Débat du 26 Juin 2011: « Penser à soi est-ce de l’égoïsme? », animé par Pascal Hardy.
Il fallait que cela arrive, à un moment ou un autre. Ce fut le 26 Juin, au Café des Phares. Circonscrit le feu idéologique qui s’était emparé du secteur intellectuel de l’établissement depuis le 5 Juin, c’est le doute cartésien qui en a pris la relève, réduisant toute philosophie au discours solipsiste contenu dans le sujet : « Penser à soi est-ce de l’égoïsme ? », choisi par l’animateur, Pascal Hardy, pour le débat du jour.
Personnellement, je préfère m’écouter penser, afin de faire mariner mon dégoût pour ce que pensent les gens malveillants car, paraphrasant Wittgenstein : « Je suis mon monde », point. Qui n’est pas le sien ? …
Pourtant, une fois mes « pensées bien installées » selon les préceptes de la semaine antérieure, nourri par l’idée de partager mon égoïsme, je me suis efforcé de devenir celui que je suis, comme quelqu’un qui serait le seul à s’intéresser à soi-même.
En effet, ontologiquement tout un chacun est un être dont la pensée admet l’existence et métaphysiquement une créature dont l’essence est insaisissable, tel si l’on avait deux destins, l’un qui s’en prend aux jours, l’autre qui les achève. Si je pense, concluant par là que j’existe, c’est que je songe à moi et suis dès lors aussi bien le sujet que l’objet de ma pensée ; le « moi » personnel dont chacun a conscience représente ainsi à ses yeux toute la réalité, ou un « amour de soi » dont l’égoïsme et l’arrogance amènent le sujet à penser « il n’y a que ‘moi’ ». Si, donc, il voit le monde en soi (solipsisme radical), il ne peux pas se considérer comme étant en dehors de lui ; or, à moins d’un accident, nous ne nous trouvons pas en général avec notre œil devant les yeux ; on ne peut pas se dévisager dans son propre regard. Le « je » forme par conséquence une frontière avec l’univers mais, n’en faisant nullement partie, celui-ci ne peut qu’être un de ses fantasmes.
Dès lors, on aurait pu arguer que, celui qui ne pense pas à soi par crainte d’être égoïste, ne se connaît qu’à moitié, mais le public a évoqué plutôt, en vrac, Hannah Arendt, l’intérêt personnel, le totalitarisme ainsi que l’ouverture aux autres par le marketing, et il se trouva, comme toujours, que de tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus sages ont été ceux qui ont su se taire. D’ordinaire, « Penser à soi », ça évite de la ramener et, comme lors du partage d’un gâteau, on pouvait en rester là, assis à regarder complaisamment la danse des micros et à écouter les autres parler de tout et de rien. Mais, il y en a que ça stresse et les contempteurs ont envie d’avoir aussi, comme tout le monde, un micro devant les dents, pour réfléchir.
Et pour cause. Tandis que « Soi » est une réalité dont la certitude de Descartes ne suffit pas à fonder le caractère matériel, et que Berkeley va jusqu’à se poser des questions sur l’existence de l’autre, pourquoi moi, moi, moi… moi le centre de gravité de l’univers, s’effacerait-il au lieu d’envoyer bouler tous les autres ?
Il se trouve tout simplement que le « Penser à soi », ça n’existe pas ; penser à soi est penser à autre chose, peu importe quoi et nous serions bien avisés de « Penser par nous-mêmes », naturellement.
Carlos Gravito
Un projet pour le café philo des Phares.
Bonjour,
Voici quelques précisions sur la démarche initiée il y a quelques semaines :
- L’objectif est de redévelopper un PROJET pour les Phares et de le mettre en œuvre.
- La méthode de la phase initiale était certes autoritaire mais justifiée par l’urgence d’un arrêt programmé du débat, et par la difficulté à faire évoluer les choses rapidement dans le contexte actuel. Je n’ai pas vocation à garder cette posture autoritaire au-delà de la mise en œuvre effective de l’évolution, c’est-à-dire quelques mois. Je resterai néanmoins bien présent dans le nouveau dispositif.
- Voici les étapes : la phase initiale laisse maintenant place à la phase d’élaboration du projet (principes et objectifs). Elle comprend notamment la consultation des animateurs historiques, des participants (en septembre), et d’animateurs ou d’observateurs extérieurs, invités, etc. Parallèlement, seront redéfinies les modalités (avec quels moyens, avec qui, etc.). Enfin nous mettrons en place la nouvelle gouvernance des phares. Je souhaite que nous réalisions ces étapes avant fin 2011.
- En l’état actuel des consultations, voici les principes sur lesquels je travaille actuellement :
1 – Renforcer la spécificité et les enjeux de participation à un tel café philo pour les participants : les phares comme lieu symbolique de l’engagement de chacun dans le débat philosophique, très différent de la philo-spectacle des plateaux télé ou de la philo-consommation des conférences-débat.
