir, À sujet, Être’,
    À Venir, et À naître, .. . Gilles Roca,

    Cas-fée-Philo des Phares, 30 janvier 2011’, en ces-jours de Pluviôse’,
    et d’emprise’, objet, phare’, et d’emprise’, objet, ose !, G R

    31st janvier 2011 at 12 h 27 min

  2. Gunter Gorhan says:

    Les sujets proposés au choix de Sylvie étaient :
    -Sommes-nous maîtres de nos croyances ?
    -Sommes-nous plus que nos choix ?
    -Vivons-nous sous l’emprise des sujets ?
    -S’adapter, est-ce vraiment un critère de santé ?
    -Le sens est-il l’ultime sensation ?
    -Que peut-être une vie bien remplie ?
    -Le grand homme est-il mort ?
    -Peut-on penser autrement ?
    -Etre majeur ?
    -La radicalité, contourne-t-elle la complexité ?
    -Comment aimer son destin ?
    -Comment font-ils ces gens qui ne se posent pas de questions ?

    Apparemment, c’est nous qui commandons aux objets, comme nous commandons à la technique, apparemment, ce sont les objets et les techniques qui sont à notre service, ce sont eux qui « vivent » sous notre emprise.
    Or, cette assurance toute cartésienne d’un Sujet souverain a été mise en cause par les philosophes du soupçon : Nietzsche, Marx et Freud.
    En ce qui concerne notre sujet, les objets, Marx n’a pas seulement mis en lumière le fétichisme de la marchandise – nos objets, et avant tout, l’argent, sont devenus de véritables divinités, avec leurs cathédrales : supermarchés – mais surtout le devenir-objet des sujets eux-mêmes.
    Le capitalisme (la société de consommation, la pub et le marketing) ne produit pas en effet des objets pour un sujet, mais des sujets pour des objets. Mais un sujet produit, c’est-à-dire fabriqué devient lui-même un objet – à exploiter!
    Comme l’a exprimé cyniquement Patrick Lelay (président de TF1) : » nous fabriquons des cerveaux disponibles pour Coca-Cola ». Ce devenir-objet des humains sous l’emprise du capitalisme, Lukacs l’a qualifié très justement de « réification ». Ainsi, la pub nous incite à investir dans notre capital de santé, dans notre capital culturel, voire d’augmenter notre capital de séduction (sic)…
    Si nous avions besoin de tous ces gadgets qui nous submergent, serait-il nécessaire de dépenser des sommes faramineuses (assez pour régler les problèmes de la faim, de l’eau, de l’habitat dans le monde) pour nous convaincre de les acheter ? Simplement pour nous informer ? Qui peut encore le croire ?
    Une question plus fondamentale a été aussi efflorée dimanche dernier : la séparation nette entre sujet et objet peut-elle être maintenue contre vents et marées ? La crise écologique n’est-elle pas un symptôme de cette séparation, voire opposition (ob-jet : ce qui nous est opposé) ?
    Mais pour ne pas non plus tomber dans le mysticisme genre »Avatar » – l’idéal d’une humanité totalement intégrée dans/fusionnée avec la Nature –, écoutons Heidegger : « Nous sommes au monde, mais nous ne sommes pas du monde (l’Objet par excellence) », ou dit plus simplement : Nous, les humains, grâce ou à cause de notre conscience, avons un pied dedans et un pied dehors, bref nous boitons. Mais « boiter ne pas pécher »…
    Bien d’autres « sujets » (ici au sens de thèmes, quelle belle, instructive et stimulante polysémie de la langue naturelle) ont été abordés dans cet échange très riche…

    31st janvier 2011 at 13 h 25 min

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