2 – Un lieu de rencontre pour les animateurs et intervenants de « philosophie dans la cité » : les Phares comme point historique et de référence sur les cafés philo
3 – Un lieu d’expérimentation de formules variées de débats (a la manière de tel ou tel animateur, disputatio, débat autour d’une œuvre d’art, etc.) : les Phares comme lieu vivant de la mise en œuvre des variations de la formule du café philo. C’est selon ce principe-là qu’intervient l’idée d’ouvrir plus le planning. Cette ouverture n’est pas une fin en soi, et nous verrons bien à l’usage combien d’animateurs sont capables d’incarner des formules intéressantes. De manière transitoire, Gunter et moi organisons ce planning.
4 – La capacité à attirer et à retenir des participants variés : les Phares comme débat pouvant s’adresser à tous (âge, milieu, etc.)
Je continue de rencontrer tous ceux qui ont des propositions à formuler et je suis donc à la disposition de chacun.
Bien cordialement,
Pascal Hardy
De la part de Carlos
ents
Gunter says:
Exprès ou lapsus, Carlos ? La citation exacte : « …les visages sont plus importants… » Je mettrai, si j’en suis capable, notre échange dans la rubrique Dialogues puisqu’il ne concerne pas l »animation de pierreyves !
Débat du 19 Juin 2011: « Comment la pensée peut-elle s’établir ? », animé par Nadia Guemidi.
Revenu, tel Ulysse, d’un beau voyage, en mer, qui m’a tenu à distance de l’impétueuse bourrasque qui, le 5 Juin, a assolé, à terre, le Café des Phares (y provoquant un remue ménage propre à emporter tout ce qui n’était pas attaché à la colonne centrale de l’établissement et qui, après avoir dévasté le parterre des mimosas, renversé le bac des pensées et déraciné quelques roseaux pensants y a laissé un étrange air de mépris du public comme lorsque l’on éteint un mégot après avoir allumé une nouvelle cigarette), plein d’usage et de raison je m’y suis rendu le dimanche 19, afin de prendre part à la traditionnelle causerie.
Tel si je suivais Jonathan Swift, y revenant à la manière de Gulliver après un court voyage à Laputa, j’avais l’impression d’aborder l’île miroir de Lagado où, arrivés au sommet de la raison et de la sagesse, les intellectuels, qui voulaient faire profiter le peuple de leur brillant savoir lui enseignant la philosophie, ont fini par y perdre le bon sens, et les maîtres des lieux, sans s’apercevoir de la réalité des faits, prétendant offrir à la clientèle de belles innovations conduisaient les habitués à l’égarement.
Enfin. Sous bonne garde et la houlette de Nadia Guemidi, les coutumiers de la bavette dominicale se sont donc préparés à gober le sujet suivant, choisi par l’animatrice : « Comment la pensée peut-elle s’établir ? »
A son compte ? A la campagne ? Dans ses meubles ? En HLM ?
Pour démentir Alexis Carrel, d’après lequel on pense trop mais on observe peu, le côté floralies de l’assertion m’a fait subodorer qu’il s’agissait là de quelque chose pour Alain Baraton, chroniqueur du jardinage, qui conseille l’utilisation de la coccinelle dans la préservation de la Pensée (dont le nom botanique est « Viola ») des pucerons, charançons, cochenilles et autres insectes teigneux qui se cachent sous la face intérieure de ses feuilles y déposant leurs œufs. Voilà.
Ou s’agissait-il, dans l’énoncé, de l’activité psychique dont le but est la connaissance ? Dans ce cas, penser correspond à une opération immédiate de l’esprit qui, liée aux catégories de l’entendement ainsi qu’à ses représentations, vient de l’intimité même du sujet et, se confondant avec la faculté de juger, ne nécessite pas d’installation. Résultat: il y en a qui pensent comme leur boutique, d’autres pensent ce qu’ils disent, tandis que d’autres encore ne disent pas ce qu’ils pensent.
Bref. Etant donnée l’absence du lien d’un fil conducteur dans ce débat, on se serait cru sur une planète Shadok, où, pour établir une pensée, les Gibus devaient lui faire occuper une case, et impossible d’en installer une autre, si une troisième case ne se vidait pas ; en somme, ils ne pouvaient pas apprendre une chose sans oublier la première, ce qu’ils faisaient à l’aide de passoires et d’une langue gabuzomeuse où « ga » équivalait à « moi », « gaga » à « toi » et « gagaga » à « imbécile ». De cette façon, ils pensaient, pensaient, pensaient, car il vaut mieux penser, même s’il ne se passe rien, que risquer qu’il se passe quelque chose en ne pensant rien.
Carlos Gravito
« La révélation nous révèle que les visages sont plus inquiétants que les idées » (F. Hadjadj )!
« Le Livre de la Sagesse », un des livres de la Bible, se composant de deux parties: 1, l’éloge de la sagesse, 2, des réflexions sur les effets de cette sagesse dans le monde de l’idolâtrie, ‘l’autre, cet inconnu’, puis, 3, plus récent, moi: » Va savoir!, mon cher Gunter »!!!!